s’expriment serait forcément une programmation
amputée, partiale, réductrice, malgré toute la bonne
foi et la sincérité des artistes qui y figureraient.
Aujourd’hui, si au Théâtre des Quartiers d’Ivry nous
mettons ce fait en exergue c’est uniquement en raison
de la “ Saison H/F ” à laquelle nous participons avec
de nombreux autres théâtres partenaires, pour attirer
l’attention sur les injustices et la discrimination que
subissent les femmes en France et dans le monde.
La révolte et la dénonciation des injustices sont,
et ont toujours été, une des fonctions du théâtre
depuis les Grecs jusqu’à nos jours. Que fait le
théâtre sinon fabriquer des loupes qui examinent les
blessures, parfois physiques, souvent symboliques et
psychologiques, des individus en raison des injustices
sociales qu’ils subissent ou du fonctionnement des
sociétés dominées par un groupe qui opprime les
autres ?
Ancrés dans notre époque
Dans notre programmation nous cherchons toujours
un équilibre à la fois fragile et intense. Cet équilibre
repose sur deux axes. D’une part la représentation
du réel qui impose de rester en lien étroit avec le
monde globalisé d’aujourd’hui fait de civilisations
différentes mais complémentaires, de rester en
lien avec le contexte immédiat qu’est la métropole
parisienne faite de centres et de banlieues, constituée
d’immenses richesses et de croissantes pauvretés,
de nobles idéaux et d’atroces réalités. Et d’autre
part l’expression poétique, sensuelle, émotionnelle
de ce réel, une expression qui, partagée avec les
spectateurs, devient une expérience de vie faite de
plaisir, de pensée et d’émotion.
C’est dans cette perspective que se construit
chacune de nos saisons.
Egalitée
“ Liberté, égalité, fraternité ” sont les trois mots
féminins qui ont engendré et fondé les Droits de
l’Homme, deux mots masculins. Mais, pour l’instant,
pas tout à fait encore les Droits de la Femme.
D’ailleurs “ fraternité ” devrait être accompagné de
“ sororité ” pour compléter le tableau. Les Droits de
l’Humanité pourraient alors enfin prendre réellement
en considération la place et l’importance de la moitié
féminine afin de réaliser une meilleure liberté et une
meilleure égalité entre les citoyens. Cela commence,
comme toujours, comme pour tout changement de
comportement et de mentalité, par l’éducation et la
culture.
Au Théâtre des Quartiers d’Ivry la règle de l’égalité
et du partage entre femmes et hommes a toujours été
de mise, que ce soit dans les choix d’orientation, de
répartition des responsabilités ou de programmation.
Cela s’est fait de manière naturelle, implicite, sans
revendication particulière. Cela s’est fait parce
que cela est, tout simplement. Il n’a jamais été
question ni de quota, ni de volonté forcée d’établir
un équilibre. Notre attention et notre instinct nous
ont toujours conduits, Elisabeth Chailloux et moi,
avec toute l’équipe qui se dévoue à cette mission, à
faire des choix artistiques de qualité, d’exigence et
de thématiques qui se sont traduits par la présence
d’artistes des deux sexes. Ceci s’est fait, pourrait-on
dire, inconsciemment, avec le désir de donner un
reflet du monde dans lequel nous vivons. D’ailleurs
comment pourrait-il en être autrement ? Comment
peut-on prétendre donner une représentation du
monde (et que fait le theâtre sinon cela justement ?)
sans y exprimer la diversité de visions de la vie, la
diversité des perceptions et des sensibilités ? Une
programmation où il n’y aurait que des hommes qui
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