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ANALYSE ÉCONOMIQUE ET HISTORIQUE DES SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES
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ESPRIT DE L’EPREUVE
SUJET
CORRIGE
RAPPORT
ESPRIT GENERAL
Le préambule du programme officiel d’AEHSC (BO du 20 juillet 1995) rappelle que
l’enseignement “a pour objet l’étude des principaux phénomènes économiques et
sociaux aux XIXème et XXème siècles”. Cette matière “se situant principalement dans
la continuité des enseignements de la série économique et sociale du baccalauréat
général” est caractérisée par l’interdisciplinarité entre l’analyse historique, économique
et sociale. Elle se démarque donc de l’enseignement universitaire spécialisé. L’épreuve
du concours exige une démarche synthétique de la part des candidats et les amène à
confronter l’analyse économique et sociale aux données historiques de ces deux
derniers siècles.
L’AEHSC a pour objectif de donner aux étudiants des instruments d’analyse et des clés
de compréhension du monde contemporain afin qu’ils soient capables de proposer
une réflexion autonome à propos de phénomènes complexes. Ils sont donc invités à
s’affirmer par le choix de leurs références et de leurs arguments ainsi que par la fermeté de leurs conclusions personnelles. Jamais la correction des copies ne sanctionne
les opinions exprimées.
Cette épreuve, abordable mais sélective, doit permettre de mettre en valeur la maturité
intellectuelle nécessaire pour suivre avec profit l’enseignement dispensé dans les ESC
de la banque d’épreuves Ecricome.
Forme de l’épreuve
Le candidat traite l’un des deux sujets proposés sous forme de dissertation. Les sujets
peuvent couvrir en totalité ou en partie le champ historique du programme, voire se
limiter à une période récente. Ils ne correspondent jamais à une question de cours et
offrent toujours la possibilité de développer une “réflexion autonome”. La dissertation
consiste à démontrer deux (ou trois) idées directrices par des arguments reposant sur
des références théoriques et des exemples historiques précis et diversifiés.
Evaluation
L’évaluation des devoirs tient compte de la présentation matérielle (lisibilité de
l’écriture, clarté de la mise en page), de la correction orthographique et de la ma îtrise de la langue (vocabulaire, syntaxe, style).
Elle repose surtout sur une claire définition des concepts, des “mots clés” et sur la
rigueur de la formulation de la problématique et de l’argumentation. Le choix jud icieux des références théoriques et des exemples historiques est valorisé.
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SUJET
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RAPPORT
ÉPREUVE 2009
Durée : 4 heures
Aucun document n’est autorisé. Le candidat traitera l’un des deux sujets suivants.
SUJET 1
Depuis 1945, dans quelle mesure l’endettement des agents
économiques a-t-il été facteur de croissance dans les PDEM ?
SUJET 2
Le progrès économique a-t-il fait reculer l’insécurité sociale depuis
la fin du 19° siècle dans les pays capitalistes?
RAPPORT
Les étudiants et les professeurs ont trouvé les sujets intéressants, dans l’esprit de
l’épreuve, exigeant réflexion et analyse. Les deux sujets sont apparus, aux yeux des
correcteurs, suffisamment discriminants pour distinguer les candidats.
Le choix des candidats a été un peu déséquilibré puisque le premier sujet a été
sélectionné par les deux tiers d’entre eux alors que le second n’a été choisi que par
un tiers de l’effectif.
La moyenne générale des deux sujets s’élève à 10,47 et l’écart-type s’établit à
3,82.
Les notes s’échelonnent de 1 à 20.
22,7 % des candidats ont obtenus une note supérieure ou égale à 14/20, alors
que 15,8 % n’ont pas atteint 7/20.
APPRECIATIONS GENERALES DES CORRECTEURS
Les correcteurs constatent que les copies non construites sont très rares, ce qui est
tout à fait encourageant. La méthode de la dissertation a été formellement appliquée
dans presque tous les cas. Des correcteurs ont observé que les candidats avaient préparé
l’épreuve avec sérieux. De la sorte, on compte peu de copies catastrophiques ou sans
aucun contenu. Les deux sujets autorisaient des approches et des plans différenciés, les
correcteurs ne pouvaient attendre un cheminement unique.
Plusieurs remarques de correction reviennent fréquemment à propos des deux
sujets :
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SUJET
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RAPPORT
D’abord la nécessité de bien définir les termes du sujet. Endettement dans le premier cas, insécurité sociale dans le second. Souvent, les définitions proposées sont trop
sommaires ; les notions sont parfois considérées comme “allant de soi” alors le candidat reste dans le “flou”, l’approximatif ou la généralité.
Ensuite au niveau de la construction, il faut mettre en garde contre une utilisation systématique du plan chronologique. Selon un correcteur, “cela peut
conduire soit à des narrations peu conformes à l’esprit du progra m me, soit à des
simplifications regrettables“.
Ne pas sacrifier la conclusion, elle permet de faire le point sur les acquis de la
démonstration, voire d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.
A propos de l’argumentaire, la multiplication de citations d’auteurs n’est pas une
garantie de scientificité ou de rigueur du raisonnement : un correcteur signale avoir
corrigé une dizaine de copies où l’on cite un nom d’auteur toutes les deux phrases, ce
qui est excessif si la pensée de ceux-ci n’est pas développée et désastreux si cette
pensée est déformée ou traitée de façon approximative. La dissertation est le résultat
d’une réflexion personnelle.
Les défaillances de l’orthographe ont été sanctionnées par les correcteurs. La
relecture attentive des copies est indispensable avant la fin de l’épreuve.
Les deux sujets ont permis de valoriser les candidats qui ont apporté des analyses
et des réflexions personnelles sans réciter un cours.
APPRECIATIONS DES CORRECTEURS CONCERNANT LE SUJET
1
Analyse du sujet
Ce sujet supposait une délimitation précise du champ d’étude. L’endettement
concerne tous les agents économiques : entreprises, ménages, Etat et institutions
financières. En outre, le sujet visait à préciser le rôle de la dette dans le processus de
croissance. Il était limité à la période contemporaine puisque l’analyse devait être
située après 1945. La réflexion pouvait s’appliquer à tous les pays développés sans
distinction, ce qui a autorisé une multitude d’exemples historiques à l’appui des
démonstrations.
Les candidats ont souvent émis des réponses nuancées en employant des plans
dialectiques. Certains ont tenté d’opposer des aspects positifs et des aspects négatifs.
D’autres ont tenté une simplification autour d’une périodisation plus ou moins nuancée : de 1945 à 1980 où l’endettement aurait été favorable à la croissance et après
1980 où l’endettement créerait de l’inflation avant de devenir un endettement de
nature financière mettant en danger la croissance lors de krachs financiers.
Une distinction des pays et des périodes (antérieure/postérieure aux années
1980) selon la classification de Hicks, (économie d’endettement et économie de marchés financiers), était tout à fait opportune.
Dans le premier cas, le rôle des banques est éminent, dans le second, le marché
évalue les risques représentés par l’emprunteur. Une erreur consistait à réduire le sujet
à l’endettement bancaire en oubliant l’endettement sur les marchés financiers.
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SUJET
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Une autre erreur consistait à considérer qu’avec l’économie de marchés financiers,
l’endettement ait quasiment disparu.
Le financement de l’économie peut en effet s’opérer de quatre manières :
l’autofinancement et l’ouverture du capital d’une part, l’endettement sur les marchés
financiers (obligations par exemple) et l’endettement bancaire d’autre part.
L’endettement bancaire repose sur une création monétaire, l’endettement financier sur
un appel à de l’épargne préalable. Leurs risques sont donc très différents : inflation
pour l’un, effet d’éviction pour l’autre.
Dans certains cas, les candidats ont restreint le champ du sujet en éliminant soit
l’endettement public soit l’endettement privé.
D’un point de vue microéconomique, le développement de l’endettement est au
départ de l’activité d’entreprise, puisqu’il permet à l’entrepreneur de mettre en œuvre
les facteurs de production et d’anticiper la demande. Sur le plan théorique, il est le
résultat du calcul inter-temporel du producteur et du consommateur, une optimisation
sous contrainte intégrant le temps par le taux d’intérêt et l’actualisation.
Au niveau de l’entreprise, le financement de l’activité peut se réaliser à partir de
capitaux propres et à partir de capitaux empruntés, la proportion des uns et des
autres sera variable. On pourra distinguer le cas de la grande entreprise (emprunts
obligataires et à long terme, billets de trésorerie) de la PME (besoin de trésorerie ou
de fonds de roulement, crédit interentreprises). A ce propos, les bons candidats ont
su utiliser le théorème de Modigliani-Miller montrant que si les marchés sont efficients, la valeur des actifs économiques de l’entreprise n'était pas affectée par le choix
d'une structure de financement.
D’un point de vue institutionnel, la mise en œuvre d’un système bancaire stable
est une condition du développement : loi bancaire de 1945, le Glass Steagall act aux
Etats-Unis, le système allemand de banque universelle, le système bancaire japonais
structuré au sein des Keiretsu… Tous ces systèmes organisent le système de crédit.
Cela induit des différences dans la gestion de l’endettement de l’économie.
D’un point de vue macroéconomique, on retrouvait le débat traditionnel entre les
Classiques, les Néoclassiques, les Keynésiens et l’Ecole suédoise : l’épargne doit-elle
être un préalable à la croissance ou celle-ci doit-elle être financée par l’endettement
qui est de l’épargne a posteriori ?
L’endettement a un prix et ce prix conditionne la croissance. On pouvait trouver
chez Knut Wicksell, les prémisses d’une analyse de l’effet de levier : lorsque le taux
d’intérêt réel pratiqué par les banques (taux monétaire) est plus faible que celui qui
résulterait normalement de la confrontation entre offre et demande de capital (taux
naturel), les entrepreneurs investissent en empruntant et la croissance se développe
ainsi que l’inflation. Dans certaines copies, cette distinction entre les taux d’intérêt
n’a pas toujours été très claire.
Keynes intègre une idée un peu différente à son analyse de l’investissement en
faisant jouer l’efficacité marginale du capital (rentabilité anticipée) : l’investissement
se réalise si l’efficacité marginale du capital est supérieure au taux d’intérêt. C’est une
manière d’énoncer la condition nécessaire à l’effet de levier.
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L’effet de levier pouvait opportunément être développé. Malheureusement, les
correcteurs déplorent qu’il ait été trop peu exploité par les candidats.
Effet de levier :
Rf = Re+(Re-i) x (DF/CP).
Re : rentabilité économique (Re = Rendement d'exploitation/capitaux investis)
i : coût dette (i=FF/DF) FF : frais financiers ; DF : dette financière engagée
CP : capitaux propres engagés
Wicksell, comme Schumpeter, considère le crédit comme un moyen de “préfinancer“ la croissance. Selon Joseph Schumpeter, le succès de l’entrepreneur dépend à la fois
de l’innovation et de la disponibilité de crédit.
La relation dette-croissance est par conséquent intermédiée : l’endettement sert à
financer l’investissement, la consommation et les dépenses publiques facteurs de croissance économique. La démonstration pouvait s’appuyer sur les théories de la croissance
reposant sur l’accumulation de capital (R. Solow, F. von Hayek, E. von Böhm-Bawerk,
Carré-Dubois-Malinvaud…), sur la consommation (J-M. Keynes, théorie de la synthèse)
et sur les dépenses publiques (J-M. Keynes, modèle Harrod-Domar, modèle IS-LM entre
autres).
Le sujet comportait l’interrogation “dans quelle mesure”, ce qui impliquait évidemment de considérer l’interaction avec les autres facteurs de croissance. L’endettement
pouvait être considéré comme un facilitateur de la combinaison productive.
Historiquement, l’endettement des ménages, pour la consommation et le logement
a été à l’origine de la croissance de la société de consommation de masse. Le crédit à
la consommation permet l’acquisition de biens durables (30% des ménages y ont recours
aujourd’hui). L’effort d’investissement des entreprises a contribué à régulariser le rythme
de croissance. Les gouvernements des principaux PDEM n’ont pu engager des actions de
grande ampleur (reconstruction, régulation de l’activité économique) qu’en raison de la
capacité d’endettement des Etats.
Des contradictions pouvaient être cependant relevées en lien avec le volume de la
dette et la qualité des acquisitions et des garanties fournies en contrepartie. Le surendettement pouvait être évoqué à propos des ménages, des entreprises, des institutions
financières et des Etats et sa contribution à la récession économique et à la crise pouvait être soulignée. Sur ce point le sujet était fortement d’actualité!
La théorie économique a mis la question de la dette au centre des explications des
récessions économiques et des cycles d’activité. Les analyses mettent en avant le risque
d’insolvabilité (C. Juglar), de suraccumulation du capital (K. Wicksell, F. von Hayek) et
l’abus de l’effet de levier (I. Fisher).
La question de la gestion de la dette publique et son rôle régulateur sur la
croissance a pu être abordée notamment avec l’exemple européen. La question du
surendettement des grands pays capitalistes aujourd’hui a pu aussi être discutée
dans sa relation avec le processus de croissance. Quelques candidats ont évoqué les
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travaux de M. Pébereau, à propos de la dette publique française.
Certains candidat ont pu souligner le rôle de l’endettement des entreprises, des
administrations publiques et surtout des ménages et du secteur financier dans le
soutien de la croissance américaine au XXI° siècle.
Le ralentissement de cet essor n’a pas été causé par des problèmes d’endettement,
mais plutôt par un tassement productif lié à des problèmes d’offre. L’intervention
croissante de l’Etat par la dépense publique a soutenu l’investissement au prix de
déficits publics importants. Il en résulte une dette publique élevée qui met en péril la
croissance future. Celle-ci n’a été possible qu’en raison d’une épargne disponible.
Durant les années 1990, les marchés financiers ont connu un essor sans précédent.
L’endettement a largement financé les opérations de fusions et acquisitions. La finance
a permis de nouvelles stratégies d’expansion des entreprises. La désintermédiation a
transféré le risque de cette dette aux marchés financiers via le processus de titrisation
de la dette.
Les bons candidats on su tenir compte de ces processus.
La question de la soutenabilité de la dette devait être posée. Ainsi, le rendement
des investissements réalisés doit dépasser le service de la dette sans quoi l’effet de levier
se transforme en effet de massue. Tout dépend donc de la qualité des investissements
réalisés avec la dette (Des exemples pour illustrer les propos pouvaient facilement être
mobilisés : Vivendi Universal, France Telecom, plus récemment les grandes banques américaines). S’il y a ralentissement de la croissance, ce rendement diminue mettant en péril
les entreprises endettées.
Enfin la question de la solvabilité des emprunteurs devait être envisagée. Elle est
à l’origine de la crise des subprimes. La défaillance d’un trop grand nombre d’emprunteurs, en particulier dans le domaine financier, met en péril la croissance.
Bibliographie :
- Aglietta M. Macroéconomie financière, la découverte 2001.
- Aglietta M. La crise, Michalon eds. 2008
- Artus P. Virard M.P. Le capitalisme est en train de s’autodétruire,
La découverte 2007
- Bernstein P. L., Des idées capitales, PUF, coll. “Quadrige”, 2000.
- Brender A. et Pisani F., Les déséquilibres financiers internationaux,
La découverte, 2007
- Brender A. et Pisani F., La crise de la finance globalisée, La découverte, 2009
- Chantepie P. Gautier L. Piot O. Plihon D. La nouvelle politique économique,
PUF 1997.
- Giraud P. N. Le commerce des promesses, Seuil 2001
- Gurley J. et Shaw E. Financial aspect of development, AER 45 p 515-538 1955.
(Finance directe et finance indirecte).
- Lévy-Garboua V. et Maarek G. La dette, le boom, la crise, Atlas-Economica,
1985
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- Orléan A., De l’euphorie à la panique : penser la crise financière, ENS rue d’Ulm,
2009
- Wicksell K. Intérêt et prix, 1898.
Barème
Notes de 0 à 07/20
Réponse inadaptée parce que le candidat ne comprend pas le sens du sujet, ou
réponse confuse par défaut de problématique et/ou de plan clairs et rigoureux.
- Non repérage du sujet avec énoncé de généralités et de connaissances nulles
ou très faibles : de 0 à 3
- Défauts de forme : construction et orthographe défaillantes, écriture illisible,
nombreuses ratures.
- Le candidat n’a pas pris en compte le terme “d’endettement” ou l’a défini de
manière confuse et inadaptée.
- Confond narration et analyse : raconte l’histoire des trente glorieuses ou la
crise des “subprimes” ; se limite à une analyse financière, par exemple à la
dimension bancaire ou au surendettement.
- Ne tient pas compte des limites chronologiques.
- Incapacité à proposer une problématique ou à se positionner relativement au
sujet, absence de plan.
Notes de 8 à 14/20
Réponse bien centrée sur l’endettement et la croissance mais incomplète : Privilégie
un aspect, par exemple, les risques, la crise contemporaine des subprime, ou oubli
d’une dimension importante du sujet ou tendance à proposer une réponse plutôt
narrative.
- Forme respectée (Introduction, 2 ou 3 parties bien identifiées, conclusion).
- Le candidat définit la notion d’endettement et précise son rôle dans la
croissance. L'approche est restreinte.
- Différentes modalités d’endettement sont distinguées, mais de façon
relativement imprécise quant à leur situation au sein des PDEM.
- Approche théorique sommaire.
- Dimension historique insuffisamment développée.
Notes au-delà de 15/20
Réponse adaptée, claire, où la réflexion est approfondie et synthétique.
- Le candidat prend bien en compte endettement et croissance, établit des
distinctions entre les modalités de financement de la croissance et illustre par
des exemples tirés de l’expérience des pays développés au programme (EtatsUnis, Allemagne, Japon, France). La problématique est claire et l'argumentaire
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SUJET
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démonstratif, distinguant les aspects internes aux pays de la dimension
internationale.
- Discute des conditions d’un rôle positif de l’endettement sur la croissance en
considérant la soutenabilité de la dette.
- Propose une analyse très claire et globale où les exemples historiques sont
bien choisis et précis.
- La démonstration est rigoureuse. Les approches théoriques sont riches et bien
maîtrisées.
APPRECIATIONS DES CORRECTEURS CONCERNANT LE SUJET
2
Analyse du sujet
Les candidats ont dû définir soigneusement les termes “insécurité sociale” et
“progrès économique”, une tâche simple mais néanmoins indispensable.
Le thème l’insécurité sociale pouvait se décliner :
Par rapport au travail : accident du travail, licenciement et chômage, maladie. S’y
rattachent les problèmes posés par la flexibilité quantitative, qualitative et salariale,
et le concept de rapport salarial.
Par rapport à l’insertion sociale : pauvreté, déficits physiques et intellectuels,
orphelinat. Plus largement, l’insécurité liée aux défauts d’intégration et de régulation
sociale.
Cette dernière dimension a été souvent négligée par les candidats. Les correcteurs ont été attentifs à une définition précise de l’objet d’étude.
L’insécurité sociale est associée aux risques sociaux tels ceux pris en charge par
les systèmes de protection sociale, et de redistribution plus globalement : maladie,
emploi, famille, vieillesse, dépendance. Elle se pose dans le cadre de la question
sociale et de “sa métamorphose” (R. Castel). Mais les Etats ne sont pas seules parties
prenantes ; le monde économique et la structure sociale dans leur ensemble contribuent à la fois à réduire l’insécurité sociale et à l’accroître. C’est toute l’ambiguïté de
cette action qui est posée par le sujet. L’insécurité sociale met donc en scène l’Etat,
l’entreprise, l’école, les syndicats, la famille, les associations… Plus globalement, elle
pose le problème de l’intégration et de la régulation des individus à la société, les
questions de justice, de pauvreté, d’inégalité et d’exclusion.
Les correcteurs déplorent que la dimension sociologique du sujet n’ait souvent
pas été vue. Les références théoriques ont manqué et l’approche est alors restée très
factuelle.
Le progrès économique fait référence à la croissance et à ses conséquences sur le
revenu disponible et son partage. La croissance de la productivité est la conséquence
du progrès, elle est génératrice de surplus. Une partie de ce surplus a pu être consacré à des dépenses sociales. Ces dépenses ont progressé plus rapidement (2000-2006 :
5% par an) que les dépenses du budget de l’Etat et que le rythme de croissance du
PIB (avoir une idée des ordres de grandeur est évidemment un plus, par exemple pour
la France 29,4% en 2006 contre 25% en 1981, les cotisations représentent les 2/3 des
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SUJET
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ressources. Elles s’élevaient à 7,8% du PIB en 1945 et à 19.3% en 1991).
Certains étudiants ont assimilé progrès économique et progrès technique, négligeant ainsi les aspects redistributifs.
Le sujet privilégiait la longue période, cependant la période de l’après 1945 était
mieux connue des candidats que la situation au 19ème siècle. Certains se sont cantonnés au cas français alors que l’intitulé du sujet suggérait une approche plus large.
Les réponses nuancées ont dominé avec des plans de type historique en deux ou
trois parties. Il fallait tout de même éviter la caricature du plan suivant: première partie progrès et baisse de l’insécurité au 19eme et 20eme. Seconde partie crise des
années 70 et augmentation de l’insécurité… Les meilleures copies sont celles qui ont
su résister à la tentation d’opposer la “sécurité sociale complète” et l’harmonie
supposée des Trente Glorieuses à la débâcle complète que la mondialisation aurait
entraînée en raison d’une recherche effrénée du profit.
Le sujet invitait à se demander si la réduction des inégalités induite par la
croissance et l’amélioration des niveaux de vie a conduit à réduire l’insécurité sociale.
Ou si l’une s’est substituée à l’autre : la recherche de la sécurité, sociale ici, a remplacé la lutte contre les inégalités faute de résultats. Ce débat pouvait être conduit
en distinguant deux phases : de la fin du XIXème siècle à la croissance des trente
glorieuses d’une part, et d’autre part depuis le ralentissement économique à partir de
la fin des années 1970.
Ainsi, comment la crise de l’Etat-providence affecte-t-elle l’insécurité sociale dans
un système capitaliste plus libéral en posant une nouvelle question sociale ? Au fond,
le capitalisme est-il capable d’apporter une sécurité ; la recherche du profit peut-elle
se conjuguer avec la protection sociale sans menacer à terme le progrès économique
lui-même ?
Historiquement, la question posée par le sujet à partir de la fin du 19ème
siècle est le produit de la période antérieure. En effet, le progrès économique suscité
par la Révolution Industrielle a nécessité le développement de marchés concurrentiels dans l’idéal de la concurrence pure et parfaite. Cela s’est traduit entre autres par
la suppression des corporations, l’extension progressive d’un marché du travail déréglementé (voir par exemple la remise en cause du système de Speenhamland décrite
par K. Polanyi dans la Grande Transformation), l’internationalisation des économies,
l’exode rural… Ces mutations ont fragilisé les actifs et leur famille. Mais en même
temps, dans la deuxième moitié du 19ème siècle, les conditions de vie de la grande
majorité de la population des pays développés s’éloignent peu à peu de la survie et
cette amélioration leur permet de prendre une distance avec la nécessité (M.
Halbwachs, G. Noiriel). Cette évolution positive résulte directement du progrès économique grâce à l’augmentation des niveaux de vie suscitée par la croissance, le développement des entreprises et indirectement par l’institutionnalisation de la question
sociale. Les aléas de la conjoncture sont supportés par les entreprises, conséquence
du “contrat implicite” passé avec les salariés. Le progrès économique permet de financer un système de protection sociale. Du fait même du progrès économique, deux
dynamiques sont donc à l’œuvre depuis la Révolution Industrielle : une flexibilisation
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source potentielle de précarisation et d’insécurité d’une part, une sécurisation des
individus d’autre part. La relation est directe et indirecte (rôle des institutions
publiques par exemple).
Ainsi, le progrès économique ne suffit pas à garantir une protection sociale, des
institutions sont nécessaires pour la prise en charge de l’insécurité sociale.
Pour l’illustrer on pouvait penser évidemment :
à Bismarck à la fin du 19°siècle en Allemagne : loi pour l’assurance maladie
(1883), loi pour l’assurance accidents du travail (1884) et loi pour les assurances
invalidité et vieillesse (1889) ;
au rapport de Lord Beveridge publié en 1942 en Grande-Bretagne : "Social
Insurance and Allied Services" : nouvelle philosophie de la protection sociale (lutter
contre l'ignorance, le taudis, l'oisiveté, la maladie) ;
au système Français de protection sociale mis en place en France à partir de
1892 : limitation du travail des femmes et des enfants, accidents du travail (1894),
assurance retraite obligatoire pour les ouvriers et les paysans (1910), loi sur les
assurances sociales (1928 et 1930), loi sur les allocations familiales, financées par des
versements patronaux (1932). Sécurité Sociale créée par l’ordonnance du 4/10/1945.
L’institutionnalisation de ces deux dynamiques après guerre a joué un rôle
indiscutable par la mise en place des systèmes de sécurité sociale et de redistribution
des richesses.
Les connaissances précises sur cette législation sociale et ces formes d’intervention de l’Etat ont valorisé les bons candidats.
Sociologiquement, la question de l’insécurité sociale pouvait être étudiée comme
un défaut d’intégration et de régulation des individus à la société généré par le
progrès économique lui-même et engendrant des fonctionnements anomiques ou
égoïstes (E. Durkheim) déviants (Merton…). Il convenait dans ce cadre de souligner
le rôle joué par les instances de socialisation (Etat, école, entreprises, syndicats,
famille…), elles-mêmes affectées par le progrès économique (théories de l’Etat,
impact de l’école et des diplômes sur l’emploi, analyse des effets de l’organisation du
travail sur l’intégration des individus…). Il était aussi possible de relier le sujet à
la problématique des niveaux de vie, du mode de vie, de la justice sociale, des
inégalités et de la pauvreté (J. Rawls, S. Kuznets, H. Mendras, K. Marx, T. Piketty,
J. Baudrillard…). Alors, la réduction de l’insécurité sociale est le produit de conflits
sociaux qui accompagnent le progrès économique (K. Marx, R. Dahrendorf,
A. Touraine…) dans un contexte politique démocratique (A. de Tocqueville).
Malheureusement cette dimension a été absente d’une grande partie des copies.
Par ailleurs, il convenait aussi de réfléchir aux effets des mutations du marché du
travail induites par le progrès économique, comme en témoigne le débat autour de la
flexisécurité, et la redéfinition du rapport salarial. Cette dimension a été mieux vue
par des candidats qui ont souligné une certaine remontée de l’insécurité sociale à
l’occasion de la crise.
Enfin, dans une perspective plus large, le progrès économique s’est traduit par le
développement de l’internationalisation, facteur d’instabilité et de remise en cause.
Dans des bonnes copies ont été étudiées les conditions de la “complémentarité entre
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progrès économique et sécurité sociale dans une économie mondialisée”.
Le sujet était suffisamment large pour que les candidats ne soient pas démunis
et suffisamment original pour qu’ils ne récitent pas leur cours. Il a donné lieu à de
multiples entrées rendant la lecture non fastidieuse. Un correcteur souligne “la qualité d’un nombre non négligeable de copies dans lesquelles des étudiants ont su prendre le sujet à bras le corps et ont su mobiliser les acquis du travail de leurs deux
années de préparation au concours”.
Bibliographie :
- Avis du conseil économique et social, 18/19 décembre 2007, Le financement
de la protection sociale, Duthilleul A.
- Collectif, Précarité et insécurité sociale, Problèmes politiques et sociaux, La
documentation française, mars 2006
- Beck U., La société du risque, Flammarion 2003.
- Castel R., Les métamorphoses de la question sociale, Une chronique du salariat,
Fayard, 1995
- Castel R., L’insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ? La République des
idées, Seuil, 2003
- Chauvel L., Les classes moyennes à la dérive, Seuil, 2006
- Cohen D., Les infortunes de la prospérité, Pocket, 1996
- Elbaum M., Economie de la protection sociale, PUF, 2008
- Esping-Andersen G., Trois leçons sur l’Etat-providence, Seuil, 2008
- Gazier B. et Auer P., L’introuvable sécurité de l’emploi, Flammarion, 2008
- Murard N., La protection sociale, coll. Repères, La découverte, 2004
- Rosanvallon P., La crise de l’Etat-providence, Seuil, coll. points, 1981
- Rosanvallon P., La nouvelle question sociale, Le Seuil, 1995
- Wacquant L., Punir les pauvres, Agone, 2004
- Pour en finir avec la pauvreté, Regards croisés sur l’économie, La découverte,
2008
Barème
Notes de 0 à 07/20 :
Réponse inadaptée parce que le candidat ne comprend pas le sens du sujet, ou
réponse confuse par défaut de problématique et/ou de plan clairs et rigoureux.
- Non repérage du sujet avec énoncé de généralités et de connaissances nulles
ou très faibles : de 0 à 3
- Défauts de forme : construction et orthographe défaillantes, écriture illisible,
nombreuses ratures.
- Le candidat n’a pas pris en compte le terme “d’insécurité sociale” ou l’a défini
de manière confuse et inadaptée. Incapacité à définir le progrès économique,
confusion avec progrès technique.
EPREUVES SPECIFIQUES
264
annales officielles
NES
ANALYSE ÉCONOMIQUE ET HISTORIQUE DES SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES
ESPRIT DE L’EPREUVE
SUJET
CORRIGE
RAPPORT
- Confond narration et analyse : raconte l’histoire de la protection sociale en
France de manière caricaturale.
- Ne tient pas compte des limites chronologiques.
- Incapacité à proposer une problématique ou à se positionner relativement au
sujet, absence de plan. Sujet perdu de vue, long hors-sujet.
- L’étudiant réduit le progrès économique au rôle de l’Etat.
Notes de 8 à 14/20 :
Réponse bien centrée sur l’insécurité sociale et le progrès économique mais
incomplète : Privilégie un aspect, par exemple, le chômage, ou oubli d’une
dimension importante du sujet ou tendance à proposer une réponse plutôt
narrative.
- Forme respectée (Introduction, 2 ou 3 parties bien identifiées, conclusion).
- Le candidat définit la notion d’insécurité sociale dans ses diverses dimensions
et précise comment il a été possible de la réduire grâce à la croissance des
richesses. L'approche est restreinte.
- Différentes modalités de protection sociale sont distinguées, mais de façon
relativement imprécise quant à leur historique.
- Approche théorique sommaire.
- Dimension historique insuffisamment développée.
Notes au-delà de 15/20 :
Réponse adaptée, claire, où la réflexion est approfondie et synthétique.
- Le candidat prend bien en compte insécurité sociale et progrès économique,
établit des distinctions entre les systèmes de protection sociale et illustre par
des exemples tirés de l’expérience des pays développés au programme (EtatsUnis, Allemagne, Japon, France). La problématique est claire et l'argumentaire
démonstratif, distinguant ce qui relève des risques du travail, de la pauvreté.
- Discute des modalités de progrès, particulièrement favorable.
- Propose une analyse très claire et globale où les exemples historiques sont
bien choisis et précis.
- La démonstration est rigoureuse. Les approches théoriques sont riches et bien
maîtrisées. En particulier, l’étudiant intègre une analyse sociologique à son
développement.
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EPREUVES SPECIFIQUES
annales officielles
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