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l’institution. L’être en tant qu’être questionné par l’éthique n’envisagera pas, dans le champ de
l’éducation, la dimension des valeurs universelles telles que la pose la morale.
La dimension éducative oblige à introduire dans la praxis de l’éducateur une articulation entre éthique
et politique, fût-ce pour les séparer comme le fait Spinoza, au contraire de Platon qui les hiérarchise.
On pourrait objecter à bon droit que les présentes considérations, à supposer du moins qu’on les
partage, s’appliquent à l’ensemble du système éducatif. Existe-t-il une spécificité de l’enseignement
supérieur, et si oui, quelle est-elle ? C’est ainsi la validité de ce thème, dans la cadre du colloque, qui
se trouve interrogée.
Si légitimité il y a, celle-ci ne peut pas s’étayer sur une fallacieuse hiérarchie, laissant supposer que le
niveau de l’enseignant est proportionnel à l’ancienneté des élèves. Même si cet implicite existe, de fait,
sous toutes les latitudes, fondée sur une conception réductrice de l’éducation à la complexité des
savoirs acquis (tout en se doublant, dans un grand paradoxe, d’un discours généralisé sur la
prééminence des compétences sur les connaissances !).
Par ailleurs, l’invasion récente de la professionnalisation dans l’appréciation sur la valeur des
universités tend à faire disparaître tout spécificité de l’université, en tout cas en France, dans un fatras
où sont mélangées universités, Grandes écoles de tous genres, classes prépas à n’importe quoi, voire
BTS et DUT (diplômes sans doute d’autant plus recherchés sans doute que, stricto sensu, ils n’existent
plus, puisque la normalisation européenne pose la licence à Bac + 3, alors qu’il s’agit là de diplômes à
bac + 2 !). Tout ce grand mélange a au moins en commun de faire disparaître la spécificité de
l’université, dans sa mission originelle, non réductible à un lycée prolongé de quelques années d’études
en plus.
C’est donc du côtés de l’histoire qu’il faut se retourner pour comprendre quelque chose et distinguer
des éléments particuliers, constitutifs de l’université, et justifiant par la même occasion le présent
thème de réflexion !
L’amnésie :
La pratique actuelle des Universités (normalisation, concurrence, chiffrage des sorties
professionnalisantes, jusqu’au ridicule classement de Shanghai) repose sur le fait qu’on a oublié la
logique des Universités du Moyen-âge, avec à la fois la maîtrise organisée de tous les savoirs (Aristote,
mais aussi la Renaissance), ainsi que la nécessité d’acquérir les connaissances et démarches spécifiques
de chaque université en Europe. Dès la fin du XIème siècle (Université de Bologne, fondée en 1088),
l’université se pose comme « Alma Mater studiorum ». Puis ce sont Paris, Oxford, Salamanque, Padoue,
Coimbra etc.
En 1158, l'empereur Frédéric Barberousse promulgue la Constitutio Habita par laquelle l'université
devient un lieu où la recherche se développe indépendamment de tout autre pouvoir, qu’il soit politique
ou religieux.
Tout cela semble bien loin aujourd’hui, et il a fallu le succès médiatique du Nom de la rose pour faire
revenir le questionnement sur la dimension universelle du savoir (thématique fructueuse des
controverses, à partir de la théologie comme science racine), mais aussi sur l’aspect institutionnel que
pose la prééminence de l’église catholique.
Reste que l’imposition de la norme produit, on le sait, solidairement de la déviance. Et de la dialectique
entre norme et déviance découlent l’apparition des nouvelles connaissances, même si ces ruptures