Jean-Claude Passeron
L'inflation des diplômes. Remarques sur l'usage de quelques
concepts analogiques en sociologie
In: Revue française de sociologie. 1982, 23-4. pp. 551-584.
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Passeron Jean-Claude. L'inflation des diplômes. Remarques sur l'usage de quelques concepts analogiques en sociologie. In:
Revue française de sociologie. 1982, 23-4. pp. 551-584.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1982_num_23_4_3604
Resumen
Jean-Claude Passeron : La inflation de los diplomas. Notas en el uso de algunos conceptos analógicos
en sociología.
El examen del concepto analógico de inflación de diplomas conduce aqui a una revista de las
investigaciones sociológicas de la educación que estudian la transformación de las relaciones que
existen entre fortunas escolares y fortunas de mobilidad social. Usando de un razonamiento sociológico
y basándose en el ejemplo del papel que desempenan los esquemas copiados de otras disciplinas se
propende aqui a ensetîar que estimula el uso de la analogia la investigation empirica tanto por su
adecuación como por su inadecuación con los fenómenos estudiados. Permite la adecuación reunir
sistematicamente una série de preguntas clásicas pero la diferencia que aparece entre la divulgación
de una rareza simbólica tal como la certificación por el titulo escolar y una inflación de especies
monetarias lleva a estudiar los efectos específicos de la devaluación del diploma en mercados
simbólicos. Lo analógico en el uso del concepto de « capital » cuando se lo aplica a la herencia cultural
о el del concepto de « mercado » cuando se lo utiliza para describir las transacciones imaginarias que
se operan en un mercado simbólico no discalifica esos conceptos como materia de formulación de
preguntas.
Zusammenfassung
Jean-Claude Passeron : Diplominflation. Bemerkungen zur Verwendung von einigen analogischen
Konzepten in der Soziologie.
Die Prüfung des analogischen Konzepts der « Diplominflation » ist hier der Leitfaden einer Ueberschau
der Forschungen in der Bildungssoziologie, die die Veränderung der zwischen den Schulerfolgs- und
den Sozialmobilitätschancen bestehenden Beziehungen zum Inhalt haben. Anhand dieses Beispiels der
Rolle, die innerhalb einer soziologischen Beweisführung die Schemata aus anderen Disziplinen spielen,
soil gezeigt werden, dass die Anwendung der Analogie die empirische Forschung ebensosehr durch
ihre Anpassungsfähigkeit wie durch ihre Nichtanpassungsfähigkeit an die untersuchten Phänomenen
stimuliert. Die Anpassungsfähigkeit der Analogie gestattet, systematisch eine Reihe von klassischen
Fragen untereinander zu verbinden. Der Unterschied, der jedoch zwischen der Verbreitung einer
symbolischen Seltenheit wie der Diplomierung durch ein Schulzeugnis einerseits und andererseits einer
Inflation von Geldwerten besteht, führt zur Untersuchung der spezifischen Auswirkungen der
Diplomentwertung auf symbolischen Märkten. Das Analogische in der Verwendung des Konzepts «
Kapital », angewendet auf das kulturelle Erbe, oder des Konzepts « Markt » zur Beschreibung von
Scheintransaktionen innerhalb eines symbolischen Marktes, macht diese Konzepte als Instrumente zur
Fragestellung nicht ungültig.
Abstract
Jean-Claude Passeron : Degree inflation. Comments on the use of some analogical concepts in
sociology.
An examination of the analogical concept of "degree inflation" is used in this article to direct a survey of
researches in the sociology of education which study the transformation of the relationships between
success at school and the probability of social mobility. The purpose of taking this example of the role
played in a sociological argument by schemas borrowed from other disciplines is to show that the use of
analogy can stimulate empirical research both by its adequacy and its inadequacy with regard to the
phenomena being studied. Adequacy enables a systematic linking of a series of classical questions, but
the difference which appears between the diffusion of a symbolic rarity such as certification through
academic degrees and the inflation of monetary currencies leads to a study of the specific effects of the
devaluation of degrees on symbolic markets. The analogical aspect of the concept of "capital" when
applied to the cultural heritage and the concept of "market" when used to describe the imaginary
transactions taking place on symbolic markets does not disqualify these concepts as instruments for
formulating questions.
Résumé
Jean-Claude Passeron : L'inflation des diplômes. Remarques sur l'usage de quelques concepts
analogiques en sociologie.
L'examen du concept analogique ď « inflation des diplômes » guide ici une revue des recherches en
sociologie de l'éducation qui mettent en rapport l'expansion des flux scolarisés avec le marché de
l'emploi ou, plus précisément, étudient la transformation des relations existant entre chances scolaires
et chances de mobilité sociale. En prenant cet exemple du rôle que jouent, dans un raisonnement
sociologique, des schemes empruntés à d'autres disciplines, on vise à montrer que l'usage de
l'analogie, dans le langage des sciences sociales, stimule la recherche empirique autant par son
adéquation que par son inadéquation aux phénomènes étudiés. L'adéquation permet de relier
systématiquement une série de questions classiques mais la différence qui apparaît entre la divulgation
d'une rareté symbolique telle que la certification par le titre scolaire et une inflation d'espèces
monétaires conduit à étudier les effets spécifiques de la dévaluation du diplôme sur des marchés
symboliques : persistance de l'attachement imaginaire à la valeur nominale, dévaluation institutionnelle
en cascade, dépérissement de l'illusion de la culture désintéressée. Ce qu'il y a d'analogique dans
l'usage du concept de « capital » lorsqu'on l'applique à l'héritage culturel ou dans celui du concept de «
marché » lorsqu'on l'utilise pour décrire les transactions imaginaires qui s'opèrent sur un marché
symbolique ne disqualifie donc pas ces concepts comme outils de formulation des questions.
R.
franc,
social..
XXI
II,
1982,
551-584
Jean-Claude
PASSERON
L'inflation
des diplômes
Remarques
sur
l'usage
de
quelques
concepts
analogiques
en
sociologie
*
I.
-
LES
SERVICES
D'UN
MOT
INADÉQUAT
Dans
la
langue
spontanée
comme
dans
la
langue
élaborée
des
théories
sociologiques,
on
a
pu
voir,
depuis
quelques
années,
s'imposer
l'expression
d'inflation
des
diplômes
pour
caractériser
l'effet
de
dévaluation
produit
par
l'accroissement
des
effectifs
scolarisés
sur
la
«
valeur
»
du
diplôme.
Dans
tous
les
pays
marqués
depuis
le
début
ou,
au
moins,
le
tournant
du
siècle,
par
une
accélération
de
la
croissance
des
flux
scolaires,
la
«
scolarisation
de
masse
»
s'est
en
effet
accompagnée
d'une
baisse
de
la
valeur
sociale
des
diplômés
:
le
phéno
mène
est
indiscutable,
que
l'on
mesure
cette
dévaluation
sur
le
marché
de
l'emploi
ou,
plus
généralement,
sur
les
différents
marchés
sociaux
les
titulaires
de
titres
scolaires
sont
amenés
à
les
faire
valoir.
Mais
par-delà
la
commodité
expressive
d'une
nomination
sténographique,
le
terme
d'«
inflation
»
nous
énonce-t-il
quelque
chose
qu'une
autre
formulation
ne
nous
livrerait
pas
?
Procure-t-il
à
la
sociologie,
par
les
déplacements
de
questions
qu'il
suggère
des
hypothèses
fécondes
?
L'inadéquation
qu'il
révèle
inévitabl
ement
à
un
examen
plus
attentif
suffit-elle
à
le
reléguer
dans
l'ordre
de
renonciat
ion
métaphorique
?
Ou
bien,
l'analogie
lointaine
qui
guide
ici
un
déplacement
de
concept
s'opérant
d'une
discipline
à
une
autre
ne
fait-elle
que
montrer
sous
un
fort
grossissement,
une
limitation
logique
inhérente
à
toute
formulation
conceptuelle
dans
les
sciences
de
l'observation
historique
?
En
ce
cas,
le
cher
cheur
gagnerait
sans
doute
à
être
moins
regardant
sur
la
nationalité
disciplinaire
ou
théorique
des
mots
qui
arment
son
interrogation
et
plus
attentif
aux
tâches
de
description
que
lui
impose,
par
ses
adéquations
comme
par
ses
inadéquations,
*
Une
première
forme
de
ce
texte
a
fait
logique
d'«
inflation
des
diplômes
»
appellerait
la
l'objet
d'une
communication
au
Colloque
d'Ur-
référence
systématique
aux
ouvrages
publiés
bino
«
Stratification,
mobilité
sociale
et
systèmes
dans
le
domaine
depuis
une
dizaine
d'années,
scolaires
»
(septembre
1980).
publiée
en
italien
in
Seules,
les
publications
procurant
les
résultats
F.
S.
CAPELLO.
M.
DEI.
M.
ROSSI
(eds).
empiriques
ou
les
cadres
théoriques
les
plus
uti-
L'immobiliui
sociale.
Bologna.
Il
Mulino.
1982.
les
au
raisonnement
sont
ici
mentionnées,
entre
Cette
revue
des
questions
posées
a
la
sociolo-
parenthèses,
par
le
nom
de
l'auteur
et
un
numero
gie
de
l'éducation
par
l'examen
du
concept
ana-
qui
renvoie
a
la
bibliographie
en
fin
d'article.
551
Revue
française
de
sociologie
le
caractère
nécessairement
analogique
des
conceptualisations
les
plus
générales
du
langage
sociologique.
On
tentera
ici,
pour
exemplifier
cette
thèse,
un
rapide
bilan
des
relations
sociales
que
le
schéma
de
l'inflation
ou,
si
l'on
préfère,
le
schéma
de
la
dévaluation
des
titres
soumis
à
croissance
inflationiste
-
schéma
emprunté
à
la
monnaie
-
permet
de
formuler,
de
tester
et
de
comprendre,
lorsqu'on
l'applique
analogiquement
aux
déterminants,
aux
mécanismes,
et
surtout
aux
effets
tant
économiques que
symboliques,
de
l'évolution
récente
des
systèmes
scolaires
dans
les
pays
européens.
Un
constat
et
un
langage
d'époque
La
concentration
de
l'attention
sur
la
baisse
des
rendements
professionnel,
financier
et
symbolique
du
diplôme
constitue
une
caractéristique
frappante
des
années
1970.
Après
s'être
exprimé,
dans
les
années
1950
et
1960,
dans
le
langage
conqué
rant
des
politiques
expansionnistes
de
l'éducation,
le
discours
dominant
sur
l'Ecole
tend
à
s'imprégner,
depuis
le
début
des
années
1970,
d'un
pessimisme
multiforme
(bit.,
4).
Conseillé
pendant
presque
vingt
ans
par
les
économistes
comme
«
l'investissement
»
le
plus
productif
d'une
stratégie
de
développement,
justifié
par
les
politiques
comme
l'instrument
décisif
de
l'égalisation
des
chances
sociales
des
individus,
mis
en
pratique
avec
persévérance
par
toutes
les
couches
sociales,
mais
surtout
les
plus
soucieuses
de
la
mobilité
sociale
de
leurs
enfants
(R.
Castel
et
J.-C.
Passeron,
15),
l'accroissement
du
«stock
d'éducation»
voit
aujourd'hui
son
intérêt
remis
en
cause
par
rapport
à
tous
ces
objectifs,
c'est-
à-dire
tant
en
ce
qui
concerne
la
production
des
qualifications
productives
que
l'égalisation
des
disparités
de
revenu
ou
la
maximisation
de
la
mobilité
sociale
(R.
Boudon,
6;
С
Jencks,
25).
D'où
toute
une
gamme
de
désenchantements
idéologiques
(d'intensité
varia
ble
selon
les
catégories
d'agents)
que
les
politiques
gouvernementales
ont
déjà
enregistrés
dans
leurs
choix
budgétaires
(J.-C.
Eicher
et
F.
Orivel,
20).
Cette
humeur
négative
est
assez
répandue
pour
faire
à
l'occasion
se
rencont
rer
dans
un
front
unique
technocrates
revenus
de
leur
prospection
du
«
capital
de
matière
grise
en
friche
»
et
contestataires
partisans
d'Illich.
Elle
est
en
tout
cas
éclatante
chez
les
usagers
les
plus
directs
de
l'institution
scolaire
(parents,
adolescents
scolarisés
ou
à
la
recherche
du
premier
emploi)
qui
rencontrent
à
chaque
détour
de
leur
biographie,
la
volatilisation
du
pouvoir
de
mobilité
sociale
ou
même
de
garanties
d'emploi
attaché
au
diplôme.
L'expérience
concrète
qu'ils
font
de
la
«
dévaluation
»
d'une
valeur
sociale,
longtemps
rare
et
efficace,
n'est
pas
en
l'occurrence
si
éloignée
des
constats
et
des
analyses
de
la
sociologie
de
l'éducation
qui,
fondant
ses
modèles
explicatifs
sur
l'écart
croissant,
créé
par
l'augmentation
en
volume
des
symboles
de
valeur,
entre
la
valeur
nominale
de
ces
symboles
et
leur
valeur
mesurée
dans
des
transactions
réelles,
se
réfère
bien
au
schéma
économique
d'une
inflation
monétaire
(R.
Boudon,
5,
6;
P.
Bour-
dieu,
8;
P.
Bourdieu
et
J.-C.
Passeron,
14).
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