La conscience morale

UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN
FACULTÉ DE THÉOLOGIE ET DROIT CANONIQUE
La conscience morale
– Pour une théologie et une pédagogie comme projet de libération –
(TOME II)
Promoteur : Monsieur Eric GAZIAUX Thèse présentée par
Eduardo Tadeu CRISTINO
en vue de l’obtention
du grade de docteur en Théologie
Louvain-la-Neuve
Février 2005

DEUXIÈME PARTIE
L’ANTHROPOLOGIE DE L’ÊTRE PLUS

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Introduction
L’itinéraire éthico-théologique que nous venons de parcourir confirme la conscience
en tant que noyau de l’existence humaine éthique ; certes, une conscience qui est « le centre le
plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où Sa voix se fait entendre »
(Gaudium et spes, 16), mais une conscience qui est également modeste, une « conscience
consciente » des limites qui la marquent, de sa condition historique et faillible, une conscience
morale qui ne peut être séparée de l’histoire de vie de l’homme, une conscience qui est
exercice, effort d’humanisation. Une conscience qui est « déjà là », mais une conscience qui
doit grandir, s’approfondir, se développer dans sa capacité de discerner – bien juger, bien
décider, bien agir – la voie par laquelle l’« humanité de l’homme » passe de sa condition de
possibilité à celle de réalité.
Les auteurs étudiés nous ont indiqué les caractéristiques de ce passage, comme, par
exemple, son caractère progressif et permanent. Nous ne pouvons nous en contenter ; la tâche
que nous nous sommes imposée dans ce travail est de les approfondir, c’est-à-dire de
comprendre la dynamique propre à ce passage ou au développement de la conscience et de la
sensibilité morale. Autrement dit, nous nous proposons d’analyser les éléments déterminants
de ce véritable processus de formation de la conscience au cours de l’existence.
À cet effet, il nous faut des éléments d’anthropologie qui nous aident dans la
compréhension de l’existence. Mais des éléments d’une anthropologie (philosophique)
compatible avec l’horizon théologique parcouru, autrement dit, d’une interprétation globale

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de l’existence humaine qui corresponde à l’horizon où la vie éthique est dynamique, appelée à
être créatrice pour être fidèle à sa propre condition morale.
Connaissant l’œuvre de l’éducateur Paulo Freire, nous pensons y trouver de tels
éléments. Si cet auteur est devenu célèbre grâce à sa méthode d’alphabétisation d’adultes, ce
qui nous intéresse avant tout dans sa pensée est l’anthropologie qui soutient son système
pédagogico-politique. À notre avis, il serait vain de chercher dans la pensée de Freire une
méthode pédagogique qui serait directement applicable à la formation de la conscience morale
– préoccupation d’ailleurs absente de ce travail.
Cependant, la théorie de la connaissance et la philosophie de l’éducation qui sont à la
base de sa méthode d’alphabétisation et plus globalement de sa visée de l’éducation, et qui
s’articulent dans une anthropologie conséquente ouvrent de riches perspectives pour notre
étude.
Dans cette partie du travail, nous chercherons à connaître les catégories freiriennes qui
pourraient nous aider postérieurement dans l’analyse de l’existence éthique « en état de
progression permanente ». Nous ne confronterons pas l’interprétation de Freire avec d’autres.
Nous songeons bien sûr aux nombreuses études sur le « développement moral » et
particulièrement à celles qu’ont produites Jean Piaget et Lawrence Kohlberg. La façon dont
ces auteurs procèdent, et qui donne, elle aussi, accès à de multiples aspects de la
problématique, doit ici être reconnue pour sa crédibilité, même si, pour notre part, nous la
laisserons à l’écart de notre investigation. Fondamentalement parce que les « stades du
développement moral » ne s’inscrivent pas dans l’horizon théologique que nous adoptons. Il
est évidemment toujours possible de faire dialoguer les auteurs. Mais ces auteurs – en
l’occurrence les théologiens et philosophes étudiés, d’une part, et les adeptes du
« cognitivisme moral », d’autre part – ne s’opposent pas, ils réfléchissent à des niveaux
différents.
Après une brève présentation de Paulo Freire et de son œuvre, nous nous pencherons
sur les catégories anthropologiques fondamentales qui, selon nous, soutiennent son projet
pédagogique. De cet itinéraire avec le penseur brésilien, nous retiendrons des éléments qui
nous aideront, dans la dernière partie de ce travail, à comprendre le développement de la

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conscience morale et de ses capacités à bien juger et à bien décider, d’une part, et, d’autre
part, à envisager des ouvertures pour un projet pédagogique moral.