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Pour la consolidation de la démocratie au Mali
Avant-propos
Avant-propos
Lorsque le Président de la République m’a fait l’insigne honneur de me charger de conduire une
réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali, j’ai pris la juste mesure de la confiance qui
m’était ainsi témoignée et ressenti, j’ose le dire, une immense fierté d’avoir été choisi parmi les
nombreuses compétences qui pouvaient légitimement se considérer comme de meilleurs choix.
La responsabilité m’est apparue particulièrement lourde à tous égards. Les pistes de réflexion
ouvertes par la lettre de mission du Président de la République étaient nombreuses et précises. Les
attentes étaient fortes et le délai, un peu court. Il n’était pas évident de constituer une équipe
d’experts décidés à réussir la mission, de trouver une méthode de travail et de disposer des autres
moyens et commodités indispensables à une telle entreprise. Et, encore moins, de faire participer à
sa réussite, les hommes et les femmes du monde politique et de la société civile qui ont été des
acteurs de premier plan du combat pour l’avènement de la démocratie et ceux qui ont assumé, avant
ou depuis, des responsabilités aux plus hauts niveaux de l’Etat ou sont reconnus comme des
observateurs avisés du fait politique.
Le rapport achevé, je rends grâce à Dieu, de m’avoir orienté vers les hommes et les femmes qui ont
constitué mon groupe d’experts et m’ont apporté un concours précieux. Venus d’horizons divers,
avec des parcours politiques et professionnels différents qui se sont souvent entrecroisés sinon
opposés, nous fûmes unis et guidés dans ce travail par le simple amour de la Patrie que nous avons
en partage. Qu’il me soit permis de les remercier très sincèrement ainsi que les responsables des
pays qui ont accepté de me faire connaître leurs riches expériences.
Je suis infiniment reconnaissant au Président de la République, au Premier ministre et au secrétaire
général de la Présidence de la République de l’attention particulièrement soutenue qu’ils ont
accordée à la réussite de ma mission et remercie toutes les éminentes personnalités dont les
contributions et suggestions ont utilement alimenté la réflexion de mon Comité d’experts.
Mon espoir est que le présent rapport contribue à faire que pour le Mali, une fois de plus, « les
champs fleurissent d’espérance, les cœurs vibrent de confiance. »
Daba DIAWARA
Responsable de la Mission de réflexion sur la consolidation
de la démocratie au Mali, président du Comité d’experts
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Introduction
Le Président de la République, suivant la lettre de mission N°00000030/PRM en date du 20 février
2008, a instruit de mener une réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali.
L’objectif visé est d’obtenir des propositions dont la mise en œuvre permettrait de clarifier les
compétences des institutions de la République ainsi que leurs relations et, au besoin, de recentrer ou
de renforcer lesdites compétences ; de corriger les lacunes et les insuffisances révélées par la
pratique institutionnelle et, d’une manière générale, d’améliorer le système électoral et le mode de
financement des partis politiques et de donner à l’opposition les moyens politiques, juridiques et
financiers lui permettant d’exercer son rôle et de garantir ses droits.
La nécessité de cet exercice ressort très clairement de la lettre de mission. Le Président de la
République, comme beaucoup, aussi bien dans le monde politique que dans la société civile, trouve
que s’il est indéniable que depuis une quinzaine d’années la démocratie est une réalité dans notre
pays, ce qui lui vaut d’être cité en exemple, la pratique institutionnelle a mis en évidence de
nombreuses questions qui constituent des sujets de préoccupation. Les institutions de la République
suscitent régulièrement des débats au sein de la classe politique et dans l’opinion publique nationale
sur leur organisation, leur fonctionnement et les rapports qu’elles entretiennent entre elles. Malgré
les nombreuses relectures de la loi électorale et de la loi portant Charte des partis politiques, le
processus électoral et le financement public des partis politiques connaissent encore des lacunes et
des insuffisances dont la manifestation la plus évidente est la faiblesse récurrente de la participation
des citoyens aux élections. Les uns imputent ce phénomène au mode d’inscription sur les listes
électorales, à l’absence fréquente des représentants des partis politiques des commissions
administratives, aux difficultés rencontrées dans la distribution des cartes d’électeur,
l’identification des électeurs et des bureaux de vote ainsi qu’à la gestion desdits bureaux. Les autres
mettent en cause les modes de scrutin, le faible engagement des partis politiques et des candidats et
plus particulièrement la fraude électorale. Mais, tous estiment les élections très coûteuses et trop
nombreuses les structures impliquées dans leur organisation. Peu accordent crédit aux résultats
proclamés et jugent que l’opposition ne dispose pas des moyens lui permettant d’exercer pleinement
son rôle et de donner une chance à l’alternance.
Devant un champ de réflexion aussi vaste, il fallait trouver une méthode de travail permettant une
appréciation objective de la situation d’ensemble du processus démocratique et de chacun de ses
éléments porteurs.
2
Le Comité d’experts en charge de la réflexion s’y est emplo avec rigueur et détermination, dans
le délai imparti, sur la base de la feuille de route élaborée pour la conduite de sa mission. C’est
ainsi qu’il a procédé d’abord à une recherche documentaire qui a abouti à la mise à la disposition
des experts d’une importante somme d’informations constituées des conclusions et
recommandations des différentes rencontres organisées sur le processus électoral et la gouvernance
démocratique au Mali, des rapports des administrations et des organisations de la société civile sur
les différentes consultations électorales organisées depuis 1992 et des travaux de recherche réalisés
par des chercheurs nationaux et étrangers. Il a échangé ensuite avec de nombreuses personnalités,
notamment des chefs et anciens chefs d’institutions de la République, des responsables de partis
politiques et d’organisations de la société civile, des représentants des confessions religieuses, des
syndicats et des légitimités traditionnelles, des hommes de presse et des personnalités considérées
comme des observateurs avisés de la vie politique de notre pays. Il a aussi entrepris une série de
missions d’information en France, au Sénégal, en Mauritanie, au Ghana et au Canada. pour
s’imprégner de l’expérience de ces pays, dans des domaines préalablement ciblés.
Le Comité d’experts n’a pas perdu de vue que la question cruciale à laquelle il se devait d’apporter
une réponse idoine est celle de savoir comment faire, tout en épousant les contours d’une modernité
universelle marquée du sceau de l’Occident, pour préserver et conserver l’âme africaine dans tous
les domaines de l’activité humaine, notamment celui de l’organisation de l’Etat. Aussi, s’est-il fait
à la conviction que la réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali ne peut atteindre les
résultats escomptés si l’ont fait l’impasse sur l’histoire institutionnelle de ce pays séculaire.
Une histoire qui renvoie d’abord aux empires médiévaux du Soudan occidental qui ont jeté les
bases de l’Etat précolonial. Les empires médiévaux du Ghana, du Mali et du Songhoï qui se sont
succédé du IVème au XVIème siècles ont jeté les bases endogènes de l’Etat précolonial et ont
assuré, douze siècles durant, une extraordinaire continuité historique dans l’espace soudano-
sahélien dont le cœur reste encore le Mali d’aujourd’hui. L’empire du Mali (XIII
ème
XV
ème
siècles), qui a pris le relais de celui de Ghana (IV
ème
– XI
ème
siècles), avait déjà, sous le règne de son
fondateur, le Mansa Soundiata Keita (1235-1255) élaboré et annoncé, à travers la Déclaration de
Kurukan fuga de 1236, les fondements juridiques, sociaux, économiques et moraux de la nouvelle
entité politique. Cette Déclaration de Kurukan fuga, prononcée un an après la victoire de Krina,
continuera, jusqu’à l’intrusion européenne en Afrique et même au-delà, de régir, sur certains
aspects, les relations humaines dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’aire culturelle mandingue »,
espace géographique qui déborde sur plusieurs Etats actuels de la sous-région Afrique de l’Ouest.
3
Ainsi, contrairement à certains Etats africains, le Mali, de par son histoire, séculaire, faite de
brassages biologiques et culturels, a su forger une véritable Nation différents groupes ethniques
cohabitent dans une harmonie fondée sur la tolérance et la complémentarité d’intérêts. La force de
ces trois empires résidait dans le respect (de soi, des parents, de la vie, des aînés formateurs, du
pouvoir, de l’autre, des cultes locaux, de la propriété, de la nature), dans la formation de l’individu
pour faire face aux exigences évolutives de sa vie terrestre, dans la sacralisation du travail, dans
l’amour de la patrie, dans la culture du sens de la justice et surtout dans une saine distribution de la
justice.
Une histoire qui renvoie ensuite à la colonisation qui a brisé l’architecture institutionnelle des Etats
précoloniaux et progressivement instauré au Soudan français les éléments d’un droit constitutionnel
importé, condamnant de ce fait le Mali à inscrire son avenir institutionnel dans des moules conçus
pour d’autres pays.
Une histoire qui renvoie, enfin, à la riode postcoloniale, celle qui va de l’indépendance à nos
jours, caractérisée par la diversité des gimes politiques qui ont, chacun, laissé des empreintes
continuant de façonner nos méthodes de gouvernement, notre conduite face à la chose publique et
aux biens publics.
Fort des leçons tirées de ce riche passé, le Comité d’experts a acquis la conviction que pour
consolider aujourd’hui la démocratie au Mali, il faut des institutions adaptées qui fonctionnent
harmonieusement et ne constituent pas un trop lourd fardeau pour le contribuable (1) ; des partis
politiques aux capacités renforcées demeurant les principaux acteurs de la vie politique et ayant des
raisons objectives de se regrouper (2) ; des élections mieux organisées, plus transparentes, moins
chères, avec une participation importante des citoyens et des résultats moins contestés (3) ;
l’amélioration de la qualité de la presse écrite et le respect du pluralisme politique au niveau de
l’audiovisuel (4) ; une société civile contribuant efficacement à la consolidation de la démocratie et
de la citoyenneté (5) ; le raffermissement des bases du dialogue social et de la résolution des
conflits sociaux (6) et une meilleure protection des droits et libertés (7).
Le Comité estime que dans le cadre du régime semi-présidentiel actuel, les institutions peuvent être
mieux adaptées avec un réaménagement de l’Exécutif. Il consisterait, sans concerner le régime
actuel de son mandat, en la consolidation de la prééminence du Président de la République
définissant la politique de la Nation qui serait mise en œuvre par un gouvernement dirigé par un
Premier ministre qu’il nomme et démet librement. Le gouvernement demeurerait responsable
devant l’Assemblée nationale qui pourrait le renverser.
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Le Parlement serait renforcé avec la création d’une seconde chambre et le renforcement de ses
capacités dans l’exercice de la fonction législative et le contrôle de l’action gouvernementale,
notamment avec le concours du Vérificateur général. Le pouvoir juridictionnel répondrait aux
exigences actuelles avec une Cour constitutionnelle à l’indépendance renforcée par la durée et le
caractère non renouvelable du mandat de ses membres, la présence des anciens présidents de la
République jouissant de leurs droits civiques, l’institution d’un contrôle de constitutionnalité par
voie d’exception et un pouvoir redimensionné dans le domaine électoral ; une Cour suprême
constituée de la Section judiciaire et de la Section administrative, l’actuelle Section des Comptes
devenant la nouvelle Cour des Comptes, juridiction suprême d’un nouvel ordre formé avec des
chambres régionales des Comptes ; et un Conseil supérieur de la magistrature érigé en véritable
instrument de contrôle de l’activité des juges de par son ouverture à des personnalités extérieures au
corps de la magistrature et le pouvoir à lui conféré de recevoir les plaintes des justiciables. Le Haut
Conseil des Collectivités serait supprimé et le Conseil économique social et culturel, réaménagé.
Le Médiateur de la République verrait ses moyens d’action renforcés et il serait créé deux (2)
nouvelles autorités indépendantes : le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel qui remplacerait le
Comité National de l’Egal Accès aux Médias d’Etat et le Conseil supérieur de la communication
qui seraient supprimés et l’Agence Générale des Elections, qui remplacerait la C.E.N.I et la
Délégation Générale aux Elections également supprimées et prendrait les attributions électorales
des services du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales.
Les partis politiques demeureront les principaux acteurs de la vie politique. Le régime libéral qui
leur est actuellement appliqué, serait maintenu et leurs capacités renforcées par leur ouverture à de
nouvelles catégories de citoyens, un mécanisme permettant d’endiguer le phénomène de nomadisme
politique, un régime comptable adapté à la nature de leurs activités, de nouvelles conditions
d’éligibilité aux financement public et une nouvelle clé de répartition de l’aide publique directe,
l’institution d’un système de financement indirect, le renforcement des droits de l’opposition et
l’institutionnalisation d’un chef de l’opposition.
Les élections seraient mieux organisées, plus transparentes, moins chères, mobiliseraient davantage
de citoyens et leurs résultats moins contestés avec l’élaboration de nouvelles listes électorales sur la
base d’un nouveau système d’inscription. Avec aussi un nouveau système d’identification des
électeurs basé sur des technologies biométriques permettant de produire à la fois une nouvelle carte
nationale d’identité et une nouvelle carte d’électeur, toutes deux numérisées et sécurisées avec
photo incrustée.
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