Mondialisation
Jean-Joseph Boillot Conseiller au club du
CEPII, spécialiste des grandes économies
émergentes dont l'Inde, la Chine et l'Afri-
que
02/10/2015
Nuages sur l’économie
mondiale : le syndrome
du miroir brisé tous les 7 ans
La crise des réfugiés occulte au regard des Européens l'accumulation de nuages dans le ciel de
l'économie mondiale. Reléguant dans l'ombre le lundi noir chinois du 24 août, ou la crise brésilienne,
qui ne sont que les signes les plus visibles d’un ébranlement des pays
émergents qui pourrait à nouveau se transformer en crise mondiale.
D’où d’ailleurs, la décision de la FED américaine le 17 septembre de
reculer la hausse pourtant inéluctable de ses taux d’intérêt. Oui, les
Européens feraient bien de consacrer aussi du temps à réfléchir à leur
place dans une économie mondiale qui va de crise en crise, au
rythme d'environ une tous les sept ans.
À force d'être des acteurs passifs entre une Amérique triomphante et
une Asie montante, ils subissent les soubresauts de chaque crise et
s'enfoncent toujours un peu plus dans ce qui devient une vraie stag-
nation séculaire. On en connaît le coût économique, social et enfin
politique: la demande croissante de protection, la haine de l'autre,
l'Europe comme bouc émissaire, et la montée d’un pseudo souverai-
nisme, nouvel avatar du nationalisme exacerbé.
Trois lignes de faille
Car que se passe-t-il finalement ? Loin d'être seulement un problème chinois, ou brésilien, ou encore
grec ou même allemand, les tremblements actuels nous ramènent aux fameuses lignes de faille dont
l’économiste indien Raghuram Rajan a fait le coeur de son ouvrage de 2010 pour expliquer la grande
crise de 2008, mais aussi toutes celles depuis la mondialisation financière post-19711.
La première série est de type politique et concerne la montée fantastique des inégalités, celle que
décrit Piketty, mais que Rajan prolonge dans ses mécaniques infernales: comment les gouverne-
ments les compensent par des fuites en avant financières, soit le crédit immobilier aux États-Unis,
soit les dettes publiques de l'État-providence en Europe, soit la croissance à tout prix dans les régi-
mes autoritaires.
1
1 Ancien chef économiste du FMI, arrivé à la tête de la banque centrale indienne dans la tourmente des émergents en 2013, cet universitaire de
formation, plutôt conservateur, propose un cadre d'analyse qui mérite réflexion. À défaut de sortir du capitalisme dominant, évitons au moins le repli
sur soi qui pourrait provoquer des crises encore plus graves. Pour cela dit-il, il faut s'attaquer à trois types de lignes de faille qui rongent le système
économique mondial.
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