et entretiennent de nombreuses peurs parmi les citoyens afin d’obtenir d’eux la soumission
et l’obéissance dont ils ont besoin. Le plus souvent ils n’ont pas besoin de recourir à la
terreur pour faire peur aux citoyens. Il leur suffit d’exercer discrètement une menace
diffuse pour entretenir une peur diffuse qui fera respecter " la loi et l’ordre ". Dans les
Etats totalitaires, l’ordre n’est établi que lorsque la peur est établie. Les citoyens finissent
par intérioriser cette peur−là ; pour oser défier l’Etat en s’engageant dans des actions de
dissidence et de désobéissance, il leur faudra la surmonter.
L’Etat peut également manipuler les peurs des citoyens en exacerbant la menace que
l’ennemi fait peser sur leurs libertés. Là encore, l’Etat peut d’autant mieux se faire obéir à
l’intérieur de la société qu’il aura su convaincre ses sujets qu’une menace extérieure
mortelle pèse sur eux. La société civile doit se libérer de cette peur factice en déjouant la
part de chantage contenue dans cette propagande idéologique de l’Etat.
L’action non−violente exige que nous surmontions les peurs qui nous paralysent. Pour les
surmonter, il faut d’abord que nous puissions les dire, nous les dire et les dire aux autres,
et que nous puissions également entendre les peurs des autres. Il faut ainsi créer des lieux
où nous puissions exprimer ensemble nos peurs. Ainsi nous pourrons mieux les surmonter
ensemble. Mais, en définitive, c’est en agissant ensemble que nous pourrons être sûrs de
les avoir surmontées.
F − Violence
Toute violence est un viol de la personne : le viol de son identité, de ses droits, de son
corps. La violence fondamentale est celle des situations d’injustice qui maintiennent des
êtres humains dans des conditions d’aliénation et d’oppression. Le plus souvent, c’est cette
violence de l’injustice qui provoque l’action violente par laquelle l’opprimé tente de se
libérer du joug qui pèse sur lui. Cependant, la violence n’est pas une fatalité.
Ni l’agressivité, ni la lutte, ni la force ne doivent être identifiées à la violence. Si
l’agressivité et la force qui s’exercent dans la lutte permettent le règlement du conflit, la
violence au contraire est un dérèglement du conflit. La violence enraye le fonctionnement
du conflit et ne lui permet plus de remplir sa fonction qui est d’établir la justice entre les
adversaires.
Il y a violence lorsque, par un dysfonctionnement du conflit, l’un de ses protagonistes met
en oeuvre des moyens qui font peser sur l’autre une menace de mort. Toute violence est un
processus de meurtre, de mise à mort. Le processus n’ira peut−être pas jusqu’à son terme
et le passage à l’acte n’aura pas nécessairement lieu, mais le désir de meurtre envenimera
désormais tout le conflit. De l’humiliation à l’extermination, multiples sont les formes de
la violence et multiples les formes de mort. Porter atteinte à la dignité de l’homme, c’est
déjà porter atteinte à sa vie.
5