leçon 20 - Campus Pegasus

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Module d’Histoire
LEÇON 15 : INSTITUTIONS, FONCTIONNEMENT ET VIE POLITIQUE
SOUS LA IVE ET DE LA VE REPUBLIQUE
Nombre de pages : 27
Plan de la leçon
LEÇON 15 : Institutions, fonctionnement et vie politique sous la ive et de la ve Republique.........................................1
Plan de la leçon................................................................................................................................................................ 1
I. RECONSTRUIRE LA REPUBLIQUE.............................................................................................................................. 2
A. LA FRANCE EN 1945 : UNE SITUATION DE VIDE JURIDIQUE ET POLITIQUE....................................................................................... 2
1. L’épuration :.................................................................................................................................................................. 3
2. Réformer les institutions :.............................................................................................................................................. 4
B. LA VIE POLITIQUE SOUS LA IVE RÉPUBLIQUE............................................................................................................................. 6
C. LA RECONSTRUCTION DES FORCES POLITIQUES TRADITIONNELLES.................................................................................................... 6
1) Les trois forces politiques du moment :......................................................................................................................... 6
2. Les premières élections de l’après-guerre :................................................................................................................ 8
3. Le conflit entre le général de Gaulle et les partis (novembre 1945- janvier 1946)..................................................... 10
2. La naissance du Tripartisme ....................................................................................................................................... 11
3. L’impact du discours de Bayeux dans le débat politique............................................................................................. 13
D. LES CRISES DE LA IVE RÉPUBLIQUE (1954-1958).................................................................................................................. 14
1. L’instabilité du gouvernement..................................................................................................................................... 14
2. La CED........................................................................................................................................................................ 15
3. L’expérience de PIERRE MENDES FRANCE :.......................................................................................................... 15
4. Le poujadisme.............................................................................................................................................................. 16
E. LA CRISE AGÉRIENNE............................................................................................................................................................16
B La crise morale et l’impasse politique de la IVe République...................................................................................... 17
1. Le 13 mai et l’effondrement de la IVe République....................................................................................................... 18
II. 1958-1974 : LA REPUBLIQUE GAULLIENNE ET LES INSTITUTIONS............................................................... 19
A. LA NAISSANCE DE LA CINQUIEME REPUBLIQUE.............................................................................................. 19
1. La Constitution de la Ve République : un président aux prérogatives renforcées. ...................................................... 19
2. 1958 : De gaulle au pouvoir........................................................................................................................................ 20
3. Les nouvelles institutions de la Ve République et leur fonctionnement....................................................................... 20
B. LA GUERRE D’ALGÉRIE ET LA VE RÉPUBLIQUE....................................................................................................................... 21
1. La guerre d’Algérie et les institutions de la Ve République......................................................................................... 21
C. 1962 : L’ÉVOLUTION CONSTITUTIONNELLE.............................................................................................................................. 23
2. Les défis du Général de Gaulle.................................................................................................................................... 23
3. Le coup de force de Gaulle : la révision de la Constitution........................................................................................ 23
D. LA RÉPUBLIQUE GAULLIENNE............................................................................................................................................... 24
1. Un pouvoir fort............................................................................................................................................................ 24
2. L’usure du pouvoir....................................................................................................................................................... 24
E. L’APRÈS GAULLISME (1969-1981)........................................................................................................................................25
3. Le mandat de Georges Pompidou : 1969-1974........................................................................................................... 25
4. Le mandat de Valery Giscard d’Estaing (1974- 1981)................................................................................................ 25
F. L’ALTERNANCE : L’EXPÉRIENCE SOCIALISTE ............................................................................................................................. 25
5. Le temps des alternances et des cohabitations depuis 1986........................................................................................ 26
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INTRODUCTION
Au lendemain de la libération, la situation politique de la France est maquée
par deux caractéristiques fondamentales : un vide juridique et politique qui
stimule l’aspiration des Français au renouveau d’une part, le rôle personnel
du général de Gaulle de l’autre. Or entre 1945 et 1947, L’évolution des
évènements va conduire au retrait politique du général de Gaulle et à la mise
en place d’un régime très proche de celui de la IIIe République marqué par
une instabilité gouvernementale. Le 13 mai 1958 met fin à une histoire
politique de la France organisée autour de la conception parlementaire de la
République, née en 1877 et poursuivie, au delà de la parenthèse vichyste et
restaurée en 1944. Face au Parlement représentant la nation souveraine qui,
dans la conception « républicaine », constituait l’organe suprême, se dresse
désormais un pouvoir fort aux mains d’un président de la République aux
pouvoirs étendus. Au delà des textes, il y a la pratique, une pratique qui fait
du chef de l’Etat la clé de voûte des institutions et, un souverain temporaire
soumis à la seule sanction du suffrage à travers le référendum et, bientôt au
suffrage universel. Avec de Gaulle, puis son successeur Georges Pompidou,
se modèle l’image d’un pouvoir exécutif fort qui fait du président français le
personnage aux pouvoirs les plus considérables dans toute l’Europe de la
démocratie libérale.
I.
RECONSTRUIRE LA REPUBLIQUE
A. LA FRANCE
EN
1945 :
UNE SITUATION DE VIDE JURIDIQUE ET POLITIQUE
Au début de l’année 1945, la France est un pays sans régime politique, où tout est
possible. La Constitution de la IIIè République qui régissait la vie nationale a été
suspendue de fait le 10 juillet 1940 par le vote de l’Assemblée nationale qui a donné au
maréchal Pétain les pleins pouvoirs et la charge de rédiger une nouvelle constitution1.
L’expérience de la défaite et celle du régime de Vichy ont laissé en outre dans l’opinion
publique une trace qui perdure : le double refus de l’instabilité et de l’impuissance qui
1
Cette constitution n’a jamais vu le jour, si bien qu’aucun texte légal ne fixe la place et le rôle des pouvoirs
publics.
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ont marqué la vie politique de la IIIe République2 et sont jugées responsables de la
défaite d’une part, de l’autoritarisme et de la dictature d’une part. Toutefois, la crainte
du pouvoir personnel dont on vient de faire l’expérience à Vichy est plus grande. Pays
sans personnels institutionnels, la France est aussi un pays dont les élites ont été
frappés d’inéligibilité à la libération pour avoir apporté leur appui ou leur collaboration
au régime de Vichy.
1. L’épuration :
La libération de la France n’est qu’un épisode dans la course des Alliés vers les
frontières du Reich. « La marée, en se retirant, découvre donc soudain, d’un bout à
l’autre, le corps bouleversé de la France ».3 Meurtrie, appauvrie, la nation vainqueur
subit une contrainte considérable. Le souci du lendemain, la nécessité de survivre, telle
est l’obsession de l’heure pour les Français comme pour leur gouvernement. Pétain et
ses ministres sont traduits devant une Haute Cour, et 125 000 personnes devant des
Cours de justice, dont 44 000 condamnées à des peines de prison. Mais l’épuration
encourt le double reproche d’avoir été trop sélective : l’épuration extrajudiciaire
d’après la libération a fait environ 1 300 victimes. Cette épuration frappe aussi, mais
dans une moindre mesure, l’administration. Globalement, l’épuration n’ y a pas été très
importante, mais les responsables les plus en vue ont perdu leurs postes et, à leur
place, s’installe un personnel nouveau, d’autant que les ministres nommés à la
libération placent aux postes clés leurs amis politiques. Il s’y ajoute la confiscation d’un
certain nombre de journaux qui ont continué à paraître sous contrôle allemand après
1942.
L’épuration,
« Une chose odieuse »Il est certain désormais que l’épuration en France est non
seulement manquée, mais encore déconsidérée. Le mot d’épuration était déjà assez
pénible en lui-même. La chose est devenue
odieuse. Elle n’avait qu’une chance de
ne point le devenir, qui était d’être entreprise sans esprit de vengeance ou de légèreté.
Il faut croire que le chemin de la simple justice n’est pas facile à trouver entre les
clameurs de la haine d’une part, et les plaidoyers de la mauvaise conscience d’autre
part. L’échec, en tout cas, est complet. […] C’est qu’aussi bien la politique s’en est
mêlée, avec tous ses aveuglements. Trop de gens ont crié à la mort comme si les
travaux forcés, par exemple, étaient une peine qui ne tirait pas à la terreur lorsque
2
3
E
1870-1940
Charles de Gaulle
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quelques années de prison venaient récompenser l’exercice de la délation et du
déshonneur. Dans tous les cas, nous voici impuissants.
Albert Camus, Combat, 30 août 1945
2. Réformer les institutions :
Les femmes obtiennent le droit de vote en avril 1945. Elles votent pour la première fois
aux législatives en octobre 1945, lors ce ces élections on propose aussi aux français de
se prononcer par référendum, ils souhaitent à une large majorité changer les
institutions. Le général de Gaulle démissionne en janvier 1946, il prend position pour
un exécutif fort dans un discours à Bayeux en juin 1946. Contrairement à ce souhait,
en octobre 1946 les français optent sans grand enthousiasme pour un régime
d’assemblée. L’essentiel du pouvoir est aux mains de l’assemblée qui autorise le chef
du Gouvernement appelé président du Conseil, nommé par le Président de la
république, à gouverner (investiture) et qui peut mettre fin à ses fonctions (vote de
censure). Le président du Conseil est sous la quatrième république l’équivalent de
notre premier ministre. Le président de la République, élu pour sept ans (septennat)
en congrès (tous les parlementaires réunis) dispose de peu de pouvoir. Le premier
Président de la IV° république est Vincent Auriol. ( voir les institutions et leur fonctionnement
ci-
dessous)
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3) Les institutions et leurs fonctionnements sous la IVe République
Désigne
Président de la République
préside
Chef de l’Etat
Président de l’Union française
Président du Conseil
Conseil supérieur de la
- Chef du Gouvernement
Gouvernement
initiative des lois
la magistrature
élit
7
pour
ans
exécution des lois
investit
Assemblée nationale
Conseil de la République
élue pour 5 ans
- élue pour 6 ans
vote les lois
- donne des avis
suffrage indirect
Conseil généraux
Grands électeurs
suffrage universel direct
Electeurs : hommes et femmes de plus de 21ans
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B. LA
VIE POLITIQUE SOUS LA
IV RÉPUBLIQUE
E
Dans ce vide institutionnel et politique, une seule force réelle domine : celle du Général
de Gaulle. Reconnu par tous les grands Etats depuis 1944, intronisé par les
acclamations des Français, ayant réduit les organes dirigeants de la Résistance à un
rôle mineur, il gouverne sans contrepoids avec l’aide de deux organes nommés par lui
et qui ne dépendent que de lui : le GPRF4 et l’Assemblée consultative. Face à ce
pouvoir appuyé sur une popularité, il n’ y a guère de force politique représentative
avant octobre 1945.
La guerre a eu pour effet de briser les structures des partis politiques français. La
défaite, la coupure du pays en deux par la ligne de démarcation, puis l’autoritarisme
du régime de Vichy a interdit d’une part une vie de « partis5 » normale et d’autre part
cette notion de parti a été rejetée par la résistance 6. Car cette dernière se réclame de
l’unité nationale et considère les partis comme un processus fractionnel. La méfiance
envers les partis politique et leur quasi-disparition a conduit certains dirigeants de
mouvements de résistance à envisager pour l’après-guerre la naissance d'élites
politiques nouvelles. L’idée donc d’un grand « parti de la Résistance » devient de moins
en moins crédible à mesure qu’on progresse vers la fin de la guerre. Très vite, la
reconstruction des forces politiques traditionnelles rendra vaine cette tentative, seul le
critère d’appartenance ou non à la Résistance reste un critère fondamental de clivage.
Désormais, la France cherche ses modèles ailleurs. Elle pense les trouver d’abord dans
les Etats-Unis d’Amérique qui apparaît comme la championne de la liberté et de la
démocratie en raison de son rôle durant le conflit, mais aussi comme le pays phare de
la prospérité économique dont il ne faut pas mésestimer le rayonnement sur un pays 7
qui sort de cinq années de pénurie et aspire à retrouver les joies de la consommation.
Mais le modèle est aussi celui de l’URSS, dont les gigantesques sacrifices ont permis de
vaincre l’Allemagne nazie et qui est présenté comme le pays qui a su allier l’efficacité
au souci de la justice sociale.
C. LA
RECONSTRUCTION DES FORCES POLITIQUES TRADITIONNELLES
1) Les trois forces politiques du moment :
4
Gouvernement Provisoire de la République Française crée en septembre 1944 et présidé par de Gaulle
5
Entendu comme force politique
6
sauf le pari communiste qui survit dans la clandestinité depuis 1939
7
La France
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Les trois principales forces politiques françaises sont, en effet, soit nées de la
Résistance (MRP8), soit rénovées par elle ( Parti Communiste et SFIO9). Mais la plupart
de ces partis auront besoin dans un premier temps de régler leurs conflits internes.
La Section Française Internationale Ouvrière
Le Parti socialiste (SFIO) est sans doute le mieux armé en 1945 pour capter à son
profit l’héritage de la Résistance. Les idées du socialisme humanise et imprègne
l’idéologie de la Résistance et beaucoup de socialistes et de syndicalistes socialisants
ont eu une action essentielle à la tête des mouvements issus de la libération. Sans
répudier totalement le marxisme, il prend très largement ses distances à son égard, en
insistant sur le fait que l’objet ultime du socialisme ne consiste pas seulement à libérer
l’homme de l’exploitation économique et sociale, mais aussi à lui assurer les conditions
de son épanouissement personnel.
Au congrès d’Août 1945, l’offensive laïque des
militants socialistes de l’Ouest fait renaître l’anticléricalisme traditionnel et éloigne les
Résistants chrétiens
d’un parti qui ne souhaite pas les accueillir. Dès cette date, la
tentative de rénovation a échoué et le parti socialiste s’apprête à redevenir la vieille
SFIO d’avant guerre.
Le Parti Communiste
Discrédité par son approbation du pacte germano-soviétique d’août 1939, a connu une
véritable résurrection grâce à la Résistance. Ayant joué un rôle moteur dans la lutte
armée contre l’occupant, il se représente comme le Parti de la Résistance s’intitulant le
« parti des 75 00010 fusillés » et tenant un discours politique inspiré non pas des
thèmes classiques du marxisme-léninisme mais du programme du CNR11 . Le retour en
France de son secrétaire général, Maurice Thorez, amnistié de la condamnation pour
désertion qui pesait sur lui depuis son départ pour Moscou en 1939, accentue encore
cette image. Les communistes se veulent les gestionnaires responsables et lancent
comme mot d’ordre le relèvement économique nationale par une intensification de la
production. En février 1943, Charles de Gaulle décide la création d’un Conseil National
de la Résistance que Jean Moulin ( 1893-1943), son premier président, met en place le
27 mai. Regroupant mouvements de résistance, partis politiques et forces syndicales,
le CNR élabore « un programme d’action ». Publié le 15 mars 1944, ce programme
distingue le « plan d’action » immédiate », valable pour le très court terme, des
« mesures à appliquer dès la libération du territoire », destinées à préparer le futur
politique du pays.
8
Mouvement Républicain Populaire
9
La Section Française Internationale Ouvrière
10
Chiffre qui fort heureusement dépasse le nombre réel des fusillés, bien que le PC ait payé à cet égard un
lourd tribut
11
Conseil National de la Résistance
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Le
Conseil
National
de
la
Résistance
comprenant (voir
le
document
dans
« l’espace document »)
-le mouvement de Libération Nationale (Combat, Franc-Tireur, Libération, France au
combat, Défense de la France Lorraine, Résistance) ; le front National, l’organisation
Civile et Militaire ( O.C.M) ;Libération Zone Nord ;la CGT, la CFTC
Les partis et tendances politiques suivantes :
Parti Communiste ; parti socialiste reconstitué, parti républicain-radical et radicalsocialiste, parti démocrate Populaire, Alliance démocratique et Fédération Républicaine
Le MRP
L’échec de la rénovation du socialisme laisse toutes ses chances au MRP qui
définitivement en novembre 1944. Il entend apparaître comme un parti neuf qui
s’intitule le parti de la IVe République et écarte de sa direction les dirigeants
démocrates-chrétiens d’avant-guerre pour donner la première place à des figures de
proue de la Résistance tels que Maurice Schumann, Georges Bidault, mais le MRP se
caractérise aussi par trois traits qui explique son succès initial. Il est le parti de la
Résistance chrétienne, image fortement marquée dans l’opinion publique, bien que luimême s’en défende. Il apparaît comme le parti le plus proche du général de Gaulle, un
parti national, de juste milieu, capable de rassembler les patriotes qui ne se
reconnaissent ni dans la gauche, ni dans la droite. Il est enfin le seul parti qui semble
s’opposer véritablement au communisme puisqu’à la différence des socialistes, il n’a
aucun
rapport
avec
l’idéologie
marxiste
et
apparaît
comme
l’adversaire
des
communistes dans les débats de l’immédiat d’après-guerre. « Parti de gauche » qui se
veut ouvert sur le plan social, il va recueillir les suffrages d’un électorat de droite qui
voit en lui le principal barrage au communisme en France.
A coté des trois grandes forces politiques, les autres apparaissent comme des partis du
passé. La droite classique12 compromise
après l’appui apporté au régime de Vichy
connaît un discrédit profond en 1945. Ces ce jeu disparate des forces politiques qui va
devoir affronter l’épreuve électorale de 1945. Celle-ci va mettre en relief le profond
bouleversement du paysage politique entraîné par le conflit.
2.
Les premières élections de l’après-guerre :
a) Le référendum
A tous les égards, le 21 avril 1945 constitue une date capitale dans l’histoire politique
de la France, et ce pour trois raisons. Le suffrage universel, jusque-là réservé aux
12
La fédération républicaine ; l’Alliance démocratique ainsi que le Parti républicain social de la Réconciliation
française
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hommes, est étendu aux femmes13. Les français sont invités à se prononcer par
référendum sur leur choix quant au maintien ou à la répudiation des institutions de la
IIIe république14, ainsi que sur l’organisation des pouvoirs provisoires. Pour la première
fois depuis la guerre, une élection nationale permet de connaître l’audience respective
des forces politiques. Le référendum proposé aux Français par le GPRF comporte deux
questions.
La première leur propose la rédaction d’une nouvelle Constitution et donc l’abandon
des institutions de la IIIe République. Le oui l’emporte avec près de 96%, l’Assemblée
élue ce jour sera donc constituante.
La seconde question porte sur les pouvoirs de cette Assemblée. Redoutant une
prépondérance des communistes, de Gaulle a prévu que cette assemblée aura une
durée de sept mois et que le projet constitutionnel qu’elle élabore sera soumis au
référendum populaire, enfin elle ne peut renverser le gouvernement que par une
motion de censure votée par la majorité absolue de ses membres. Néanmoins, 66%
des français approuvent la limitation des pouvoirs de l’Assemblée.
b) Les élections législatives d’octobre 1945
Les élections qui ont eu le même jour bouleversent profondément l’équilibre des forces
politiques en France.
Elections du 21 octobre 1945
Familles
% des suffrages
politiques
exprimés
PCF
26.2
160
SFIO
23.4
142
10.5
59
15.6
61
23.9
152
Radicaux
et
Sièges / 586
assimilés (centre
gauche)
Modéré
(centre-
droit)
MRP
13
Une ordonnance de 1944 leur donne le droit de vote. Celles-ci vont exercer leur droit de vote aux élections
municipales d’avril 1945.
14
Pour les politiques, le régime de Vichy ( 1940-1944) est une période à effacer des cycles des régimes que
la France ait connu.
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Trois faits méritent d’être mis en relief à la suite de ces élections :
La forte poussée de la gauche marxiste frôlent la majorité absolue avec 49.6 %. Ils
obtiennent 302 députés, si ils se coalisent, ils sont les maîtres de la Constituante.
Cette percée de la gauche est avant tout celle du PC qui double son poids politique
d’avant-guerre et devient le premier parti de France. Les modérés connaissent en
apparence un effondrement, conséquent du discrédit qui les frappe en raison de leur
assimilation au régime de Vichy. Toutefois cette constatation doit être corrigée par le
fait qu’une bonne partie de l’électorat traditionnel de la droite s’est rangée derrière le
MRP. Enfin, et c’est là l’essentiel, les élections de 1945 apportent une simplification
considérable du paysage politique français. Près de 75 % des électeurs ont regroupés
leur vote sur les trois grands partis politiques, communiste, socialiste, MRP, renforcés
par leur rôle dans la Résistance. De ce fait trois partis dominent l’Assemblée de
manière écrasante. Même si ces trois formations sont différentes, toutes les trois sont
des partis fortement structurés, disciplinés, imposant à leurs élus un contrôle qui les
contraint à voter en bloc. Entre ces trois grandes forces politiques, légitimées
désormais par le suffrage universel, et le général de Gaulle, fort de sa mission
historique et de sa certitude d’incarner le destin national, le conflit ne va guère tarder
à s’ouvrir.
3. Le conflit entre le général de Gaulle et les partis (novembre 1945- janvier 1946)
Une lutte entre deux conceptions du pouvoir va émerger entre les protagonistes. C’est
la conception même du pouvoir dans les futures institutions qui est en jeu : la
prépondérance du pouvoir doit-elle appartenir à l’Assemblée, désignée par le suffrage
universel, comme le pensent au fond tous les partis, attachés à la conception
parlementaire de la République ? ou bien, comme l’estime
pouvoir exécutif doit-il gouverner comme il le juge
le général de Gaulle, le
nécessaire, l’Assemblée se
contentant, outre le vote des lois et du budget, d’exercer un pouvoir de contrôle ?
Cette lutte va durer de novembre 1945 à janvier 1946 et s’achèvera par la démission
du général de Gaulle consacrant ainsi le triomphe de la prépondérance de l ‘Assemblée.
Trois étapes jalonnent le conflit:
La première phase du conflit est marquée par la formation du gouvernement aux
élections d’octobre 1945. Le PC propose un gouvernement appuyé sur la majorité
socialiste et communiste de l’Assemblée. Le parti socialiste décline l’offre et propose
une association des trois grands partis. C’est sur cette base que la nouvelle assemblée
désigne, le 13 novembre, le général de Gaulle comme président du Gouvernement
provisoire. Fort de sa victoire aux élections d’octobre 1945 et considérant de Gaulle
plus comme un symbole que comme un chef de gouvernement doté de pouvoirs de
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décision, le PC exige un tiers des portefeuilles et l’un des trois « ministères clés15 ». De
Gaulle rejette cette prétention et les communistes finissent par s’incliner, ils n’auront
que 5 ministres sur 21 et ne reçoivent aucun des ministères qu’ils exigeaient. De plus
de Gaulle a nommé des ministres hors du tripartisme, par des collaborateurs
personnels n’appartenant à aucune majorité de l’Assemblée.
La deuxième phase du conflit s’ouvre avec les premières lois proposées par le
gouvernement provisoire sur les projets budgétaires qui aucune des formations
politique se mettent d’accord.
La troisième phase et c’est la plus importante intervient en janvier 1946 et se déroule
sur toile de fond institutionnel. De Gaulle s’inquiète sur les travaux de la commission
chargée de rédiger la Constitution. De Gaulle est tenu systématiquement à l’écart des
travaux et on lui refuse le droit d’en rencontrer le rapporteur, sous prétexte que n’étant
pas lui-même élu, il n’a aucun titre à participer à la rédaction du texte constitutionnel.
Or de Gaulle s’inquiète de l’orientation que prendrait cette Constitution à savoir un
retour du pouvoir de l’Assemblée dans les institutions.
Le 20 janvier 1946, de Gaulle convoque ses ministres pour leur annoncer sa
démission, espérant sans doute de provoquer un choc et une prise de conscience. Il
espère en tout cas être rappelé et pouvoir imposer ses vues dans la question
essentielle des institutions. Il sera déçu. L’opinion publique enregistre avec calme son
départ. Le MRP, le « parti de la fidélité » dont il attendait un geste qu’il fasse pression
pour son rappel, décide de ne pas le suivre dans sa retraite. Après quelques jours
d’attente, il gagne Colombey-les-Deux-Églises.
Sa rupture avec le régime que l’Assemblée met en place est consommée. C’est avec la
démission du général de Gaulle, le 20 janvier 1946, que s’affirme la prépondérance des
partis politiques dans la vie publique française et qui va caractériser la IV e république.
2. La naissance du Tripartisme
Les conditions de la naissance du tripartisme préfigurent une pratique institutionnelle
dont la Constitution ne fera que codifier les usages. La balles est dans le camp des
trois partis politiques qui ont recueilli 75 % des suffrages. Les socialistes ayant décliné
une nouvelle fois l’offre des communistes de constituer un gouvernement sur la base
de la majorité d’extrême gauche de la Constituante. Finalement après plusieurs
tractations politiques, les trois partis décident de s’associer au pouvoir en définissant
les conditions de leur collaboration dans un document signé le 23 janvier 1946 : la
« Charte du Tripartisme ». Plus qu’un programme gouvernemental, il est considéré par
les signataires comme un « pacte de non-agression » entre les forces politiques qui
15
Défense Nationale, l’Intérieur et les affaires étrangères.
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insistent sur la nécessité de la solidarité dans les soutiens des décisions prises par le
gouvernement. Le choix du
président du Conseil, successeur du général de Gaulle,
s’impose par un personnage sans grande carrure politique mais capable d’arbitrer
courtoisement les conflits du Conseil des Ministres. On décide de confier la présidence
du Conseil à un membre de la SFIO, parti de la majorité
qui est Félix Gouin.
Répondant parfaitement à l’attente des partis qui l’ont désigné Félix Gouin se garde
bien de nommer des ministres. Il se contente de répartir les portefeuilles entre les trois
grands partis, à charge pour eux d’en désigner les titulaires. Il n’est donc plus question
d’union nationale, mais uniquement de tripartisme.
Ainsi la IVe République naît-elle comme un régime des partis. La réalité du pouvoir n’y
est pas détenue par le président du Conseil dont le rôle se borne à faire coexister, des
formations aux objectifs divergents, ni par les députés élus aux suffrages universel qui
ne sont que les délégués des organisations qui les ont présentés, mais bien par les
dirigeants de partis qui imposent leur loi à l’Assemblée, au gouvernement, voire dans
les administrations qu’ils peuplent de leurs créatures.
Le rôle des Partis
Mais, puisqu’on s’obstine ainsi à mettre en cause le jeu et l’existence même des
partis, je le demanderai à mon tour : quelle serait aujourd’hui la situation s’il
n’existait pas de partis organisés et disciplinés ? On s’apprête à railler une fois de
plus leurs réunions et leurs conciliabules. Mais qu’on se représente l’Assemblée
placée aujourd’hui de but en blanc, au pied levé, devant l’obligation du vote, sans
que les réunions et négociations préalables des groupes, c’est-à-dire des partis,
eussent préparé son choix. Pendant combien de temps l’interrègne risquerait-il de se
prolonger, et comment finirait-il par se résoudre ? […] De quelque côté qu’on aborde
le problème, on est toujours conduit aux mêmes conclusions. Les partis actuels ne
sont assurément pas parfaits. […] Comment y aurait-il quelque chose de parfait
dans la France défaite ? mais chez nous, jusqu’à nouvel ordre, il n’ y a pas de
démocratie viable et stable en dehors du régime parlementaire, et il ne peut y avoir
de régime parlementaire viable et stable de l’organisation des partis.
Léon Blum, Œuvres, t.1 ( 1945-1947), Albin Michel, 1963
La vie de ce gouvernement provisoire est dominée par les problèmes de la mise en
place du projet constitutionnel, qui doit être prêt pour mai 1946 en vertu du texte
adopté en octobre 1945. La discussion de ce projet provoque une quasi rupture entre
les trois partis associés au gouvernement. -
La majorité socialo-communiste est
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profondément monocamériste16. Elle penche pour une Assemblée
unique élue pour
cinq ans, disposant de tous les pouvoirs, élisant le Président de la République et le
président du Conseil. Le gouvernement a certes le droit de dissoudre l’Assemblée, mais
il est alors lui-même contraint de démissionner et de remettre tous ses pouvoirs entre
les mains du président de l’Assemblée. On voit donc que l’Assemblée unique a toujours
le dernier mot et que l’Exécutif n’en est que l’émanation.
Le MRP pour éviter une majorité socialo-communiste issue qui ferait de la France «
une démocratie populaire le plus légalement du monde » s’efforce de faire inclure un
contrepoids qui limiterait l’omnipotence de l’Assemblée, une seconde chambre et un
président de la République élu par les deux chambres. La rupture entre la majorité est
déclarée le 5 mai 1946 lorsque, 53%
contre 47 % par la voie du référendum les
français rejettent le projet constitutionnel.
En attendant, l’échec du premier projet constitutionnel oblige à élire une seconde
constituante qui proposera aux français un nouveau projet.
3. L’impact du discours de Bayeux dans le débat politique
Le jeu des partis sur la question de la Constitution est troublé par l’intervention dans le
débat du général de Gaulle. Celui-ci est resté silencieux durant les premiers de 1946,
laissant le MRP combattre seul son projet, fait une rentrée politique spectaculaire le 16
juin 1946 à Bayeux, où il est venu célébrer l’anniversaire de la libération de la ville 17,
un discours retentissant.
Le général de Gaulle, hostile au régime d’assemblée, expose dans ce célèbre
discours son propre projet de Constitution.
[…] C’est donc du chef de l’Etat, placé au-dessus des partis, élus par un collège qui
englobe le Parlement mais beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui
le président de l’Union française en même temps que celui de la République, que
doit procéder le pouvoir exécutif.
Au chef de l’Etat la charge d’accorder l’intérêt général quant au choix des hommes
avec l’orientation qui se dégage du Parlement. A lui la mission de nommer les
ministres et d’abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le
travail du gouvernement.
Au chef de l’Etat la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets […]. A
lui la tâche de présider les Conseils du gouvernement et d’y exercer cette influence
16
Partisan d’une seule chambre, à l’opposé le bicamérisme partisan de deux chambres
17
Première ville libérée par les Américains lors du débarquement de 1944
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de la continuité dont un nation ne se passe pas. A lui l’attribution de servir d’arbitre
au-dessus des contingences politiques, soit normalement par le Conseil, soit, dans
les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des
élections sa décision souveraine. A lui, s’il devait arriver que la patrie fût en péril, le
devoir d’être le garant de l’indépendance nationale et des traitements conclus par
La France.
Discours de Bayeux du général de Gaulle, 16 juin 1946
Il fait connaître sa conception des institutions : un Parlement cantonné dans ses
attributions législatives et budgétaires et où une seconde Chambre limiterait les
impulsions de la première, cette seconde Chambre étant constituée des élus des
Conseils généraux et municipaux ; un exécutif qui ne serait pas l’émanation du
Parlement et aurait pour clé de voûte un Président de la République désigné par un
collège élargi formé de notables et de représentants de l’outre-mer. De Gaulle s’efforce
donc, au moment où va se réunir la seconde Constituante, de peser sur ses décisions
en proposant son projet de « régime présidentiel appuyé sur les notables 18 ». Adopté
en septembre 1946 à une très large majorité par la seconde Constituante (443 députés
contre 106), le projet est aussitôt condamné par de Gaulle qui essai par tous les
moyens de « saboter » le référendum. En dépit d’une campagne pour le « oui » du
tripartisme, il y aura un tiers d’abstention, le texte sera finalement adopté par 53 % de
oui contre 47 % de non. Ce qui permet à de Gaulle de juger ainsi la Constitution :
« Un tiers des Français s’y étaient résignés, un tiers l’avaient repoussée, un tiers
l’avaient ignorée. »
Ainsi la Constitution de 1946 établit un régime monocaméral de fait dans lequel la
prépondérance appartient à l’Assemblée nationale. Le général de Gaulle critique ce
régime d’assemblée qu’il qualifie régime des partis. Le 7 avril 1947 à Strasbourg, de
Gaulle crée le RPF19, et se donne comme objectif de
réformer
par le discours de Bayeux
l’Etat dans le sens autoritaire. Il obtient de très bons résultats aux
différentes élections et il gêne l’action des partis qui acceptent de gouverner.
D. LES
CRISES DE LA
IVE RÉPUBLIQUE (1954-1958)
1. L’instabilité du gouvernement
Il n’y a aucun parti capable d’avoir la majorité à lui seul. Il y a donc des ententes, des
coalitions, des alliances. Elles ne durent jamais très longtemps : 22 gouvernements
différents en douze ans, le plus long dure 16 mois. L’opinion publique pense que les
différents gouvernements n’agissent pas. De grands sujets de discorde perdurent faute
18
L’expression est de Jacques Julliard
19
Rassemblement du Peuple Français
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de quelqu’un pour trancher. La « Troisième force20 » à ce titre, regroupe des partis en
désaccord sur de nombreux points. L’opposition des communistes et du RPF est
souvent la seule raison qui pousse tous ces partis à gouverner ensemble. Les partis
hésitent à prendre des décisions. Pour beaucoup les gouvernements de la IV°
deviennent synonymes d’impuissance.
Or, les difficultés de la IV° à sa naissance sont importantes :
Les problèmes coloniaux, la reconstruction économique qui se fait dans un contexte
social très difficile, l’aide du plan Marshall ( refusée par les communistes ), la CED 21
enfin le Pacte Atlantique ratifié en 1949, mais qui divise avant cette date les différents
partis en France.
2. La CED
Les Etats-Unis dans un contexte de guerre froide souhaitent réarmer la RFA, les
français sont hostiles à cette idée. Il est alors question de créer une armée européenne
qui intégrerait des contingents allemands. Ce sujet divise la France, le MRP est
favorable à ce projet, les communistes et les gaullistes sont hostiles, les autres partis
sont partagés. Le projet est retardé de 1951 à 1954 parce qu’on ne trouve pas de
majorité au Parlement pour voter un texte sur la CED, puis il est abandonné sous le
gouvernement de Pierre Mendès France.
3. L’expérience de PIERRE MENDES FRANCE :
Le radical Pierre Mendès France devient président du Conseil le 17 juin 1954, dans un
contexte très particulier : la France vient de subir à Diên Biên Phu une humiliante
défaite, Mendès France pense que la IV° république est menacée et tente de gouverner
autrement : on lui doit la formule : «
Gouverner, c’est choisir. » Il règle par voie
diplomatique à Genève en Juillet 1954 la guerre d’Indochine, la France quitte le
Vietnam divisé en deux zones de part et d’autre du 17 ° parallèle.
Il propose à la
Tunisie dans le discours de Carthage en juillet 1954 une évolution vers l’indépendance.
Il évacue le problème de la CED que la France ne ratifie pas, mais n’est pas obligé de
présenter sa démission : il n’avait pas engagé la responsabilité de son gouvernement
sur ce point. Le gouvernement de Pierre Mendès France est renversé en février 1955
car il attire contre lui de nombreuses inimitiés et entre temps s’est déclaré depuis le
mois de novembre 1954 en Algérie une insurrection menée par le FLN, contre la
présence française sur ce territoire.
20
Formule politique qui, de 1947 à 1952, se substitue au tripartisme en raison de la double menace venant
des communistes et du RPF.
21
Communauté Européenne de Défense
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4. Le poujadisme
En 1953, Pierre Poujade, commerçant du Lot , connaît un succès politique important
avec son mouvement l’UDCA qui regroupe les antiparlementaires et les nostalgiques de
l’Empire colonial Français. Il véhicule des slogans simplistes, démagogiques : « Sortez
les sortants ! » et se situe très à droite sur l’échiquier politique. Il reflète une montée
de l’antiparlementarisme qui se nourrit des difficultés de l’action politique. En 1956,
l’UDCA obtient plus de cinquante députés, dont Jean Marie le Pen. Après le drame de
Diên Biên Phu, la IVe République paraît toucher le fond de l’abîme. L’impopularité du
régime est à son comble. La crise financière qui débute en 1957 va ôter le principal
argument de la République en compromettant la croissance. Le déclenchement de la
guerre d’Algérie paraît annoncer la décomposition de l’empire. Dans ce tableau
sombre, la période du gouvernement Mendès France, puis les espoirs soulevés par la
victoire de la gauche aux élections de 1956 paraissent donner un coup d’arrêt à
l’effondrement du régime. Mais la guerre d’Algérie va bientôt emporter la IVe
République.
E. LA
CRISE AGÉRIENNE
Au début de ce qu’on appelle «
les événements d’Algérie ». La classe politique
française en dehors des communistes n’envisage pas de transiger, pourtant si le Maroc
et la Tunisie en 1956 ont obtenu leur indépendance ; François Mitterrand alors ministre
de l’Intérieur déclare : «
l’Algérie, c’est la France » La politique du gouvernement est
jugée : Trop molle par les pieds noirs d’Algérie, insupportable par les nationalistes du
FLN qui luttent contre la présence française.
Les gouvernements qui succèdent à
Pierre Mendès France, pensent qu’une issue militaire est possible en Algérie. Le FLN et
le GPRA (gouvernement Provisoire de la République algérienne) pensent que l’armée
française peut être battue. Dans ce contexte, dès 1956, les appelés du contingent de
l’armée française sont envoyés en Algérie, par le gouvernement de Guy Mollet qui sera
celui qui aura la durée d’existence la plus longue : seize mois. Ces appelés servent
pour des missions de plus en plus discutables de maintien de l’ordre. A Alger en mai
1958, le jour de l’investiture à l’assemblée nationale de Pierre Pflimlin qui sera l’avant
dernier président du conseil de la IVe république et qui est considéré comme partisan
d’une négociation avec le FLN, des européens descendent dans la rue et provoquent
une situation insurrectionnelle pour conserver l’Algérie française. Les gaullistes qui
combattent la IV saisissent l’occasion. Pierre Pflimlin est impuissant aussi le général de
Gaulle se propose comme un recours et multiplie les déclarations où il annonce qu’il est
prêt à assumer les pouvoirs de la République. Le Président de la république, René Coty,
le nomme le 29 mai 1958 Président du conseil. Le 2 juin, l’Assemblée l’autorise à
préparer une nouvelle constitution. Les adversaires du général de Gaulle considèrent
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que le 13 mai et ses suites ont été orchestrées par les gaullistes. Mais la procédure de
retour du général de Gaulle au pouvoir fut conforme à la Constitution.
Les français
dans leur grande majorité plébiscitent le retour du général de Gaulle au pouvoir, les
partis qui s’opposeront à son arrivée seront par la suite quelque peu marginalisés dans
les différents scrutins politiques jusqu’en 1962.
B La crise morale et l’impasse politique de la IVe République
La guerre d’Algérie provoque une profonde crise morale. Le conflit entraîne un très vif
malaise au sein de la jeunesse, du monde étudiant, des Eglises, des milieux
intellectuels, des syndicats. Ces milieux admettent mal de voir la France engagée dans
un conflit contre les aspirations nationales d’un peuple. Ils s’indignent de voir l’armée
user pour parvenir à ses fins de l’arme de la torture. Pour un nombre croissant des
Français, faire la paix est devenue une nécessité. Mais il est vrai aussi qu’une autre
partie de l’opinion est hostile à toute négociation attachée au maintien de la
souveraineté française.
Mais surtout le conflit a de graves conséquences sur la vie politique française. Dès
1956, une grande partie de la gauche souhaite une solution négociée du conflit.
Mendes France démissionne dès mai 1956, les communistes eux votent contre la
politique algérienne du gouvernement, qu’ils ont d’abord soutenue. Certains ministres
comme Gaston Deferre et Mitterrand font connaître leur désaccord avec la ligne suivie.
Plus grave à l’intérieur du parti socialiste se constitue une opposition à la politique
algérienne et pour retrouver une majorité à l’assemblée, Guy Mollet est conduit à un
renversement d’alliances : il doit compter avec le MRP alors que les communistes
votent contre lui et que nombre de socialistes sont tentés de faire autant. Dès lors, la
vie politique est paralysée aucune majorité est viable. En fait la
principale
préoccupation de tous les gouvernements est désormais de trouver une issue politique
négociée à la crise algérienne, mais ils n’osent faire connaître ouvertement cet objectif,
car ils manquent d’autorité pour imposer leurs vues au Parlement, aux colons
européens et à l’armée d’Algérie. Il n’existe donc aucun espoir de trouver une solution
dans le système des partis qui, dès l’origine, a constitué la colonne vertébrale de la IV
République.
La guerre d’Algérie débouche ainsi sur une véritable paralysie du régime, incapable
d’affronter un problème qui dépasse ses forces, et sans qu’il paraisse exister de
solution interne au système de la IVe République, en raison de l’éclatement des partis
politiques qui en constituaient les seules forces réelles. L’heure paraît propice aux
adversaires du régime.
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1. Le 13 mai et l’effondrement de la IVe République.
Le 13 mai est le jour où le président du Conseil, le MRP Pierre Pflimin, doit se présenter
devant l’Assemblée nationale pour obtenir son investiture. Le même jour un comité
d’anciens combattants appelle la foule d’Alger à une grande manifestation de
protestation contre l’assassinat par le FLN de trois militaires français. La désignation de
Pfilmin que l’on soupçonne d’une politique d’abandon en Algérie. Va faire dériver la
manifestation sur le terrain politique. Les colonels de l’armée d’Algérie laissent se
développer la manifestation qui dégénère en émeute et aboutit à la prise du
Gouvernement général où est proclamée la naissances d’un Comité de Salut public. A
la têt du Comité est placé le général Massu, respectueux de la hiérarchie militaire il
obtient que le général Salan , commandant en chef de l’armée d’Algérie soit nommé à
ce Comité. En apparence, l’armée d’Algérie a basculé dans le camp des émeutiers. Mais
les choses ne sont pas si simples, car le 13 mai pour ne pas perdre la face, le
gouvernement a nommé Salan pour gouverner l’Algérie, mais on ne sait pas s’il le fait
comme chef d’un pouvoir insurrectionnel du Comité de salut public ou comme
représentant d’un pouvoir légal. Face à cette sécession l’Algérie se trouve au bord
d’une guerre civile et le gouvernement semble mal armé pour résister. C’est dans ce
contexte qu’intervient le général de Gaulle qui va faire dériver l’affrontement vers une
solution politique. Une série de trois déclarations vont apparaître comme autant d’actes
politiques décisifs qui vont infléchir la situation dans un sens favorable à ses vues.
La première est le communiqué à la presse du 15 mai, le jour où Salan crie « Vive de
Gaulle ! » au
forum
d’Alger. Cette
déclaration
rend
le
« régime
des
partis »
responsables du désastre dans le quel la France est engagée et fait savoir que le de
Gaulle « se tient prêt à assumer les pouvoirs de la République ».
- La seconde étape est la conférence de presse du 19 mai qui est destinée à rassurer
les milieux politiques. Il y rappelle son passé, le respect pour la démocratie, rejette
toute idée de dictature, ne fait aucune concession sur le régime et prononce des
paroles aimables pour les dirigeants de la IVe République. Cette étape est capitale car
elle ouvre la porte des négociations entre les hommes de la IVe république et le
général de Gaulle.
Enfin, le 27 mai (l’opération Résurrection) fait paraître un communiqué par lequel il fait
savoir qu’il a entamé » le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un
gouvernement républicain ».
De Gaulle parlant déjà en chef du gouvernement, l’opinion est convaincue que son
retour au pouvoir est décidé et elle manifeste dans l’ensemble sa satisfaction de cette
solution. Les militaires, obéissant à l’injonction qui leur est faite à mots couverts dans
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la déclaration, ajournant l’opération « Résurrection » : la guerre civile est évitée. Le
gouvernement Pfilmin, constatant qu’il est miné de l’intérieur par les initiatives de Guy
mollet et que de Gaulle parle en maître, démissionne dans la nuit du 27 mai alors que
l’Assemblée vient de lui renouveler sa confiance. Le 28 mai, le pouvoir est vacant et
de Gaulle maître du jeu. C’est entre le 28 mai et le 3 juin que la IVe République
accepte sa disparition et remet le sort du pays entre les mains du général de Gaulle.
Le 1er juin, 329 députés contre 250 votent l’investiture au gouvernement de Gaulle.
Le 2 juin, les pleins pouvoirs pour six mois sont votés au gouvernement.
Le 3 juin, par 351 voix contre 161, une loi donne au gouvernement de Gaulle le
pouvoir de réviser la Constitution. Le vote du 3 juin signifie l’arrêt de mort de la IVe
république. La IVe République meurt dans l’indifférence générale.
II.
1958-1974 : LA REPUBLIQUE GAULLIENNE ET LES INSTITUTIONS
A. LA NAISSANCE DE LA CINQUIEME REPUBLIQUE
1. La Constitution de la Ve République : un président aux prérogatives renforcées.
Outre l’affaire algérienne (que le général se réserve), la tâche essentielle du
gouvernement de Gaulle est de préparer une nouvelle Constitution, puisque c’est à
cette condition expresse que le général de Gaulle est revenu au pouvoir. Le maître
d’œuvre en est le ministre de la Justice, Michel Debré22 qui, jadis dans la Résistance,
avait mis au point un projet de Constitution destiné à renforcer le pouvoir exécutif en
le confiant à un président de la République, véritable «
monarque temporaire »
désigné par élection.
Le texte est soumis au Comité Consultatif Constitutionnel. Ainsi élaborée, la
Constitution est adoptée le 3 septembre 1958 par le Conseil des ministres. Le général
de Gaulle la présente symbolique à la nation place de la République à Paris, le 4
septembre 195823. Pour qu’elle entre formellement en application, il lui faut encore être
adoptée par le peuple, qui doit être consulté par référendum le 28 septembre 1958.
Les français adoptent par référendum la nouvelle Constitution ( 80 % de oui, une
partie de la gauche et des communistes votent contre ). Le nouveau régime est fondé
et peut désormais se targuer d’une très large légitimité démocratique.
Cette
Constitution est fondée sur quelques idées simples, et résulte d’un compromis entre les
conceptions exprimées, par de gaulle, dans le discours de Bayeux en 1946.
De Gaulle a exigé que la Constitution s’inspire du principe de la séparation des
pouvoirs afin de renforcer l’autorité du pouvoir exécutif et en particulier celle du chef
22
Autour du ministre de la Justice il y a tout un groupe de juriste s’inspirant des grands principes juridiques
français, ainsi que les idées émises par de Gaulle lors de son discours à Bayeux.
23
Le 4 septembre jour anniversaire de la proclamation de la IIIe République en 1870
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de l’Etat. (Quant aux dirigeants des partis politiques, ces derniers ont combattu pour le
maintien d’un régime parlementaire qui laisserait le gouvernement responsable devant
l’Assemblée nationale. Ces deux principes, sans être réellement contradictoires,
peuvent aboutir à des régimes très différents : si l’accent est mis sur le premier, on
assiste à la mise en place d’un régime présidentiel à l ‘ américaine où l’essentiel du
pouvoir est aux mains de l’Exécutif ; si c’est le second qui l’emporte on en revient à un
régime proche de celui des III et IV Républiques qui réduit le président de la
République à un rôle honorifique).
En 1958, la tendance va incontestablement dans la première direction, et le texte
constitutionnel s’en ressent.
2. 1958 : De gaulle au pouvoir
Le 21 décembre 1958 a lieu l’élection du président de la République par un collège de
80.000 notables24, prévu par la Constitution. Le général de Gaulle est élu sans surprise
par 78.5% des suffrages. En janvier 1959, De Gaulle prend ses fonctions de président
de la République et nomme comme nouveau 1er ministre Michel Debré (principal
rédacteur de la Constitution) qui a désormais pour charge de la mettre en pratique.
3. Les nouvelles institutions de la Ve République et leur fonctionnement
De Gaulle entendait que le chef de l’Etat soit soustrait à la pression du Parlement et,
pour ce faire, il considérait que le meilleur moyen était qu’il en émane pas. Le
président ainsi désigné par la France des notables, et non par les parlementaires,
dispose d’armes puissantes pour remplir le rôle que la Constitution lui assigne. Il
nomme le 1er ministre et, sur proposition de celui-ci, nomme les autres membres du
gouvernement et met fin à leurs fonctions. Il possède le droit de dissolution de
l’Assemblé Nationale sans autre condition de consulter le 1 er ministre et les présidents
des deux Chambres (mais sans obligation de suivre leurs avis). Il peut recourir au
référendum en posant des questions au suffrage universel, ce qui lui permet de passer
par-dessus l a « tête » des parlementaires en s’adressant directement au peuple.
Enfin, l’article 16 prévoit l’octroi de pouvoirs exceptionnels au président de la
République si les institutions de la République, l’indépendance de la nation ou
l’intégrité de son territoire sont menacées. Ce que le pouvoir gagne en puissance, le
Parlement le perd Constitué de deux Chambres, comme sous la IIIe et IVe République,
il voit ses prérogatives étroitement limitées.
24
Les 80.000 notables sont : les conseillers généraux et municipaux
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a) L’Assemblée nationale
Elle est élue pour cinq ans au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Les députés
sont confinés dans leurs rôles législatif et budgétaires et voient leurs initiatives
limitées. Les interpellations sont supprimées, le gouvernement ne peut être renversé
que par une motion de censure rassemblant la majorité absolue des députés.
b) Le Sénat
Celui-ci retrouve son nom de la IIIe République et il est toujours désigné au suffrage
indirect par des collèges formés dans chaque département par les élus, députés,
conseillers généraux, représentants des Conseils municipaux. Ses membres sont élus
pour neuf ans et renouvelables par tiers, les Sénateurs n’ont qu’un rôle très restreint
de confirmation des lois. En cas de désaccord entre l ‘Assemblée nationale et le Sénat,
les lois font deux « navettes » entre les assemblées. Après quoi, si le désaccord
persiste, le dernier mot appartient à l’Assemblée nationale.
c) Le Conseil constitutionnel
Sur le modèle de la Cour suprême américaine, la Ve République a créé un Conseil
constitutionnel chargé de veiller à la constitutionnalité des lois. Formé de neuf
membres, nommés pour neuf ans et renouvelables par tiers tous les trois ans. Ses
membres sont désignés par les trois premiers personnages de l’Etat : le président de la
République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat qui, tous les
trois ans, choisissent chacun un membre du Conseil.
Le Conseil constitutionnel est à la fois le juge suprême des élections et le gardien de la
Constitution et son ne cesse de s’accroître depuis 1958.
B. LA
GUERRE D’ALGÉRIE ET LA
VE RÉPUBLIQUE
1. La guerre d’Algérie et les institutions de la Ve République
Amené au pouvoir par l’émeute algéroise du 13 mai 958, de Gaulle a en quelque sorte
pour mission fondamentale de mettre fin au conflit algérien. Dès le 4 juin 1958, le
lendemain de son investiture et de la loi qui lui donne le pouvoir de préparer une
nouvelle Constitution, de Gaulle se rend à Alger et déchaîne l’enthousiasme de la foule
en lançant la formule ambiguë « je vous ai compris…. ».
Le poids déterminant de la guerre d’Algérie dans la vie politique française a pour effet
de renforcer considérablement l’autorité du général de Gaulle. Les partis politiques ne
songent pas à le mettre en difficulté, ni à provoquer son départ, parce qu’ayant fait
l’expérience de la difficulté du problème à la fin de la IVe République, ils n’ont nulle
envie d’avoir à le remplacer dans une tâche que la plupart tiennent pour impossible. A
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la différence de la IVe République qui s’est effondrée le 13 mai, le fondateur de la Ve
République a montré son autorité aussi bien en janvier 1960 qu’en avril 1961.
Il déclare le 11 avril 1961 : « Dans le monde actuel et à l’époque où nous sommes, la
France n’a aucun intérêt à maintenir sous sa loi et sous sa dépendance une Algérie qui
choisirait un autre destin… » Malgré des émeutes d’européens à Alger en janvier 1960,
un putsch militaire en avril 1961 […]. Cette confiance quasi aveugle que les Français
font à de Gaulle sur la question de l’Algérie est perceptible lors des référendums de
janvier 1961 avec 75 % de oui sur l’approbation de l’autodétermination et 90% de oui
en avril 1962 sur les accords d’Evian. Appuyé sur un large consensus populaire, de
Gaulle va utiliser la conjoncture pour donner des institutions une interprétation fort
éloigné de ce qu’avaient imaginé certains rédacteurs de la Constitution de 1958.
Investi de la confiance des Français, de Gaulle st conduit à prendre toute une série de
décisions qui vont toutes dans le sens d’un renforcement du rôle du président dans les
institutions, au détriment du gouvernement et du Parlement qui a le sentiment d’être
réduit à la situation d’une Chambre d’enregistrement. Comment se marque cette
évolution des institutions ?
D’abord par l’idée qu’il existe un « domaine réservé » au président de la République.
Ce domaine réservé serait celui des « grandes questions nationales ».Ainsi se constitue
à l’Elysée d’un véritable super-cabinet de conseillers, de comité d’expert, etc… La
puissance de ce groupe, qui se trouve au contact du principal centre de décision est
telle qu’elle dépossède inévitablement d’une partie de leurs attributions les ministres
concernés. Ceux-ci deviennent des exécutants chargés de mettre en œuvre une
politique décidée ailleurs à laquelle, ils n’ont pas nécessairement participé. L’amertume
des parlementaires se trouve enfin exacerbée par les pratiques de démocratie directe
adoptées par le président de la République, qui marginalisent un peu plus les élus et le
gouvernement, et donnent le sentiment d’un dialogue direct entre le chef de l’Etat et le
peuple dont les parlementaires seraient exclus. Le pouvoir s’exerce en effet, pour ce
qui est des grandes décisions, à travers les déclarations du général de Gaulle au pays.
Les modalités de ce « gouvernement de la parole » vont toutes dans le même sens :
déclarations à la radio et à la télévision, conférences de presse, voyages dans les
diverses régions de France où le chef de l’Etat s’adresse au pays et où il pratique des
référendums qui apparaissent comme les éléments-clés de la conception gaulliste des
institutions. Ses référendums constituent en effet tout à la fois des questions posées
aux Français sur des problèmes d’organisation des pouvoirs publics à quoi les limite la
Constitution, et des renouvellement périodiques de légitimité pour un pouvoir qui se
veut fondé sur l’appui permanent du suffrage universel. C’est pourquoi l’opposition
dénonce comme plébiscites les référendums répétés qui rythment, de 1958 à 1969,
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l’histoire de la république gaullienne. Cette pratique du pouvoir qui réduit sans cesse le
rôle du Parlement, et, de ce fait, celui des partis dont il est le lieu naturel d’expression,
est d’autant plus mal supportée par ceux-ci qu’elle contraste violemment avec la
puissance qui était naguère sous la IVe République. Seule la guerre d’Algérie empêche
l’éclatement d’un conflit entre eux et le président de la République Mais dès le
lendemain des accords d’Evian, l’affrontement, jusque là différé, se noue. L’année 1962
marque un tournant capital pour le régime qui lui donne sa véritable nature.
C. 1962 : L’ÉVOLUTION
CONSTITUTIONNELLE
2. Les défis du Général de Gaulle
La fin de la guerre d’Algérie entraîne une nouvelle orientation de la politique française.
L’hypothèque que constituait le conflit est désormais levée. Le 1er défi lancé aux
parlementaires est celui du changement du 1er ministre. Alors que M. Debré avait
toujours eu une majorité, de Gaulle « accepte » sa démission le 14 avril 1962. En fait ,
il considère qu’en mettant en œuvre la politique qui a conduit la paix en Algérie, le 1 er
ministre a rempli la tâche qui lui avait été assignée. Pour la nouvelle phase politique
qu’il entend aborder, le chef de l’Etat veut un homme neuf. A ce que le Parlement ne
peut considérer que comme une nouvelle entorse à la pratique parlementaire, s’ajoute
un second défi : à Michel Debré, habitué des luttes parlementaires, le président de la
République donne comme successeur un inconnu, Georges Pompidou, qui n’est ni un
homme politique, ni un homme parlementaire, ni même une personnalité connue.
3. Le coup de force de Gaulle : la révision de la Constitution
La décision de Gaulle provoque un tollé général qui porte aussi bien sur la finalité de la
réforme que sur la procédure choisie. En ce qui concerne le premier point, de Gaulle
tranche ainsi en faveur de la lecture présidentielle l’interrogation sur la nature de la
Constitution qui demeurait depuis 1958. Il est en effet évident que le chef de l’Etat
désigné par le suffrage universel se prévaudra désormais d’une autorité telle que tous
les autres pouvoirs apparaîtront insignifiants. L’élection du président de la République
au suffrage universel signifie la fin de la prédominance parlementaire, avec laquelle la
République s’est longtemps confondue. Elle provoque la colère des républicains de
traditions qui parle de violation de la Constitution et accuse le 1 er ministre de
« forfaiture », qualificatif que de Gaulle ne pardonnera jamais. Pour ce qui est de la
procédure, la critique porte sur le dessaisissement du Parlement. Les parlementaires
font remarquer qu’il existe une procédure de révision constitutionnelle par les deux
Chambres et que de Gaulle aurait pu l’utiliser, au lieu de passer par-dessus leurs têtes
pour s’adresser directement au peuple. Une fois de plus, le Parlement a le sentiment
d’être traité en quantité négligeable. En fait, ce référendum sur l’élection du président
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de la République au suffrage universel est perçu comme la déclaration de guerre du
chef de l’Etat aux partis politiques.
Finalement malgré la motion de censure utilisé par l ‘Assemblée nationale, le
référendum du 28 octobre 1962 donne l’avantage à de Gaulle avec 62 % des suffrages.
le gouvernement Pompidou est renversé par une motion de censure et De Gaulle
dissout l’Assemblée nationale. A partir de la prochaine élection présidentielle, le
président sera élu par tous les français.
Désormais, la Constitution, telle que l’avait souhaité de Gaulle est complète. Tous les
Français peuvent se porter candidats à l’élection présidentielle, à conditions d’être
présentés par cent citoyens élus nationaux ou locaux.
D. LA RÉPUBLIQUE
GAULLIENNE
1. Un pouvoir fort
Les majorités qui soutiennent le général de Gaulle sont nettes à l’Assemblée nationale.
Un parti, l’UNR (union pour la nouvelle république) puis l’UDR (union pour la défense
de la république) soutient ses gouvernements. La France connaît la croissance, les
français approuvent l’action du général de Gaulle. Il marque de son empreinte la
politique extérieure de la France, tournée vers une priorité : l’indépendance nationale.
Les colonies reçoivent leur indépendance, la France se dote de l’arme nucléaire, elle se
démarque au sein de l’OTAN.
2.
L’usure du pouvoir
La majorité s’affaiblit à l’Assemblée nationale, en 1965, aux élections présidentielles le
général de Gaulle est mis en ballottage (un deuxième tour est nécessaire) par François
Mitterrand. Finalement de Gaulle l’emporte par 54,5% des voix contre 45,5 % à son
adversaire. La crise de mai 1968 ébranle le régime. L’agitation étudiante, commune à
de nombreux pays développés se poursuit en France par une contestation syndicale. Le
pays est paralysé. L’Assemblée nationale est dissoute, mais les gaullistes l’emportent
facilement en juin. Cette crise aura des répercussions l’année suivante en 1969, un
projet de réforme est rejeté par les français par référendum, le 27 avril 1969, le
général de Gaulle qui a mis tout son poids dans le projet, donne le lendemain sa
démission de chef de l’état.
Il se retire de la vie politique, part à l’étranger en voyage quelques temps. Il décède
l’année suivante en 1970 à l’âge de 80 ans.
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E. L’APRÈS
GAULLISME
(1969-1981)
3. Le mandat de Georges Pompidou : 1969-1974
Georges Pompidou est élu président de la République en 1969. C’est un ancien Premier
ministre du général. Il promet «
l’ouverture dans la continuité
». De 1969 à 1972
Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre tente de répondre aux aspirations sociales,
dans un programme intitulé «
nouvelle société » mais cette politique se heurte à
l’hostilité de la majorité des députés. Il est remplacé par Pierre Messmer
qui mène
une politique beaucoup plus conservatrice jusqu’à la mort de Georges Pompidou en
avril 1974.
4. Le mandat de Valery Giscard d’Estaing (1974- 1981)
Valéry Giscard d’Estaing est élu président de la République en mai 1974, il remporte le
deuxième tour face à François Mitterrand. Son mandat est frappé dès ses débuts par la
crise économique qui touche les pays développés : inflation supérieure à 10 % / an et
chômage qui atteint les 2 millions au début des années 80. L’opposition à son action
est importante à droite ( les gaullistes ) et à gauche ( les partis de gauche sont alliés
depuis 1972 dans un programme commun de gouvernement ). Pour s’attirer les votes
gaullistes, Valéry Giscard d’Estaing nomme l’un d’eux, Jacques Chirac comme Premier
ministre. Celui-ci réforme la société française : abaissement de la majorité à 18 ans,
dépénalisation de l’avortement, divorce simplifié. En désaccord avec le président et
confronté à une aggravation de la crise, Jacques Chirac donne sa démission en août
1976. Après le départ de Jacques Chirac, un économiste, inconnu du grand public,
Raymond Barre est nommé au poste de Premier ministre. Il tente de résoudre la crise
par des mesures libérales, mais son action ne connaît pas de réussite et elle aboutit à
la défaite de Valéry Giscard d’Estaing face à François Mitterrand lors de l’élection
présidentielle de 1981.
F. L’ALTERNANCE : L’EXPÉRIENCE
SOCIALISTE
Pour la première fois depuis 1958, la gauche parvient au pouvoir. L’élection de François
Mitterrand est suivie en juin 1981 par la victoire des socialistes aux législatives qui
obtiennent la majorité absolue à l’assemblée nationale (vague rose ). Ils gouverneront
avec les communistes qui ont quatre postes ministériels dans le gouvernement de
Pierre Mauroy. C’est la première fois depuis 1947 qu’il y a en France des ministres
communistes. Pour lutter contre la crise le gouvernement entend relancer la
consommation, la durée hebdomadaire du travail est abaissée à 39 heures pour réduire
le chômage. Des entreprises sont nationalisées. Le changement se manifeste aussi
dans d’autres domaines :
La décentralisation donne davantage de pouvoirs aux collectivités locales
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L’impôt sur la fortune est crée : l’ISF
La peine de mort est abolie
Dans le domaine économique et social l’action du gouvernement est un échec :
La balance commerciale devient déficitaire et la dette progresse. Le franc est dévalué à
plusieurs reprises. Pour remédier à ces difficultés, surtout à partir de 1984, la politique
économique devient plus rigoureuse ( rigueur ).
Discours de Pierre Mauroy du 4 novembre 1982.
La
rigueur
est
notre
règle
pour
tenir
nos
promesses et respecter nos engagements. La rigueur, pour assurer un nouveau
partage des revenus et une plus grande justice sociale. La rigueur, pour maintenir nos
grands équilibres économiques. La rigueur, dans nos budgets sociaux. La rigueur en un
mot, pour permettre à la France de rester dans les premiers rangs des pays
développés et réussir l’adaptation aux mutations technologiques et industrielles(…)
Cette rigueur mécontente les électeurs de la gauche. Les réformes sont moins bien
accueillies. A partir de 1984 l’opposition au projet sur l’école devient une question
épineuse. Pierre Mauroy démissionne la même année. Il est remplacé par Laurent
Fabius.
5. Le temps des alternances et des cohabitations depuis 1986.
Depuis 1986 toutes les élections sont défavorables à la majorité en place. L’abstention
progresse à tous les scrutins. La gauche perd les élections législatives de 1986, malgré
l’adoption de la proportionnelle et celles de 1993 où elle est laminée. La droite, celle de
1988 et celle de 1997, celles-ci ont été provoquées par une dissolution anticipée de
l’Assemblée nationale. Cette situation entraîne des périodes de cohabitation :
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En 1986, François Mitterrand doit choisir comme Premier ministre Jacques Chirac. En
1993, François Mitterrand encore doit choisir comme Premier ministre Edouard
Balladur. Enfin en 1997, Jacques Chirac, après une élection législative, provoquée par
la dissolution de l’assemblée, cohabite cette fois Lionel Jospin qui accède au poste de
Premier ministre, le parti socialiste ayant remporté ces élections anticipées.
La cohabitation qui n’a pas été prévue par le législateur voit le président continuer à
jouer un rôle en politique étrangère et pour les armées. Par contre la politique
intérieure est décidée pour l’essentiel par le Premier ministre.
Cependant cette situation voit la montée des extrêmes, notamment l’extrême droite
qui bénéficie aussi du discrédit du monde politique, de la multiplication des affaires
( sang contaminé, financement des partis politiques, emplois fictifs, etc… ) ces
scandales qui touchent la gauche comme la droite gonflent les scores du Front national
et de son leader, Jean Marie le Pen. Celui-ci, lors de l’élection présidentielle de 2002, à
la surprise générale, parvient au deuxième tour en éliminant le candidat socialiste,
Lionel Jospin. Jacques Chirac au deuxième tour est très largement réélu avec plus de
80 % des suffrages exprimés.
Conclusion
Ainsi la Ve République, contrairement à la IVe République, a pu tenir malgré
les soubresauts politiques et surtout malgré le conflit algérien qui n’a pas,
comme sous la IVe République fait chuter la nouvelle République. Malgré
l’échec de Gaulle au référendum de 1969, celui-ci reste jusqu’aujourd’hui
l’homme politique qui a
incontestablement marqué une rupture politique de
grande ampleur dans l’histoire politique qui s’est opéré en France dans la
deuxième moitié du XXe siècle.
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