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28 mai 2008 1363
Avoir foi dans les cellules souches,
humaines et adultes
nerveux, os, cartilages, tendons et vais-
seaux pour des applications orthopédi-
ques ; régénération du tissu cornéen ; in-
génierie tissulaire de tissu pancréatique
issu de cellules de sang de cordon; in-
génierie de tissus nerveux endommagés
par des accidents vasculaires cérébraux;
régénération des tissus endommagés par
l’infarctus du myocarde. Par ailleurs, deux
projets porteront sur la conservation des
cellules souches hématopoïétiques et sur
le profil épigénétique des cellules souches
de sang de cordon.
Iln’est pas inintéressant de resituer ici
les grandes dates de l’histoiredes pre-
mières applications thérapeutiques du
sang de cordon et des cellules souches
adultes.
1939 : première publication dans The
Lancet démontrant la possibilité d’utili-
ser le sang de cor-
don pour réaliser des
transfusions ; 1970 :
premièretransfusion
de sang de cordon
dans le monde pour
le traitement d’une
leucémie myéloblas-
tique aiguë ; 1988 :
l’équipe d’Eliane Gluckman, à l’Hôpital
Saint-Louis de Paris, soigne un enfant at-
teint d’une anémie de Fanconi au moyen
d’une greffe de sang de cordon; 1991:
première récupération de cellules souches
adultes dans le sang en vue d’une utilisa-
tion thérapeutique;1996 :première greffe
de sang de cordon ombilical chez un
adulte ; 2002 : essais démontrant la pos-
sibilité de greffer plusieurs unités de sang
de cordon chez un patient aux Etats-Unis;
2005:l’équipe du Pr Colin McGuckin (Cen-
trede recherche sur le sang de cordon
de l’Université de Newcastle) découvre
l’existence de cellules pluripotentes par-
ticulières dans le sang de cordon ;cellu-
les ayant le potentiel de se différencier en
divers types de tissus comme des neu-
rones ou des cellules hépatiques ;2007 :
les Prs Shinya Yamanaka (Université de
Kyoto) et James Thomson (Genome cen-
ter of Wisconsin, Madison) parviennent à
reprogrammer des cellules adultes épi-
théliales en cellules pluripotentes.
Tout en ne faisant pas mystèrede leurs
convictions les plus profondes, les créa-
teurs du consortium prennent soin de ne
pas alimenter la controverse éthique;pas
plus qu’ils ne comparent les différences
pouvant exister entre les cellules souches
embryonnaires et les cellules souches adul-
tes. «Il existe des cellules souches dans
le sang de cordon ombilical et dans les
tissus néonataux, comme le placenta. Elles
serévèlent particulièrement faciles à ob-
tenir. Il suffit après la naissance de réaliser
une prise de sang dans la veine ombili-
cale du cordon, ce qui ne présente aucun
danger pour l’enfant ou pour la mère. Ces
cellules sont donc très accessibles aux
chercheurs compte tenu du nombre des
naissances, expliquent-ils. Après les con-
trôles de qualité, dans 50% des cas, la
couche contenant les cellules souches
peut être sélectionnée puis congelée en
vue de greffe. Il semble qu’en cas de
greffe allogénique, le greffon de sang de
cordon soit particulièrement bien toléré.
Quant aux cellules souches adultes, elles
peuvent êtreprélevées dans de nombreux
tissus du corps. Les plus utilisées sont les
cellules souches de la moelle osseuse. On
trouve aussi ces cellules dans la graisse,
la peau, le sang péri-
phérique, le foie, les
muscles, le pancréas,
la cornée, le cœur,et
même dans le sys-
tème nerveux cen-
tral. Elles sont rares,
constituant 0,1% des
cellules hépatiques
et 1% des cellules de la moelle. Ces der-
nières peuvent être obtenues par ponc-
tion directe ou dans la circulation san-
guine, après un traitement par facteur de
croissance, aphérèse et filtration.»
«Réaliste», le nouveau consortium prend
la mesuredes contraintes de la recher-
che moderne et de la nécessité d’une
collaboration avec des sociétés de bio-
technologie afin que, demain, ces recher-
ches aient un impact sur la santé des
patients. Des collaborations ont d’ores et
déjà été établies notamment avec l’Ins-
titut de traumatologie expérimentale et la
Clinique Ludwig Boltzmann en Autriche (Pr
Martijn van Griensven), l’Université d’Ari-
zona (Pr David Harris), l’Université de New-
castle, (Pr Colin McGuckin), l’Université
nationale de Séoul (Pr Jyung-Sun Kang),
l’Université du Texas Medical Branch, (Pr
Larry Denner), la Fondazione Ospedale
Maggioreen Italie (Pr Lorenza Lazzari), le
centremédical de recherche à l’Académie
des sciences de Pologne (Pr Krystina
Domanska-Janik), etc.
Au-delà des divergences éthiques et
compte tenu des vertus de la concurrence,
il ne sera pas inintéressant d’observer,de-
main, les avancées qui pourront êtreréa-
lisées au sein de ce consortium comme
chez ceux qui œuvrent sur les cellules sou-
ches embryonnaires.
Jean-Yves Nau
Onsait que la question de l’origine
des cellules souches humaines
structure depuis quelques an-
nées déjà une controverse éthique aussi vi-
veque passionnante. Elle voit deux camps
s’opposer de manière radicale. D’un cô-
té, ceux qui estiment que rien ne saurait
justifier la destruction d’un embryon hu-
main conçu in vitro; de l’autre, ceux qui
postulent que cette destruction peut être
acceptée au vu des futures avancées
scientifiques médicales que permettront
de réaliser des cellules souches embryon-
naires. On pourrait certes réduire l’affaire
àla récurrence moderne d’un affrontement
entre ceux qui croient au Ciel et ceux qui
n’y croient pas. Le dossier, nous semble-
t-il, est un peu plus complexe et riche
d’enjeux. D’un côté, ceux qui considèrent
que l’embryon humain est une personne ;
de l’autre, ceux qui ne voient en lui qu’une
personne potentielle quand ce n’est pas
une potentialité de personne. D’un côté,
ceux qui se refusent à toute réification
de l’embryon quel que soit son stade de
développement; de l’autre, ceux pour qui
cette réification ne comporte aucun véri-
table enjeu éthique.
C’est dans ce paysage que l’on vient
d’apprendre à Paris la création de No-
vussanguis,consortium international de
recherches sur les cellules souches hu-
maines que l’on a pris l’habitude de qua-
lifier d’«adultes» et qui proviennent soit d’un
organisme constitué, soit du sang de cor-
don ombilical.1Cette initiative a été lan-
cée par le Centre de recherche sur le sang
de cordon de l’Université de Newcastle
et par la Fondation Jérôme Lejeune.2«Le
périmètrede recherche de Novussanguis
est celui de la médecine régénérative et
de la thérapie cellulairebasé spécifique-
ment sur ces cellules, expliquent les au-
teurs de cette initiative. Le consortium est
une plate-forme de recherche qui ras-
semble une quinzaine de laboratoires et
privilégie trois orientations: la recherche,
l’innovation et la formation de la prochaine
génération de chercheurs.»
Les champs des premiers projets fi-
nancés par Novussanguis sont d’ores et
déjà connus:ingénierie tissulairede tissus
«… deux projets porteront
sur la conservation des cel-
lules souches hématopoïéti-
ques et sur le profil épigéné-
tique des cellules souches
de sang de cordon …»
point de vue
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5janvier 2008
1 Novussanguis, 37, rue des Volontaires, 75725 Paris cedex
2 Basée à Paris, la Fondation Jérôme Lejeune,reconnue d’uti-
lité publique en 1996, finance une centaine de programmes
de recherche scientifique et médicale.En France, elle est le
premier financeur de la recherche sur la trisomie 21. En
septembre 2006 à Rome, elle avait co-organisé avec le
Vatican un congrès international sur les cellules souches
humaines adultes.