du róle des variations dialectales dans l`elaboration

DU RÓLE DES VARIATIONS DIALECTALES
DANS L'ELABORATION DES THEORIES
LINGUISTIQUES
Georges
REBUSCHI
Université Paris III
- Sorbonne Nouvelle
CNRS, UA 055
LABURPENA
Hizkuntzalaritzan, teorizatzen diren eremu ezberdinen artean, aldagai
eta
aldaezinaren
arteko dialektika edo tentsioa ikertzen
da.
Lan hipotesi nagusia, hizkuntzen artean
enlaten
diren
zenbait aldaketa, bederen, erlazionagarriak dira. Horrela, parametro abstraktoenak agertarazten
dira, batzuetan "unibertsalak" kasu limiteak baino
ez
direlarik.
Bi emaitza teoriko lortzea
espero
dugu:
a)
Dialekto
-
aldaketak tipologia klasiko handiak
osatzeko bidea eman duten aldaketa markatuagoen izaera berdinekoak dira; baina
b)
diasistema-
ren esistentzia benetan adierazkorra baldin
bada,
Chomsky
-k
proposatu zuen harne
eta
kanpo-
hizkuntzaren arteko kontrajartzeak berriro aztertua izatea eskatzen du, barne-hizkuntzak ez bai-
tio Iekurik uzten arrazoitze
mota
horri.
SUMMARY
Among the different systems which may
be
used
in
linguistic theory, the one we shall
focus upon is the tension or dialectics between what is
variable
and what is invariant. The basic
working hypothesis is that at least some of the variations found between languages
can he
co
rr
e-
lated. Thus, parameters which
are
necessarily
more
abstraet and
in
which "universals"
are
some-
tirnes only
extreme cases can be
extracted.
Two types of theoretical results
can be
attained:
(a) dialectal
variations
are
of the same
nature
as
the
more visible
variations which allowed traditional typologies to
he
drawn up; hut
(b)
although the existence of diusystems
can
be
verified
as
being truly explanatory, this requires
a
careful
re
-examination of the opposition proposed
by
Chomsky
(1986)
between external and
internal language
once more,
because this proposal does not allow for the existence of this type
of rationalisation.
I
KER
7, 31-51
GEORGES REBUS
C
HI
1.
Introduction
La notion de dialecte, chacun le sait, n'est pas une notion bien définie. En
général, on s'accorde pour dire que deux idiolectes sont deux dialectes de la
même langue, plutôt que deux langues distinctes, s'il y a intercompréhension
entre ces deux locuteurs. Mais si l'on sait où commence l'intercompréhen-
sion, on ne sait pas où elle s'arrête; ainsi, l'intercompréhension peut être
immédiate, ou prendre un certain temps. Dans ce dernier cas, il est évident
qu'il serait parfaitement arbitraire de décider qu'il s'agit de deux dialectes si
l'intercompréhension est excellente au bout de 10 minutes ou de 12 heures,
mais qu'il s'agit de deux langues si elle prend 48 heures... Par ailleurs, il est
bien connu que la compréhension peut être asymétrique, les locuteurs du par-
ler A comprenant relativement bien ceux du parler B, tandis que ces derniers
n'arrivent pas, ou disent ne pas arriver, à comprendre les premiers. Enfin, il y
a la question bien connue du continuum dialectal, tel que, étant donné un
ensemble de régions, les locuteurs de deux régions contiguës se comprennent
sans difficulté, tandis que ceux des extremes parlent clairement deux langues
différentes2.
Cela dit, je voudrais développer ici trois idées principales. On yerra
d'abord que ces variations empiriques évidentes fournies par la variation dia-
lectale (et les différences entre des langues génétiquement proches) jouent un
(Ole non négligeable dans l'élaboration des théories linguistiques les plus arti-
culées, dans la mesure même où elles s'appuient sur des données linguistiques
concrètes. Ensuite, le
savoir polylectal
qu'implique la connaissance d'une
langue dialectalisée pose la question de l'exactitude de la définition de la
compétence linguistique
telle qu'elle a été reformulée en grammaire générative
depuis les conférences de Pise environ. Enfin, et de manière corrélée, la
réponse apportée à cette dernière question contribuera, je 1'espère, à fournir
une réponse certes partielle, mais
linguistique
et non plus sociale maintenant,
à la question de la délimitation entre langues et dialectes.
2.
Quelques problèmes internes á la dialectologie
2.1. Deux questions fondamentales
II y a plusieurs manières d'envisager les travaux de dialectologie. D' une
part, étant donné un ensemble de dialectes (plus ou moins) intercompréhensi-
I. Je tiens it remercier I'ensemble du public présent au Congrés L.L.B., et en particulier J.
Alliéres, A. lrigoien et Tx. Peillen pour leurs judicieuses remarques. Les erreurs qui restent me
sont évidemment redevables.
2. Notons que cette situation n'est pas unique; il existe aussi en biologie, où le cas des
mouettes péri-aretiques l'illustre: l'interfécondation, qui définit en principe elairement la notion
d
'e.cpéce, est possible de proche en proche, mais il n'y a plus interfécondation aux extrémités,
lesquelles, pourtant, se rejoignent quelque part en Norvége (Ruffié 1982).
32
121
DU ROLE
DES
VAR
IATIONS
DIALECTALES DANS L'ELABORATION DES THEORIES LINGUISTIQUES
bles, on peut chereher
à «décrire scientifiquement» (quel que soit
le
contenu
de cette expression) chacun d'entre eux indépendamment de ses rapports avec
les atares, qu'il s'agisse de monographies eherehant à couvrir l'ensemble des
domaines qui font usuellement l'objet de la deseription linguistique (disons
pour simplifier: phonétique et phonologie, morphologie, syntaxe, lexique) ou
d'un seul de ces chapitres en particulier. C'est là, en quelque sorte, le degré
zéro de la discipline, mais c'est aussi un aspect incontournable de la deseription
globale de ce groupe de dialectes. Cependant, ce travail deseriptif ne saurait
évidemment épuiser la question. D'autre part, en effet, se pose la question de
la
description globale
dont je viens de parler.
Qu'est
-ce, en effet, que décrire une langue en tant que
groupe de
dialectes?
On peut défendre une
position minimaliste,
et dire que le groupe de
dialectes en question se reconnaît par tout, et rien que, ce que ces dialectes ont
en commun; en d'autres termes, on peut définir une
langue commune minimale
comme étant l'
intersection
des propriétés de chacun des dialectes qui, tous
ensemble, la constituent.
Mais on peut tout aussi raisonnablement défendre
le point de vue opposé,
qui consiste à adopter une
position maximaliste,
qui va definir maintenant une
langue abstraite maximale
comme
l'union des propriétés des dialectes qui la
constituent, c'est-à-dire qu'on considèrera que toute propriété qui se manifes-
te dans au moins
un
parler est une propriété de cette langue abstraite maxi-
male.
Lorsque
le linguiste a une tache concrete, qui relève, disons, de la lin-
guistique appliquée, il adopte rarement l'une ou l'autre de ces positions extre-
mes. Ainsi, pour parler du lexique (ce que je ne ferai plus), on a conçu un dic-
tionnaire basque qui, partant du
Diccionario vasco-español-francés
d'AzKUE
(1906) qui eherchait, lui, á reconnaître ou identifier les extensions locales de
chaque vocable recensé, a retenu tous les mots décrits par Azkue comme
«communs» ou comme appartenant à au moins deux dialectes différents...
Mais il est évident que ce genre d'exercice, tout utile qu'il soit pour apprendre
la langue, est, du point de vue scientifique, sans grand intérêt, étant donné son
caractère totalement arbitraire.
Si l'on revient au premier type de travail mentionné, celui des mono-
graphies descriptives, il est clair que l'on n'a pas besoin non plus de se poser
la double question que, par exemple, T. Wilbur posait dans son compte rendu
de I'ouvrage de G. N'Diaye,
Structure du dialecte basque de Maya,
à savoir:
qu'est-ce qui «est basque», et qu'est-ce qui «est [typique del Maya» dans
cette description?
Par contre, si la perspective du chereheur est l'élaboration d'une descrip-
tion
transdialectale
de la langue considérée, il est évident qu'il devra faire la
part des choses, et classer d'un côté ce que l'on trouve dans tous les dialectes,
[
3]
33
(I)
GEORGES REBUSCHI
et d'un autre
ce que l'on ne trouve que dans un seul ou quelques-uns. Ce
genre de travail, empirique quoique «au deuxième degré», relève aussi forcé-
ment de la manière dont on théorise la description linguistique. Je vais en
donner quelques exemples liés au système verbal (c'est-ii-dire temporo-aspec-
tuo-modal) du basque, pour revenir ensuite sur les implications théoriques que
le savoir ainsi décrit apporte.
2.2.
La variation dialectale comme «preuve externe»
Mais, auparavant,
je erois utile de rappeler que l'existence même de
variantes dialectales permet souvent au linguiste de recourir à ce que Botha
(1971) avait appelé
preuve externe
en linguistique. Si le mot de «preuve» est
probablement trop fort, je crois bien qu'il est done non•seulement fréquent,
comme je viens de le dire, mais aussi justifié, d'employer des faits qui relè-
vent de variantes dialectales pour
corroborer une solution ou une argumenta-
tion donnée. C'est peut-être là le niveau le plus bas de la contribution de la
dialectologie á la science linguistique, mais il n'est malgré tout pas négli-
geable.
Par exemple, j'ai proposé dans
Structure
de
l'énoncé
en
basque
(1982/84) de réanalyser le prétendu affixe de pluriel
-zki-
qu'on trouve dans
des formes verbales fléchies comme
dizkiot
`je les lui ai' (contre diot
`je
le lui
ai') ou
gatzaizkio
`nous lui sommes' (contre
natzaio
`je lui suis') en un vérita-
ble pluralisateur, -z-, et une marque indépendante pré-dative
-ki-
3
.
Les formes
à absolutif singulier,
diot
et
natzaio,
présupposaient done l'effacement de ce
même affixe prédatif -ki- au singulier. L'opération ne revenait-elle donc pas á
compliquer la morpho-phonologie pour simplifier la morphologie, sans véri-
table justification interne? Je ne le erois pas, parce que cet effacement de
-ki-
n'est pas le produit d'une règle particulière et
ad
hoc,
mais le résultat de
l'application d'une double règle morpho-phonologique, indépendamment jus-
tifiée et nécessaire:
(i)
effacement d'un
-k-
intervocalique après frontière de morphème, et
(ii)
réduction d'une séquence
de deux voyelles identiques séparées par
une frontière de morphème á une seule.
En ce qui concerne la seconde règle, c'est un phénomène bien connu;
ainsi, les formes radicales qui se terminent en
-a
ne changent pas au défini
singulier de l'absolutif, comparer les formes de (1):
a gizon (bat)
(un) homme
b gizona
l'homme
c
eliza (bat)
(une) église
d
eliza
l'église
/eliza+a/
3. Voir par ex. Lafitte (1962) pour le navarro-labourdin, et lntxausti (1960) pour le gui-
puzcoan.
34
[4
[
(2)
a
EUSKARA BATUA
(ETC.)
d
-
i
-
z
-ki-o-t `je les
lui ai'
diot
`je le
lui ai'
BAS-NAVARRAIS
dazkot
dakot
(id.)
(id.)
DU RÔLE DES VARIATIONS
DIALECTALES DANS L'ELABORATION DES THEORIES LINGUIS'TIQUES
C'est précisément à ce stade qu'interviennent les dialectes, en tant que
fournissant ces fameuses
preuves externes
de Botha: d'une part, des formes
dialectales comme le souletin, qui oppose la forme radicale
elíza,
avec accent
tonique sur la seconde syllabe, et la forme définie singulier
elizá,
avec
l'accent tonique sur la dernière, ou comme diverses varietés de biscayen, qui
opposent l'indéfini
eliza
au défini
elizea,
sont pour ainsi dire des exceptions
qui confirment la règle générale
4
. D'autre part, en ce qui concerne à la fois la
forme -ki-
elle-même, et la première règle, on sait que dans certains parlers,
on trouve
-k-
au lieu de
-ki-,
le
-k-
n'y étant jamais effacé, cf. les formes bas-
navarraises:
dazkot
en face de Iabourdin, guipuzcoan et batua (basque stan-
dard unifié)
dizkiot
cité
supra,
et surtout
dakot
en face de
diot
si l'objet est au
singulier. Avec
dazkot,
on pourrait bien entendu penser que le pluralisateur est
-zk- plutôt que
-zki-,
mais si te] est le cas, la source de la consonne
-k-
dans
dakot
reste mystérieuse
5
. Noter encore que dans divers parlers (et à divers sta-
des diachroniques de divers dialectes), la règle d'effacement de
-k-
dans
l'environnement décrit est indirectement attestée indépendamment, pour des
formes non verbales, par ex. dans les pronoms démonstratifs au pluriel, ep.
hekiek
'eux' vs. standard
heiek.
On peut donc récapituler l'analyse morpho
-phonologique de
dizkiot
et
diot
de la maniere suivante:
b
REPRÉSENTATIONS ABSTRAITES:
d
-
i
-
z
-ki-o-t `je les
lui ai'
#d-
préfixe absolutif
de 3e p.
#d-
radical de I'aux. tripersonnel
i-
suffixe
de
pluriel absolutif
-
ki-
suffixe pré-datif
-ki-
-
o-
suffixe datif
de 3e p. pl.
-o-
-
t#
suffixe ergatif de le p.
sg.
-t#
e
APPLICATION
DES REGLES:
d
-
i
-
z
-ki-o-t `je les
lui ai'
(i)
effacement du
-k-
[ne s'applique pasi
(ii)
réduction
des 2 -i-i-:
[ne s'applique pas]
d
-
i
-ki
-o-t
`je le
lui ai'
préfixe absolutif
de 3e p.
radie. de
l'aux. tripersonnel
suffixe pré-datif
suffixe datif
de 3e p. pl.
suffixe ergatif
de le p.
sg.
d
-
i
-ki
-o-t `je le
lui ai'
-
t
d-i
-00-
0-1
4.
Sur la
relation dialectiquc
entre regles
et exceptions, voir
les
contributions aux
Travaux
d'Aix-
en
-Provence,
vol. 6 (1988),
et en
particulier
J. Molino
et
C.
Touratier.
5.
Bien
súr, on pourrait objecter
que le radical
sous
-
jacent est celui d'ukan ou
d'e(d)uki
tenir', mais il resterait alors à expliquer pourquoi l'équivalent
de G
et
L
zaro
est za
ko,
et pour-
quoi on
a
un
-ki-
au sg. dans
G
natorkizu
'je
viens
á vous'
vs.
notor 'je
viens'.
[5]
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