CLUB FINANCE VALORISATION D’INVESTISSEMENTS ET D’ACTIONS PAR OPTIONS REELLES __________________________________________________ LES ETUDES DU CLUB N° 98 DECEMBRE 2013 VALORISATION D’INVESTISSEMENTS ET D’ACTIONS PAR OPTIONS REELLES __________________________________________________ LES ETUDES DU CLUB N° 98 DECEMBRE 2013 Etude réalisée par Monsieur Paul Badaro (HEC 2013) sous la direction de Monsieur Olivier Levyne Professeur à HEC Paris « Un nombre croissant de praticiens est désormais convaincu que les méthodes de valorisation traditionnelles par DCF sont inefficaces » Lenos Trigeorgis « L’approche par Options Réelles est extrêmement novatrice : elle permet de prendre en compte des incertitudes jusqu’alors non intégrées aux approches de valorisation classiques » Aswath Damodaran « La valorisation optionnelle est particulièrement performante dans le cadre de projets risqués ou fortement endettés » Mondher Bellalah « Alors que la valorisation par la VAN ou le TRI permet de savoir si un projet est rentable à t=0, la méthode optionnelle permet d’aller plus loin et de déterminer s’il vaut mieux investir maintenant ou plus tard dans le projet » Olivier Levyne 2 Table des matières I. Introduction II. Avantages et inconvénients de la méthode du DCF a. Revue des méthodes de valorisation traditionnelles i. Un vaste panel de méthodes ii. Méthodes analogiques iii. Méthode patrimoniale ou de liquidation b. Le DCF méthode reine ? c. Les limites du DCF i. Choix du taux d’actualisation ii. Approximations dans le calcul de la dette iii. Estimation de la volatilité des cash-flows III. Apports et limites de la méthode des options réelles a. Rappels sur la théorie optionnelle i. Le modèle binomial de Cox-Ross-Rubinstein ii. Le modèle de Black & Scholes iii. Merton : application d’un taux de dividende iv. Monte-Carlo et méthode historique b. Application aux Options Réelles : état de la recherche académique i. Merton : calcul du spread de crédit (1973) ii. Geske : payement de la dette par coupons (1977) iii. Brennan et Schwartz : prise en compte du coût de faillite (1978) iv. Leland : hypothèse du renouvellement de la dette (1994) v. Dixit et Pindyck : option à maturité infinie (1994) vi. Bellalah : prise en compte des coûts d’accès à l’information (2001) vii. Analyses complémentaires IV. Des cadres de valorisation multiples a. Valorisation d’investissements i. Valorisation de l’option de croître ii. Valorisation d’une mine d’or par une option d’achat iii. Valorisation d’une concession pétrolière par un portefeuille d’options iv. Valorisation de la flexibilité d’un investissement v. Valorisation de l’option de sortie d’une joint-venture 3 b. Valorisation d’intangibles : l’exemple des licences c. Valorisation de capitaux propres i. Volatilité de la valeur d’entreprise ii. Cash, minoritaires et associés iii. Valeur économique de la dette et risque de défaut iv. Application au risque de crédit v. Etude détaillée sur PSA-Peugeot Citroën V. Etude empirique sur l’ensemble du CAC 40 a. Méthodologie d’analyse des sociétés de l’échantillon b. Présentation des résultats i. Analyse de l’endettement et de la volatilité ii. Etude de la probabilité de défaut et du taux de recouvrement iii. Valorisation optionnelle classique iv. Valorisation par la Méthode de Leland c. Comparaison DCF/Options Réelles : tests statistiques i. Consensus capitaux propres vs. Méthode optionnelle classique ii. Capitalisation boursière vs. Méthode optionnelle classique iii. Consensus valeur d’entreprise vs. Méthode optionnelle classique iv. Consensus valeur d’entreprise vs. Méthode de Leland VI. Conclusion VII. Appendice 4 I. Introduction Le DCF est habituellement considéré comme la méthode reine dans les banques d’affaires et d’investissement. Toutefois, malgré des qualités indéniables qui permettent de surmonter les premières approximations des multiples, le DCF semble surtout adapté à des sociétés mûres et à faible probabilité de défaut. Comment expliquer sinon la capitalisation positive d’Eurotunnel en 1997, alors même que les cash-flows de l’entreprise étaient inférieurs à la valeur nominale de sa dette ? Comment alors prendre en compte correctement la probabilité de défaut des entreprises fortement endettées ou aux cash-flows fortement volatiles ? C’est dans ces situations que l’on perçoit l’utilité des méthodes de valorisation optionnelles. Comme expliqué par Bellalah à la fin des années 1990, période où ces méthodes ont commencé à prendre leur essor, la nouvelle économie est caractérisée par trois facteurs : - la flexibilité des investissements, c'est-à-dire la possibilité de les différer dans le temps, de les accroître avant terme si le contexte s’est amélioré, ou de les abandonner une fois lancés La subordination possible d’un investissement à la réussite ou à l’échec d’un autre et la possibilité de réutiliser les infrastructures à d’autres fins la volatilité des retours sur investissement, et la difficulté à les prédire de façon précise, notamment en raison de l’asymétrie des retours et de leur sensibilité à certains facteurs, parfois externes à la société ou à l’investissement On peut schématiquement diviser les incertitudes qui planent sur les entreprises et accroissent l’importance des options dites réelles : - l’incertitude macroéconomique, dans la mesure où les cash-flows sont généralement corrélés à la situation macroéconomique –au moins partiellement, en fonction de la cyclicité de l’activitél’évolution technologique, dans la mesure où la capacité des départements R&D et Stratégie notamment, à faire les bons choix dans le futur est bien souvent cruciale Ces incertitudes sont particulièrement marquées dans des secteurs tels que l’extraction de matières premières. Le choix de la méthode des Options Réelles est renforcé par la volatilité possible des cashflows futurs en raison de la corrélation des revenus et des cours des matières premières, difficiles à estimer. Cette méthode est également utile pour valoriser des investissements dans des industries à forts investissements dans la R&D –comme l’industrie pharmaceutique-, les start-up et les entreprises fortement endettées ou en difficulté, pour lesquelles la volatilité des cash-flows futurs laisse espérer des capitaux propres positifs à la date du remboursement de la dette, même si ce n’est pas encore le cas à la date de valorisation. 5 Les managers et les investisseurs comprennent intuitivement que la valeur d’un investissement dépend à la fois de l’état actuel de l’actif, et de la capacité de ses gérants à lui faire profiter des opportunités à venir. Ce deuxième point est essentiel dans le choix d’investissements en Private Equity par exemple. Pour faire la différence entre deux sociétés que les méthodes traditionnelles valoriseraient également, la capacité des managers à saisir les opportunités futures feront toute la différence, comme l’explique François-Xavier Mauron, directeur de participation chez Edmond de Rothschild Investment Partners. Les valorisations par Options Réelles donnent donc un cadre analytique pour modéliser de tels aléas. Ce mémoire se donne donc pour but de questionner les méthodes traditionnelles de valorisation des investissements (NAV, TRI) et des entreprises (DCF) en vue de prouver l’utilité des valorisations par Options Réelles dans le cadre de la finance d’entreprise. La littérature académique sur ce domaine s’est progressivement densifiée depuis les années 1990, allant jusqu’à rendre le sujet à la mode aujourd’hui. Toutefois, les études réalisées restent bien souvent peu appliquées à des cas réels, notamment en raison du grand nombre données nécessaires à collecter pour réaliser correctement le travail de valorisation. Nous avons donc tenté d’y remédier en combinant à nos analyses des exemples très proches de ceux auxquels peuvent faire face des directeurs financiers, des analystes actions ou des banquiers d’affaires. De plus, à la fin du mémoire se trouve une étude empirique, qui a pour but d’étudier les différences de valorisations traditionnelles et optionnelles sur l’ensemble des sociétés non financières du CAC 40 ayant une dette positive au 31/12/2012. II. Avantages et inconvénients de la méthode du DCF A. Revue des méthodes de valorisation traditionnelles i. Un vaste panel de méthodes Un rappel des différentes méthodes de valorisation d’entreprises permet de les classer en trois catégories : - Les méthodes partant des données comptables (Valeur de liquidation, Sum Of The Parts) Les méthodes analogiques, utilisant les données disponibles sur des sociétés comparables (multiples boursiers, multiples transactionnels) Les méthodes intrinsèques : DCF, DDM (notamment pour les banques) et Options Réelles, que nous décrirons ci-après Actif Net Réévalué Valeur de liquidation Sum of the parts (SOTP) Méthodes Intrinsèques DCF ou DDM Options Réelles Méthodes Analogiques Multiples boursiers Multiples transactionnels 6 Etudions brièvement les avantages, inconvénients et contextes d’utilisation des principales méthodes. ii. Les méthodes analogiques La méthode des multiples présente l’avantage de permettre la valorisation d’entreprises financières ou non financières à partir d’agrégats rapidement disponibles pour la plupart des sociétés, qu’il s’agisse de l’EBIT(D)A, de l’EBIT ou –plus rarement- du Chiffre d’Affaire pour les multiples de la valeur d’entreprise, ou du PER comme multiple de capitaux propres. Dans certains secteurs, d’autres multiples sont privilégiés, comme le PBR pour le secteur financier le multiple d’EBITDAR dans le secteur hôtelier ou tout secteur à fortes disparités d’intensité capitalistique, ou encore le multiple de clics pour les sociétés de vente en ligne. Cette méthode possède l’avantage d’être rapide et simple d’utilisation, moyennant souvent quelques ajustements comptables pour avoir des agrégats comparables. De plus, sur une longue période, on remarque que la valeur des entreprises à forte capitalisation tend à osciller autour de la moyenne de leurs multiples: une étude empirique de Deloitte Finance sur les sociétés du CAC 40 montre ainsi que le PER des grandes sociétés françaises oscille autour d’une valeur moyenne de 9,8 entre 1990 et 2010, validant la thèse d’un retour à la moyenne. Toutefois, l’utilisation de ce modèle comporte des présupposés forts, notamment des hypothèses de croissances égales pour les différentes sociétés de l’échantillon. Finalement, les multiples sont principalement utiles pour valoriser des sociétés appartenant à des secteurs matures, où les marges ne diffèrent pas trop d’un concurrent à l’autre. Autre défaut, les multiples transactionnels incluent une prime de contrôle très variable, mais pouvant dépasser 20% de la valeur d’entreprise, ce qui fausse grandement les calculs. La méthode des multiples n’est donc pertinente que dans de certains cas. En effet, il est rare de pouvoir trouver des comparables répondants à des critères de similarité de business model, d’intensité capitalistique, de géographie, de taille… Certains ouvrages tentent toutefois de développer des multiples alternatifs, qui prennent en compte les différentiels de croissance futurs, en particulier Damodaran on Valuation (Damodaran, 2006) et Valuation (McKinsey, 2010), donnant ainsi plus de sens aux multiples. On peut par exemple y trouver un multiple (appelé ‘value-driver’) plus évolué que les multiples classique, prenant en compte les retours sur capitaux nouvellement investis : Avec les notations suivantes : - où est le taux d’imposition normatif de la société : taux de croissance à long-terme du NOPAT 7 - : Retour sur les capitaux nouvellement investis dans la société Un autre multiple recommandé est le ratio PEG (price-earnings/growth), qui consiste à diviser le PER par le taux de croissance de la société afin de rendre comparables les résultats d’un échantillon où ce taux diffère. La valorisation d’une société y évoluant dans un secteur S sera alors la suivante : Où est le résultat net de la société y, est le PER sectoriel, et croissance respectifs de la société et de son secteur. et sont les taux de Une troisième méthode aboutissant à des résultats plus fins, est l’usage de régressions linéaires : la régression la plus courante est sans doute celle du multiple d’EBIT par rapport à la marge d’EBIT, dont la pertinence est empiriquement prouvée (R² souvent supérieurs à 70%), et qui permet d’inclure dans la valorisation les différences de rentabilité des entreprises de l’échantillon. Cette brève étude sur les méthodes analogiques a pour but de montrer que l’utilisation des multiples reste une approche approximative, mais qui peut être affinée grâce à des modèles intégrant des critères jusqu’alors propres aux DCF comme les différentiels de croissance futurs, les retours sur capitaux nouvellement investis, ou la rentabilité de l’entreprise à valoriser. iii. Méthode Patrimoniale ou de liquidation Cette approche consiste à évaluer chaque actif et passif de la société à sa valeur de marché ou à sa valeur d’usage. Elle repose sur le postulat selon lequel la valeur de l’entreprise correspond au moins à celle de son patrimoine. La valeur ainsi trouver peut être considérée comme une valeur plancher. Il convient donc de passer en revue tous les postes d’actifs et de passif ainsi que les actifs non inscrits au bilan et de les valoriser en valeur de marché ou valeur vénale Cette méthode prend en compte le fait que le bilan ne reflète pas exactement la réalité économique des actifs et des passifs, souvent inscrits à leur valeur historique. Dans la pratique, cette approche est particulièrement adaptée dans un contexte : - De liquidation ou de difficultés financières De valorisation de holdings, de banques et de sociétés immobilières De valorisation de sociétés détenant des actifs hors exploitation d’une valeur significative (immeubles, immobilisations financières) ou étant sur le déclin (ie. dégageant peu de profits ou de pertes) 8 Elle présente les avantages d’utiliser des informations facilement accessibles et de ne pas exiger le calcul (parfois aléatoire) du taux de financement (WACC), d’un taux de croissance à long-terme ou de prévisions à long terme. Cependant, cette méthode valorise les richesses accumulées par l’entreprise sans prendre en compte la création de valeur future de la société. Elle est donc inadaptée pour les sociétés en phase de lancement ou de redéploiement, et apparaît moins précise que la valorisation par DCF. B. Le DCF, méthode reine ? Le DCF est la méthode la plus couramment utilisée pour valoriser les sociétés non financières. Il présente plusieurs avantages par rapport à la méthode des multiples, en particulier d’adapter le modèle plus spécifiquement à chaque business plan, notamment en jouant sur le taux de croissance à l’infini Selon la méthodologie du département Valuation & Economics de PwC, la méthode DCF s’applique dès lors que : - La croissance de l’activité et des cash-flows n’est pas linéaire (ex : investissements lourds) Les multiples ne sont pas applicables (ex : échantillon pas assez large et représentatif) L’endettement de la société est significativement différent des sociétés du marché Ce dernier point est dû à une simplification de la formule de Hamada se désendettement du Beta, qui prend l’hypothèse que le Beta de la dette est nul, tout en négligeant le coût de faillite potentielle - ou ‘cost of financial distress’- pour les sociétés fortement endettées. Autrement dit, la méthode DCF s’applique particulièrement bien dans le cas où : - Les projections financières sont disponibles et cohérentes L’activité future est plus révélatrice de la valeur que les informations passées ou présentes (ex : lancement de nouveaux produits) La société évolue dans un secteur où il existe peu de sociétés comparables cotées ou peu d’acquisitions/cessions ont été observées L’activité est naissante (start-up) ou dans une phase de développement (rentabilité différente et prise en compte des investissements nécessaires) La méthode DCF permet d’appréhender les points suivants : - Les éléments fondamentaux de l’activité sont analysés (chiffre d’affaires, structure des coûts, rentabilité, valorisation de BFR) Les politiques d’investissement prévus sont prises en compte et corrélées avec la stratégie de l’entreprise (rentabilité future, capacité de production et dépenses à venir) Le différentiel de croissance entre l’entreprise et la croissance à long terme du secteur 9 L’usage du DCF apparaît donc comme globalement plus précis que les méthodes comptables ou analogiques, et extrêmement modulable en fonction de la société. C. Les limites du DCF Au vue de l’analyse faite au paragraphe précédent, nous remarquons que l’application de la méthode DCF est particulièrement délicate pour les cas suivants : - Entreprises en difficultés ou en cours de restructuration Entreprises cycliques Entreprises avec des actifs non utilisés ou sous-utilisés Entreprises à forte R&D ou possédant des brevets Sociétés Holdings Revenons à la définition du DCF pour faire ressortir les trois principaux écueils de la méthode : EV = t 1 FCFt E D où K k i.(1 ) t ED ED (1 K ) La valeur d’entreprise (EV) étant égale à la valeur des cash-flows futurs (FCF) actualisés au coût pondéré du capital ou WACC (K), nous pouvons relever les trois principaux écueils de cette méthode. i. Choix du taux d’actualisation Le calcul du WACC est assez subjectif car il repose sur plusieurs hypothèses assez fortes: - La prime de risque de marché (rm-rf) dépend de l’hypothèse faite sur le taux de croissance à l’infini des dividendes de l’entreprise étudiée Lorsque la société est cotée, le coût du capital peut utiliser comme Beta : o Le Beta historique de cette société (qui diffère entre autres en fonction de l’indice par rapport auquel on régresse, de la fréquence des données, et de la période considérée) o Un Beta sectoriel réendetté par la formule de Hamada (qui dépend également de l’échantillon de comparables utilisé) Cette formule, pourtant largement employée par les professionnels, prend toutefois l’hypothèse d’un Beta de la dette nul, ce qui s’avère être faux en général, comme le fait remarquer Didier Saintot dans sa thèse Beta de la dette et coût du capital, 2002. La formule complète est en effet la suivante : 10 - Enfin, les coefficients de pondération peuvent soit correspondre à une structure financière normative, soit être basée sur un calcul itératif. Dans ce cas, E dépend du calcul du DCF, ce qui crée une boucle dans le modèle et potentiellement une approximation. Un autre point de discorde provient de l’utilisation, communément admise par les praticiens, du CAPM pour déterminer le coût des capitaux propres. En 1992, Eugène Fama et Kenneth French avaient déjà développé un modèle à trois facteurs, permettant de prendre en compte la prime de taille et la différence de rendement entre actions de croissance et actions de valeur, en plus de la corrélation au marché capturée par le CAPM. Le coefficient de significativité (R²) est généralement bien plus élevé avec ce modèle, pour des sociétés de petite taille et/ou de rendement. D’autres modèles alternatifs ont également été développés depuis : une étude du 14 mars 2013, How did the Healthcare sector rob the Utilities ? écrite par Alexandre Champavere et Yann Aït Mokhtar, analystes quantitatifs chez Exane BNP Paribas, va même plus loin. Partant du constat qu’en régressant le rendement d’une société comme Essilor, pourtant liquide, par rapport à son indice de référence (le CAC 40), le coefficient de significativité (R²) ne valait que 29% sur deux ans, ils remettent non seulement en cause le choix du CAPM dans le calcul du taux d’actualisation, mais également des autres modèles de marché, faisant remarquer qu’une hypothèse sous-jacente de leur utilisation est que le rendement du marché explique en grande partie le rendement des actions le composant. Leur équipe a ainsi développé un modèle alternatif multifactoriel basé sur la corrélation des rendements d’actions à quatre facteurs : - Le taux EURIBOR 3 mois Les taux d’intérêts réels du pays en question, calculés à partir du rendement des obligations souveraines indexées sur l’inflation L’inflation, définie comme le différentiel de rendement entre les obligations souveraines de longue maturité et les obligations indexées sur l’inflation La volatilité implicite de l’EuroStoxx 50, mesurée par l’indice VIX Leurs résultats semblent pour le moment concluants, notamment pour les sociétés faiblement corrélées au marché, mais seul un recul plus important nous permettra de vérifier leur pertinence. En résumé, le choix du taux d’actualisation est extrêmement subjectif et peut fortement varier d’un analyste à l’autre, et les méthodes couramment admises ne sont pas a priori les plus précises pour l’estimer. ii. Approximations dans le calcul de la dette nette La valeur des capitaux propres (E) se définit comme la différence entre la valeur d’entreprise (EV) et la dette nette (D): E = EV - D 11 La dette nette est, de plus, simplement calculée comme la différence entre la dette financière brute et le cash (et équivalents), sans prendre en compte la maturité de la dette. Ainsi, pour une EV de 100, si une dette (actualisée) de 60 est à rembourser et que l’entreprise n’a pas de cash, les capitaux propres actuels seront estimés à 40, que la maturité de la dette soit de deux mois ou de vingt ans. La raison est que les praticiens approximent la valeur économique de la dette par sa valeur nominale (ie. bilancielle), ce qui est d’autant plus approximatif que la volatilité des cash-flows est élevée, que la structure financière est endettée, ou que la duration de la dette est importante. En d’autres termes, si la dette arrivait à échéance aujourd’hui, sa valeur économique serait effectivement égale à sa valeur nominale, mais si elle y arrivait dans dix ans, sa valeur économique serait égale à la valeur nominale actualisée sur dix ans à un taux reflétant le risque de défaut de l’entreprise. Ainsi, le risque de faillite n’est pris en compte ni dans la valeur de la dette déduite de l’EV pour trouver les capitaux propres, ni dans le calcul du WACC. Inversement, une société dont la valeur d’entreprise est supérieure au nominal de sa dette aura des capitaux propres négatifs, alors même que la probabilité que la relation s’inverse avant maturité de la dette est non nulle. De plus, lors des prévisions de cash-flows, le Gearing de la société est généralement supposé constant. Seuls les modèles LBO prennent en compte une diminution progressive de l’endettement. iii. Estimation de la volatilité des cash-flows L’approche par DCF sous-estime la volatilité des cash-flows. En effet, le WACC qui permet l’actualisation des cash-flows dépend du coût du capital estimé par le CAPM, qui ne prend en compte que le risque systématique et non le risque spécifique à l’entreprise, car il n’est pas rémunéré. C’est donc une volatilité inférieure à la volatilité totale (ie. Systématique et spécifique) qui est implicitement utilisée dans le calcul d’actualisation. Ainsi, en plus d’utiliser un taux d’actualisation imprécis par nature, d’un côté le DCF néglige le risque de défaut de l’entreprise avant maturité de sa dette, ce qui surestime la valeur de la dette nette et sousestime le WACC (en surpondérant le coût de la dette après taxes) et d’un autre, le DCF sous-estime la volatilité possible des cash-flows jusqu’à maturité de la dette. C’est ce dernier point qui explique la capitalisation positive de sociétés en difficulté alors qu’un DCF aboutirait sans doute à des valeurs d’entreprises supérieures à la valeur nominale de la dette de l’entreprise. Dans la théorie optionnelle, ce point est, au contraire, pris en compte : il correspond à la valeur temps d’une option d’achat européenne hors de la monnaie. 12 III. Apports et limites de la méthode des Options Réelles La méthode des Options Réelle utilise les apports de la théorie optionnelle « de marché » pour valoriser des investissements dans un cadre plus concret. A. Rappels sur la théorie optionnelle La théorie optionnelle est fondée sur une hypothèse d’arbitrage. Il existe en effet un lien entre les prix d’une option d’achat et d’une option de vente à la monnaie, et celui de leur sous-jacent. Il s’agit de la parité « call-put » : Les méthodes de valorisation d’options les plus répandues sont la méthode binomiale dite de Cox-RossRubinstein, utilisée encore aujourd’hui dans les salles de marchés pour valoriser certains produits structurés complexes, celle de Black & Scholes, popularisée en 1973, qui peut être interprétée comme le passage en temps continu du modèle binomial ainsi que celle de Merton, qui présente l’avantage d’inclure également la notion de taux de dividende, et enfin la méthode de Monte Carlo, qui simule un grand nombre de mouvements du sous-jacent sous l’hypothèse d’un mouvement géométrique brownien afin de calculer la valeur moyenne de l’option dans les différents scenarios. i. Le modèle binomial de Cox-Ross-Rubinstein La méthode binomiale est encore très largement utilisée par les praticiens car elle est capable de prendre en compte un nombre important de conditions pour lesquelles l’application d’autres modèles n’est pas aisée. Par exemple la méthode binomiale est utilisée pour les options américaines (celles-ci peuvent être exercées à tout moment) et les options des Bermudes (celles-ci peuvent être exercées à plusieurs moments). La méthode binomiale est mathématiquement relativement simple et peut être facilement programmée sur Excel. Bien que plus lente que la méthode de Black-Scholes, la méthode binomiale est considérée comme plus précise, particulièrement pour les options à long terme et les options sur titre versant des dividendes. La méthode binomiale utilise un cadre à temps discret pour retracer l’évolution de l’actif sous-jacent, via un arbre, pour un nombre donné de pas qui correspond au temps entre la date d’évaluation et celle de l’expiration de l’option. Chaque nœud de l’arbre est un prix possible du sous-jacent à un moment précis dans le temps. Le processus d’évaluation est itératif. On part du nœud final de chaque branche et ensuite on remonte jusqu’au premier nœud (date d’évaluation), où le résultat du calcul est la valeur de l’option. Le calcul de la valeur d’une option par cette méthode suit donc le processus suivant : 13 1. Création d’un arbre schématisant l’univers des possibles décrit par le sous-jacent, étape par étape 2. Calcul de la valeur de l’option au nœud final de chaque branche 3. Calcul régressif de la valeur de l’option à partir du nœud précédent, la valeur du premier nœud étant la valeur de l’option Réalisons pour illustrer notre propos deux valorisations d’options d’achat par méthode binomiale. Supposons pour cela que le taux sans risque au moment de la valorisation est de 5,0% Exemple de valorisation d’un call européen par la méthode binomiale 0 1 u d K p 100,00 75,42 2 3 4 5 1,15 0,90 100 0,73 115,00 87,89 90,48 55,89 132,25 102,05 104,06 66,18 81,87 38,59 152,09 118,08 119,66 77,96 94,15 46,79 74,08 23,68 FORMULE : C(0) = e^(-rt) . (p.C(1,u)+(1-p).C(1,d)) 174,90 136,19 137,61 91,39 108,28 56,34 85,19 29,75 67,03 11,71 201,14 156,62 158,26 106,63 124,52 67,38 97,97 37,08 77,09 15,52 60,65 3,57 6 231,31 179,65 182,00 123,90 143,20 80,05 112,67 45,81 88,65 20,43 69,75 5,14 54,88 0,00 7 266,00 205,59 209,29 143,41 164,68 94,49 129,57 56,06 101,95 26,67 80,21 7,39 63,11 0,00 49,66 0,00 8 9 305,90 234,79 240,69 165,44 189,38 110,88 149,01 67,95 117,24 34,44 92,25 10,63 72,58 0,00 57,11 0,00 44,93 0,00 351,79 267,63 276,79 190,30 217,78 129,45 171,36 81,57 134,83 43,90 106,08 15,29 83,47 0,00 65,67 0,00 51,67 0,00 40,66 0,00 10 404,56 304,56 318,31 218,31 250,45 150,45 197,06 97,06 155,05 55,05 121,99 21,99 95,99 0,00 75,52 0,00 59,42 0,00 46,76 0,00 36,79 0,00 Comme nous pouvons le lire à gauche du schéma, le prix d’une option d’achat à la monnaie sur un sousjacent de 100 avec une maturité de 10 et un couple (u ;d) = (1,15 ;0,9) est de 75,42€. Pour un taux sans risque donné, pas et prix d’exercice constant, on remarque que ce chiffre est positivement corrélé à une augmentation du nombre de périodes. 14 Exemple de valorisation d’un call européen sur un sous-jacent payant un dividende D à T=6 Il est également possible d’introduire l’hypothèse du payement d’un dividende, dans le modèle binomial. Dans l’exemple suivant, nous avons supposé que le sous-jacent émettra un dividende de 5 à T=6. Ainsi, la formule du calcul du sous-jacent doit être modifiée dans toutes les cases bleues de la colonne correspondant à T=6, les autres colonnes gardant les mêmes formules. Quant aux formules du calcul de l’option, elles restent également inchangées. 0 1 u d K D p 100,00 72,48 2 1,15 0,90 500 5,0 0,73 115,00 84,61 90,48 53,33 3 4 5 6 7 Dividende 5 FORMULE : S(6) = u.S(5)-5 132,25 98,39 104,06 63,30 81,87 36,41 152,09 114,00 119,66 74,74 94,15 44,29 74,08 21,92 174,90 131,64 137,61 87,80 108,28 53,52 85,19 27,67 67,03 10,49 FORMULE : C(0) = e^(-rt) . (p.C(1,u)+(1-p).C(1,d)) 201,14 151,55 158,26 102,63 124,52 64,22 97,97 34,65 77,09 13,98 60,65 3,03 226,31 174,00 177,00 119,45 138,20 76,52 107,67 43,02 83,65 18,50 64,75 4,36 49,88 0,00 260,25 199,28 204,77 138,45 160,15 90,57 125,05 52,93 97,42 24,30 75,69 6,27 58,59 0,00 45,13 0,00 8 9 299,29 227,75 235,49 159,91 185,28 106,53 144,91 64,48 113,15 31,63 88,15 9,01 68,49 0,00 53,01 0,00 40,84 0,00 344,18 259,79 270,81 184,13 213,08 124,59 167,65 77,75 131,12 40,72 102,38 12,96 79,76 0,00 61,97 0,00 47,97 0,00 36,95 0,00 10 395,81 295,81 311,43 211,43 245,04 145,04 192,80 92,80 151,70 51,70 118,64 18,64 92,64 0,00 72,17 0,00 56,07 0,00 43,40 0,00 33,44 0,00 Comme nous pouvons le lire à gauche du graphe, le prix du call est ici de 72,48€ contre 75,42€ dans le cas d’une option de même maturité sur un sous-jacent ne payant, pas de dividende. Méthode directe par la formule de Newton Il existe un moyen de calculer directement le prix d’un call avec les hypothèses précédemment exposées, et non par une méthode itérative : Pour cela, raisonnons par récurrence. Dans le cadre d’un arbre à deux étapes : Où R représente le taux sans risque. Ainsi : 15 Nous reconnaissons ainsi le développement de Newton d’ordre deux. Notons au passage que : En passant maintenant à un raisonnement à n étapes : Notons X le nombre de mouvements vers le haut (u). X suit une loi binomiale de paramètres (n,p). Soit a le nombre minimal de mouvements vers le haut tel que l’option soit dans la monnaie. Si k<a : Ainsi : Où et Si nous passons cette formule à sa limite, pour un nombre de périodes tendant vers l’infini, la loi binomiale tend vers une loi normale (F devient alors , fonction de répartition de la loi normale). Cela permet de comprendre le lien entre la méthode binomiale et la formule de Black & Scholes décrite ciaprès. ii. Le modèle de Black & Scholes Malgré ses nombreux avantages et notamment sa flexibilité, le modèle binomial requiert un grand nombre d’entrées. La méthode de Black & Scholes fournit un moyen alternatif de déterminer le prix d’une option. Les hypothèses principales du modèle sont, en l’absence d’arbitrage et en temps supposé continu : - Le prix du sous-jacent suit un mouvement géométrique brownien avec une volatilité et une dérive constante - La vente à découvert est autorisée sans contraintes - Le taux sans risque est constant et connu d’avance 16 - Il n’y a pas de coûts de transactions Les mouvements du sous-jacent suivent une loi normale (ie. son cours suit une loi log-normale) Lorsque le sous-jacent est une action, elle ne doit pas payer de dividende avant que l’option n’arrive à maturité Prenons les notations suivantes : - S, valeur actuelle du sous-jacent T-t, le temps qui reste à l'option avant son échéance (exprimé en années) K, le prix d'exercice de l'option r, le taux d'intérêt sans risque, , la volatilité du prix du sous-jacent Les calculs intermédiaires sont les suivants : - La valeur des options d’achat et de vente du sous-jacent à maturité sont les suivantes : - Option d’achat : - Option de vente : o o o o o N(.) étant la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite T-t étant le temps qui nous sépare de l’échéance de l’option S étant le prix du sous-jacent à t=0 K étant le prix d’exercice de l’option r étant le taux sans risque annualisé Remarquons au passage que N(d2) peut s’interpréter comme la probabilité que le sous-jacent soit dans la monnaie à maturité. Autrement dit, N(d2) est la probabilité que l’option soit exercée. Ce chiffre (ou plus précisément 1-N(d2)) aura une utilité lorsque nous appliquerons Black & Scholes à des Options Réelles (voir paragraphe IV-c-iii, sur le risque de défaut). 17 Sensibilité du prix du call au temps qui passe 35 30 25 27/10/2012 20 15/11/2012 15 30/11/2012 10 13/12/2012 5 0 80 90 100 110 120 130 Le graphe ci-dessus donne une idée du rôle du temps dans la formule de Black & Scholes. En effet ; chacune des courbe donne une idée du prix du call en fonction de sa maturité, tous les autres paramètres restant constants. Prise en compte d’un dividende discret Il est possible de prendre en compte un dividende discret dans la formule de Black & Scholes : Soit D le dividende estimé à - . Il nous faut suivre les étapes suivantes Actualiser le dividende à t=0 : Retrancher D’ de la valeur S du sous-jacent : Il suffit ensuite de calculer Black & Scholes avec F pour prix du sous-jacent. iii. Le modèle de Merton : introduction d’un taux de dividende au modèle de Black & Scholes La formule de Merton inclut quant-à-elle un taux de dividende (en pourcentage de la valeur de l’actif sous-jacent). Soit q ce taux de dividende : - De la même manière que pour le calcul d’un dividende discret, S se trouve ainsi modifié : - Les valeurs de d1 et d2 se trouvent ainsi modifiées dans la formule de Black & Scholes : 18 o o - Une fois ces calculs intermédiaires terminés, les valeurs des options d’achat et de vente associées sont les suivants : o Option d’achat : o Option de vente : iv. La méthode de Monte-Carlo et la méthode historique Pour les options comportant plusieurs sources d’incertitudes ou pour les options complexes (par exemple les options asiatiques) l’application de la méthode binomiale en « arbre » présente des difficultés et n’est pas optimale. Dans ces cas-là il vaut mieux utiliser la Méthode de Monte-Carlo. Cette méthode consiste à isoler un certain nombre de variables-clés et à leur affecter une distribution de probabilités (ex : loi Normale, loi de Poisson pour introduire des processus de saut…). Pour chacun de ces facteurs, un grand nombre de tirages aléatoires est effectué dans les distributions de probabilité déterminées précédemment, afin de trouver la probabilité d'occurrence de chacun des résultats. La méthode historique Un cas particulier de la méthode de Monte-Carlo est la méthode historique. Sa singularité vient du fait que les N processus générés sont les même que ceux des N dernières périodes observées. Elle part donc de l’hypothèse que la meilleure manière de prévoir le futur est de s’inspirer des mouvements passés. La méthode historique prend l’hypothèse que l’on peut approximer le mouvement du sous-jacent par un mouvement géométrique brownien et que les variations de cours sont normales (ce qui se rapproche de l’hypothèse de normalité de Black & Scholes) : Or le prix actuel du call sur ce sous-jacent peut être écrit comme: Soit, en remplaçant par son expression ci-dessus : 19 Ainsi, la valorisation d’une option financière par la méthode de Monte Carlo se fait de la façon suivante: - Simulation d’un grand nombre de lois normales centrées réduites pour générer des - Calcul des correspondants, puis déduction du payoff actualisé du call : o o - , dans un environnement risqué-neutre Le payoff actualisé du call vaut donc: Calcul de la moyenne de l’ensemble des résultats trouvés pour les valeurs du call : Application numérique : Nous avons réalisé des simulations de Monte-Carlo sur un échantillon de quinze sociétés du CAC 40. Nous avons calculé la volatilité historique entre le 01/01/2009 et le 31/12/2012. Et pris un échantillon de 500 simulations pour chaque société (basées sur les 500 dernières variations des cours ajustés des dividendes). Dans l’hypothèse d’une absence de payement de dividendes par ces sociétés avant maturité des options d’achat, nous avons calculé la valeur de ces options par la méthode de Black & Scholes ainsi que par les simulations de Monte-Carlo. Tableau comparatif des méthodes de B&S et de Monte Carlo : Valeur de l'option (€) Société Air Liquide Carrefour Danone EADS GDF Suez L'Oréal LVMH Pernod Ricard Publicis Renault Safran Saint Gobain Total Unibail Rodamco Vinci Moyenne Médiane Volatilité 24% 28% 42% 41% 94% 67% 55% 30% 34% 41% 101% 54% 47% 43% 41% B&S 10,7 3,3 8,7 5,9 4,8 26,6 27,9 12,1 7,1 7,3 11,7 6,2 6,9 29,9 6,0 Monte-Carlo 11,6 3,4 9,7 5,4 4,9 27,8 32,5 13,1 7,6 6,9 10,6 6,7 7,1 31,5 5,5 Différence 8% 3% 12% -8% 1% 5% 16% 8% 7% -6% -9% 8% 2% 5% -7% 3% 5% 20 Dans notre étude, la méthode de Monte-Carlo donne une valeur d’option en moyenne 3% supérieure à la valeur obtenue par Black & Scholes. En théorie, le résultat doit tendre vers zéro (par la loi des Grande Nombres) car la volatilité utilisée est la même dans les deux cas, la rapidité de la limite dépendant bien entendu du nombre de simulations et de sociétés dans l’échantillon. Ici, le résultat est non nul mais très faible, et seules deux simulations sur quinze donnent des résultats différant de plus de 10% en valeur absolue. B. Application aux Options Réelles : Etat de la recherche académique Dans cette partie, nous avons tenté de résumer les principaux avancements de la recherche académique sur la théorie des Options Réelles depuis les années 1970, en nous inspirant du cours d’Olivier Levyne. i. Merton : calcul du spread de crédit (1973) Merton considère les capitaux propres comme une option d’achat sur les actifs d’une entreprise, avec pour prix d’exercice la valeur nominale de ses dettes. Il décrit l’évolution de la valeur d’entreprise (ie. de ses actifs) selon l’équation différentielle suivante : dV (V C ).dt V .dz - étant le rendement espéré généré par l’entreprise - C représentant l’ensemble des payements aux actionnaires et créanciers (si positif) ou des nouvelles lignes de financement (si négatif) - ² représentant la variance des revenus de l’entreprise - dz étant un processus standard de Wiener Notons F la valeur économique de la dette et D son nominal. Si l’entreprise fait faillite, l’ensemble de la valeur d’entreprise revient aux créanciers. Supposons que le payement de la dette se fait entièrement à maturité. Ainsi : 1 2 2 2F F F V r.V . r.F 0 2 2 V t V F(V,) représentant la valeur économique de la dette t années avant sa maturité, nous avons : F(V,0) = min(V,D) F(V,)= V.(d1) – De-rt.(d2) Comme F = V – f, nous avons également : 21 F = V – [V.(d1) – De-rt.(d2)] = V. [1 - (d1)] + De-rt.(d2) = V. (-d1) + De-rt.(d2). V F D.e r d 2 . d1 . r D.e Soit d 1 V 1 D.e r ou . Alors: F D.e r d 2 . d1 r d d V D.e Cette formule nous permet d’exprimer le spread de crédit de la dette de l’entreprise. Notons R son rendement à maturité : F D.e R ou F 1 F e R et R . ln D D En conclusion : 1 1 R ln .e r d 2 . d1 d 1 1 1 R ln e r ln d 2 . d1 . d 1 1 R r ln d 2 . d1 . d Donc: R – r = spread = 1 ln d 2 . d1 . d 1 Cette formule de Merton nous permet donc d’exprimer le spread de la dette d’une entreprise en fonction de son nominal et de sa maturité moyenne, ainsi que de la valeur et de la volatilité des actifs de l’entreprise, et du taux sans risque au moment de la valorisation. ii. Geske : payement de la dette par coupons (1977) Un avantage de la théorie des Options Réelles par rapport au DCF est que le payement de la dette n’est pas supposé avoir lieu au moment de la valorisation, mais à un moment T fixé dans le futur, que l’on doit déterminer au mieux. 22 Toutefois, aucune entreprise ne se finance avec une unique ligne de crédits, qui plus est sans payement de coupons intermédiaires. C’est pourquoi en pratique, les praticiens choisissent la maturité moyenne de la dette de l’entreprise comme maturité de l’option, afin de se rapprocher au mieux de la réalité économique de l’entreprise. En 1977, Geske a cependant développé un modèle permettant de se rapprocher encore plus de la réalité : cette fois-ci, le payement de la dette n’est pas supposé survenir entièrement à sa date de maturité moyenne, mais se décompose en n-1 payements de coupons intermédiaires, puis du payement du nominal de la dette. La valeur des capitaux propres est alors considérée comme une option composée. Supposons, en effet que, au lieu d'être un zéro coupon, le service de la dette comporte 2 paiements. L'un au bout de 7 ans, l'autre au bout de 8 ans (comme les tranches A et B de la dette senior dans un LBO). Au bout de 7 ans : - Si la VE est inférieure au montant dû, les actionnaires abandonnent la société à ses créanciers qui se chargent alors de sa liquidation Si la VE est supérieur au montant dû, la société paie le montant dû. Elle exerce alors, au bout de 7 ans, l'option de poursuivre son activité qui lui permet, 1 an plus tard de disposer de l'option de poursuivre son activité au delà de 8 ans si la dernière échéance est honorée. En d'autres termes, les actionnaires disposent, aujourd'hui, d'une option sur l'option de réaliser le dernier paiement. Or la valeur économique des capitaux propres correspond à la prime de l'option d’achat des actifs ou de remboursement de la dernière échéance de la dette. Donc la valeur économique des capitaux propres correspond à la prime d'une option composée. La notion d'option composée est assez naturelle si l'on considère le cas de base d'un call sur action. En effet, la valeur des actions est celle d'un call sur les actifs de l'entreprise. Donc la prime du call sur les actions est celle de la prime du call sur le call sur les actifs. En d'autres termes : Option d’achat = e-r.max(0;S-E) = e-r.max[0;e(-r').max(0;EV-D)] A noter que t est différent de t' car la date d'échéance du call sur action est différente de la date d'échéance de la dette. Geske a donc obtenu une formulation de la prime du call sur call (ou de l'option composée) dont la formule de Black and Scholes est un cas particulier. 2 1 S V D t t* T 23 Concrètement, à t=t*, l’actionnaire exercera son option si et seulement si l’option est dans la monnaie (ie. St*>K). Comme la valeur des capitaux propres (S) dépend de la valeur d’entreprise (V), une telle situation n’arrive que si V est supérieur à une valeur V* correspondant à la valeur d’entreprise telle que S K 0 . Autrement dit, les actionnaires payent K à t=t* si, à cette date, V>V* pour garder la possibilité de payer M à t=T. Dans ce cas : C V .N (a1 , b1 , ) D.e r 2 .N (a2 , b2 , ) K .e r1 .(a2 ) ln( où a1 b1 ln( 2 V ) (r V ). 1 V* 2 , a2 a1 V . 1 , 1 2 V . 1 V 2 ) (r V ). 2 D 2 et b2 b1 V . 2 V . 2 N(.) et étant respectivement les fonctions de répartition des Lois Normales bivariée et monovariée (simple). . iii. Brennan et Schwartz : prise en compte du coût de faillite (1978) Brennan et Schwartz ont apporté une amélioration à la Théorie de la structure capitalistique de Modigliani et Miller (1963), en introduisant un coût de faillite. Supposons que la valeur d’entreprise de la société désendettée (U) suive un mouvement géométrique brownien : , dz étant un processus de Wiener. La valeur d’entreprise de la société endettée (V) est une fonction de U et de la maturité (T) de sa dette : . Nous en déduisons donc l’équation aux dérivées partielles suivantes: A la maturité T de la dette : , si 24 , si où C(U) correspond au coût de faillite si l’entreprise fait défaut Notons et actionnaires : les instants précédant et suivant le payement d’un montant d de dividendes aux Considérons maintenant le payement d’un coupon iD et un taux d’imposition de , où correspond à l’augmentation de capital nécessaire pour restaurer la valeur d’entreprise de la société endettée après le payement du coupon. Le développement de cette formule et la simplification par iD aboutit à la formule suivante : Si le dividende et le coupon de la dette sont payés le même jour : Finalement, en prenant en compte le coût de faillite C(U) : si si Ces deux formules correspondent aux contraintes à prendre en compte pour résoudre l’équation aux dérivées partielles précédente. Il n’existe pas de solution directe à l’équation, à moins de prendre une hypothèse supplémentaire (cf. paragraphe suivant). C’est pourquoi Brennan & Schwartz préconisent l’usage d’une résolution numérique de proche en proche, pour déterminer le levier optimal d’une entreprise. iv. Leland : hypothèse du renouvellement de la dette (1994) Leland a résolu l’équation aux dérivées partielles de Brennan et Schwartz sous l’hypothèse que la dette renouvelle sa dette à perpétuité, c'est-à-dire que sa structure capitalistique est viable à long terme, et qu’elle la maintiendra. Cela revient à supposer nul le risque de défaut et à supprimer la valeur temps des capitaux propres (en tant qu’option d’achat sur la valeur d’entreprise). Soit V la valeur d’entreprise et C le coupon payé : 25 1 2 2 2F F V V r.V . r.F C 0 2 2 V t V Cette équation se simplifie légèrement si nous tenons compte de l’absence de valeur temps de la valeur d’entreprise. 1 2 2 2F F V r.V . r.F C 0 2 2 V V Ou plus simplement, dans la mesure où toutes les dérivées se font par rapport à V: 1 2 2 V F ' ' (V ) r.V .F ' (V ) r.F (V ) C 0 2 La résolution d’une telle équation requiert dans un premier temps de résoudre l’équation homogène associée : 1 2 2 V F ' ' (V ) r.V .F ' (V ) r.F (V ) 0 2 Dans ce cas, les solutions de l’équation caractéristique sont les suivantes : 1 1 1 4 r 2 (r . 2 ) 2 2.r. 2 r 2 r 2 r 2 2.r. 2 2 2 4 1 = 2 = 2 2 1 2 2 1 2 2 2 r r r (r ) 2 2 2 2 = 1 1 = 2 2 2 = 1 1 1 4 r 2 (r . 2 ) 2 2.r. 2 r 2 r 2 r 2 2.r. 2 2 2 2 4 2 = = 2 2 2r 2 La solution de l’équation homogène est donc : F(V) = A1.V 1 A2 .V X où X 2r 2 . En prenant en compte le coupon (C), la solution générale de l’équation est : 26 F(V) = A0 A1 .V 1 A2 .V X Les constants (A0, A1 et A2) étant déterminées par les contraintes. Notons la fraction de la valeur d’entreprise perdue en cas de faillite. Dans ce cas, il reste ).VB aux créanciers et 0 aux actionnaires, VB étant la valeur d’entreprise si la faillite est déclarée. La valeur de la dette D(V) est donc égale à : (i) (1-).VB si V= VB (ii) C/r lorsque V tend vers l’infini. Ce sont les deux conditions nécessaires pour résoudre l’équation. De plus, si V tend vers l’infini, V X =0 donc (ii) implique A1 0 . En revenant à la condition (i) Ainsi, A2 (1 ).VB VB X C r C A2 .VB X (1 ).VB r C C V et D(V) = (1 ).VB . r r V B X Concernant les coûts de faillite (BC): (i) (ii) si V=VB si V tend vers l’infini X Or, lorsque V tend vers l’infini, V-x=0, donc A0=0 et A1=0. De plus, d’après (1), A2 .VB .VB . V Donc A2 . . BX VB V et BC (V ) .VB . VB X Concernant les économies d’impôt (TB): (i) si V=VB (ii) si V tend vers l’infini Comme lorsque V tend vers l’infini, V X =0 donc la condition (ii) impose A0 De plus, d’après (i,) .C r .C r et A1 0 . A2 .VB X 0 . 27 .C Ainsi, A2 r X VB .C V et TB(V ) . r r V B .C X Finalement, la valeur d’entreprise (EV) vaut, en prenant en compte les coûts de faillite et les économies d’impôts : .C V 1 EV = V + TB(V) - BC(V) = V + r VB X V - .VB . VB X Et la valeur des capitaux propres, E(V) = EV – D(V) .C V 1 Donc E(V) = V + r VB X V - .VB . VB C C V E(V) = V - (1 ). (1 ). VB . r r V B X C C V - (1 ).VB . r r V B X X De plus, l’expression de la valeur d’entreprise met en évidence que la valeur des actifs est maximisée en minimisant VB, en supposant que ce n’est pas imposé par un covenant. La valeur de VB permettant de maximiser la valeur des capitaux propres est telle que dE (V ) C V = 1 X .(1 ). VB . r dV VB Pour V= VB: 1 1 X 1 . dE (V ) =0 pour V= VB. dV 1 =0 VB 2r C 1 . (1 ). VB . 0 2 r VB 2r C C 2 2r C 1 . ( 1 ). V . 0 ( 1 ). 1 .(1 ). 1 1 B r r.VB 2.r r.VB 2 2 VB Et Ainsi, VB est indépendant de V et . De plus, si r, ou augmentent, VB diminue; si C diminue, VB diminue également. 28 v. Dixit et Pindyck : option à maturité infinie (1994) Dixit et Pindyck ont propose une méthode de valorisation de l’option d’investir dans un délai indéterminé (ie. pour une maturité t = +∞). Le moment d’investir jugé opportun est atteint lorsque la somme des cash flows (ie. la valeur d’entreprise V) atteignent une valeur critique, que nous allons déterminer. Supposons que V décrive un mouvement géométrique brownien : dV = .V.dt + .V.dz étant le taux de croissance espéré de V et sa volatilité A ce niveau, le montant I de l’investissement est supposé fixe. Notons V* la valeur critique de V. Soit le rendement de l’action si elle ne payait aucun dividende et ce taux : Cette option est une option d’achat américaine sur les actifs V avec pour prix d’exercice I. Si l’option est exercée, l’entreprise – qui possède l’option- paye I et reçoit V (ie. NPV = V – I). Notons F le premium de l’option infinie. Par définition, F ≥ V-I soit F + I ≥ V, autrement dit le call n’est exercé que si le coût du projet (investissement + premium de l’option infinie) est supérieur à la valeur des cash-flows actualisés. Le call est exercé lorsque F(V) = V-I pour V=V*. Graphiquement, cela arrive quand la courbe de F (en bleu) touche la courbe non continue (en noir) qui représente le NPV. F F(V) V-I V*-I I V* V La lecture graphique nous aide à intuiter les trois conditions à remplir : (i) F(V*) = V* - I 29 (ii) (iii) F’(V*) = 1, car la droite de NPV (de pente 1) est tangente à la courbe de F F(0) = 0, car si V = 0, le projet doit être abandonné immédiatement et le premium de l’option est nul L’équation aux dérivées partielles de l’option (F) avec pour sous-jacent V est la suivante : (r ).V . F 1 2 2 2 F . V . 2 = rF V 2 V 1 2 2 . V .F " (V ) (r ).V .F ' (V ) - r.F(V) = 0 2 Si l’équation a une solution du type V, l’équation caractéristique est la suivante : 1 2 2 . V . .( 1).V 2 (r ).V . .V 1 - r. V = 0. 2 Soit, en divisant par V 1 2 . .( 1) (r ). - r = 0. 2 1 2 2 1 . (r . 2 ). - r = 0 2 2 1 2 Le discriminant vaut : = (r . 2 ) 2 2.r. 2 1 r 2 2 1 = 2 1 r 2 2 2 = 2 Le produit des racines d’une équation de la forme ax2 + bx + c = 0 valant 1 . 2 = c : a r < 0 donc 1 > 0 et 2 < 0 (car 1 > 2 ) 1 2 . 2 Supposons pour simplifier que 1 > 1 (ce qui peut être prouvé) 30 La courbe représentative de fonction f( ) = 1 2 2 1 . (r . 2 ). - r est une parabole telle 2 2 que : f(0) = - r et f(1) = - < 0, étant positif f( ) 2 - 1 1 -r Selon ce graphe, f(1) est négatif si 1 > 1. La forme générale du résultat de l’équation aux dérivées partielles est la suivante : F = A. V 1 + B. V 2 Comme F(0) = 0, 1 > 0 et 2 < 0. Il est donc nécessaire que B = 0 Ainsi : F = A. V 1 De plus, comme F(V*) = V* - I et F’(V*) = 1 : V* 1 A. V *1 = V* - I A. 1 . V *1 1 = 1 = V* - I soit V*( 1 1 1) - I ie. V*( 1 1 ) I 1 En conclusion: (valeur critique) (facteur multiplicatif dans la formule de la prime) 31 vi. Bellalah : prise en compte des coûts d’accès à l’information (2001) Comme noté par Merton en 1987, le taux d’actualisation des cash-flows futurs doit être cohérent avec son modèle de marché à l’équilibre dans un monde où l’information est incomplète. Bellalah a donc cherché à transposer ce modèle pour valoriser des Options Réelles. Le modèle de Merton du marché à l’équilibre (CAPMI, ou CAPM étendu) : La formule complète développée par Merton pour tenir compte du coût d’accès à l’information est la suivante : Où les notations sont les suivantes : - : rendement espéré de l’actif S - : rendement espéré du marché - : beta de S par rapport au marché sur la période d’étude - : coût d’accès à l’information de l’actif S - : coût d’accès à l’information moyen des actifs du marché Si nous simplifions la formule sous l’hypothèse que standard développé par Sharpe en 1964. , nous retombons sur le CAPM Impact sur les Options Réelles Supposons comme précédemment que l’actif sous-jacent suit un mouvement brownien : D’après le Lemme d’Ito : Le changement de valeur du portefeuille (W) est donc le suivant : 32 Le portefeuille devant rapporter le taux sans risque majoré du coût de l’information : Nous en déduisons donc : Bellalah a donc développé l’équation suivante pour valoriser certaines Options Réelles : b représentant le coût de portage de l’actif sur une unité de temps. La valeur d’une option d’achat européenne sur cet actif est alors la suivante : Avec et Avec N(.) la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite Lorsque et , cette formule est égale à Black & Scholes. Bellalah a donc développé une extension de la formule de Black & Scholes prenant en compte la difficulté d’accès aux informations sur une entreprise. Les paramètres supplémentaires restent toutefois très complexes à estimer, c’est pourquoi cette formule reste rarement employée en pratique. vii. Analyses complémentaires Pour qu’une option ait une valeur économique significative, il est nécessaire que le marché dans lequel opère l’entreprise soit imparfait. En effet, dans un marché à concurrence pure et parfaite, nulle opportunité ne permet de générer de la valeur. Cette situation est bien sûr théorique, mais il est utile de la rappeler dans la mesure où plus une entreprise aura la capacité à avoir l’exclusivité sur un produit/un marché, plus ses options – et donc cette entreprise- auront de la valeur. 33 Par exemple, un marché à fortes barrières à l’entrée et où les produits de substitution sont difficiles à développer sera plus susceptible de valoriser fortement des options réelles. Prenons trois exemples pour illustrer notre propos : La valorisation d’un brevet sur un médicament dépendra notamment de : - La capacité du laboratoire à revendiquer l’exclusivité sur le produit La capacité des concurrents à des médicaments différents traitant la même maladie La valorisation d’une mine ou d’un puits de pétrole dépendra notamment de : - La rareté des ressources extraites Le coût et le temps de développement de nouvelles réserves La valorisation d’une capacité d’expansion sur de nouveaux marchés ou du lancement de nouveaux produits dépendra notamment des barrières à l’entrée sur ces nouveaux segments (un exemple de forte barrière à l’entrée serait le secteur des opérateurs télécom, où le gouvernement garantit l’exclusivité des droits). Valorisation des capitaux propres En ce qui concerne la valorisation des capitaux propres, les graphes ci-dessous illustrent la différence entre les méthodes par DCF et par Options Réelles : alors que la méthode traditionnelle du DCF exclue toute variation possible de la valeur d’entreprise avant maturité de la dette, la méthode optionnelle cherche à introduire cette éventualité dans le modèle. 140 120 120 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 EV Dette Nette + CP EV T = duration de la Dette Nette EV future Dette Nette + CP Quelques mises en garde concernant l’utilisation des valorisations optionnelles Comme l’a fait remarquer Damodaran, il existe plusieurs écueils à l’utilisation des Options Réelles. Nous avons tenté de recenser les principaux : 34 - - Le sous-jacent n’est pas toujours côté, ce qui rend complexe l’estimation des paramètres Lorsqu’il est coté, le sous-jacent n’est pas nécessairement liquide et a fortiori ne suit pas une cotation en temps continu. Dans ce cas, le modèle risque de sous-estimer la valeur d’options fortement hors de la monnaie (S<<K). Il existe deux solutions pour tenter d’y remédier : Surestimer la volatilité pour des options fortement hors de la monnaie, et sous-estimer la volatilité pour les options fortement dans la monnaie Employer des simulations de Monte-Carlo autorisant des sauts (via des lois de Poisson par exemple) La variance est supposée connue et constante durant toute la durée de vie de l’option, ce qui est peu vraisemblable lorsqu’on valorise des projets de long-terme L’exercice de l’option est instantané : dans le cadre de la modélisation d’une concession pétrolière par Options Réelles par exemple (voir paragraphe IV-a-iii), l’arrêt de l’exploitation ne peut pas être instantané, et répond bien souvent à une logique plus complexe que celle modélisée par un modèle de Black & Scholes. Prise de recul par rapport à la loi normale Les Options Réelles reposent sur l’hypothèse forte que la valeur d’entreprise suit un mouvement géométrique brownien. Comme expliqué par le mathématicien Benoît Mandelbrot ou plus tard par Nassim Nicholas Taleb dans la Théorie du cygne noir (2007), la validité de la formule de Black & Scholes peut être remise en cause. L'une des critiques est que la distribution normale sous-estime les événements "improbables" comme les crises ou les krachs alors qu'ils sont finalement beaucoup moins rares que cette loi ne le prévoit. Même s’il est en théorie possible de corriger ce problème par la prise en compte de la convexité de la volatilité, l’usage de la formule de Black & Scholes apparaît plus pratique et réaliste en pratique, notamment pour valoriser des Options Réelles, pour lesquelles nous disposons de peu d’informations. Ainsi, l’hypothèse d’un mouvement géométrique brownien nous paraît malgré tout être l’approximation la plus réaliste du mouvement de la plupart des sous-jacents réels. IV. Des cadres d’utilisation multiples L’utilisation des techniques de valorisation optionnelles peut être élargie à une palette d’investissements bien différente des simples options financières sur actions. Pour cela, la méthode la plus adaptée semble être la formule de Black & Scholes, que ce soit sous sa forme simple, ou avec un taux de dividende (formule de Merton). Tout d’abord, la plupart des décisions d’investissement peuvent être perçues comme optionnelles. Prenons l’exemple d’une société subordonnant son entrée sur le marché Sud-Américain au succès de son 35 entrée sur le marché mexicain dans les trois prochaines années : son investissement ne sera effectif que dans le cas où la valeur (estimée) des cash-flows générés par son entrée sur le marché Sud-Américain sera supérieur à ses coûts, au moment de la décision (la maturité de l’option correspondant ici à trois ans, et la volatilité du sous-jacent intégrant l’incertitude dans l’estimation des cash-flows à venir). Ce type d’option s’applique également aux investissements pouvant être décalés dans le temps, accrus ou diminués en fonction de facteurs externes, ou encore aux investissements dont seul le coût est bien connu, mais dont les revenus futurs sont extrêmement difficiles à estimer avec précision (mine d’or, puits de pétrole…). C’est pourquoi cette technique de valorisation est extrêmement utilisée dans les industries minière et pétrolière. Un autre domaine d’application des options réelles est la valorisation d’intangibles, et en particulier des brevets. En effet, un brevet peut être vu comme l’option de produire et de vendre un produit avec une exclusivité, pendant une période donnée. C’est ce qui explique que les grands laboratoires pharmaceutiques utilisent également cette technique, pour valoriser leurs brevets, dont la valeur représente souvent une part importante de leur valeur d’entreprise. Le troisième domaine d’application majeur de la théorie des options réelles est la valorisation des capitaux propres d’une entreprise. En effet, les capitaux propres peuvent être vus comme une option sur la valeur d’entreprise avec pour prix d’exercice le nominal de la dette. Cela vient du fait que les actionnaires sont payés après les créanciers de toutes sortes, et donc que leurs revenus sont soit nuls (si la valeur d’entreprise ne suffit pas à payer les créanciers) soit égale à EV-D (si l’entreprise génère suffisamment de cash-flows). Cela correspond bien au payoff d’une option d’achat à maturité. La valorisation optionnelle diffèrera de la valorisation par DCF dans la mesure où elle prendra en compte la valeur temps de l’option, c'est-à-dire le fait que la maturité de la dette est non nulle. C’est pourquoi les sociétés fortement endettes, en difficulté ou aux revenus fortement volatiles sont parfois valorisés de cette manière par les professionnels. Ce sont ces trois types de cas que nous allons développer successivement dans les paragraphes suivants. A. Valorisation d’investissements i. Valorisation de l’option de croître L’approche optionnelle d’un investissement permet de refléter plus finement les possibilités ouvertes : 36 Option d’accroître 0,5 0,5 500 - 600 0,5 0,5 0,8 600 0,2 100 500 - 600 STOP Option d’arrêter Investissement dans un pays A Investissement dans un pays A puis dans un pays B Considérons une société qui peut choisir d’investir dans un pays A (schéma 1) avec un NPV de -50 M€ (<0). Si cet investissement est un échec, l’entreprise se retire de la zone. Si l’investissement est au contraire un succès, il investira davantage dans le pays, et génèrera un NPV de 500 M€. Cette approche donne donc une valorisation de l’investissement égale à 200 M€ (>0) : Grâce à cette approche plus fine, l’investissement sera réalisé. Bien entendu, cet exemple est simplificateur, mais il a pour but de montrer l’intérêt qu’une telle approche peut avoir pour une direction financière dans un choix d’investissement. L’option d’accroître cumulée à une option de stopper l’investissement est donc valorisée à 150 M€. ii. Valorisation d’une mine d’or par une option d’achat La valorisation d’un investissement par le calcul de sa VAN (Valeur Actuelle Nette) -ou de son TRI (Taux de rendement interne)- permet de savoir si un projet donné est rentable ou non à t=0. La méthode des options réelles permet d’aller plus loin et de déterminer s’il vaut mieux investir maintenant ou plus tard dans un projet. Les cash-flows futurs de l’investissement peuvent donc être modélisés par la fonction , ce qui correspond au payoff d’une option d’achat européenne sur l’actif sous-jacent, avec les paramètres suivants dans la formule de Merton : - S : valeur actualisée des revenus futurs du projet E : coût de l’investissement : volatilité des revenus futurs : durée de l’investissement r : taux sans risque 37 - : taux de dividende du projet (dont nous préciserons le calcul ci-après) Tentons de valoriser une mine d’or ayant les caractéristiques suivantes : - La capacité d’extraction annuelle est de 50.000 onces/an La durée d’exclusivité des droits d’exploitation est de 10 ans Le prix actuel de vente d’une once d’or est de 1690€ Le coût du capital de l’exploitation minière est de 9,0% (moyenne sectorielle) Le chiffre d’affaires est donc estimé à 845 M€. Etude des coûts : - Coût fixe d’ouverture de la mine 200 M€ - Coût variable de production : 700€/once d’or Le total des coûts est donc de 550 M€ sur les 10 années d’exploitation. Il est également nécessaire d’introduire un taux de dividendes (formule de Merton) afin de tenir compte de la perte d’opportunité si jamais l’exploitation n’est pas exploitée. Cette perte est de 10% car chaque année, un-dixième de l’opportunité d’exploitation est perdue (ie. Cours de l’once d’or de 1968 à 2013 (en €) 2000 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0 38 Moyenne lissée de la volatilité de l’or sur une période croissante, de 1 an à 40 ans 24% 22% Volatilité 20% 1 an 3 ans 5 ans 10 ans 25 ans 40 ans 18% 16% 14% 12% 10% 14,2% 16,7% 22,3% 19,8% 15,7% 20,5% Grâce à l’étude historique présentée ci-dessus, nous avons choisi d’estimer la volatilité moyenne annualisée des revenus de l’exploitation à 19%, pour les dix prochaines années (maturité de l’option). Valorisation d'une mine d'or Hypothèses S K T r discret r continu Dividende 845 550 10 9,0% 8,6% 19% 10% EURm EURm years Date de valorisation : Date d'expiration : 29/04/2013 29/04/2023 Calculs F 311 d1 d2 0,79 0,20 Option d'achat 109 N(d1) N(d2) 0,785 0,581 N(-d1) N(-d2) 0,215 0,419 EURm La valorisation de la mine d’or, selon la méthode des Options Réelles (par la formule de Merton) est donc de 109 M€. iii. Valorisation d’un puits de pétrole par un portefeuille d’options Considérons un puits de pétrole exploité par Total pendant les vingt prochaines années. Sa capacité d’extraction est de 650 barils/jour, soit 530 M€ sur l’ensemble de la période, le cours du Brent au jour de la valorisation étant de 112€. Sa volatilité historique est estimée à 36% (voir graphe et tableau ci-dessous). Enfin, l’ensemble des coûts d’exploitation devrait être de 55€ par baril soit 260 M€ au total. 39 Cours du Brent de 1987 à 2013 (en €) 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 Moyenne lissée de la volatilité du Brent sur une échelle de 5 à 25 ans 38% 37% 36% 35% 34% 33% 32% Volatilité 1 an 3 ans 5 ans 10 ans 20 ans 22,3% 25,7% 36,8% 35,2% 35,7% Choix du taux de dividende ou « convenience yield » Le taux de dividende correspond au coût d’opportunité du Brent. Il correspond à la perte d’avantage provenant du fait de posséder un baril demain plutôt qu’aujourd’hui. Il est possible de l’estimer en ayant recours aux produits dérivés ayant le Brent pour sous-jacent. En effet les Futures nous donnent une estimation du « convenience yield » d’une matière première : pour un sous-jacent donné, la valeur d’un Future s’exprime selon une formule simple en fonction de la valeur actuelle du sous-jacent (S), du taux sans risque (r), du « convenience yield » (y) et de la maturité du produit : Dans le cas présent, nous avons par simplification estimé le « convenience yield » à 1,0%. 40 Valorisation de la concession Supposons dans un premier temps que Total prenne à t=0 la décision d’investir sur les dix prochaines années, puis dans cinq ans la décision d’investir ou non sur les dix années suivantes. Valoriser la concession revient donc à valoriser deux options d’achat, la première n’ayant pas de valeur temps. Le coût actuel de production étant inférieur au coût de vente, la difficulté vient donc de la valorisation de l’option avec une valeur temps. Utilisons donc la formule de Merton pour connaître son prix. Rang de l'option 1 Date de l'évaluation Date d'échéance de l'option Cours actuel du Brent (€) Coût de revient unitaire (€) Taux sans risque Durée restant à échéance (an) Volatilité du sous-jacent Convenience yield 2 112 55 7,7% 112 55 7,7% 10 36% 1% F 101 d1 d2 1,78 0,64 N(d1) N(d2) 0,96 0,74 Valeur du Call - par unité produite (EUR) x Volume (m) - pour la période (EURm) TOTAL 01/01/2013 31/12/2022 57 2,4 135 78 2,4 186 321 La concession est donc ici valorisée à 321 M€. Bien entendu, si la décision avait été prise à t=0 d’investir sur les vingt prochaines années, sans possibilité de mettre fin à l’extraction au bout de dix ans, la concession aurait valu moins cher en raison du risque supérieur. Plus précisément, la concession aurait été valorisée : La survaleur de 12 M€ correspond au prix de la flexibilité apporté par l’option de mettre en cause l’investissement au bout de dix ans. Dans le paragraphe suivant, nous allons donc analyser plus précisément le coût de flexibilité d’un investissement. 41 iv. Valorisation de la flexibilité d’un investissement Supposons maintenant que Total peut décider à intervalles constants de stopper ou de reprendre l’exploitation du puits en fonction de l’évolution des opportunités. Cela revient à valoriser le puits comme un portefeuille d’options d’achats de maturités croissantes. Nous avons pour cela réalisé 7 valorisations successives, respectivement à partir de 1, 2, 3, 4, 5, 10 et 20 options d’achat (de maturités décroissantes) en calculant à chaque fois la valeur de la concession. Voici par exemple le calcul de la valeur de la concession à partir de quatre options d’achat : Rang de l'option 1 2 3 4 01/01/2013 31/12/2017 01/01/2013 31/12/2022 01/01/2013 31/12/2027 112 55 7,7% 5 36% 1% 112 55 7,7% 10 36% 1% 112 55 7,7% 15 36% 1% F 106 101 96 d1 d2 1,70 0,89 1,16 0,02 1,42 0,02 N(d1) N(d2) 0,96 0,81 0,88 0,51 0,92 0,51 71 1,2 84 76 1,2 90 80 1,2 95 Date de l'évaluation Date d'échéance de l'option Cours actuel du Brent (€) Coût de revient unitaire (€) Taux sans risque Durée restant à échéance (an) Volatilité du sous-jacent Convenience yield 112 55 7,7% Valeur du Call - par unité produite (EUR) x Volume (m) - pour la période (EURm) 57 1,2 67 TOTAL 336 Le résultat est extrêmement intéressant, en témoigne le tableau ci-dessous : Nb. Options 1 2 3 4 5 10 20 Fréquence du choix (an) 20 10 7 5 4 2 1 Coût du projet (EURm) 309 321 332 336 338 340 339 Coût de flexibilité (EURm) 12 23 27 29 31 31 % projet 4% 7% 8% 9% 9% 9% La valeur de la concession croît avec le nombre d’options. Autrement dit, la flexibilité de la prise de décision est valorisable par les Options Réelles, et cette flexibilité peut représenter une part significative de l’investissement (jusqu’à 9% dans le cas présent). Ce constat peut donc avoir une utilité réelle dans la prise de décision d’une direction financière, lorsqu’elle doit décider du lancement d’un investissement éventuel. 42 v. Valorisation de l’option de sortie d’une joint-venture L’ensemble des exemples de valorisation étudiés jusqu’à maintenant tournent autour de la valorisation d’une option d’achat. Certaines Options Réelles peuvent toutefois être considérées comme des options de vente. Prenons l’exemple de Nestlé qui souhaite ouvrir le capital d’une filiale brésilienne afin de conclure un partenariat avec une entreprise locale pour 20 ans. Une valorisation par DCF de l’entreprise valoriserait les capitaux propres à 850 M€ (soit 425 M€ pour 50%). Nestlé souhaite toutefois donner la possibilité à l’entreprise local de lui revendre sa participation dans la joint-venture si l’investissement ne lui parait plus rentable dans 3 ans, en l’échange de 380 M€. Ceci peut être vu comme une option de vente de prix d’exercice 380 M€ avec pour valeur du sous-jacent 425 M€. Supposons qu’en raison du risque fort, la volatilité des capitaux propres de l’entreprise sera en moyenne de 30% dans les trois prochaines années. Valorisation de l'option de sortie d'une Joint-Venture Hypothèses S K T r discret r continu Dividende 425 380 3 2,0% 2,0% 30% 5% EURm EURm years Date de valorisation : Date d'expiration : 04/05/2013 03/05/2016 (=1/20) Calculs F 366 d1 d2 0,30 -0,22 Option d'achat Option de vente 78 70 N(d1) N(d2) EURm EURm 0,618 0,413 N(-d1) N(-d2) 0,382 0,587 (parité Put-Call) L’option d’abandonner la joint-venture au bout de trois ans pour 380 M€ pourra donc être valorisée à 70 M€. B. Valorisation d’intangibles : l’exemple des licences Les cash-flows futurs du brevet peuvent donc être modélisés par la fonction , ce qui correspond au payoff d’une option d’achat européenne sur l’actif sous-jacent du brevet, avec les paramètres suivants dans la formule de Merton : 43 - S : valeur actualisée des revenus futurs E : coût de développement du brevet : volatilité des revenus futurs : durée de vie du brevet r : taux sans risque - : taux de dividendes = , dans la mesure où chaque année attendue représente une année de revenus en moins Etudions cette théorie sur un exemple concret : Une entreprise pharmaceutique envisage d’acquérir un brevet l’autorisant à produire et à vendre un nouveau médicament pendant vingt ans. Si le médicament est produit tout de suite, on estime le coût de production à 2,5 Md€ et les futurs revenus (actualisés) à 2,3 Md€. Le taux sans risque du pays considéré est de 3,0% et la forte volatilité des revenus dans ce secteur se matérialise par un écart-type des revenus de l’ordre de 40%. Si on valorise le brevet par la VAN, sa valeur est de -200 M€ : on ne lance donc pas le projet. Regardons ce qu’il en est avec la méthode des options réelles : Valorisation d'un brevet Hypothèses S K T r discret r continu Dividende 2 200 2 500 20 3,0% 3,0% 40% 5% EURm EURm years Date de valorisation : Date d'expiration : 29/04/2013 29/04/2033 Calculs F d1 d2 Option d'achat 809 0,59 -1,19 425 N(d1) N(d2) 0,724 0,116 N(-d1) N(-d2) 0,276 0,884 EURm Le projet est ici valorisé à 425 M€. La conclusion est donc que ce projet vaut la peine d’être lancé, en raison de la forte volatilité des cash-flows futurs (40%), et de l’horizon lointain de l’échéance du brevet (20 ans). Réalisons maintenant des tables de sensibilité afin d’étudier les variations de résultats en fonction des facteurs principaux : l’espérance des cash-flows futurs ainsi que leur volatilité. 44 S 425 36% 38% 40% 42% 44% 2000 325,6 349,4 372,4 394,7 416,2 2100 350,1 374,7 398,6 421,6 443,8 425 36% 38% 40% 42% 44% 2000 -23% -18% -12% -7% -2% 2100 -18% -12% -6% -1% 4% 2200 375,0 400,4 425,0 448,8 471,7 2300 400,2 426,5 451,8 476,3 499,8 2400 425,8 452,8 478,9 504,0 528,2 2200 -12% -6% 0% 6% 11% 2300 -6% 0% 6% 12% 18% 2400 0% 7% 13% 19% 24% S Comme nous pouvions nous y attendre, ces deux facteurs, pourtant très difficiles à estimer, peuvent avoir un impact majeur sur la valorisation d’un brevet. C. Valorisation de capitaux propres Les capitaux propres d’une entreprise pouvant être considérés comme une option sur la valeur d’entreprise avec pour prix d’exercice le nominal de la dette et pour maturité la maturité moyenne de la dette, nous pouvons employer la méthode des Options Réelles dans un tel contexte de valorisation. Etudions brièvement l’exemple d’Eurotunnel afin de nous sensibiliser à l’impact que peut avoir une telle approche. L’exemple d’Eurotunnel En 1997, les résultats d’Eurotunnel étaient négatifs dès le résultat opérationnel : - EBIT de -56 millions de livres Résultat Net de -685 millions de livres La valeur bilancielle des capitaux propres était négative, à -117 millions de livres, suite à des années de résultats dans le rouge. La structure de la dette étant la suivante: Nature < 10 ans 10 ans 20 ans > 20 ans Total Valeur nominale 935 2 435 3 555 1 940 8 865 Duration 0,5 6,7 12,6 18,2 10,9 45 Contrairement à une valorisation par DCF, une valorisation par méthode optionnelle tiendrait compte de la forte duration de la Dette et d’Eurotunnel, c'est-à-dire de la probabilité non-nulle qu’avait la société de générer des cash-flows suffisants dans 11 ans pour rembourser sa dette. L’approche optionnelle prend également en considération l’option d’accroitre la maturité de la dette avant exercice de l’option si l’ensemble des parties prenantes ont intérêt à ne pas mettre la société en faillite. C’est effectivement ce qui a eu lieu avec Eurotunnel. C’est ce qui explique sa capitalisation boursière positive à la fin des années 1990, malgré une valorisation négative par une approche DCF avec des hypothèses crédibles. i. Calcul de la volatilité des actifs : La valeur d’entreprise n’étant pas cotée, contrairement à celle des capitaux propres ou d’une dette cotée, nous devons la recalculer. Il existe pour cela deux méthodes que nous détaillons ci-après. Méthode de Damodaran Avec les notations suivantes : - représente la proportion d’equity dans la structure financière représente la proportion de dette dans la structure financière représente la volatilité (écart-type) de l’equity représente la volatilité (écart-type) de la dette est le coefficient de corrélation de la dette et de l’equity Remarquons au passage que nous partons de l’hypothèse que les capitaux investis se répartissent sans difficultés entre ces deux catégories equity et dette. Si nous utilisions d’autres catégories de capitaux (dette convertible, actions subordonnées…), la formule s’en trouverait rallongée comme suit : Méthode alternative Il existe une façon d’élaborer un système de deux équations à deux inconnues, permettant d’obtenir la valeur d’entreprise et sa volatilité à partir de la valeur des capitaux propres et de leur volatilité, de la valeur nominale de la dette et de sa maturité moyenne ainsi que du taux sans risque. 46 Revenons à l’expression du mouvement d’une action comme un mouvement géométrique brownien : Le Lemme d’Ito nous permet quant à lui d’obtenir l’expression suivante : Les deux expressions de et devant être égales : soit Les capitaux propres étant un call sur la valeur d’entreprise, n’est autre que N(d1), dont l’expression détaillée est la suivante : Dans la mesure où il existe une circularité entre et EV, il est impossible de résoudre cette équation simplement. Toutefois, nous pouvons retrouver la valeur de EV en résolvant le système suivant, de deux équations à deux inconnues (EV et EV), l’autre équation n’étant autre que Black & Scholes : ii. Cash, minoritaires, et associés Afin d’utiliser les méthodes de valorisation optionnelles pour des sociétés en bonne santé financière, il convient de retenir la dette financière brute de l’entreprise comme prix d’exercice de l’option. Dans ce cas, l'actif comporte, en plus des immobilisations et du BFR, la trésorerie d'actif (VMP et Cash & Equivalents). Une façon de voir les choses est d’étudier l’entreprise dans une optique liquidative : en effet, si les actionnaires paient aux créanciers la dette brute qui figure au passif, ils peuvent ensuite récupérer tous les actifs, y compris le cash. Cela signifie que la valeur d'entreprise obtenue par DCF doit 47 être augmentée de la trésorerie d'actif. C'est donc la valeur (VE+trésorerie d'actif) qui correspond au cours du sous-jacent de la formule de Black & Scholes. De même, une autre approximation avait été faite concernant les capitaux investis en dehors de la dette financière. Il s’agit non seulement des capitaux propres part du groupe à proprement parler, mais également des minoritaires retraités des associés. En tenant compte des deux remarques précédentes, la simplification utilisée précédemment devient maintenant : La valeur d’une option d’achat sur la valeur d’entreprise relevée de la valeur de la trésorerie d’actif avec pour prix d’exercice le nominal de la dette donnera donc une estimation de l’agrégat suivant : iii. Valeur économique de la dette et risque de défaut La valeur d’entreprise étant égale à la somme de ses dettes et de ses capitaux propres, notons ED la valeur économique de la dette : En remplaçant Capitaux propres par sa valeur trouvée précédemment : Il existe donc une formule directe pour calculer la valeur économique de la dette en fonction de la valeur d’entreprise, de la valeur nominale de la dette, du paramètre temps de l’option et de la volatilité du sous-jacent. Nous pouvons également écrire cette expression d’une autre manière, plus facile à interpréter : 48 Cette nouvelle formulation de la valeur économique de la dette exprime cette dernière en fonction de la valeur nominale actualisée de la dette (ie. comme si elle ne comportait aucun risque) et du risque estimé de perte sur le nominal avant maturité. En effet : - est la valeur actualisée de la dette de l’entreprise - est la probabilité de défaut de l’entreprise avant maturité de sa dette - est la perte estimée en cas de défaut, connu sous le nom de Loss Given Default (LGD) dans la littérature anglosaxonne étant le taux de recouvrement en cas de défaut de la dette étant donc la part d’EV à disposition des créanciers en cas de défaut Remarque : Les modèles de valorisation traditionnels de la dette actualisent le nominal au taux de rendement à maturité, qui prend également en compte le risque de défaut associé. Toutefois, l’approche optionnelle exige l’utilisation d’un taux sans risque. C’est ce qui nous mène au raisonnement ci-dessus. iv. Application au risque de crédit Revenons maintenant à la formule de Black & Scholes : Comme noté précédemment, N(d2) représente la probabilité que l’option soit dans la monnaie à maturité. Dans un approche appliquée à la finance d’entreprise, N(d2) représente la probabilité que les actionnaires soient payés, autrement dit que l’entreprise génère assez de cash-flows pour rembourser entièrement les créanciers de tous types (seniors, juniors, mezzanine…) et crée de la valeur pour ses actionnaires. 49 Ainsi, N(-d2), ou encore 1-N(d2) représente donc la probabilité de défaut d’une entreprise, à savoir son incapacité à honorer totalement ses dettes en temps voulu. Cette démarche est pratiquée par les grandes agences de notation, notamment Moody’s, pour évaluer les risques de défaut des entreprises. Il semblerait également intéressant de l’employer pour pricer correctement des CDS, dans la mesure où il s’agit de polices d’assurances contre le défaut d’entreprises, les deux principales composantes de son prix étant le risque de défaut et le taux de recouvrement estimés. v. Application au risque de crédit Les agences de notation, et en particulier Moody’s, emploient cette méthode pour évaluer le risque de défaut de la dette des entreprises qu’elles notent. Moody’s introduit la notion de ‘Distance to default’ (en rouge sur le schéma suivant), que l’agence définit de la manière suivante : 80 70 Valeur d'entreprise (EV) 60 50 40 30 Nominal de la dette 20 Probabilité de défaut 10 0 21/02/2011 21/06/2011 21/10/2011 21/02/2012 21/06/2012 21/10/2012 50 Prise en compte de la probabilité de défaut : Afin de mieux comprendre le rôle de la maturité de la dette dans la valeur de la dette et donc des capitaux propres, nous avons réalisé une série de simulations en faisant varier la duration de la dette pour une société donnée de valeur 8 Md€ ayant une dette de 10 Md€ et ne possédant pas de cash. Pour une duration nulle, les capitaux propres sont nuls car la valeur d’entreprise est inférieure à la valeur nominale de la dette. Plus la duration augmente (jusqu’à 27 ans dans notre exemple), plus la valeur des capitaux propres augmente, représentant une part croissante de la valeur d’entreprise, comme le confirme le schéma ci-dessous. 100% 80% 60% Economic value of debt 40% Equity value 20% 0% 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 Etudions maintenant l’évolution de la probabilité de défaut d’une entreprise en fonction de deux paramètres (la valeur de la dette restant fixée à 10 Md€) : - La duration de sa dette Sa valeur d’entreprise 51 100% 90% 80% 70% 100 60% 300 50% 800 40% 30% 20% 10% 0% 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 La légende située à droite représente la valeur d’entreprise de la société, tandis-que l’abscisse représente la duration de sa dette. Un phénomène inattendu est alors observable : toutes les courbes n’ont pas la même forme. Autrement dit, le risque de faillite n’évolue pas toujours de la même manière avec la duration, en fonction de la valeur d’entreprise actuelle de la société. L’explication est la suivante : Si la VE est de 1200, le risque de faillite est quasi nul. En revanche, si la VE est inférieure à 1000 (y compris de 800), la probabilité de faillite est voisine de 100%. Si la VE est de 1000, la société a une chance sur deux d’être en faillite Normalement, plus la maturité est longue plus les variations – à la hausse comme à la baisse – de la valeur d’entreprise sont nombreuses ce qui augmente le risque de ramener la VE au dessous de la dette de 1000. En d’autres termes, la probabilité de faillite augmente avec la maturité de la dette Toutefois, si l’option est hors de la monnaie (VE < dette à rembourser), donc si l’entreprise très proche de la faillite, les premières années sont cruciales. Aussi, si l’entreprise arrive à passer le cap de la première année, la probabilité de faillite ne peut que baisser. L’allongement de la maturité donne alors à l’entreprise un ballon d’oxygène et éloigne le risque de faillite. Cette baisse du risque de faillite avec l’accroissement de la maturité se constate jusqu’à ce que ce risque atteigne un plancher au-delà duquel la variabilité (à la baisse) des cash flows prévisionnels rapproche à nouveau l’entreprise de la faillite. 52 vi. Exemple de PSA Peugeot Citroën au 31/12/12 Evolution du cours de l’action entre le 01/01/2009 et le 31/12/2012 35 30 25 20 15 10 5 0 01/01/2009 01/01/2010 01/01/2011 01/01/2012 Calcul de la Valeur d’Entreprise Le nombre d’actions en circulation, augmenté des options dilutives, est égal à 321.185.403, et la valeur d’une action, pondérée par les volumes échangés, est de 5,30€ au mois de décembre 2012. La capitalisation boursière est donc de 1,70Md€. Les minoritaires étant estimés à 0,66Md€, la dette financière brute à 4,23Md€, et le cash à 2,88Md€, la Valeur d’Entreprise de PSA est donc estimée à 3,71Md€ au 31/12/2012. Etude de la dette de PSA La valeur nominale de la dette est de 4,23Md€, et sa maturité moyenne est de 2,8 ans. Conclusion : calcul de la volatilité de la Valeur d’entreprise Pour calculer la volatilité de la valeur d’entreprise, nous avons résolu le système non linéaire décrit au paragraphe (IV-c-i) avec pour données : - Moyenne pondérée du cours de bourse en décembre 2012 : 1,70Md€ Volatilité du cours de bourse entre le 01/01/09 et 31/12/12 : 49% Valeur d’entreprise : 3,71Md€ Nominal de la dette : 4,23Md€ Maturité moyenne de la dette : 2,8 ans Taux sans risque : 2,2% La volatilité de la Valeur d’Entreprise est donc estimée à 44,8% (ce qui est assez élevé). 53 V. Etude empirique sur l’ensemble du CAC 40 A. Méthodologie de l’analyse de l’échantillon Nous avons choisi de tester l’utilisation de la valorisation des capitaux propres et de la dette avec le CAC 40 pour échantillon. Pour cela, nous avons récupéré sur Factset les données suivantes pour les quarante sociétés: - Consensus des brokers sur la Valeur d’Entreprise Capitalisation boursière au 31/03/2013 Volatilité des actions calculée sur une base quotidienne, pendant un an Nous avons ensuite retiré de l’échantillon les sociétés suivantes : - Banques/assurance : AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale Sociétés « Net cash » : Capgemini, EADS, Gemalto, L’Oréal, STMicroelectronics, Renault L’échantillon restant est donc constitué de 30 sociétés. Après avoir récupéré l’ensemble des données nécessaires sur leur endettement au dernier exercice (dette brute, cash & équivalents, maturité de la dette), nous avons utilisé le solveur d’Excel pour retrouver la volatilité de la valeur d’entreprise (voir méthode au paragraphe IV-c-i). Une application directe des techniques de valorisation décrites précédemment permet de calculer pour chacune des sociétés : - La volatilité de la valeur d’entreprise La probabilité de défaut de la société: N(-d2) La valeur économique de sa dette La valeur des capitaux propres induite (EV – valeur économique de la dette) et sa différence par rapport au consensus et à la capitalisation boursière La valeur d’entreprise sous l’hypothèse d’un renouvellement perpétuel de la dette (formule de Leland, voir paragraphe V-c-iv) et sa différence par rapport au consensus B. Présentation des résultats i. Analyse de l’endettement, de la volatilité et du risque de défaut Une première lecture des résultats nous amène à remarquer que les sociétés du CAC 40 sont relativement peu endettées. 54 En effet, le ratio est en moyenne de 25%, avec seulement 3 sociétés dont le ratio dépasse 50% : France Télécom, GDF Suez et Veolia Environnement. La maturité moyenne de la dette est de 4,5 années avec seulement 6 sociétés dont la maturité dépasse 6 ans : ArcelorMittal, EDF, France Télécom, GDF Suez, Veolia Environnement et Vinci. La liste des sociétés ayant la plus longue maturité correspond assez bien à celle des sociétés les plus endettées. Ces sociétés ont en effet la particularité d’avoir une forte intensité capitalistique et des contrats de long terme, ce qui les amène à s’endetter plus, et à plus long terme. EURm (31/12/12) Accor S.A. Air Liquide S.A. Alstom S.A. ArcelorMittal SA Bouygues S.A. Carrefour S.A. Saint-Gobain S.A. Danone S.A. Electricite de France S.A. Essilor International S.A. France Telecom GDF Suez S.A. Lafarge S.A. LeGrand S.A. LVMH Michelin Pernod Ricard S.A. PPR S.A. Publicis Groupe S.A. Safran S.A. Sanofi S.A. Schneider Electric S.A. Solvay S.A. Technip S.A. Total S.A. Unibail-Rodamco SE Vallourec S.A. Veolia Environnement S.A. Vinci S.A. Vivendi Moyenne Médiane Dette brute 2 381 7 274 5 022 19 897 6 807 11 179 13 567 9 522 59 932 904 39 828 57 209 16 557 1 766 6 812 627 13 659 4 584 2 284 3 175 14 090 9 186 3 652 2 393 31 664 11 034 2 095 16 155 20 194 17 313 Maturité 2,6 5,1 3,4 6,1 5,0 3,6 2,9 3,6 9,2 2,9 9,0 9,8 2,5 4,9 2,0 1,7 4,6 2,6 2,5 3,5 3,0 3,7 2,8 5,9 3,2 4,9 3,4 9,7 6,1 4,4 4,5 3,6 Cash & Eq. 1 960 1 154 2 091 3 432 3 453 4 760 2 949 3 230 33 127 667 8 321 9 149 5 081 488 2 196 145 787 2 092 2 174 2 193 6 379 3 864 2 527 287 20 828 65 605 5 548 6 337 3 894 Capitalisation EV boursière (consensus) 6 272 7 074 30 192 34 666 9 732 12 777 16 016 33 957 6 953 11 137 15 649 20 306 16 359 29 926 34 947 39 300 28 510 67 684 19 115 16 356 21 236 51 448 37 459 79 613 15 041 24 324 9 169 10 157 65 985 72 797 12 102 13 998 25 868 33 425 22 121 22 942 11 156 10 372 15 167 15 092 107 434 103 138 32 353 35 684 9 029 12 156 9 270 8 551 90 378 108 524 17 755 28 789 4 703 6 653 5 197 17 728 20 634 33 963 21 594 34 146 check 5% -5% 1% 4% 7% -9% 10% -5% 18% -18% -3% -7% -9% -3% 3% 10% -16% -7% -9% -7% -12% -6% 16% -33% 7% 0% 7% 11% -2% -3% -2% -3% Notons que nous avons également ajouté une colonne de vérifications (colonne ‘check’) pour vérifier que la valeur des capitaux propres induite par le consensus de l’EV (auquel on a retiré la dette nette) est proche de la capitalisation boursière au 31/12/2012. C’est effectivement le cas à 2% près ce qui nous conforte dans nos calculs (le consensus étant en général peu éloigné des valeurs reflétées par les 55 marchés, et inversement). Seules un-sixième des sociétés ont des résultats qui diffèrent de plus de 15% en valeur absolue, témoignant d’un écart important de la capitalisation et du consensus fin 2012. EURm (31/12/12) Accor S.A. Air Liquide S.A. Alstom S.A. ArcelorMittal SA Bouygues S.A. Carrefour S.A. Saint-Gobain S.A. Danone S.A. Electricite de France S.A. Essilor International S.A. France Telecom GDF Suez S.A. Lafarge S.A. LeGrand S.A. LVMH Michelin Pernod Ricard S.A. PPR S.A. Publicis Groupe S.A. Safran S.A. Sanofi S.A. Schneider Electric S.A. Solvay S.A. Technip S.A. Total S.A. Unibail-Rodamco SE Vallourec S.A. Veolia Environnement S.A. Vinci S.A. Vivendi Moyenne Médiane Dette nette/ EV 6% 18% 23% 48% 30% 32% 35% 16% 40% 1% 61% 60% 47% 13% 6% 3% 39% 11% 1% 7% 7% 15% 9% 25% 10% 38% 22% 60% 41% 39% 25% 23% Volatilité de l'equity 32% 23% 39% 43% 39% 37% 36% 24% 31% 24% 33% 29% 36% 25% 27% 35% 21% 28% 21% 26% 25% 37% 36% 33% 23% 22% 45% 41% 32% 32% 31% 32% Volatilité EV 25% 20% 29% 27% 26% 26% 25% 20% 17% 23% 19% 18% 23% 22% 24% 33% 25% 24% 18% 23% 23% 30% 29% 28% 19% 17% 35% 20% 21% 23% 24% 23% Volatilité de la valeur d’entreprise Grâce à l’usage du solveur d’Excel et des colonnes précédentes, nous avons résolu 30 systèmes de deux équations à deux inconnues (EV et EV) afin de déterminer la volatilité des valeurs d’entreprises des sociétés de l’échantillon. L’entreprise moyenne de l’échantillon étudié a ainsi une volatilité de 24%, contre 31% pour ses capitaux propres. 56 ii. Etude du risque de défaut et du taux de recouvrement Valeur éco de la dette Accor S.A. 2 247 Air Liquide S.A. 6 502 Alstom S.A. 4 617 ArcelorMittal SA 16 063 Bouygues S.A. 5 771 Carrefour S.A. 10 132 Saint-Gobain S.A. 12 660 Danone S.A. 8 790 Electricite de France S.A. 44 402 Essilor International S.A. 849 France Telecom 29 911 GDF Suez S.A. 43 341 Lafarge S.A. 15 430 LeGrand S.A. 1 584 LVMH 6 521 Michelin 604 Pernod Ricard S.A. 12 233 PPR S.A. 4 330 Publicis Groupe S.A. 2 161 Safran S.A. 2 939 Sanofi S.A. 13 195 Schneider Electric S.A. 8 456 Solvay S.A. 3 431 Technip S.A. 2 086 Total S.A. 29 494 Unibail-Rodamco SE 9 904 Vallourec S.A. 1 921 Veolia Environnement S.A. 11 211 Vinci S.A. 17 074 Vivendi 15 503 Moyenne Médiane EURm (31/12/12) % différence consensus -6% -11% -8% -19% -15% -9% -7% -8% -26% -6% -25% -24% -7% -10% -4% -4% -10% -6% -5% -7% -6% -8% -6% -13% -7% -10% -8% -31% -15% -10% -11% -8% Probabilité de défaut 0% 0% 3% 29% 16% 6% 4% 0% 29% 0% 31% 23% 5% 0% 0% 0% 3% 0% 0% 0% 0% 1% 1% 2% 0% 0% 6% 50% 11% 6% 8% 1% Taux de recouvrement 24% 16% 27% 38% 36% 33% 37% 19% 49% 0% 46% 43% 44% 13% 9% 4% 27% 15% 16% 15% 10% 17% 24% 15% 23% 32% 23% 53% 37% 35% 26% 24% A l’aide des données précédemment calculées, nous avons élaboré un modèle de Black & Scholes pour calculer la valeur économique de la dette et les éléments associés (probabilité de défaut, taux de recouvrement). Le tableau présentant les étapes intermédiaires se trouve en annexes. Valeur économique de la dette Le calcul de la valeur économique de la dette des trente entreprises donne des résultats assez parlants : celle-ci est en moyenne 11% plus faible que la valeur nominale actualisée, prenant ainsi en compte son risque de défaut. Risque de défaut L’analyse du risque de défaut des sociétés du CAC 40 est lui aussi extrêmement intéressante : avec un résultat moyen de 8%, et une médiane à seulement 1%, le risque de faillite apparaît très faible. 57 Seules 6 sociétés possèdent un risque supérieur à 12%, Veolia Environnement étant loin en tête avec une probabilité de 50%, sans doute surévaluée par ce modèle par rapport à la réalité, ce qui explique l’écart entre moyenne et médiane. Au contraire, 15 des sociétés -soit la moitié de l’échantillon- possèdent un risque de défaut évalué à moins de 1,5%. Taux de recouvrement L’analyse du taux de recouvrement donne des résultats assez faibles, avec un taux moyen de 26%. Le produit du taux et de la probabilité de défaut, qui représente la perte estimée des créanciers, qu’il y ait ou non une faillite, est alors de 3%. Ce chiffre, extrêmement faible, laisse penser que les différentes approches de valorisation optionnelles donneront des résultats proches de la méthode du DCF, qui postule que ce chiffre vaut 0%. iii. Valorisation optionnelle ‘classique’ Ce paragraphe a pour but d’étudier les différences entre l’approche par DCF et l’approche optionnelle ‘classique’ (ie. par Black & Scholes) dans la valorisation des sociétés de l’échantillon. Le paragraphe suivant comparera l’approche DCF et l’approche optionnelle de Leland (voir paragraphe V-c-iv), sous l’hypothèse d’un renouvellement perpétuel de la dette. 58 EURm (31/12/12) Accor S.A. Air Liquide S.A. Alstom S.A. ArcelorMittal SA Bouygues S.A. Carrefour S.A. Saint-Gobain S.A. Danone S.A. Electricite de France S.A. Essilor International S.A. France Telecom GDF Suez S.A. Lafarge S.A. LeGrand S.A. LVMH Michelin Pernod Ricard S.A. PPR S.A. Publicis Groupe S.A. Safran S.A. Sanofi S.A. Schneider Electric S.A. Solvay S.A. Technip S.A. Total S.A. Unibail-Rodamco SE Vallourec S.A. Veolia Environnement S.A. Vinci S.A. Vivendi Moyenne Médiane Equity - Real Options 6 787 29 319 10 251 21 326 8 819 14 934 20 214 33 740 56 409 16 174 29 858 45 421 13 976 9 061 68 472 13 540 21 979 20 704 10 384 14 346 96 323 31 093 11 252 6 752 99 858 18 951 5 337 12 065 23 226 22 538 % différence consensus 2% 3% 4% 22% 13% 8% 5% 2% 38% 0% 50% 44% 9% 2% 0% 0% 7% 1% 1% 2% 1% 2% 2% 5% 2% 6% 3% 69% 16% 9% 11% 4% % différence capitalisation 8% -3% 5% 33% 27% -5% 24% -3% 98% -15% 41% 21% -7% -1% 4% 12% -15% -6% -7% -5% -10% -4% 25% -27% 10% 7% 13% 132% 13% 4% 12% 5% EV - Dette infinie 10 980 22 720 15 015 35 923 16 155 36 240 57 506 41 258 117 455 4 252 72 450 102 001 89 256 5 083 43 591 3 140 36 573 22 669 15 308 12 389 64 229 24 018 13 726 4 325 164 460 41 406 4 891 25 734 49 057 54 390 % différence consensus 55% -34% 18% 6% 45% 78% 92% 5% 74% -74% 41% 28% 267% -50% -40% -78% 9% -1% 48% -18% -38% -33% 13% -49% 52% 44% -26% 45% 44% 59% 19% 15% En moyenne, la valorisation optionnelle ‘classique’ des capitaux propres donne une valeur 11% supérieure au consensus (4% pour la médiane). De plus, les chiffres sont sensiblement égaux –bien que plus dispersés- si l’on compare nos calculs de capitaux propres à la capitalisation boursière des sociétés au 31/12/2012, avec une valorisation moyenne 12% supérieure (5% pour la médiane). Autrement dit, le fait de prendre en compte la maturité de la dette des sociétés du CAC 40 a un impact non nul, bien que relativement faible, sur leur valorisation. Seules les sociétés les plus endettées de l’échantillon, qui ont par ailleurs une duration élevée, laissent apparaître un différentiel très significatif : ArcelorMittal, EDF, France Telecom ou Veolia Environnement donnant les résultats les plus extrêmes. 59 iv. Valorisation par la méthode de Leland La valorisation optionnelle des entreprises sous l’hypothèse d’un renouvellement de la dette à perpétuité donne une valeur médiane 15% supérieure au consensus. Afin d’aboutir à ce résultat, nous avons utilisé la formule de Leland : Le coupon C étant égal à la dette brute divisée par sa maturité moyenne, et le taux d’imposition étant considéré égal à 34,4% pour la France. Au vu du tableau ci-dessus, la valeur d’entreprise recalculée par la méthode de Leland est en moyenne 19% supérieure à la valeur du consensus (15% pour la médiane), avec une assez forte dispersion autour de la moyenne. Ces résultats semblent étayer l’idée selon laquelle la structure capitalistique de la plupart des sociétés du CAC 40 est viable à terme, mais que certaines d’entre elles ont a priori un endettement plus élevé qu’elles ne devraient avoir en théorie : c’est par exemple le cas de Lafarge ou Saint Gobain, dont les résultats diffèrent fortement du consensus, ce qui veut dire que l’hypothèse de renouvellement de la dette à l’identique à maturité est une hypothèse trop forte. C. Comparaison DCF/Options Réelles : tests statistiques Afin de tester statistiquement nos résultats, nous avons commencé par établir les quatre régressions linéaires suivantes : - Consensus capitaux propres vs. Méthode optionnelle classique Capitalisation boursière vs. Méthode optionnelle classique Consensus valeur d’entreprise vs. Valeur d’entreprise recalculée par un système de deux équations à deux inconnues Consensus valeur d’entreprise vs. Valeur d’entreprise recalculée par la méthode de Leland Afin d’approfondir nos analyses, nous avons également mis en place quatre tests statistiques de FisherSnedecor, qui ont pour but de vérifier si les variances de chaque paires d’échantillons sont statistiquement assez proches. 60 i. Consensus capitaux propres vs. Méthode optionnelle classique 120 100 R² = 0,9742 80 60 40 20 - 20 40 Moyenne Variance Observations Degrés de liberté F P(F<=f) unilatéral Valeur critique pour F (unilatéral) 60 80 100 120 Consensus Equity - Real Options 24190 26437 549325905 589235699 30 30 29 29 93% 43% 54% Une étude statistique rapide de cette régression nous montre que la corrélation est très forte entre ces deux méthodes, avec un R² supérieur à 97%. De plus, le test de Fisher-Snedecor corrobore ce résultat, avec F = 93%. Ce chiffre très élevé signifie que les variances des deux séries de données sont elles aussi extrêmement proches. 61 ii. Capitalisation boursière vs. Méthode optionnelle classique 120 R² = 0,9312 100 80 60 40 20 - 20 40 Moyenne Variance Observations Degrés de liberté F P(F<=f) unilatéral Valeur critique pour F (unilatéral) 60 80 100 120 Capitalisation Equity - Real Options 24580 26437 568831842 589235699 30 30 29 29 97% 46% 54% Une étude statistique rapide de cette régression nous montre que la corrélation est très forte entre ces deux méthodes, avec un R² supérieur à 93%. De plus, le test de Fisher-Snedecor corrobore ce résultat, avec F = 97%. Ce chiffre très élevé signifie que les variances des deux séries de données sont elles aussi extrêmement proches. Comme nous pouvions nous y attendre, les résultats des approches optionnelles classiques, comparées au consensus ou bien aux capitalisations boursières, sont extrêmement corrélés, sur un échantillon tel que le CAC 40, où le risque de défaut des sociétés reste globalement faible. 62 Consensus valeur d’entreprise vs. Méthode optionnelle classique iii. 160 140 R² = 0,9659 120 100 80 60 40 20 - 20 40 Moyenne Variance Observations Degrés de liberté F P(F<=f) unilatéral Valeur critique pour F (unilatéral) 60 80 100 120 Consensus EV - Real Options 33223 36055 753473509 900524002 30 30 29 29 84% 32% 54% Une étude de cette régression nous montre que la corrélation est élevée entre ces deux méthodes, avec un R² supérieur à 84%. De plus, le test de Fisher-Snedecor corrobore ce résultat, avec F = 84%. Ce chiffre élevé signifie que les variances des deux séries de données sont très proches. Les résultats sont légèrement moins significatifs que lors du calcul des capitaux propres, mais restent très probants malgré tout. 63 Consensus valeur d’entreprise vs. Méthode de Leland iv. 180 160 140 R² = 0,666 120 100 80 60 40 20 - 20 40 60 Moyenne Variance Observations Degrés de liberté F P(F<=f) unilatéral Valeur critique pour F (unilatéral) 80 100 120 Consensus EV - Leland 33223 40207 753473509 1433434319 30 30 29 29 53% 4% 54% Une étude de cette régression nous montre que la corrélation entre ces deux méthodes est moyennement élevée, avec un R² de 67%. De plus, le test de Fisher-Snedecor donne des résultats mitigés, avec F = 53%, ce qui n’est pas très élevé. Les résultats sont donc moins significatifs que les trois précédents. Cela signifie que l’approche de Leland est plus éloignée que l’approche optionnelle classique des résultats du consensus. Elle présente cela dit l’avantage d’être facile d’utilisation. L’éloignement par rapport au consensus est probablement dû aux hypothèses un peu fortes du modèle de Leland (voir paragraphe III-b-iv). 64 Conclusion L’objectif de ce mémoire était double. Il s’agissait tout d’abord de mettre en lumière l’ensemble des potentialités ouvertes par l’usage des méthodes optionnelles « de marché » à l’usage des praticiens de la finance d’entreprise. Nous avons pour cela retracé l’évolution de la théorie des Options Réelles depuis les années 1970, puis nous avons illustré nos propos au travers de nombreux exemples (investissements, brevets, capitaux propres…). Le deuxième objectif du mémoire était d’établir une étude empirique innovante sur le CAC 40, permettant d’une part de comparer les différentes approches de valorisation optionnelles et la méthode consensuelle du DCF, et d’autre part d’obtenir des informations intéressantes sur la structure de la dette, le risque de défaut ou encore le taux de recouvrement des grandes sociétés françaises. Les résultats de notre étude sont parlants en ce sens qu’ils font ressortir l’apport significatif que permet la prise en compte de la maturité de la dette et de la volatilité de la valeur d’entreprise, en particulier dans la valorisation de sociétés des secteurs à forte intensité capitalistique et/ou ayant une vision à long terme sur revenus, car elles s’endettent le plus souvent fortement et à long terme. Il résulte également que l’utilisation des méthodes optionnelles dans la valorisation des capitaux propres est d’autant plus utile que la valeur d’entreprise de la société étudiée est proche de la valeur de sa dette brute. En effet, la valeur temps des options est d’autant plus élevée que l’option est à la monnaie. Concrètement, cela nous conforte dans l’idée que cette méthode est particulièrement utile dans le cadre de valorisations de sociétés en difficulté ou ayant un fort recours au levier financier. En ce qui concerne l’usage des Options Réelles dans la valorisation de brevets et d’investissements, nous comprenons aisément pourquoi les deux industries où leur usage s’est démocratisé sont l’industrie pharmaceutique –le très grand nombre de brevets permettant une estimation crédible de la volatilité des revenus- et les matières premières –le sous-jacent étant généralement côté, il est alors aisé de connaître les principaux paramètres du modèle-, comme le note Jean-Florent Rérolle, associé en charge de la valorisation chez KPMG Corporate Finance à Paris. Nous sommes toutefois convaincus que leur usage ira croissant, et s’étendra à d’autres industries dans les années à venir. 65 Bibliographie Lenos Trigeorgis, Real Options: Managerial flexibility and Strategy In resource Allocation Aswath Damodaran, Lecture at NYU University, 2002 (http://archive.nyu.edu/bitstream/2451/26802/3/S-DRP-05-02.pdf.txt) Mondher Bellalah, Lecture at Paris Dauphine University, 2008 (http://www.cereg.dauphine.fr/cahiers_rech/cereg200008.pdf) Olivier Levyne, Lecture at HEC Paris, 2013 Timothy Luehrman, Investment Opportunities as Real Options, Harvard Business Review, 1998 Crédit Suisse First Boston, Real Options McKinsey, Valuation, 2010 Wikipedia, Monte-Carlo method, Black & Sholes formula PwC Corporate Finance, Valuation & Economics study, 2011 Leland H. E., Corporate Debt Value, Bond Covenants and Optimal Capital Structure, Journal of Finance, 1994 Dixit A. et Pindyck R., Investment Under Uncertainty, Princeton University Press, 1994 A. Champavere, Y. Mokhtar, How did the Healthcare sector rob the Utilities? Exane BNP Paribas, 2013 66 Appendice EURm (31/12/12) d1 d2 N(d1) N(d2) N(-d1) N(-d2) Accor S.A. Air Liquide S.A. Alstom S.A. ArcelorMittal SA Bouygues S.A. Carrefour S.A. Saint-Gobain S.A. Danone S.A. Electricite de France S.A. Essilor International S.A. France Telecom GDF Suez S.A. Lafarge S.A. LeGrand S.A. LVMH Michelin Pernod Ricard S.A. PPR S.A. Publicis Groupe S.A. Safran S.A. Sanofi S.A. Schneider Electric S.A. Solvay S.A. Technip S.A. Total S.A. Unibail-Rodamco SE Vallourec S.A. Veolia Environnement S.A. Vinci S.A. Vivendi 3,44 4,13 2,36 1,23 1,57 2,09 2,15 4,43 1,06 8,26 1,07 1,30 2,02 4,17 7,19 7,26 2,37 4,85 6,37 4,48 5,79 2,99 2,95 2,82 4,38 2,99 2,23 0,63 1,72 2,05 3,03 3,69 1,82 0,55 1,00 1,60 1,72 4,06 0,54 7,86 0,50 0,74 1,65 3,68 6,85 6,83 1,83 4,46 6,08 4,05 5,40 2,40 2,47 2,14 4,05 2,62 1,59 0,00 1,20 1,58 1,00 1,00 0,99 0,89 0,94 0,98 0,98 1,00 0,85 1,00 0,86 0,90 0,98 1,00 1,00 1,00 0,99 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 0,99 0,74 0,96 0,98 1,00 1,00 0,97 0,71 0,84 0,94 0,96 1,00 0,71 1,00 0,69 0,77 0,95 1,00 1,00 1,00 0,97 1,00 1,00 1,00 1,00 0,99 0,99 0,98 1,00 1,00 0,94 0,50 0,89 0,94 0,00 0,00 0,01 0,11 0,06 0,02 0,02 0,00 0,15 0,00 0,14 0,10 0,02 0,00 0,00 0,00 0,01 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,01 0,26 0,04 0,02 0,00 0,00 0,03 0,29 0,16 0,06 0,04 0,00 0,29 0,00 0,31 0,23 0,05 0,00 0,00 0,00 0,03 0,00 0,00 0,00 0,00 0,01 0,01 0,02 0,00 0,00 0,06 0,50 0,11 0,06 67 HEC PARIS 78351 Jouy-en-Josas Cedex Tél : 01 39 67 97 86 Fax : 01 39 67 73 44 [email protected] http://www.hec.fr/club-finance