PARALYSIES FACIALES DE L’ENFANT
Vincent Couloigner a précisé la spécificité des paralysies faciales
néonatales. Leur prévalence varie de 0,05 à 7,5 % selon les études.
Leur diagnostic est parfois difficile chez le nouveau-né du fait de la
conservation d’un bon tonus musculaire de repos. Les paralysies bila-
térales ne se traduisent que par un visage figé et inexpressif et peuvent
rester longtemps méconnues. Les principales étiologies sont :
– les paralysies faciales post-traumatiques par traumatisme obsté-
trical (forceps, compression faciale contre bassin maternel) ou
position vicieuse intra-utérine avec compression de la région
parotidienne par l’épaule. Les éléments évocateurs du diagnos-
tic sont l’association de la PF à d’autres anomalies : torticolis, défor-
mation céphalique, ecchymose mastoïdienne, otorragie, hémo-
tympan, lésions traumatiques des téguments de la face, mais ces
signes ne sont pas toujours présents. L’évolution est habituelle-
ment favorable en moins de 6 semaines. Au-delà, un scanner est
effectué pour rechercher une fracture du rocher, un décalage ou
un rétrécissement localisés de l’aqueduc de Fallope ;
– les paralysies faciales associées à une paralysie oculomotrice
ou à d’autres malformations. Il s’agit principalement du syndrome
de Mœbius (paralysie bilatérale du nerf facial et du nerf moteur
oculaire externe), d’aplasies majeures ou mineures de l’oreille.
D’autres syndromes polymalformatifs peuvent s’accompagner
d’une paralysie faciale : association CHARGE (C pour colobome
irien ou rétinien ; H pour heart : malformation cardiaque ; A pour
atrésie choanale ; G pour anomalie génito-urinaire ; E pour ear :
malformation de l’oreille), anomalie de Poland (agénésie unilaté-
rale des muscles pectoraux, malformation des membres supérieurs,
paralysie faciale unilatérale inconstante), rubéole congénitale ;
– les paralysies faciales d’origine infectieuse sont rares et com-
pliquent une otite ou une parotidite néonatale ;
– les PF inférieures se détectent aux sourires ou aux pleurs et ont
deux étiologies possibles : traumatisme du rameau mentonnier
(forceps) ou hypoplasie congénitale du muscle triangulaire des
lèvres (asymétrie isolée de la lèvre). Ces paralysies ne relèvent
d’aucun traitement particulier ;
– les PF supérieures sont toujours malformatives. Le scanner re-
trouve une diminution de calibre de l’aqueduc de Fallope sur tout son
trajet ou seulement sur sa troisième portion. Du fait de la proximité
du noyau du nerf facial et des voies auditives centrales, il y a néces-
sité de dépistage d’une surdité associée par enregistrement des PEA ;
– en cas de PF totale sans éléments en faveur d’un traumatisme,
les explorations électriques pratiquées dès les 3 premiers jours de
vie permettent éventuellement de différencier une PF traumatique,
dans laquelle les réponses sont initialement normales puis se
dégradent entre le troisième et le septième jour, d’une PF malfor-
mative, dans laquelle les réponses sont d’emblée anormales. Mal-
heureusement, la date de la première consultation est souvent trop
tardive pour rendre les tests électriques contributifs. Si la PF n’a
pas régressé au bout de 6 semaines, un scanner des rochers est
demandé, suivi de l’exploration chirurgicale du nerf facial en cas
de suspicion d’étiologie traumatique ;
– en cas de paralysie faciale progressive, il faut d’emblée suspec-
ter une origine tumorale et faire réaliser une imagerie sur le trajet
du nerf facial (scanner ou IRM).
Pour ces paralysies faciales néonatales, l’exploration chirurgicale
du nerf facial est inutile dans les malformations mais indispensable
dans les PF traumatiques ne régressant pas au bout de 6 semaines,
pour permettre de lever une éventuelle compression nerveuse ou
de réparer une section du nerf. Une réinnervation faciale est pro-
posée en cas de PF traumatiques, infectieuses ou tumorales, n’ayant
pas régressé au bout de plusieurs mois (anastomose hypoglosso-
faciale). En cas de malformation, les procédés de réinnervation
faciale, notamment par l’utilisation de branches du nerf facial
controlatéral, sont des interventions lourdes et n’ayant pas fait la
preuve de leur efficacité. En raison de fréquentes améliorations
de la mimique faciale, spontanées ou favorisées par la rééducation,
la chirurgie des séquelles de paralysie faciale est rarement réalisée
avant l’âge de 7 ans. Dans la paralysie faciale bilatérale du syndrome
de Mœbius, la correction précoce de l’hypotonie labiale est parfois
rendue nécessaire par la sévérité des troubles de l’articulation de
la parole.
Après la période néonatale, les paralysies faciales de l’enfant se
rapprochent de celles de l’adulte, avec cependant deux différences
essentielles :
– l’utilisation d’échelles d’évaluation de la sévérité de la para-
lysie (testing musculaire de Freyss, grading de House et Brack-
mann) n’est possible qu’à partir de l’âge de 4 ans ;
– les PF a frigore ne représentent que 60 à 70 % des PF péri-
phériques, contre 95 % chez l’adulte.
IMAGERIE DU NERF FACIAL
Françoise Cyna-Gorse a rappelé que, le diagnostic clinique de PF
idiopathique étant fait devant une symptomatologie particulière-
ment évocatrice, il n’y a pas d’indication d’exploration radiologique
de première intention. Le bilan radiologique est demandé quand
le tableau est atypique : aucune régression des symptômes dans les
délais habituels sous corticothérapie ou régression partielle alors
que le traitement a été bien suivi, ou encore existence de signes asso-
ciés (atteinte cochléovestibulaire, otite, masse parotidienne). Il
comporte une IRM avec des séquences T1, sans et avec injection, en
coupes fines axiales et coronales, allant du rocher à la parotide et
T2 volumique sur les conduits avec T2 ou FLAIR-crâne. Le scanner
est demandé en supplément devant des images pathologiques n’évo-
quant pas la PF idiopathique et afin d’étudier l’état de l’os.
Lors des PF idiopathiques, on peut noter une prise de contraste
linéaire caractéristique de la terminaison du facial intraméatique,
de la première portion et du ganglion géniculé (figure 1).
La prise de contraste de la terminaison intraméatique et du premier
segment labyrinthique n’est pas spécifique des PF idiopathiques.
Elle se retrouve de la même façon dans les PF d’origine trauma-
tique, la neurosarcoïdose et les PF d’origine virale. Sa valeur pro-
nostique a été étudiée dans les PF idiopathiques. Pour Sartoretti-
Schefer, l’intensité de la prise de contraste n’a pas de valeur
pronostique sur la sévérité, la durée ou l’évolution de la PF. La
persistance d’une prise de contraste est possible 3 mois après la
récupération totale. Une prise de contraste initiale du facial n’a pas
de valeur péjorative sur le pronostic (Engstrom). Enfin, les études
préliminaires (Yetiser et Kress) montreraient une corrélation entre
l’intensité de la prise de contraste initiale et l’évolution de la PF.
DOSSIER
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no291 - mars-avril 2004