Florian Kunckler
Directrice : Stéphanie Dechezelles (IEP Aix en Provence)
Mémoire de fin d’étude
La peopolisation du politique
Master Information et Communication
Spécialité Communication et Contenus numériques
Option Nouveau Journalisme
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SOMMAIRE
Introduction
1. La peopolisation dans l’histoire P.3
2. La peopolisation en définitions P.5
3. La peopolisation en substance P.8
4. La peopolisation dans ses ambitions politiciennes P.12
5. La peopolisation et ses acteurs P.15
Partie 1 : Le politiques face aux électeurs
1.1 L’incontournable suffrage universel P.19
1.2 Le pouvoir personnifié P.21
1.3 Les enjeux du bipartisme P.22
1.4 Les mutations dans les critères de l’excellence politique P.23
1.5 La crise de la démocratie P.28
Partie 2 : Les médias face aux publics
2.1 Quand la société impose ses dogmes P.33
2.1.1 De la culture de masse P.33
2.1.2 De la sécularisation de la société P.35
2.1.3 De la postmodernité P.35
2.2 Quand les médias anticipent les attentes des publics P.37
2.2.1 Le mélange des genres au service de la peopolisation P.37
2.2.2 Les formats au service de la peopolisation P.40
2.3 La crise économique du monde des médias en catalyseur P.42
2.4 Des bouleversements dans l’activité de journaliste et dans les contenus médiatiques
Partie 3 : La relation entre le journaliste et l’homme politique
3.1 Nature du lien entre les deux acteurs P.45
3.2 Une relation au cœur de la peopolisation P.47
3.3 La chimère d’un lien de subordination P.48
3.4 Des grands concepts aux « petites cuisines » P.50
Conclusion
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Propos introductif
Il serait tentant de dire que la curiosité des gouvernés envers l’élite qui les gouverne a
toujours existé et que le phénomène est donc ancestral. Il serait même attirant
d’affirmer que la tentation d’observer ce qui se passe dans l’intimité de son voisin
explique le phénomène de la peopolisation des hommes politiques. Sans réfuter
totalement cette facilité intellectuelle, la réalité est bien plus complexe. Il suffit pour cela
de s’arrêter sur un autre phénomène médiatique : la téléréalité. Elle est apparue au
début des années 2000 aussi brusquement que son existence tend aujourd’hui petit {
petit { se raréfier sur nos écrans. Mais ce n’est pas l’émotion par l’intime qui disparaît,
bien au contraire. C’est bien le format de téléréalité au sens strict qui ne fait plus recette.
La sollicitation de l’affect, elle, fait définitivement partie du paysage médiatique. Mais
comprendre pourquoi ce constat est plus valable aujourd’hui qu’hier - dans le cadre de
cette étude on appliquera ce constat au champ politique - réside l’intérêt de cette
composition. Un retour en arrière s’impose.
1. La peopolisation dans l’histoire :
Comme je le disais plus haut, la curiosité envers nos gouvernants a toujours existé sans
pour autant donné lieu à un phénomène de peopolisation qui serait { l’initiative des
gouvernants ni du fait des médias. Ainsi, alors que les médias au sens on les connait
aujourd’hui n’existaient pas encore, on retrouve des traces de mise en avant de l’intimité
de Marie Antoinette, reine de France de 1774 à 1792 et épouse de Louis XVI. Elle a vu
une partie de son intimité sulfureuse dévoilée dans des ouvrages misant sur le
sensationnel pour attirer le lecteur1. C’est un exemple parmi d’autres de ce qu’a pu être
la peopolisation avant qu’un véritable contexte propre { son développement
intervienne.
Pour faire l’historique de la peopolisation, il faut, selon l’historien Christian Delporte,
revenir jusqu’{ la IIIe République, « pas avant, précise-t-il, car la peopolisation se satisfait
1 DUPRAT Annie. In Marie-Antoinette, côté bling-bling et côté trash. Le Temps des Médias. N°10
printemps 2008. Paris. Nouveau Monde éditions. P 13.
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mal des régimes démocratiques ». Bien évidemment, { cette époque le vocable n’existe
pas encore (il faudra attendre le début des années 2000 et la bataille pour la
présidentielle de 2002). Cependant, à cette période, le phénomène ne prend pas racine
pour deux raisons. Question d’idéologie politique tout d’abord, selon la conception de la
souveraineté nationale de la période 1870-1940, celle-ci est indivisible et ne peut
appartenir à un seul individu. Or, on le verra dans la première partie, la personnification
du pouvoir est une des bases du phénomène. La seconde tient plus à une logique
carriériste propre aux hommes politiques de l’époque : lorsque c’est le Parlement qui
gouverne, l’homme politique doit s’attacher { ne pas heurter ses confrères par un
comportement retenant trop l’attention sur sa personne, au risque de se faire évincer du
jeu politique. Mais cette période pose tout de même certains prémices dans la relation
qui commence à naître entre la presse et la sphère politique. Les deux acteurs
commencent { cette époque { se rendre compte qu’ils ont un intérêt commun { s’étaler
sur le terrain de l’intimité : séduire des électeurs et rameuter des lecteurs. Le
phénomène reste cependant marginal et concerne surtout une presse spécialisée. Très
vite, l’interview devient un format éditorial, l’image commence { faire son apparition et
petit { petit l’émotion fait son nid dans l’information. En parallèle la starisation émerge
dans les années 30. Un tournant s’opère dans les médias, une presse people se construit.
La parenthèse autoritaire de la seconde guerre mondiale flirte avec la communication
sur la vie privée. Hitler par exemple invite des journalistes dans son quotidien. Après la
guerre, la presse people s’implante dans les kiosques. Puis, sous la IVe République,
parler de la vie privée des hommes politiques n’est plus un tabou. Les hommes
politiques commencent { voir l’intérêt de communiquer sur ces sujets. Ils s’expriment
sur le thème « je suis un homme ordinaire » pour installer une sorte d’illusion de
proximité avec l’électeur. L’arrivée de De Gaulle en sauveur de la République va freiner
cette évolution. Sa stature de premier Président de la Ve République, sa légitimité
historique et son charisme d’homme d’Etat, lui évite les affres de la peopolisation.
Mais c’était { double tranchant car habiter l’Elysée en 1965 après le Général va pousser
les futurs prétendants à la Présidence à tenter de tisser un lien affectif avec les électeurs.
La machine est lancée. L’arrivée de la télévision accélère le processus et Georges
Pompidou est le premier à se servir de ce nouveau média à travers le spectre de la
peopolisation, s’inspirant de la maîtrise de Kennedy en termes de communication,
notamment la mise en avant de la famille. Car un des premiers signes de peopolisation
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reste sans aucun doute l’implication de la femme du prétendant aux affaires dans la
campagne électorale. Giscard s’attache lui aussi { créer un lien affectif avec les Français,
voulant se débarrasser d’une image d’austérité qui lui colle { la peau. Mitterrand refuse
de son côté de communiquer sur son intimité et la seconde rupture a lieu au début des
années 2000.
On développera le contexte qui a amené cette seconde rupture tout au long de ce
mémoire, nous distinguerons dans cette partie que les deux périodes que l’on peut isoler
pour en arriver une décennie plus tard à ce constat : la grande majorité des hommes
politiques, tous bords confondus, usent de techniques de peopolisation dans leur
stratégie de communication. Jamil Dakhlia distingue dans son travail2 sur le sujet deux
périodes : la peopolisation promotionnelle de 2000 à 2005 et la peopolisation offensive
de 2005 { aujourd’hui. Dans la première partie de la décennie, hommes politiques et
journalistes trouvent un intérêt commun { la manœuvre. Les journalistes font le jeu des
politiques et n’entrent dans l’intimité de ces derniers que lorsqu’ils le veulent bien. Mais
le procédé évoluant, la situation change et aujourd’hui la peopolisation des puissants
intervient même sans leur accord. Des photos de Segolène Royal en bikini (Closer et
VSD) { l’été 2006, { la médiatisation des premières vacances de François Hollande avec
sa nouvelle femme en août 2007, en passant par des révélations sur la rupture de
Nicolas Sarkozy et de Cécilia, le fameux « mur de la vie privée » institué en France par
l’article 9 du code civil, subit, selon le politologue, « l’effet boomerang de la surexposition
volontaire des hommes politiques français au début des années 2000». Et de
poursuivre : «mais la peopolisation volontaire ne s’arrête pas pour autant ».
2. La peopolisation en définitions :
Pour savoir ce qu’est réellement la peopolisation, commençons par rapporter quelques
définitions. Un certain nombre de références dans le domaine s’y sont essayés, en voici
un échantillon.
2 DAKHLIA Jamil. In, La représentation politique à l’épreuve du people : élus, médias et peopolisation en
France dans les années 2000. Le Temps des Médias. N°10 printemps 2008. Paris. Nouveau Monde éditions. P
66.
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