
Quelles lectures ?
Après une première édition de l’œuvre
sous l’égide du parti social-démo-
crate allemand, à l’initiative de Berns-
tein et Mehring, citée comme MEW
(Marx-Engels Werke), puis une
deuxième entreprise par Riazanov
jusqu’à son élimination, poursuivie
sous l’égide de l’institut Lénine au
début des années 1930, qui prit le
nom de MEGA (Marx-Engels Gesam-
tAusgabe), et prolongée à partir des
années 1960 (deuxième MEGA), la
fondation internationale Marx-Engels,
créée à Amsterdam en 1990, prévoit
d’achever la MEGA en cent quarante
volumes. Sur ces cent quarante
volumes, moins de cinquante sont
parus aujourd’hui…
Nous nous référerons le plus
souvent aux quatre tomes publiés
dans la bibliothèque de la Pléiade,
sous la direction de Maximilien Rubel :
les deux premiers, publiés respective-
ment en 1965 et 1968, sont intitulés
Économie I et Économie II ; le troisième
est intitulé Philosophie (1982) et le
quatrième Politique I (1994). Une
notation telle que [III, p. 383] renverra
à la page 383 du tome III de l’édition
Rubel. Celle-ci étant parfois contestée,
le recours aux autres traductions, en
particulier celle des Éditions sociales,
demeure utile.
Parmi les innombrables interpréta-
tions de Marx, certaines sont antago-
nistes, souvent pour des raisons
politiques et idéologiques, mais aussi
parce que des contradictions existent
dans les textes (entre liberté et déter-
minisme, entre action collective et lois
de l’histoire, entre le discours positif et
ladimensionnormative,etc.).Ilest
toujours possible de justifier une
lecture par un choix judicieux des cita-
tions. Et ce qui nous paraît aujourd’hui
toujours fécond ne correspond pas
nécessairement à ce que Marx lui-
même considérait comme son apport
principal. Dès lors, on se trouve
confronté à une alternative. Soit l’on
prétend s’en tenir à des critères
objectifs pour cerner le « marxisme de
Marx » [Aron, 2002], car ces critères
(pour une anthologie, voir Papaioannou [1972]). Parmi ces
écrans, il y a les innombrables réinterprétations, ou reconstruc-
tions : humaniste, structuraliste, marxiste orthodoxe, marxiste
hétérodoxe, analytique, libertaire, etc. Renonçant àmultiplier
les développements annexes (pour une histoire du marxisme,
voir Kolakowski [1987]), laissant volontiers la police des idées
aux gardiens vieillissants du dogme, nous avons choisi d’en
revenir àMarx lui-même, en prenant comme fil directeur sa vie
(pour une biographie, voir Wheen [2003] et Bensaïd [2001]), qui
mêle l’action et la pensée.Carcequiressortenpremierlieu,
au-delàd’une énergie incroyable, animéeparl’espoir d’une
émancipation radicale de tout ce qui asservit les hommes, c’est le
mouvement. Un mouvement incessant d’acquisition de connais-
sances encyclopédiques, de critique de ces connaissances,
d’avancées théoriques, de remises en question, dans un
INTRODUCTION À MARX4