Brève biographie de l’auteur
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Jean Ferrat, né Jean Tenenbaum le 26 décembre 1930 à Vaucresson (Seine-et-Oise) et mort le 13 mars 2010 à Aubenas
(Ardèche), est un auteur de chansons à textes, compositeur et interprète français. A la fois chanteur engagé et poète, il mit
aussi en musique de nombreux poèmes de Louis Aragon et de Guillaume Apollinaire.
Jean Ferrat est voisin des idées communistes et restera proche du PCF dont il critique cependant l’allégeance à
l'URSS. Bien que boycotté pour cela par les médias et malgré une retraite à quarante-deux ans, il connaît un grand
succès critique et populaire, fondé sur la qualité de ses compositions poétiques et mélodiques, sur sa voix si
particulière et sur
ses prises de positions humanistes
."Nuit et brouillard" fut son premier grand succès
malgré une
censure non avouée des autorités qui « déconseillent » son passage sur les ondes.
Le chanteur est fortement marqué par l'occupation allemande. Il a onze ans lorsque son père, juif non
pratiquant, communiste, est enlevé aux siens, séquestré au camp de Drancy, puis déporté le 30 septembre 1942 à
Auschwitz, dans le cadre de la Solution finale.
L'enfant, avant d’être évacué avec sa famille en zone libre, est caché
un moment par des militants communistes, ce qui expliquera son compagnonnage avec le PCF sa vie durant.
Analyse de l’œuvre
Formes et Techniques
1. Sur le plan de la langue
Le poème se compose de neuf quatrains d’alexandrins, sans refrain. Les rimes sont suivies/croisées, deux
fois, puis croisées, deux fois et suivies, trois fois, ce qui casse légèrement la grande régularité du rythme dû aux
césures, généralement placées à l’hémistiche, à quatre exceptions près.
Les trois premiers quatrains suivent les milliers de déportés le long de leur voyage vers la déshumanisation ou la
mort.
Au fil des trois quatrains suivants, le poète leur rend leur nom, leurs croyances et évoque l’existence des rares
survivants des camps d’extermination dont il esquisse en quelques mots l’atmosphère sinistre.
Les deux quatrains suivants sont consacrés à la justification du devoir de mémoire qu’il accomplit en écrivant cet
hommage.
Enfin le dernier quatrain est une reprise du premier, à l’énonciation près : au début, Ferrat rapporte des faits
lointains, à la troisième personne – énoncé coupé de la situation d’énonciation – ; à la fin, Ferrat s’adresse
directement à ces ombres qu’il vient de ramener à la vie de nos mémoires, à la deuxième personne – énoncé
ancré dans la situation d’énonciation –.
Les paroles Ils étaient vingt et cent est un hommage rendu au leitmotiv Ils étaient vingt et trois du poème
L’affiche rouge d’Aragon mis en musique et interprété par Léo Ferré. Mais Ferrat a poussé plus loin l’hommage
avec l’homophonie du vin de l’eucharistie figurant le sang du Christ, dont le sacrifice aurait dû sauver l’humanité :
les victimes de l’holocauste ont été exterminées et on ne doit pas les oublier.
2. Sur le plan musical
L’accompagnement, au tempo moyennement rapide, est à la fois mélodique et rythmique.
À chaque couplet se rajoute un instrument : d’abord les percussions, martèlement des bottes des soldats ou
roulement des trains ou battements des cœurs des condamnés, lancinant et solennel ; ensuite la guitare ; puis les
instruments à vents ; les violons ; enfin les cuivres ; crescendo.
Ils disparaissent ensuite dans le même ordre pour finir comme cela avait commencé, par les percussions qui
finissent par se taire alors qu’elles ont scandé tout le texte sur le mode ostinato
1
: les camps se remplissaient et
se vidaient, puis se remplissaient, se vidaient, inexorablement, au rythme des convois.
Cette mise en scène instrumentale permet une grande puissance d’évocation et un fort
potentiel émotionnel
.
La voix soliste est celle de Jean Ferrat. Sa technique vocale est rodée mais son interprétation peut paraître
manquer de pudeur car les effets sont un peu trop appuyés : diminuendo, détachement de certains mots, nuances
marquées dans la voix. Cependant, son timbre profond de baryton, son style lyrique et sa diction inspirée servent
un univers à la fois poétique et engagé, porteur d’une grande force émotionnelle.
1
En musique, répétition d'une formule rythmique, mélodique ou harmonique accompagnant les éléments thématiques durant tout le
morceau.
(sources d'inspiration ou successeurs),
impressions personnelles.
Cette chanson fait référence au documentaire d'Alain Resnais intitulé aussi "Nuit et brouillard" sorti en 1955.
L’art, même dit mineur parce que populaire (la chanson) a aussi une fonction sociale : il permet d’atteindre le
cœur du plus grand nombre en rendant hommage aux victimes de la Shoah pour qu'elles ne soient jamais
oubliées.
D'autres chansons de Jean Ferrat: "La montagne"(1964), "Potemkine" (1965), "Aimer à perdre la raison"(1971)...