MONICA FRUNZĂ
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Toujours est-il que, au terme de notre analyse, nous nous rendrons compte
que, dans le discours publicitaire, la fonction phatique
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du langage ne traduit qu’une
étape d’un parcours plus complexe que nous qualifierons avec Stelian Dumistrăcel (cf.
Dumistrăcel, 2003) en tant que parcours séducteur et finalement manipulateur,
parcours qui exploite également les fonctions émotive et conative du langage. L’effort
de contacter le récepteur n’est donc jamais neutre, l’emploi des énoncés appartenant au
discours répété représentant aussi une modalité de l’influencer
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.
En nous appuyant toujours sur le modèle élaboré par Stelian Dumistrăcel
pour le discours journalistique roumain, nous anticipons le fait que «du point de
vue strictement technique, l’énoncé appartenant au discours répété, auquel on
attribue le statut d’ «architexte», est actualisé en conformité avec l’une des «figures
de construction» résumées dans la formule de Quintilien quadripartita ratio, par
detractio, adiectio, immutatio et transmutatio. La mutation s’explique par la capacité
qu’ont ces «règles» de refléter les manifestations des universaux du langage»
(Dumistrăcel, op. cit.: 236).
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Lors de la création du message, le rédacteur publicitaire peut privilégier l’un des six éléments
(identifiés par Jakobson) constituant la communication, à savoir l’émetteur, le récepteur, le
référent, le canal, le message ou le code. Six fonctions linguistiques correspondant à ce schéma
organisent la structure verbale du message:
1. La fonction expressive (émotionnelle, émotive) caractérise un message centré sur la
personnalité de l’émetteur, proposant les idées ou les sentiments de celui-ci. Elle «vise à une
expression directe de l’attitude du sujet à l’égard de ce dont il parle [et] tend à donner l’impression
d’une certaine émotion, vraie ou fausse» (Jakobson, 1978: 214).
2. La fonction conative (impérative) est centrée sur le destinataire et sera favorisée à travers un
message qui interpelle, invite, sollicite et motive celui-ci en le transformant en partenaire. Elle
«trouve son expression grammaticale la plus pure dans le vocatif et l’impératif qui, du point de vue
syntaxique, morphologique et souvent même phonologique, s’écarte des autres catégories
nominales et verbales» (idem, 216).
3. La fonction référentielle (appelée aussi cognitive, dénotative, représentationnelle), fonction
relative à ce dont on parle, sert à la «description du référent» (ibidem), en l’occurrence, l’objet du
discours publicitaire. La description ressemble à une simple information, sans commentaires ni
suggestions.
4. La fonction phatique, liée au canal, est centrée sur le désir d’ «établir, prolonger ou interrompre
la communication, à vérifier si le circuit fonctionne […], à attirer l’attention de l’interlocuteur ou à
s’assurer qu’elle ne se relâche pas» (idem, 217). Elle servira donc à établir et à maintenir le contact
avec le récepteur et peut être considérée comme la fonction de socialisation ; elle établit, vérifie,
renforce le canal de communication. Ici le contact l’emporte sur l’information.
5. La fonction poétique (impressive, esthétique) est centrée sur l’ «accent mis sur le message pour
son propre compte» (idem, 218). Elle mettra donc en valeur le message par le choix des sonorités,
assonances, doubles sens et aussi par l’emploi d’images symboliques et allégoriques.
6. La fonction métalinguistique est centrée sur le code, sur la référence du discours à soi-même
(ibidem). Quant au discours publicitaire, l’émetteur définira, expliquera, clarifiera, démontrera.
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Selon Charaudeau (1997: 96), cette influence est possible grâce à un mouvement naturel (individuel
ou collectif) d’adhésion à des idées reçues, à «des jugements stéréotypés qui apparaissent sous
forme d’énoncés plus ou moins figés (proverbes, dictons, maximes, mais aussi tournures
idiomatiques, phraséologie ritualisée) qui circulent dans les groupes sociaux» et que l’auteur
regroupe sous le nom générique de croyance.