La mondialisation assiégée

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2017
markets
La mondialisation
assiégée
2017 : Défis, mouvements extrêmes
et instabilité politique
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Sommaire
04 Effondrement de la
18 États-Unis : retour à l’actionnaire
06 Pièges en taux troubles
20 La leçon japonaise
mondialisation
Sinead Colton, Mellon Capital*
Thant Han, Standish*
Lucy Speake, Insight
Peter Bentley, Insight
08 Banques centrales :
dans l’oeil du viseur
David Hooker, Insight
10 Liberté, égalité, Frexit ?
Rowena Geraghty, Standish
12 Zoom sur les marchés
obligataires internationaux
Adam Whiteley, Insight
Ulrich Gerhard, Insight
Paul Brain, Newton
14 Une situation inchangée ?
John Bailer, The Boston Company
Asset Management*
Miyuki Kashima, BNY Mellon
Asset Management Japan
22 Devises : alerte volatilité
Paul Lambert, Insight
24 Émergents : lost in transition ?
Rob Marshall-Lee, Newton
26 Zoom sur la dette émergente
Colm McDonagh, Insight
Javier Murcio, Standish
Carl Shepherd, Newton
28 Vers l’infini et au-delà ?
Iain Stewart, Newton
Nick Clay, Newton
16 Loué soit l’immobilier américain
Sandeep Bordia, Amherst Capital*
*Les gestionnaires sont désignés par BNY Mellon Investment Management
EMEA Limited (« BNYMIM EMEA ») ou les sociétés de gestion de fonds affiliées
afin d’assurer l’activité de gestion de portefeuille au titre des contrats portant
sur les produits et services souscrits par les clients auprès de BNYMIM EMEA
ou des fonds BNY Mellon.
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L’année à venir connaîtra-telle une volatilité accrue, des
mouvements extrêmes et un
regain d’instabilité politique ?
Alors que certains répondent « oui » sans aucune hésitation,
d’autres pensent que les marchés pourraient connaître une
accalmie après une année 2016 lourde d’incertitudes et de
facteurs de disruption.
La plupart s’accordent néanmoins pour reconnaître que 2017
verra probablement l’installation durable du protectionniste,
un renversement après des décennies de mondialisation, jadis
présentée comme la voie vers une prospérité multilatérale.
Aujourd’hui, alors que l’extrémisme politique flambe en Europe
et aux États-Unis, la mondialisation se trouve menacée, pour la
première fois en une génération.
Une question clé, pour les investisseurs, est de savoir comment ces
changements se matérialiseront en 2017. Les gérants et les experts
de BNY Mellon Investment Management tentent d’apporter ici
quelques réponses.
3
L’année à venir connaîtra-t-elle une volatilité accrue, des mouvements extrêmes et un regain d’instabilité politique ?3
Sinead Colton,
Responsable
de la stratégie
d’investissement
chez Mellon Capital
Effondrement de
la mondialisation
Les tendances à la dé-mondialisation sont omniprésentes. Tandis que
les gouvernements se désengagent pour se recentrer sur les questions
domestiques et que les alternances politiques se succèdent, Sinead Colton,
responsable de la stratégie d’investissement chez Mellon Capital, examine
les jalons essentiels de l’année à venir et leur impact sur les marchés.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoit
que la croissance du commerce mondial en 2016
(1,7%) sera pour la première fois en 15 ans inférieure
à celle du PIB mondial. D’après elle, la croissance
du commerce a généralement été, sur le long terme,
1,5 fois plus rapide que celle de l’économie1.
Selon Roberto Azevedo, directeur général de
l’OMC, « ce ralentissement spectaculaire de la
croissance du commerce devrait retentir comme
un signal d’alarme ». Il ajoute que le phénomène
est particulièrement inquiétant « dans le contexte
d’un sentiment anti-mondialisation qui ne cesse
de gagner en puissance. »
Une colère grandissante
Sinead Colton, responsable de la stratégie
d’investissement chez Mellon Capital, estime qu’il
est important d’identifier les causes sous-jacentes
de cette dé-mondialisation. « Dans de nombreuses
régions du monde développé, on observe une
colère née du sentiment que la participation à la
croissance morose qui a suivi la crise financière
n’a pas été généralisée. »
« Il faut reconnaître que l’assouplissement
quantitatif a massivement bénéficié aux détenteurs
d’actifs, contribuant à orienter nettement la
distribution de richesse vers les plus hauts revenus. »
Parallèlement à cette inégalité ressentie, les
politiques d’austérité de nombreux gouvernements
ont pesé sur le financement des services publics.
D’après Sinead Colton, la réaction varie selon les
régions, mais deux ennemis communs commencent
à émerger : l’immigration et le commerce.
Répercussions de l’élection américaine
Aux États-Unis, l’apparition de la dé-mondialisation
a été étroitement liée à l’élection présidentielle.
Pendant la campagne, les deux candidats ont
clairement affiché leur opposition au Partenariat
transpacifique (TPP), en cours d’élaboration
depuis 7 ans.
Selon Sinead Colton, pour de nombreux américains,
l’ALENA évoque des fermetures d’usines et des
délocalisations d’emploi, même si de nombreux
économistes estiment que l’accord a eu un impact
positif sur le PIB. « Si Donald Trump se retire du
1 The Wall Street Journal : « World Trade Set for Slowest Yearly Growth Since Global Financial Crisis » (Le commerce mondial vers sa plus faible croissance annuelle depuis la crise financière
mondiale), 27 septembre 2016.
4
Effondrement de la mondialisation
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TPP, les États-Unis n’auront plus voix
au chapitre pour le commerce en Asie.
La conséquence immédiate serait
sans doute l’émergence d’un accord
commercial sous l’égide de la Chine :
le Partenariat économique régional
global (RCEP). Un tel rapprochement
libéraliserait le commerce entre les
membres de l’ASEAN et les 6 pays qui
lui sont liés par des accords de libreéchange (Australie, Nouvelle-Zélande,
Inde, Japon, Corée du Sud et Chine). »
La Chine et l’Inde étant exclues du TPP,
elles ont négocié le RCEP ensemble. Si le
retrait américain torpille le TPP, la Chine
prendra la main et le RCEP occupera
l’espace laissé vacant. Alors que Barack
Obama, durant ses deux mandats, avait
tenté d’asseoir les États-Unis dans une
position dominante pour façonner les
relations commerciales internationales,
il est probable que les États-Unis se
montreront plus protectionnistes sous
la prochaine présidence.
Tous les regards tournés vers le
Royaume-Uni
Sinead Colton affirme qu’après le vote sur
le Brexit en 2016, le Royaume-Uni sera « à
surveiller » en 2017. La Première ministre
Theresa May vise à activer l’article 50
avant fin mars. Quand cette activation
(qui reste incertaine) interviendra, le
compte à rebours des négociations sera
enclenché. Le gouvernement britannique
verra alors sans doute son pouvoir de
négociation diminuer au fil des deux ans
prévus. Une extension des négociations
pourrait être accordée, à condition
d’obtenir l’accord des 28 membres de l’UE
(27 plus le Royaume-Uni).
Le gouvernement semble disposé à se
montrer plus ferme dans la restriction
de la libre circulation des personnes, et
pourrait être prêt à renoncer à un accès
complet à l’UE en contrepartie. Ces
évolutions sont à suivre attentivement.
Ailleurs en Europe
Les élections de l’année prochaine en
France et en Allemagne seront aussi
l’occasion de nombreux débats sur
l’immigration. « La Chancelière allemande
Angela Merkel ne veut pas paraître
trop conciliante, car elle perd du terrain
face au parti de droite AfD (Alternative
pour l’Allemagne) dans certaines
élections régionales. En France, l’élection
présidentielle devra compter avec le
Front National. »
La dirigeante du parti, Marine Le Pen, qui
a bénéficié d’un nouvel élan après le vote
sur le Brexit et les attaques terroristes
de l’été 2016 en France, a exprimé sa
volonté d’organiser, si elle était élue, un
référendum sur l’appartenance à l’UE.
Elle n’est pas isolée, d’autres partis
populistes ayant également appelé à
de tels référendums aux Pays-Bas, en
Allemagne, en Italie et en Autriche.
L’influence croissante de
la Chine
D’après Sinead Colton, « de manière
générale, on ne constate pas de montée
du protectionnisme en Asie. Il est clair
que la Chine aspire à jouer un rôle plus
important sur la scène mondiale, et
certaines dynamiques enclenchées
ailleurs pourraient l’aider à y parvenir. »
Une augmentation des tarifs douaniers
non propices à des investissements
d’envergure dans d’autres régions
pourrait renforcer l’influence de la Chine
en Asie. Quant au Japon, qui a participé
à la mondialisation de manière sélective,
il constitue un cas à part. « Tandis que
l’influence de la Chine en Asie et dans
le monde est amenée à progresser, on
peut sans doute anticiper un recul de
l’influence japonaise. »
La dé-mondialisation : un
phénomène durable ?
Peut-on espérer une atténuation des
causes du mécontentement actuel ?
Selon Sinead Colton, si l’on commence à
observer une croissance plus robuste et
dont les bénéfices sont mieux répartis, la
popularité des mouvements populistes
pourrait s’estomper.
« Alors que le salaire moyen aux ÉtatsUnis n’a pas réellement augmenté durant
la reprise économique, une augmentation
du salaire minimum serait susceptible
d’avoir un impact positif. »
Les discours d’austérité ont déjà été
dédramatisés au sein de nombreuses
économies, et pourraient déboucher
sur une augmentation des dépenses
publiques, ce qui pourrait stimuler la
croissance. Cependant, la capacité de ce
type de dépenses à se répercuter dans
l’ensemble de la société de manière plus
efficace que les politiques monétaires
reste à démontrer.
« Aux États-Unis, le consommateur
a été le moteur de l’économie. Une
reprise économique durable devra
cependant reposer sur des bases plus
larges. Une hausse de l’investissement
des entreprises, plutôt que les
rachats d’actions massifs observés
ces dernières années, est également
nécessaire. Cet aspect a été largement
absent de la reprise des quatre ou cinq
dernières années. »
Toutefois, il est peu probable que
les entreprises investissent dans un
environnement domestique incertain. On
peut donc raisonnablement anticiper ce
comportement de la part des entreprises
britanniques jusqu’à ce que les
conséquences du Brexit soient clarifiées.
En conclusion, Sinead Colton explique
« ne pas considérer le protectionnisme
comme un moyen de relancer la
croissance mondiale. Une telle tendance
pourrait certes profiter à certaines
économies à court terme mais, selon le
FMI, une hausse de 10% des prix des
importations due à l’introduction de
nouvelles taxes douanières entraînerait
une contraction de 2% de la production
mondiale à terme. Des marchés ouverts
à l’international sont essentiels pour
les entreprises, car ils leur permettent
de moins dépendre de leurs marchés et
consommateurs locaux, et élargissent
l’éventail des opportunités. Avec un
renforcement des restrictions et une
diminution des opportunités, les
entreprises seraient logiquement moins
rentables, ce qui pèserait globalement
sur l’investissement et la croissance. »
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
Retrait du TPP par le nouveau président
américain.
Activation de l’article 50 par le
Royaume‑Uni.
Discours anti-élites dans les élections
française et allemande.
Effondrement de la mondialisation
5
Pièges en taux troubles
Peter Bentley,
Responsable de la
gestion crédit Monde et
Royaume-Uni, Insight
L’interventionnisme persistant des banques centrales, le
risque politique accru et la possibilité d’une hausse des
défauts seront les principaux thèmes de 2017. Les gérants
d’Insight et Standish s’ interrogent sur ce que réservent
les 12 prochains mois aux investisseurs obligataires.
Hormis les décisions de politique
monétaire, quels sont les
principaux défis de 2017 pour
les obligations d’entreprises ?
Thant Han,
Gérant obligataire,
Standish
Lucy Speake,
Responsable de la
gestion obligataire
européenne, Insight
6
Pièges en taux troubles
Peter Bentley : Dans une perspective
top‑down, les investisseurs doivent
garder à l’esprit le risque politique,
comme l’a souligné le résultat du
référendum britannique ou des
présidentielles américaines. En 2017 se
tiendront des élections en Allemagne et
en France, dans un contexte où les partis
eurosceptiques chercheront à conforter
leur popularité.
Lucy Speake : La hausse du risque de
crédit sur le segment investment grade
est un défi de taille. Un premier facteur
de risque serait une vague de fusionsacquisitions, qui bénéficient plus souvent
aux actionnaires. Dans un contexte de
croissance faible, les dirigeants peinent
à fournir une croissance organique aux
actionnaires, et les fusions-acquisitions
et autres rachats d’actions s’imposent
naturellement comme une solution
de repli. Cependant, ces opérations
s’accompagnent souvent d’une hausse
des niveaux de levier, ce qui représente un
risque pour les créanciers.
les volumes échangés ont diminué
malgré une offre accrue soutenue par
des financements bon marché. Selon
nous, ces signaux indiquent que nous
avons atteint les derniers stades de la
phase d’expansion du cycle de crédit.
Cependant, la transition vers la phase
de contraction ne devrait pas intervenir
avant un an.
Même si nous avons déjà atteint la durée
moyenne des deux précédents cycles
de crédit, la période prolongée de taux
d’intérêt historiquement bas offre cette
fois-ci un cadre particulier. La phase de
contraction se caractérise en général par
une récession. Or, nous n’envisageons pas
un tel scénario à court terme, car nous ne
détectons pas les excès qui annoncent
ces périodes.
Le consommateur se porte bien, les
bilans bancaires sont robustes et la
trésorerie des entreprises solide. En
outre, l’histoire suggère que la phase
d’expansion se poursuit bien après le
début du resserrement monétaire.
Anticipez-vous une hausse des
taux de défaut en 2017 ? Dans
quels secteurs ?
Les questions de gouvernance
d’entreprise ont également des
retombées significatives. On se souvient
du scandale Volkswagen l’année passée,
ou des démêlés de Deutsche Bank avec le
Département américain de la justice.
Peter Bentley : Nous pensons qu’ils
resteront limités pour les émetteurs
investment grade, une croissance positive
et des rendements faibles permettant de
se refinancer à des niveaux attrayants. On
observe également une forte demande
même à ces niveaux de rendement.
Thant Han : La règlementation des
marchés financiers se durcit, les
négociateurs ont réduit leurs inventaires
afin de contenir le risque de bilan, et
Une légère hausse des défauts est visible
sur le high yield aux États-Unis, mais
elle est essentiellement cantonnée au
secteur de l’énergie, confronté à une
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baisse des prix du pétrole. Une poursuite
de la baisse des prix des matières
premières augmenterait la pression.
En Europe et au Royaume-Uni, le
marché reste soutenu par les achats des
banques centrales.
Thant Han : Le recul des notations,
amorcé depuis un certain temps,
s’est réellement accéléré avec les
dégradations liées aux matières
premières. La quête accrue de
performance et les achats sans
distinction, exposent la plupart des
segments du marché des obligations
d’entreprises à une correction. Nous
estimons que le risque dans le secteur
industriel reste élevé, à cause d’un
coût global de la dette historiquement
faible. Cela justifie un biais en faveur de
secteurs défensifs comme les services
aux collectivités ou les financières, pour
lesquelles le ratio de capitalisation a
doublé depuis la crise, sous la pression
des autorités règlementaires.
Nous remarquons également que les
normes de crédit sont très fortement
corrélées aux taux de défaut. Aux
États-Unis, après plusieurs années
d’assouplissement, les banques viennent
juste de durcir leurs normes. Cela suggère
que les taux de défauts sont susceptibles
de repartir à la hausse.
Quels sont, selon vous, les
facteurs les plus porteurs pour
votre classe d’actifs en 2017 ?
Lucy Speake : Une croissance positive
et stable en Europe et aux États-Unis,
ce qui devrait soutenir le crédit. En
revanche, certains « vents arrières » qui
ont porté le secteur en 2016, notamment
le programme d’achats d’obligations
d’entreprises de la BCE, sont susceptibles
de disparaître.
Thant Han : Le facteur le plus favorable
pour la zone euro reste la politique
monétaire accommodante. La
persistance d’une croissance économique
anémique, ainsi qu’une inflation très
basse, inciteront la BCE à maintenir ses
mesures et des taux proches de zéro.
En ce qui concerne les autres grandes
banques centrales, la Banque du Japon
(BoJ) a mis en place une politique de
plafonnement des rendements des
emprunts d’État japonais (JGB), tandis
qu’au Royaume-Uni, après le Brexit, les
mesures non conventionnelles sont
bien enracinées dans l’arsenal de la
Banque d’Angleterre (BoE). Aux ÉtatsUnis, l’ère de la « faiblesse durable »
des taux directeurs semble toucher à sa
fin. Cependant, le marché des futures
de taux US n’anticipe plus une hausse
progressive des taux longs, malgré les
attentes d’une hausse des taux directeurs
à court terme. Ces différents facteurs
laissent penser que les taux européens
resteront bas en 2017.
Quelles sont les perspectives de
politiques monétaires et quel
pourrait être l’impact sur votre
marché ?
Lucy Speake : Les politiques monétaires
resteront accommodantes dans les pays
développés pour toute l’année 2017.
Aux États-Unis, le rythme des hausses de
taux sera probablement lent.
En Europe, la BCE pourrait maintenir
sa politique encore un certain temps.
Au Royaume-Uni, le plan de mesures
d’assouplissement annoncé comporte
d’importantes implications pour la
livre sterling et l’évolution de l’inflation.
Les investisseurs en mesure de gérer
activement leur exposition aux devises
pourraient tirer parti de la volatilité de
ce marché.
Parallèlement, la politique monétaire
semble atteindre ses limites. La BCE et
la BoJ sont confrontées à une réduction
du gisement d’obligations souveraines
éligibles, et pourraient être amenées
à adapter les critères ou à élargir
l’univers des actifs éligibles. Toutefois,
les responsables politiques se montrent
inquiets des effets des taux négatifs
et des courbes de taux plates sur les
secteurs bancaires. La BoE a par exemple
écarté la possibilité de recourir à une
politique de taux négatifs, et la BoJ a
assoupli son programme afin de viser
des rendements plus élevés sur des
maturités plus longues.
Peter Bentley : Nous pensons que
les conjectures concernant les choix
politiques à venir peuvent générer
de la volatilité sur les spreads. Un tel
environnement pourrait être exploité par
les investisseurs à même de prendre des
positions long ou short. Le Programme
de refinancement à long terme (LTRO) en
Europe et le Système de financement à
terme (TFS) au Royaume-Uni viendront
atténuer la pression que fait peser sur les
banques les taux très bas.
Au Royaume-Uni notamment, le
TFS soutiendra le marché du crédit
hypothécaire, et cela pourrait se
répercuter sur l’attrait des titres adossés
à des créances hypothécaires (RMBS),
qui offre une excellente qualité.
Thant Han : Alors que les membres de
la Fed se disputent pour des quarts de
point de pourcentage, les responsables
de la BCE et de la BoJ ne semblent
plus très sûrs de l’orientation future
de leurs politiques. La BCE doit ajuster
son programme d’ici la fin de l’année
afin de prolonger sa politique d’achats
d’actifs. Contrainte par ses propres
règles, elle semble peu encline à prendre
cette direction.
Nous pensons (sans pouvoir en être
certains) que l’intention de la BoJ, en
plafonnant le rendement du JGB à 10
ans, était d’introduire un ajustement
automatique en cas de hausse de
l’inflation. Or, l’absence d’un mécanisme
direct poussant l’inflation à la hausse
pose problème. La BoE paraît plus
déterminée à recourir aux différents
leviers de la politique monétaire, et le
prouvera sans doute bientôt.
Le séjour prolongé des principales
banques centrales sur le terrain des
politiques non conventionnelles, couplé
à leur incapacité à générer de l’inflation,
a entraîné environ un tiers de l’univers de
la dette souveraine des pays développés
en territoire négatif. Cet environnement
fournit un soutien très solide à tous
les instruments obligataires offrant un
coupon positif.
Pièges en taux troubles
7
Banques centrales :
dans l’oeil du viseur ?
Alors que l’assouplissement quantitatif (QE) augmente
et que la baisse des taux (hors US) se poursuit, David
Hooker, gérant d’obligations d’entreprises indexées à
l’inflation chez Insight, analyse la politique monétaire
pour l’année à venir.
David Hooker,
Gérant d’obligations
d’entreprises indexées
à l’inflation, Insight
Certains remettent en cause la capacité
de la politique actuelle à résoudre les
problèmes économiques du monde. Tandis
que la confiance dans l’efficacité des mesures
monétaires s’effrite, 2017 pourrait voir le débat
sur l’avenir de cet interventionnisme entrer
dans la sphère politique.
Au lendemain de la crise financière globale,
les banques centrales étaient convaincues
que la politique monétaire serait le remède
miracle aux maux de l’économie mondiale.
En abaissant les taux d’intérêt, elles ont tenté
d’influer sur le niveau d’activité de l’économie
à travers une réduction du coût d’emprunt
pour les consommateurs et les entreprises,
destinée à les encourager à épargner moins
et dépenser plus. Quand les taux directeurs
ont approché (voire atteint) zéro, des baisses
supplémentaires ont -initialement – paru
inenvisageables. Elles ont donc adopté des
politiques non-conventionnelles, comme les
8
Banques centrales : dans l’oeil du viseur ?
programmes d’achats d’actifs. En soutenant
les prix des actifs, elles espéraient créer un
« effet richesse » pour les détenteurs d’actifs
capables de stimuler la dépense. Les doutes
sur l’efficacité des mesures traditionnelles
se faisant plus insistants, certaines banques
centrales ont depuis recouru à des politiques
de taux d’intérêt négatifs.
Les achats d’actifs et l’assouplissement du
crédit, associés à des baisses de taux, sont
actuellement les principaux instruments des
banques centrales. En août 2016, la Banque
d’Angleterre (BoE) l’a prouvé en adoptant un
programme agressif de mesures visant à contrer
les effets potentiels du Brexit : une baisse des
taux d’intérêt, un programme d’achats d’actifs
sur les obligations souveraines et d’entreprises,
couplés à un assouplissement du crédit à
travers le Système de financement à terme
(TFS).
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L’avenir nous dira quel impact auront les mesures de la BoE.
Toutefois, certains remettent déjà en cause l’efficacité de la
politique monétaire, la croissance étant atone dans les grandes
économies alors que les taux d’intérêt et les rendements
obligataires sont bas (la fameuse « trappe à liquidités »
keynésienne), et réclament des politiques inédites.
Alors même que la BoE adoptait son programme, d’autres
autorités monétaires ont commencé à mettre en doute
l’efficacité de la politique actuelle. La Fed a noté que les
politiques monétaire et fiscale étaient mieux armées pour
neutraliser d’importants chocs positifs que négatifs. Dans un
effort pour affirmer sa détermination à enrayer la déflation,
la banque du Japon (BoJ) a procédé à un examen complet
de ses mesures qui l’a amenée à modifier en septembre les
outils de sa politique monétaire. Plutôt que l’assouplissement
quantitatif, elle a choisi de se concentrer sur le contrôle des taux
d’intérêt. Selon certains économistes, cette évolution souligne
simplement le fait que la politique de la BoJ a atteint ses limites.
L’expansion soutenue de la dette globale étouffe la croissance
à travers le monde. Si le coût du service de la dette a été réduit
grâce à la baisse des taux, la réaction décevante de l’économie
a rendu le fardeau plus important. Certains affirment que le
poids croissant de la dette du secteur privé a contribué à saper
la croissance économique, et qu’une politique budgétaire
volontariste pourrait être un outil bien plus efficace.
Au Royaume-Uni par exemple, les commentateurs se
demandent si la perte de confiance dans les perspectives
économiques locales, liée aux doutes concernant les futures
relations du pays avec son principal partenaire commercial,
peut être enrayée par la seule politique monétaire. Une
politique budgétaire ciblée, visant à relancer l’investissement,
aurait peut-être été une meilleure réponse au choc subi par
le Royaume-Uni. Cependant, les détracteurs de la politique
budgétaire pourraient invoquer l’exemple japonais et
souligner les limites de l’impact des dépenses d’infrastructures
financées par l’endettement et les plans de relance sur la
croissance à moyen et long terme.
L’effet distributif de la politique monétaire commence
également à être analysé. Le sentiment dominant est que les
programmes d’achats d’actifs ont en général profité à ceux qui
en étaient détenteurs, autrement dit principalement aux riches.
Des politiques initialement présentées comme des « mesures
d’urgence » sont de plus en plus critiquées par les « perdants »
de l’effet distributif, alors que les bénéfices économiques de ces
politiques deviennent moins évidents, voire contre-productifs.
Les banquiers centraux écartent habituellement ces critiques en
indiquant que toute politique monétaire a des effets distributifs,
et qu’eux-mêmes ne sont que des technocrates mandatés par les
États. Selon eux, c’est aux gouvernements d’ajuster ces effets.
Il est difficile d’affirmer que les banques centrales
indépendantes n’ont rien de politique : elles ne peuvent exister
sans le soutien de la population. Or, avec des mesures d’urgence
prolongées pendant près d’une décennie, la confiance dans les
autorités monétaires s’est logiquement effritée.
L’effet populiste
Le mécontentement économique entraîne l’émergence de partis
ou de politiques populistes, et la dynamique populiste peut
être un catalyseur de réformes très puissant. Au début, ces
partis promettent des dépenses budgétaires supplémentaires,
souvent dans les infrastructures, afin de stimuler la croissance
économique, ainsi que des mesures sociales pour lutter
contre les inégalités. Les partis politiques en place savent très
bien intégrer les politiques des partis populistes, ce qui leur
permet éventuellement de conserver le pouvoir. Cependant,
l’indépendance des banques centrales est avant tout un cadeau
des dirigeants politiques. Or, afin d’assurer leur survie politique,
les gouvernements peuvent être amenés à modifier le cadre de
la politique monétaire. Il reste à décider quel cadre remplacera
celui actuellement en place, et dans quel délai.
Tandis que les perspectives de l’économie mondiale restent
incertaines, la prédominance de la politique monétaire et
l’indépendance des banques centrales sont sans doute
vouées à décroître. Ce débat pourrait se déplacer des cercles
académiques vers la sphère politique en 2017, mais un
nouvel ordre monétaire ne se mettra probablement en
place qu’après la prochaine crise économique. Il pourrait
avoir des conséquences significatives sur l’inflation
et l’indépendance des banques centrales.
À SUIVRE DE PRÈS EN 2017
Une perte de confiance accrue en
l’efficacité de la politique monétaire.
Le débat sur l’avenir de la politique
monétaire entrera-t-il dans la
sphère politique ?
Banques centrales : dans l’oeil du viseur ?
9
Liberté, égalité,
Frexit ?
Le caractère houleux du processus
électoral en France confirme le
déplacement des sources de risque
politique au sein de la zone euro, en
2017, des pays périphériques de l’Union
européenne vers les principaux pays
de la région.
Ces 10 dernières années, le risque politique n’a cessé
d’augmenter dans les « pays périphériques » comme la
Grèce, l’Irlande et le Portugal. À chaque fois, les plans de
sauvetage de l’UE ou du FMI ont apaisé les crises de dette
souveraine, évitant la contagion et limitant les répercussions
sur les marchés à quelques pics de volatilité. Cependant,
les inquiétudes liées au risque géopolitique en Europe se
sont déplacées. Elles concernent désormais la volonté des
citoyens des principales économies du bloc de maintenir
leur soutien à « une union sans cesse plus étroite » du
traité de Rome, pilier juridique de l’UE.
Des élections se tiendront en France en 2017. Elles causeront
probablement le départ du gouvernement socialiste, fervent
soutien de l’euro et d’une intégration européenne continue.
Plus tard dans l’année, les Allemands voteront aux élections
fédérales. Dans les deux pays, les sondages indiquent une
baisse de la confiance en la capacité des dirigeants à relever
des défis tels que le chômage endémique et l’immigration
de masse. Le déclin des élites a créé une brèche pour des
aventuriers politiques marginaux qui mettent l’accent sur
l’intérêt national. Certains, comme Marine Le Pen, dirigeante
du Front National (FN), réclament un référendum à l’anglaise
sur la sortie de l’UE. Ce scénario peut paraître extravagant,
mais il aurait des conséquences plus importantes sur les
marchés et l’économie que le vote du Royaume-Uni.
Rowena Geraghty, analyste dette souveraine chez Standish,
juge un Frexit peu probable mais note que « contrairement
au Royaume-Uni, la France est l’un des pays fondateurs
du projet européen. Elle constitue le seul contrepoids à
l’Allemagne, et sa sortie aurait une incidence plus forte
que celle du Royaume-Uni. La volatilité pourrait retourner
aux niveaux atteints avant que Mario Draghi, ne s’engage
10 Liberté, égalité, Frexit ?
Rowena Geraghty,
Analyste dettes
souveraines, Standish
www.bnymellonimoutlook.com
à faire « tout ce qu’il faut » pour sauver l’euro en
2012. Les coûts de financement des gouvernements
périphériques augmenteraient fortement, et les
inquiétudes entourant le système bancaire pourraient
refaire surface dans certains pays. Le potentiel de
récession deviendrait préoccupant. »
À court terme, malgré ces risques géopolitiques,
Standish anticipe une croissance de 1,2% pour la
zone euro en 2017, soit une légère baisse par rapport
aux 1,5% des années 2015 et 2016. Cette prévision
est inférieure à celle de la BCE et reflète une perte
de confiance mise en évidence par des indices PMI
décevants dans le secteur manufacturier. Selon
Standish, l’inflation de la zone euro devrait atteindre
1,0% en 2017, contre 0,1% en 2015 et 0,2% en 2016,
incitant la BCE à prolonger sa politique accommodante
au-delà de la fin de son programme d’achats d’actifs,
prévue en mars.
En France, l’absence d’un président en exercice fort
et d’un challenger crédible ouvre une brèche pour des
candidats comme Marine Le Pen, même si ce n’est pas
le scénario de base de Standish.
L’ancien ministre de l’Économie, Emmanuel Macron,
est un autre joker. L’arrivée d’un candidat iconoclaste
sans parti comme Emmanuel Macron pourrait
siphonner les soutiens des candidats des deux grands
partis, et offrir une opportunité au FN. En 2002, un
nombre anormalement élevé de candidats avait déjà
fragmenté l’électorat.
Même si Marine Le Pen ne pousse pas la France hors
de l’UE, un bon résultat du FN pourrait contraindre un
vainqueur de centre-droit à adopter un positionnement
plus eurosceptique. Cela aurait des répercussions
sur l’Allemagne, autre pays phare de l’UE, autant que
sur la France. Selon Rowena Geraghty, « un président
français plus affirmé (F. Hollande est si silencieux
qu’il en est presque absent) pourrait provoquer des
débats plus animés avec l’Allemagne et les institutions
européennes, notamment sur la question de
l’immigration. »
Alors que des élections fédérales sont prévues en
Allemagne en 2017, les élections régionales de 2016
ont montré que la chancelière avait elle-même des
défis à relever. Dans sa propre circonscription de
Mecklembourg-Poméranie Occidentale, la coalition
au pouvoir (formée de l’Union chrétienne-démocrate
(CDU), parti auquel elle appartient, et du Parti socialdémocrate (SPD) était opposée au parti contestataire
Alternative pour l’Allemagne (AfD). Angela Merkel a
fait campagne pour son parti et, malgré sa formule
« Wir schaffen das » (« Nous y arriverons »), la CDU
LES ÉLECTIONS EN FRANCE
Lors de l’élection présidentielle de 2002, un nombre
anormalement élevé de candidats avait dispersé le
vote et permis au Front National de réaliser un score
historique. L’histoire pourrait-elle se répéter en 2017 ?
16
Nombre de
candidats à
la présidentielle
10
1981
12
9
9
1988
1995
12
10
2002
2007
2012
2016
(primaires)
Source : Ministre de l’Intérieur : « Résultats des élections législatives 2012 »,
27 octobre 2016.
est arrivée en 3ème position avec 19% des votes,
derrière le SPD avec 31% et l’AfD avec 21%1. Le faible
score de la CDU suggère l’impopularité d’A. Merkel,
tandis que le résultat relativement solide de l’AfD
laisse entendre que de nombreux allemands aspirent
à autre chose que des frontières ouvertes et une
intégration européenne accrue.
Même s’ils ne gagnent pas les élections, des insurgés
politiques comme Marine Le Pen et l’AfD peuvent
exercer une certaine pression sur les vainqueurs et
imposer un débat sur « mondialisme ou nationalisme »,
ou « Europe » contre « francité » et « germanité ». Les
élections de 2017 pourraient être l’occasion d’une
nouvelle étape dans le réalignement politique du noyau
dur de l’Europe ; non pas entre la droite et la gauche, ou
l’est et l’ouest, mais entre les élites dirigeantes promondialisation et une classe moyenne dont les intérêts
ne sont plus représentés par cette élite.
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
23 avril : premier tour des élections présidentielles
en France.
7 mai : second tour des élections présidentielles
en France.
Septembre/octobre : élections fédérales en Allemagne.
1 The Guardian : « Il est trop tôt pour enterrer A. Merkel », 5 septembre 2016.
Liberté, égalité, Frexit ? 11
Zoom sur les marchés
obligataires internationaux
Q&A
Paul Brain,
Responsable gestion
obligataire, Newton
Ulrich Gerhard,
Gérant obligations
high yield, Insight
Adam Whiteley,
Co-gérant obligations
d’entreprises mondiales,
Insight
L’année 2016 a offert son lot de surprises aux investisseurs
sur les marchés des emprunts d’État et des obligations
d’entreprises, à l’instar du Brexit, d’une campagne
présidentielle acerbe aux États-Unis et des politiques
de taux d’intérêt négatifs déployées par les banques
centrales. Se pourrait-il que l’année 2017 soit du même
acabit ? Les gérants d’Insight et Newton nous donnent
leurs avis sur les opportunités et les défis potentiels pour
les 12 prochains mois.
Selon vous, quels sont les
principaux facteurs susceptibles
de soutenir les performances de
votre classe d’actifs en 2017 ?
Ulrich Gerhard : Les taux de croissance
devraient rester stables et positifs aux
États-Unis et en Europe. Parallèlement,
nous ne pensons pas qu’ils seront assez
forts pour inciter les banques centrales
à réorienter leurs politiques monétaires.
2017 pourrait être marquée par la
décision de la BCE de mettre un terme
à son programme d’achat d’obligations
investment grade, qui a soutenu de
manière indirecte la performance de la
classe d’actifs en 2016. Cependant, nous
pensons que les conditions monétaires
resteront globalement favorables.
Adam Whiteley : Nous partageons ce
point de vue et pensons que l’équilibre
de croissance entre les États-Unis
et l’Europe concourra à maintenir un
environnement particulièrement porteur
pour les obligations d’entreprises. Les
facteurs de soutien qui ont marqué 2016
en Europe, à l’instar du programme de
QE de la BCE, pourraient disparaître
en 2017, mais l’environnement général
reste favorable pour les obligations
d’entreprises aux quatre coins du monde.
Paul Brain : Depuis la crise financière, les
interventions des autorités monétaires
12 Zoom sur les marchés obligataires internationaux
ont contribué à soutenir les emprunts
d’État. La fragilité de l’économie
mondiale, malgré les mesures de relance
monétaire, signifie qu’il est peu probable
que nous assistions à un resserrement
rapide des politiques monétaires. Cet
environnement contribuera à alimenter
la faiblesse artificielle des rendements
des emprunts d’État.
Pensez-vous que les taux
souverains et les rendements
des obligations d’entreprises
resteront en territoire négatif ?
Paul Brain : En Europe et au Japon,
l’adoption de taux négatifs sur l’extrémité
courte de la courbe est un élément
essentiel des plans d’assouplissement
monétaire déployés par les autorités.
Tant que la reprise ne sera pas confirmée,
les banques centrales devraient
maintenir ce cap. Les mesures de relance
budgétaire seront longues à mettre en
place et à produire des effets substantiels
sur les perspectives de croissance
économique. Il est fort à parier que les
autorités monétaires maintiendront des
taux d’intérêt négatifs tant qu’aucun
signe manifeste ne viendra confirmer
que ces mesures de relance budgétaire
portent leurs fruits. Les perspectives
pour les obligations à long terme sont
plus incertaines, car les perspectives
d’inflation devraient être revues à
www.bnymellonimoutlook.com
A
la hausse et les craintes d’un resserrement des politiques
monétaires ne manqueront pas d’entraîner un regain de volatilité.
Ulrich Gerhard : En Europe, nous pensons que la BCE
maintiendra ses taux négatifs pour les prochains mois. La
Banque d’Angleterre (BoE) semble pour sa part envisager une
nouvelle baisse de son taux directeur.
Une telle décision aurait certes pour effet de conforter
l’environnement de taux négatifs, mais les banques centrales
ont fait part de leurs inquiétudes grandissantes quant aux
effets de ces politiques et de l’aplatissement des courbes de
taux. La BoE écarte l’hypothèse des taux négatifs, tandis que
la Banque du Japon a assoupli son programme d’achat d’actifs
annuel dans l’espoir de pousser à la hausse les rendements
des obligations à long terme.
Cela laisse entrevoir non pas une augmentation, mais plutôt
une réduction de l’univers des titres à rendement négatif. De
plus, il est déjà arrivé que les rendements des emprunts d’État
augmentent fortement lorsque la banque centrale concernée
ne joue pas le rôle de catalyseur, comme l’illustre la correction
des Bunds allemands survenue au T2 2015.
Quelle est la portée du risque politique ? Quels sont
les pays et régions les plus exposés ?
Paul Brain : Le risque politique augmente à mesure que le
curseur politique s’éloigne du centre. Les politiques prônées
par les partis populistes créent un climat d’incertitude et
concourent à amplifier les risques. L’Europe est probablement
l’épicentre de ces inquiétudes en raison des changements
susceptibles d’intervenir par le biais de nombreuses élections.
Ulrich Gerhard : Nous considérons le risque politique comme
un facteur particulièrement important sur le segment high yield.
Le résultat inattendu du référendum britannique et le regain
d’incertitude politique et économique observé au RoyaumeUni et en Europe dans la foulée en sont la parfaite illustration.
Il reste encore beaucoup à faire pour définir les modalités
de la sortie du Royaume-Uni et pour pouvoir connaître les
répercussions de cette décision pour le pays et le reste de la
région. De nouveaux épisodes de volatilité sont donc à anticiper.
En 2017, les électeurs allemands et français se rendront
aux urnes dans un contexte où les mouvements politiques
séparatistes et extrémistes chercheront à consolider leur
soutien populaire. Les annonces d’organisations comme
l’OPEP pourraient alimenter la volatilité des actifs risqués, en
particulier dans les secteurs high yield, tels que l’énergie, les
oléoducs, les matériaux de base et les métaux/mines.
Les stratégies crédit high yield capables de déployer une
approche réellement globale, et donc plus diversifiée, sont plus
à même de faire face aux risques politiques que les portefeuilles
devant composer avec des contraintes régionales. Le marché
européen est ainsi moins exposé au secteur de l’énergie, au
secteur métallurgique et au secteur minier.
De plus, le fait de privilégier une stratégie de duration courte
sur le segment high yield, libérée de la contrainte d’indices de
référence, contribue à réduire le risque de crédit.
Quels sont les secteurs sous-évalués sur lesquels
vous comptez focaliser votre attention l’an
prochain ?
Adam Whiteley : La capacité à diversifier l’allocation
géographique des portefeuilles devrait constituer une source
de surperformance attrayante pour les investisseurs en
obligations d’entreprises. Nous pensons que les émetteurs
obligataires qui assainissent leurs bilans, éventuellement
à l’issue d’une fusion-acquisition, pourraient offrir des
opportunités intéressantes aux gérants capables de réaliser
une analyse crédit bottom-up approfondie.
Nous pensons que les ABS resteront une source attrayante de
valeur fondamentale complémentaire. Les fondamentaux de
la dette émergente s’améliorent également, tandis que l’écart
de croissance entre les marchés émergents et les marchés
développés augmente. Cette tendance est à mettre en parallèle
de la résorption des déficits extérieurs, alors même que des
pays comme l’Argentine, l’Indonésie et le Brésil engagent des
réformes majeures.
Paul Brain : La révision à la hausse des prévisions d’inflation,
pour la première fois depuis des années, a contribué à remettre
les emprunts d’État indexés à l’inflation sur le devant de la
scène. Certains facteurs pèsent toujours sur la croissance
mondiale, et des opportunités se présenteront dès que les
marchés anticiperont de manière exagérée les hausses de taux
d’intérêt. Nous pensons que les marchés des emprunts d’État
progresseront à des rythmes différents à travers le monde. Les
investisseurs qui diversifieront leurs portefeuilles en investissant
dans des marchés exposés à des baisses de taux (en Asie, par
exemple) pourraient éventuellement surperformer le marché.
Enfin, les devises connaîtront des trajectoires différentes : les
monnaies des pays mettant en œuvre des mesures
d’assouplissement budgétaire et procédant à un resserrement
de leur politique monétaire devraient surperformer.
Zoom sur les marchés obligataires internationaux 13
Une situation inchangée ?
Nick Clay,
Gérant de l’équipe
Global Equity Income
de Newton
Le monde est devenu tellement interconnecté que même si le
protectionnisme venait à se propager, il n’aurait pas l’impact que certains
imaginent. Selon Nick Clay, Gérant de l’équipe Global Equity Income chez
Newton, de nombreuses multinationales seront encore en mesure de
distribuer des dividendes pérennes en 2017.
L’année à venir sera sans doute, selon Nick Clay, dans la lignée des
précédentes : poursuite de l’incertitude, volatilité des marchés et des
classes d’actifs, croissance anémique et intervention des banques
centrales. Dans un tel contexte, Nick Clay considère que la
pérennité des revenus reste vitale.
Sur les marchés, on ne parle actuellement que des
divergences politiques accrues et de la montée du
protectionnisme. Toutefois, Nick Clay considère que
ce ne sont que des discours, et que de nombreuses
entreprises sont bien positionnées sur la scène
internationale. « Le monde est trop interconnecté
pour être défait aisément, surtout pour les
entreprises détentrices de propriété intellectuelle.
Dans ce secteur à faible consommation de capital,
il devient de plus en plus compliqué d’imposer des
barrières douanières. »
Nick Clay note que ce type d’entreprises attirent
l’argent, de sorte que les écarts de répartition de
la richesse se creusent, causant mécontentement,
ainsi que crises politiques et commerciales.
« La part de la richesse mondiale détenue par les
1% les plus riches1, soit 50%, atteint des niveaux
inégalés depuis 1929. Or, la situation ne résulte pas
des accords commerciaux. »
Citant le marché américain de l’emploi comme exemple
des changements structurels qui génèrent des tensions
politiques, Nick Clay remarque que 95% de tous les emplois
créés ces 16 dernières années l’ont été dans des secteurs tels
que la santé, l’éducation, la restauration et l’aide sociale. « Non
seulement ces métiers sont moins rémunérateurs que la
moyenne, mais en plus ils fournissent moins d’heures
de travail. Le salaire net dans ces nouveaux emplois
se situe environ 40% en-dessous de la moyenne, ce
qui a favorisé la hausse du nombre des personnes
cumulant deux emplois. Le coût de cette évolution
sur les revenus américains est de l’ordre de 3%. Les
chiffres de l’emploi ont beau être meilleurs aux
États-Unis, de nombreuses personnes vivent en
réalité moins confortablement qu’auparavant. »
1 Fortune : « The top 1% now owns half the world’s wealth » (Les 1% les plus riches détiennent
désormais la moitié de la richesse mondiale), octobre 2015.
14 Une situation inchangée ?
www.bnymellonimoutlook.com
Selon une étude d’avril 20162, parmi les 10 métiers promis à la
plus forte croissance dans les années à venir, la moitié rapporte
moins de 25 000 USD par an, et les trois-quarts offrent un
salaire inférieur au niveau américain standard de 35 540 USD.
En septembre 2016, on apprenait que 7,8 millions de personnes
cumulaient plusieurs emplois, soit 5,2% des salariés, contre
4,9% en septembre 20153.
D’après le gérant, la situation résulte en partie d’un
transfert des emplois, aux États-Unis, du secteur
manufacturier vers des secteurs comme celui
de la technologie et reposant davantage
sur la propriété intellectuelle. « Dans
des entreprises comme Uber, Airbnb
ou Amazon, qui capture finalement
la richesse ? Un tout petit nombre
de personnes. »
Si de nombreuses entreprises
considèrent le rythme du
changement technologique
actuel comme une menace,
cela est moins problématique
pour celles dont les produits
ou services font partie
du quotidien. Pour les
systèmes établis, comme
Microsoft, il est difficile
pour la concurrence de les
déloger. La remarque est
valable pour Western Union.
« Beaucoup pensent qu’il s’agit
d’une entreprise de transfert
de liquidités traditionnelle,
susceptible d’être dépassée par la
progression des transferts en ligne
et via smartphones. Pourtant, 80% des
transferts assurés par Western Union se
font en liquide, et environ 85% de ceux qui les
reçoivent n’ont pas de compte bancaire. Une règlementation
accrue de ces activités signifie également moins de nouveaux
entrants potentiels. La société est en outre l’un des principaux
acteurs dans le transfert de liquidités en ligne. »
La mondialisation accorde une place de choix, dans les marchés
développés, à des entreprises à faible consommation de capital,
protégées de la concurrence disruptive par de solides barrières
à l’entrée.
Selon Nick Clay, ces entreprises seront en mesure de fournir
des dividendes pérennes l’année prochaine, malgré le contexte
de valorisations et de volatilité élevées. « On peut être tenté de
se cacher pour s’abriter de la volatilité… mais où ? L’enjeu ne
consiste plus à se cacher, mais à survivre. »
Les marchés ont relativement bien résisté en 2016, ce que
Nick Clay attribue à la « confiance aveugle » des investisseurs
dans l’intervention des banques centrales en cas de crise. Il voit
dans la baisse avortée qui a suivi, au Royaume-Uni, le vote sur
le Brexit, la preuve que la confiance dans l’intervention des
autorités monétaires est devenue un réflexe quasi-pavlovien.
Ce soutien (ou simplement son apparence, voire son
anticipation) continuera à renforcer les prix des actifs et les
valorisations en 2017. Mais pour le gérant, « L’assouplissement
quantitatif n’est pas gratuit : quelqu’un devra payer. Finalement,
cela augure de faibles performances pour les 10 prochaines
années. Dans cet environnement, chaque classe d’actifs semble
chère, et les corrélations augmentent. »
« Dans ce contexte, il est impossible pour les entreprises
d’augmenter les prix. Qui encaissera le choc sur les marges ?
Pas le consommateur. »
Dans cet environnement, la pérennité des versements aux
actionnaires sera essentielle. Et pour le gérant, les activités
à faible consommation de capital, et possédant une propriété
intellectuelle clairement établie, sont celles qui s’en sortiront
le mieux.
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
Capacités mondiales et niveaux de productivité.
Politique – interne à l’Europe.
Elections européennes à venir.
2 CNN : « 5 of America’s fastest growing jobs pay less than $25,000 » (5 métiers en plein
développement aux États-Unis rapportent moins de 25 000 USD), avril 2016.
3 USA Today : « The job juggle is real. Many Americans balancing two, even three gigs » (Le cumul
d’emplois existe. De nombreux Américains ont deux, voire trois jobs.) , octobre 2016.
Une situation inchangée ? 15
Loué soit
l’immobilier
américain
Sandeep Bordia,
Responsable recherche et analyse,
Amherst Capital Management
Alors qu’aux États-Unis, le secteur en plein essor
de l’immobilier locatif suscite l’intérêt de nombreux
investisseurs privés et institutionnels, Sandeep Bordia,
d’Amherst Capital Management , se demande si cette
croissance est durable.
Le marché immobilier américain a connu
un bouleversement sismique depuis la
crise de 2008.
D’après une étude réalisée par l’université
Harvard en 20161, le taux national
d’accession à la propriété a connu
une baisse constante pendant 10 ans,
reculant jusqu’à 63,7% en 2015. L’étude
sur le taux de vacance des logements
aux États-Unis montre que le nombre
de ménages en location a augmenté de
presque neuf millions entre 2005 et 2015
(cf. graphique ci-après).
Cette tendance à la hausse de la
demande locative a été accentuée par
des évolutions démographiques qui ont
vu une nouvelle génération de jeunes
adultes et de familles incapables de
financer l’achat de leur domicile.
Des règles plus strictes pour le crédit
hypothécaire, des prix immobiliers
en hausse pour les propriétairesoccupants, des revenus nets stagnants
et une aide fédérale aux bas revenus
limitée ont contribué à stimuler la
demande de logements locatifs, en
résidence comme en maison individuelle
(« single-family rental » ou SFR). D’après
l’étude d’Harvard, l’incapacité de l’offre
à satisfaire une demande en forte
croissance a donné lieu à la plus longue
période de resserrement du marché
locatif depuis la fin des années 1960.
Commentant les facteurs qui soutiennent
la croissance du marché locatif, Sandeep
Bordia ajoute que « si les principaux
facteurs ayant stimulé le marché ces
dernières années sont toujours en place,
la hausse de la dette étudiante (qui a
quadruplé en 13 ans2) est un facteur
supplémentaire. »
L’intérêt des institutionnels
Une hausse de la demande de biens
locatifs (notamment de maisons
individuelles) et des performances
solides ont attiré investisseurs
particuliers et institutionnels. On
estime que ces derniers représentent
1 Bloomberg : « Millions of Spenders Are Ready to Come Back From the Mortgage Crisis » (Des millions d’acheteurs prêts à faire leur retour après la crise hypothécaire), 7 juillet 2016.
2 FRBNY/Commission de crédit Equifax, au T1 2016.
16 Loué soit l’immobilier américain
www.bnymellonimoutlook.com
actuellement 1 à 1,5% du marché. Or, la
demande pour les maisons individuelles
continue de croître, et le nombre moyen
de nouvelles locations a augmenté de
770 000 par an depuis 2004.
Les investisseurs institutionnels ont
divers moyens d’accéder au marché,
tels que l’achat de maisons destinées
à la location, ou l’investissement dans
des programmes de titrisation adossés
à ces mêmes biens immobiliers. Les
institutionnels bénéficiant d’économies
d’échelle, d’une couverture géographique
et de moyens financiers significatifs,
Sandeep Bordia estime que leur part
est clairement destinée à augmenter.
« Ils ont accès à des lignes de
financement moins coûteuses et mieux
adaptées. Et la plupart des activités
SFR gérées par des institutionnels ont
également beaucoup investi dans les
infrastructures et la technologie, ce
qui les aide tout au long du cycle de vie
de leur portefeuille immobilier, depuis
l’acquisition jusqu’à la maintenance
et aux réparations. »
« La diversification géographique
est un autre atout. Il est plus facile
pour les institutionnels de procéder
à une répartition géographique de
leurs investissements en fonction de
là où le couple risque/rendement est
le plus attrayant. »
Concernant le marché immobilier
américain, Morningstar estime que la
titrisation multi-emprunteurs, incluant
les prêts accordés à un emprunteur
unique pour acquérir un bien, soutiendra
la croissance à long terme des émissions
liées au marché de la location de
maisons individuelles. La société
d’analyse ajoute que la couverture des
flux de trésorerie liés au service de la
dette demeure robuste, tandis que les
taux d’impayés sont faibles et les taux
de vacance et de rétention en ligne avec
ses dernières prévisions.
Répartition régionale
À propos de l’appétit des institutionnels
pour les biens locatifs aux États-Unis,
Sandeep Bordia note que ces derniers,
au-delà des grandes villes, s’intéressent
au potentiel de villes moins importantes,
où la demande est forte.
« Ils ont été plus actifs dans certaines
villes spécifiques et à proximité des
centres urbains. Ils ne se limitent pas
à New York et San Francisco, mais sont
présents à Minneapolis, Denver ou encore
Nashville. Ce ne sont pas les plus grandes
métropoles, mais elles peuvent offrir un
risque en capital plus faible. »
Avec une demande en progression
constante, le gérant d’Amherst reste
optimiste pour 2017. Cependant, il
demeure attentif aux risques potentiels.
« Si nous prévoyons une performance
proche de 10% l’année prochaine (sans
effet de levier), aucune classe d’actifs
n’est à l’abri du risque.
« Le risque qui menace réellement
le marché est celui d’une récession
majeure. Cela étant dit, nous ne
détectons aucun risque de récession
immédiate à l’horizon. »
Si quelques titrisations privées ont
récemment été observées sur le marché
du crédit hypothécaire, Sandeep Bordia
juge peu probable le retour des stratégies
à haut risque, qui avaient écorné l’image
des investisseurs et des entreprises à la
fin des années 2000.
« Les quelques titrisations privées
que nous avons observées étaient
d’excellente qualité et concernaient des
montants annuels d’émissions inférieurs
à quelques milliards de dollars (pour
un marché dont le stock d’émissions
atteignait 2 500 mds USD à son apogée).
Depuis la crise financière, une nouvelle
règlementation très fournie a été mise
en place, et l’appétit pour les types
d’investissements les plus risqués, qui
étaient alors monnaie courante, est
désormais presque inexistant. »
LA LOCATION A PROGRESSÉ CES DERNIÈRES ANNÉES TANDIS QUE LA
PROPRIÉTÉ STAGNAIT
Croissance annuelle moyenne des ménages (millions)
1,4
1,2
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
1,0
0,8
Politique économique du nouveau
gouvernement américain.
0,6
0,4
Possibilité de resserrement des taux par
la Fed.
0,2
0,0
-0,2
-0,4
Demande locative.
2001-2003
Locataires
2004-2006
2007-2009
2010-2012
2013-2015
Propriétaires
Source : Tableau JCHS du US Census Bureau, étude sur le taux de vacance.
Loué soit l’immobilier américain 17
États-Unis :
retour à
l’actionnaire
John Bailer,
Gérant des valeurs
de rendement
américaines, The
Boston Company
Asset Management
Le marché américain est tout aussi
connu pour ses rachats d’actions que
pour ses distributions de dividendes.
John Bailer, Gérant spécialisé sur les
valeurs de rendement américaines
chez The Boston Company, analyse
l’évolution des dividendes aux
États-Unis et décrypte ce à quoi les
investisseurs en quête de revenus
peuvent s’attendre au cours de
l’année à venir. Quelles difficultés les
entreprises affronteront-elles en 2017 ?
Dans un contexte de vive inquiétude, les
investisseurs en quête de « valeurs sûres »
privilégient souvent les actions à dividende. Cette
préférence explique probablement la valorisation
élevée atteinte par certaines valeurs. En effet, à titre
d’exemple, le secteur américain des services aux
collectivités affichait des PER de 18,2 durant l’été
2016, après un pic de volatilité dû au Brexit1.
Souvent qualifiées de « quasi-obligations », ces
grandes capitalisations défensives sont privilégiées
pour leurs profils de rendements élevés, alors même
que la part du marché obligataire s’échangeant à des
rendements négatifs atteignait 12 000 mds USD en
octobre 20162.
Toute la question est de savoir si ces actions seront
capables de continuer à séduire en 2017 et si les
taux de distribution actuels peuvent être maintenus
dans la durée.
La moyenne historique du taux de distribution du
S&P 500 est de 57,3%, avec un point haut à 90,1%
atteint durant les années 19303. Dans les années
1970, 80, 90 et 2000, le taux de distribution moyen
est tombé nettement en-dessous de cette moyenne
de long terme, les rachats d’actions étant plutôt la
règle, comme le note John Bailer, gérant chez The
Boston Company Asset Management.
« Le taux de distribution actuel est d’environ 45%,
encore loin de la moyenne historique. La culture
du rachat a été en partie soutenue par la fiscalité :
les plus-values étaient en effet imposées à un taux
inférieur et les entreprises avaient donc plutôt
intérêt à racheter leurs actions. »
« L’autre facteur important a été la rémunération
des dirigeants, reposant fortement sur des systèmes
de stock-options. Dans ce cas, le versement de
dividendes entraîne une diminution de la valeur de
l’action. Des dirigeants rémunérés surtout en stockoptions ont donc plutôt intérêt à racheter les actions
de leur entreprise. »
Modifier le système de rémunération
des dirigeants
Selon John Bailer, les éléments constituant la
rémunération des dirigeants ont été modifiés
depuis la crise financière, et les comités de direction
commencent à attribuer une part plus élevée sous
forme d’unités d’actions restreintes. « Cela a amené
les dirigeants à combiner rachats d’actions et
versements de dividendes, et c’est la raison pour
laquelle nous observons une évolution progressive
en faveur de la seconde solution. »
Les équipes de direction ont constaté que les
entreprises qui affichent des taux de distribution
1 FactSet, 31 juillet 2016.
2 Bloomberg, 2 octobre 2016.
3 Ned Davis Research – moyenne historique pour la période du 31 mars 1926 au 31 décembre 2015.
18 États-Unis : retour à l’actionnaire
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GRAPHIQUE N°1 : TAUX DE DISTRIBUTION
DU S&P 500
Décennie
1930s
1940s
1950s
1960s
1970s
1980s
1990s
2000s
Taux de distribution moyen
90,1%
59,4%
54,6%
56,0%
45,5%
48,6%
47,6%
35,3%
MOYENNE HISTORIQUE = 57,3%
TAUX DE DISTRIBUTION ACTUEL = 45,5%
Source : Strategas Research Partners, 1930-2009, Ned Davis
Research pour la moyenne historique (voir note de piedde-page) et TBCAM pour le taux de distribution actuel,
au 31 décembre 2015.
élevés ont été mieux valorisées par le
marché. Selon J. Bailer, cela les a incitées
à revoir leur politique de dividendes. De
plus, le contexte actuel de croissance
faible a incité les entreprises à faire
preuve de plus de prudence en matière
d’investissement et de développement
de leurs capacités de production. Elles
disposent actuellement de plus de 4 000
mds USD de liquidités sur leurs bilans4,
soit largement de quoi rémunérer les
actionnaires.
En 2016, les entreprises ont été
généreuses : les dividendes du S&P 500
ont augmenté de 5,2% sur un an au
troisième trimestre, le rendement de
l’indice atteignant 2,1%5.
J. Bailer estime que si la perception
du marché évolue et que la croissance
économique américaine devient plus
robuste, les investissements des
entreprises pourraient augmenter.
Cependant, ce ne serait sans doute pas au
détriment des dividendes. « Je pense que
plus les entreprises investiront, plus elles
renonceront aux rachats d’actions. Elles
chercheront à tout prix à éviter de réduire
leurs dividendes, car cela constitue un
véritable tabou pour le marché, et entraîne
en général une baisse du cours de l’action. »
Il considère que le taux de distribution
actuel du S&P 500 est loin d’être excessif
et n’anticipe pas de diminution en 2017.
Analyse sectorielle
« Je ne pense pas que la réduction des
dividendes constitue une réelle menace
au sein de la plupart des secteurs.
Certains segments, comme ceux des
prospecteurs et producteurs d’énergie, ou
des propriétaires d’infrastructures liées
à l’énergie, ont réduit leurs dividendes
après la baisse des cours du pétrole.
Selon moi, ce mouvement est terminé. »
GRAPHIQUE N°2 : FINANCIÈRES PAR RAPPORT AUX SERVICES AUX COLLECTIVITÉS
Rendement du dividende
Performance depuis le début de l’année
Taux de croissance du dividende anticipé sur 3 ans
Taux de croissance du dividende sur 3 ans
Prix/bénéfices (N+2)
Prix/valeur comptable
Services aux
collectivités – Utilities
Select Sector SPDR
Fund (XLU)
3,4%
3,6%
9,9%
21,0%
11,9x
1,2x
3,3%
22,4%
5,5%
4,9%
18,2x
2,0x
Source : FactSet, 31 juillet 2016.
D’autre part, le gérant estime que le secteur
financier est un terrain de jeu intéressant,
et qu’un gérant actif peut dénicher de la
valeur dans des actions distribuant des
dividendes élevés (voir graphique n°2).
« Le marché continue de considérer
les financières comme risquées et
reste sceptique après les excès de la
crise. Les valorisations de nombreux
établissements financiers sont à leur plus
bas niveau historique et, tandis que les
gouvernements imposent des niveaux de
capitalisation plus élevés aux banques,
elles accordent depuis 5 ans les meilleurs
prêts possibles. Or, les investisseurs
gardent uniquement à l’esprit les
réductions de dividendes décidées dans le
sillage de la crise financière mondiale. »
John Bailer note cependant que le ratio
des capitaux propres tangibles (ratio
TCE – une mesure des pertes qu’une
banque peut supporter avant que ses
capitaux propres ne soient effacés) pour
les financières est à son niveau le plus
élevé depuis 1930. Selon lui, les bilans sont
donc « extrêmement robustes ». De fait,
les stress tests menés par la Fed montrent
que le secteur bancaire serait en mesure
de résister aux turbulences les plus graves.
Considérations fiscales
Si le nouveau président, Donald Trump,
parvenait à faire voter une amnistie fiscale,
ce serait une aubaine supplémentaire
pour le taux de distribution de dividendes
en 2017. « D’après certains rapports,
les entreprises américaines détiennent
plus de 2 100 mds USD de bénéfices à
l’étranger. Si ne serait-ce qu’une fraction
de ce montant revenait aux États-Unis,
elle serait certainement distribuée sous
forme de dividendes, et le secteur des
fusions et acquisitions en profiterait
également », explique John Bailer.
À plus long terme, il espère que
Washington s’attellera à la baisse du taux
d’imposition des bénéfices, aujourd’hui
à 35%. « Nous pensons que ce problème
va au-delà des considérations partisanes
et qu’il doit être réglé. »
4 Soldes de trésorerie (et instruments court terme assimilés) tirés des bilans du S&P 500, 30 septembre 2015.
5 Evercore, 4 octobre 2016.
Valeurs
financières
de rendement
(dont REITs)
Le secteur des technologies pourrait
connaître une augmentation des
dividendes si la réforme fiscale venait à
être adoptée. À l’instar des autres secteurs,
John Bailer souligne que les dirigeants
du monde de la technologie privilégient
de plus en plus la rémunération sous
forme d’actions restreintes. Il espère
donc un accroissement des dividendes
dans ce secteur.
J. Bailer remarque aussi que la pérennité
reste essentielle en matière de
distribution de dividendes. Cependant,
des taux de distribution élevés ne doivent
pas forcément inquiéter. « Dans certains
cas, des taux de distribution de 90%
peuvent s’avérer viables : les REITs, par
exemple, ont vocation à reverser une
large proportion de leurs bénéfices, et
certaines entreprises de services aux
collectivités peuvent également soutenir
de tels niveaux. L’important est de savoir
si les investisseurs croient en la capacité
de l’entreprise à générer suffisamment de
liquidités de manière récurrente. »
En 2017, selon John Bailer, les principales
difficultés pourraient venir d’un recul
supplémentaire des prix de l’énergie,
qui pourrait amener plus d’entreprises
du secteur à réduire leurs dividendes.
Cependant, ce n’est pas son scénario
de base. « Je pense que ce mouvement
a déjà eu lieu en 2016, et que les autres
secteurs aux États-Unis sont plutôt en
bonne santé. »
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
Amnistie fiscale pour les rapatriements
de bénéfices.
Robustesse et pérennité des dividendes
dans le secteur financier.
Progression des distributions de
dividendes et recul des rachats d’actions.
États-Unis : retour à l’actionnaire 19
Miyuki Kashima,
Responsable de la gestion
actions japonaises chez
BNY Mellon Asset Management
Japan
La leçon
japonaise
Selon Miyuku Kashima, de BNY Mellon,
les investisseurs qui aspirent à de la stabilité
pourraient avoir intérêt à se tourner vers
le Japon en 2017. L’année à venir semble,
en effet, prometteuse pour la troisième
économie mondiale.
20 La leçon japonaise
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Pour les investisseurs, le Japon peut
sembler paradoxal. En effet, ce pays, qui
a enduré deux décennies de stagnation
économique, reste pourtant la troisième
économie mondiale. Sa population vieillit
très rapidement comparé aux autres
pays développés, mais le Japon reste un
leader mondial dans la robotique et la
technologie. Son économie domestique
représente environ 85% du PIB, mais les
investisseurs internationaux conservent
l’image d’un pays exportateur avantagé
par sa devise.
Pour Miyuku Kashima, Responsable
de la gestion actions japonaises chez
BNY Mellon Asset Management Japan,
ces perceptions très répandues sont
importantes, mais passent à côté de
l’essentiel. Ayant connu sa propre bulle
spéculative, puis son explosion et ses
conséquences à la fin des années 90 (ainsi
qu’un quart de siècle de croissance atone),
le Japon a une expérience à partager avec
les responsables politiques du reste du
monde, confrontés aux retombées de la
crise financière mondiale.
Prenons l’exemple de la relance
budgétaire. À Washington et
ailleurs, tandis que l’efficacité de
l’assouplissement monétaire est de
plus en plus remise en question, les
responsables politiques se demandent
siles dépenses d’infrastructure
pourraient relancer la demande. Les
États-Unis ont déjà dépensé 48,1
mds USD dans les infrastructures via
l’American Recovery and Reinvestment Act
de 2009, et 73 mds USD d’engagements
supplémentaires sont d’ores et déjà
prévus.1 Cependant, la question de
l’efficacité de ces dépenses perdure.
La gérante estime que le Japon
possède sa propre expérience sur la
question. Entre 1991 et fin 2008, le
pays a consacré 6 300 mds USD aux
investissements publics dans le secteur
de la construction2. C’est une somme
hallucinante qui a, selon les critiques,
fait du Japon l’économie développée
ayant le niveau d’endettement public le
plus élevé au monde. Ces dépenses n’ont
pas rendu le pays plus dynamique, bien
au contraire.3
Cependant, d’après M. Kashima, c’est
grâce à ce programme de dépenses que
le Japon occupe le 5ème rang mondial
pour les infrastructures, et même le
premier rang pour les infrastructures
ferroviaires.4 De manière plus
importante, il faut se demander dans
quelle mesure ces dépenses massives
ont permis d’unifier la société dans les
périodes difficiles. « Cette question est
pour moi l’une des grandes inconnues.
Que serait devenue notre société si tous
ces emplois n’avaient pas été créés ?
Que serait-il advenu de la cohésion
sociale ? On peut facilement dénoncer
les sommes engagées mais, sans ces
dépenses, le Japon aurait-il profité des
hauts niveaux de stabilité économique
et sociale qu’il connaît aujourd’hui ?
Cette question me semble fondamentale
pour les autres pays dans le contexte de
l’après crise financière. »
La même idée (le sentiment que le Japon
a déjà dû gérer ce type de situations) est
applicable à la sphère politique. Selon M.
Kashima, le retour au pouvoir du Premier
ministre Shinzo Abe en 2013 a constitué
un tournant. C’était la première fois
qu’un ancien Premier ministre revenait
au pouvoir depuis 1948, fait d’autant
plus remarquable que pas moins de
sept Premiers ministres se sont succédé
entre 2006 et 2013. Cet événement a
également marqué le retour aux affaires
du Parti libéral démocrate (PLD) après
une traversée du désert de trois ans,
sa seconde absence du pouvoir depuis
la fin de la Seconde Guerre mondiale.
D’après M. Kashima, « après le désastre
économique et la morosité du début
des années 2000, les électeurs japonais
voulaient essayer une autre voie. Ils
ont provoqué une rupture en installant
le Parti démocrate du Japon (PDJ) au
pouvoir à la place du PLD. Déçus, ils se
sont retournés vers le parti dominant.
Vu de l’extérieur, il n’est pas extravagant
d’affirmer qu’une situation similaire
est aujourd’hui observable dans le
reste du monde. En ce sens, le Japon
offre aujourd’hui une oasis de stabilité
dans un environnement mondial de
turbulences politiques. »
Parallèlement, la réélection de Shinzo Abe
lui permet de poursuivre « Abenomics »,
son programme éponyme de réformes
économiques. M. Kashima remarque que
malgré des commentaires négatifs, la
politique Abenomics tient une partie de
ses promesses. Les données récentes
jettent un éclairage positif sur l’économie
japonaise : le PIB nominal a enregistré
une croissance annuelle positive pendant
13 trimestres consécutifs. L’emploi et les
chiffres de la production industrielle sont
également encourageants.5
Cependant, la politique Abenomics n’est
pas pour autant sans défaut. Selon
M. Kashima, « on peut évidemment
arguer que le gouvernement n’atteint
pas ses objectifs de croissance, ou
que les entreprises n’investissent pas
suffisamment. Mais cela revient à passer
à côté de l’essentiel. Le simple fait que
le gouvernement ait fixé un objectif de
croissance (pour la première fois depuis
les années 1960) est remarquable en soi,
et je suis surprise qu’on évoque aussi
peu ce sujet. Afficher un objectif de
croissance officiel requiert beaucoup de
courage de la part d’un gouvernement, car
son action en devient mesurable. Viser
haut me semble parfaitement justifié.
Même si l’objectif n’est pas atteint, le
gouvernement fera probablement tout
ce qui est en son pouvoir pour éviter une
nouvelle diminution du PIB. »
Pour l’avenir, la gérante reste optimiste sur
les perspectives de l’économie. Elle note
que, si le renforcement du yen a marqué
les esprits, l’essentiel n’est pas là. « Les
investisseurs qui abordent le Japon en
accordant une place centrale à sa devise
négligent une réalité bien plus importante
: une économie domestique performante
selon ses propres modalités, abritant des
entreprises qui offrent des performances
attractives aux investisseurs
internationaux, indépendamment
du comportement de sa devise. »
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
Amélioration du PIB nominal.
Chiffres de l’emploi positifs.
Renforcement du yen.
1 City Journal : « Si l’on construit… », été 2016.
2 The New York Times : ‘« Les leçons de la relance par les grands travaux au Japon », 5 février 2009.
3 City Journal : « Si l’on construit… », été 2016.
4 Forum économique mondial : «Palmarès de la compétitivité », 26 septembre 2016.
5 Japan Macro Advisors, Trading Economics, 24 octobre 2016.
La leçon japonaise 21
Paul Lambert,
Responsable
gestion devises,
Insight
Devises :
alerte volatilité
Malgré le déluge d’événements ayant entraîné de fortes fluctuations sur
les marchés l’an dernier, les marchés des changes ont bien résisté. Ce
constat incite de nombreux investisseurs à anticiper une poursuite de cet
environnement faiblement volatil au cours des prochains mois. Or, il existe
des raisons de tabler sur un fort regain de volatilité en 2017, et ainsi d’un
retour des tendances antérieures sur les marchés des changes.
Les investisseurs présents sur les marchés des
changes ont fait preuve de sang-froid durant les
événements majeurs qui ont marqué 2016, à l’instar
de la tentative de coup d’État en Turquie, de la
montée du populisme en Europe et aux États-Unis
et des politiques divergentes des grandes banques
centrales. La livre sterling a fait figure d’exception.
La monnaie britannique s’est repliée à son plus bas
niveau depuis 31 ans face au dollar après le vote du
Brexit en juin.
L’indice Deutsche Bank Currency Volatility, qui reflète
les anticipations de volatilité des devises, a également
évolué sans tendance claire durant l’année, générant
une performance relativement étale en 2016. La
volatilité implicite est restée faible, malgré des
événements qui, en temps normal, auraient provoqué
des chocs importants.
À l’approche de 2017, nous pensons que les problèmes
qui ont marqué le début de cette année 2016 n’ont
pas été réglés, mais seulement remis à plus tard. Les
obligations, déjà pleinement valorisées début 2016,
le sont encore plus et les actions sont quant à elles
survalorisées. Les gains ainsi enregistrés reposent sur
22 Devises : alerte volatilité
un taux d’escompte toujours plus bas et une hausse
continue des multiples.
Les perspectives de croissance conditionneront en
grande partie l’évolution des marchés. Il semble que la
croissance mondiale s’accélère, mais le récent rebond
s’explique davantage par des effets saisonniers.
Certains indicateurs laissent également entrevoir
une reprise de l’inflation. Un rebond de la croissance
réelle soutiendrait les cours des actifs risqués. De la
même manière, cela pousserait à la hausse les taux
d’intérêt réels et le cours du dollar, notamment face
aux devises moins rémunératrices.
En revanche, un rebond de l’inflation plus fort que
prévu inciterait les banques centrales à durcir leurs
politiques monétaires, ce qui compromettrait ce
scénario. Le cas échéant, les actifs risqués verraient
leurs cours baisser et il est fort à parier que le
dollar progresserait face aux devises à fort bêta.
La performance du dollar face aux devises peu
rémunératrices dépendra de la perception du marché
quant à l’avancée du processus de normalisation de
la Fed, et notamment le fait de savoir si la banque
centrale est en avance ou en retard sur la courbe.
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est fort à parier que ces deux scénarios se
traduiront par un regain de volatilité sur le
marché des changes.
Dans un cas comme dans l’autre, un
regain de volatilité pourrait survenir et
offrir des opportunités intéressantes,
à mesure que de nouvelles tendances
émergent. La correction des marchés des
changes et l’épisode de faible volatilité
pourraient se poursuivre en 2017 en cas
de ralentissement de la croissance et
d’atonie de l’inflation.
Il convient d’évoquer la stabilité de la
croissance américaine et de la politique
de la Fed. La croissance s’est révélée
suffisamment forte pour réduire l’écart
de production, quoiqu’à un rythme
assez lent. Par ailleurs, le risque d’une
inflation trop faible est plus important
que le risque d’une inflation trop forte.
C’est la raison pour laquelle les autorités
monétaires ne sont pas intervenus, portés
par l’espoir de voir le taux d’inflation
dépasser l’objectif d’inflation. Toutefois,
à mesure que le temps passe, nous nous
rapprochons du moment où celles-ci
devront tenter d’endiguer la croissance
pour mettre un terme au resserrement
du marché de l’emploi. Le bon timing de
ce changement de cap est un exercice
périlleux. Un resserrement trop brutal des
politiques monétaires pourrait provoquer
un ralentissement, et un resserrement
timoré pourrait provoquer une hausse
de l’inflation et obliger les autorités à
resserrer par la suite leurs politiques
monétaires, peut-être plus fermement. Il
Si l’on laisse de côté la question de la
volatilité, il convient de se demander
quelles seront les conséquences de
l’abandon de politiques monétaires
expansionnistes au profit de politiques
de relance budgétaire. L’adoption
de mesures de relance budgétaire
permettrait notamment à la zone euro
de mieux lutter contre le ralentissement
économique. Toutefois, la construction
politique de la zone euro et l’équilibre
entre les pays qui jouissent de la marge
de manœuvre nécessaire pour adopter
des mesures d’assouplissement
budgétaire et ceux qui doivent le faire
signifient que la BCE devra probablement
s’attacher à soutenir la monnaie unique
à court terme. En revanche, l’impératif
commandant à la Fed et la Banque
d’Angleterre d’abandonner leurs
politiques d’assouplissement pour
des politiques de relance budgétaire
semble moins pressant. Cette
réorientation serait toutefois plus facile
à faire passer sur le plan politique. Tout
pays qui abandonnerait sa politique
d’assouplissement monétaire au profit
d’une politique d’assouplissement
budgétaire verrait le cours de sa
monnaie rebondir.
Statut de monnaie de réserve
pour le yuan ?
En 2017, les investisseurs auront à
cœur de savoir si la croissance chinoise
se poursuivra sur le même rythme.
En matière de devises, le corollaire de
cette question est de savoir si le yuan
poursuivra son ascension vers le statut
de monnaie de réserve. L’inclusion du
yuan dans le panier des droits de tirage
spéciaux du FMI en 2016 a clairement
renforcé le statut de la devise. Nous
pensons que le yuan gagnera en
importance en tant que monnaie
d’échange, quand bien même le dollar
ne souffre d’aucune contestation quant
à son statut de première monnaie de
réserve mondiale. L’euro, la livre sterling
et le yen font également partie des
paniers de réserve de nombreuses
banques centrales, mais leur poids reste
relativement faible par rapport à celui
du dollar. La libéralisation du compte
de capital de la Chine et l’ouverture des
marchés de capitaux aux investisseurs
internationaux devraient permettre
au yuan de continuer à se développer
comme unité d’échange internationale.
Il ne fait aucun doute que de plus en
plus de banques centrales intègreront
le yuan dans leurs paniers de réserve au
fil du temps, mais il est fort à parier que
le poids de la monnaie chinoise au sein
de ces paniers restera limité dans les
années à venir.
Les devises des autres marchés
émergents ne connaissent pas toutes des
sorts similaires. Certains pays émergents,
comme le Chili, sont d’importants
exportateurs de matières premières.
Leurs monnaies fluctuent donc en
fonction des variations de leurs termes
d’échange, lesquelles résultent des
variations de prix des matériaux de base.
D’autres marchés émergents, comme la
Corée du Sud, n’exportent pas beaucoup
de matières premières. Les cours de leurs
monnaies fluctuent donc en fonction
d’autres facteurs. La volatilité des cours
des matières premières et les événements
politiques qui secoueront le Brésil et
l’Afrique du Sud dans les prochains mois
conditionneront probablement l’évolution
des cours des devises émergentes.
Malgré la grande diversité des thèmes qui
influent sur ces devises, l’importance des
flux d’investissement vers ces marchés a
poussé la plupart des devises à la hausse.
Nous pensons que si la Fed décide de
relever progressivement ses taux dans
un contexte de raffermissement de
la croissance mondiale, la tendance
haussière observée sur les marchés
émergents depuis quelques temps se
poursuivra. En revanche, si la Fed procède
à des hausses de taux plus importantes
qu’attendu, en particulier si cette décision
est motivée par une hausse de l’inflation,
cela pourrait peser sur les performances
de ces marchés.
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
Regain de volatilité sur le marché des
changes.
Le rythme de normalisation de la
politique monétaire de la Fed aura un
impact sur les devises émergentes.
Devises : alerte volatilité 23
Émergents :
lost in
transition ?
Face à la résurgence des barrières
douanières dans le monde, aux
incertitudes entourant la direction des
taux américains et la croissance chinoise,
l’année 2017 pourrait s’avérer décisive sur
les marchés émergents. Rob MarshallLee, Responsable actions émergentes et
asiatiques chez Newton, met en lumière les
potentiels gagnants et perdants de 2017.
Rob Marshall-Lee,
Responsable actions
émergentes et asiatiques,
Newton
Parmi les facteurs spécifiques et potentiellement source
de disruption qui persistent sur les émergents, il convient
de souligner le processus de rééquilibrage en cours au
profit de moteurs de croissance internes. Ce phénomène
est particulièrement marqué en Chine, où l’économie a déjà
amorcé sa transition vers une économie davantage basée sur
la consommation et les services.
Pour le moment, cette transition reste très irrégulière, avec
des phases de ralentissement donnant lieu de la part du
gouvernement à de nouveaux ajustements de la politique
monétaire, et plus récemment de la politique budgétaire. Un
tel soutien engendre un coût significatif, clairement illustré
par l’envolée du poids de la dette en Chine. Le ratio dette/PIB
a bondi de 147% en décembre 2008 à 255% récemment1.
La Banque des règlements internationaux a sonné l’alarme,
en indiquant que la Chine se dirigeait tout droit vers une
crise financière2. Toutefois, force est de constater que la
croissance du secteur des services a été particulièrement
robuste, malgré le ralentissement observé dans des secteurs
plus consommateurs de capital.
Bien qu’il puisse être tentant de se tenir à l’écart de la Chine
dans la construction d’une exposition aux émergents, une
telle approche comporte également le risque de passer
à côté d’opportunités de croissance structurelle. Les
entreprises dans les secteurs de la santé et de l’internet
semblent les plus attrayantes.
En Inde, les réformes engagées sont très prometteuses
et devraient contribuer à soutenir la croissance ces 10
prochaines années. On relève une forte hausse de la demande
de biens d’équipement, tandis que les consommateurs
indiens ne sont pas restreints par un endettement élevé.
Il existe également un potentiel de rattrapage en termes
de productivité, grâce à l’assouplissement réglementaire
et au retrait de lois coûteuses.
Le recul du sentiment des investisseurs à l’égard des
matières premières et des économies liées s’est reflété
dans l’évolution des flux d’investissement à destination des
marchés émergents. Cela pourrait par extension avoir un
impact sur les valorisations de l’ensemble des actions de
la région. Une telle tendance risque également d’affecter
des placements qui restent par ailleurs attrayants. À titre
d’exemple, la plupart des actions indiennes bénéficient de la
baisse du cours du pétrole, qui profite également à la devise
locale. Or, cet effet sur les valorisations semble en passe de
s’inverser depuis des niveaux très faibles.
Une dépendance aux matières premières
En 2017, une approche utile pour différencier les marchés
émergents devrait rester la distinction opérée entre les pays
dépendants des matières premières et ceux portés par leur
secteur manufacturier. L’offre de matières premières est
actuellement excédentaire, et les cours ne devraient pas
afficher une hausse comparable à celle des années 2000,
malgré un rebond à court terme lié à la relance chinoise. Le
marché haussier des matières premières a pris le relais d’un
marché baissier qui durait depuis les années 1980. Selon
nous, ce scénario ne risque pas de se répéter compte tenu
des investissements massifs dans la production de matières
premières, telles que le minerai de fer, dont les exportations
australiennes ont été quasiment multipliées par 7 depuis 2000.
1 Financial Times : « China financial stress indicator hits record high » (L’indice de stress
financier de la Chine atteint un record), 19 septembre 2016.
2 Bloomberg : « Warning indicator for china-banking-stress-climbs-to-record » (L’indice
d’alerte de stress du système bancaire chinois bat un nouveau record), 19 septembre 2016.
24 Émergents : lost in transition ?
www.bnymellonimoutlook.com
La durée du récent boom et les mauvaises
décisions d’allocation du capital qui en
ont résulté devraient prendre un certain
temps avant de se résorber au sein des
pays concernés, ce qui rendra d’autant
plus douloureux tout ajustement à ce
nouvel environnement. Par exemple, le
déficit budgétaire du Brésil, important
producteur de matières premières, s’élève
à 9,6% du PIB, ce qui laisse penser que
les risques macroéconomiques à moyen
terme seraient plus importants que ne
semblent le penser les investisseurs.
Place aux jeunes
Les tendances démographiques sont
loin d’être uniformes à travers le monde
émergent, et de ces différences peut
naître un avantage économique. Il existe
en effet un potentiel significatif de
croissance future au sein des pays qui
enregistrent une hausse de la part des
jeunes dans leurs populations, qui sont
autant de futurs consommateurs. Ce
constat s’oppose à la situation du monde
développé, qui subit un rétrécissement
de sa population active.
Les Philippines anticipent ainsi une
croissance de plus de 30% de leur
population active d’ici 20353. Le pays
devrait être en mesure de générer des
gains de productivité et d’accroître la
richesse de ses consommateurs. En outre,
les niveaux nettement moins élevés de
dette par rapport à la moyenne historique
du monde émergent devraient contribuer
à préserver les moteurs de croissance
interne contre les chocs externes.
Bien que le Nigéria et le Kenya devraient
également bénéficier d’une forte
croissance de leur population active, les
pays asiatiques sont généralement plus
attrayants en termes de couple rendement/
risque. Ce constat s’explique par le fait
MARCHÉS ÉMERGENTS : UN POINT D’ENTRÉE ATTRAYANT ?
Les valorisations restent proches de leurs plus bas de 2009
Ratio prix/valeur comptable
2,8
1,8
2,6
1,6
2,4
1,4
2,2
1,2
2,0
1,8
1,0
1,6
0,8
1,4
0,6
1,2
1,0
0,4
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
IBES MSCI EM – Ratio prix/valeur comptable
IBES MSCI EM – Ratio prix/chiffre de ventes (échelle de droite)
Ratio prix/chiffre de ventes
La croissance rapide de la Chine et
l’appétit vorace pour les matériaux
de base ont été les moteurs qui ont
alimenté le « super cycle » des matériaux
industriels jusqu’en 2011. Les mesures
de restriction qui sont intervenues à la
suite du stimulus excessif post-crise et le
ralentissement contrôlé de la croissance
qui s’en est suivi se sont traduits par
un effondrement des cours, qui ont
retracé presque aussi vite qu’ils n’avaient
rebondi. Ils se sont depuis quelque peu
redressés face à l’amélioration à court
terme des perspectives de croissance de
la Chine. Cependant, ce redressement
ne devrait être que temporaire et nous
anticipons un nouveau repli des cours.
Source : Thomson Reuters Datastream, en USD, au 25 août 2016.
qu’à ce stade de leur développement,
leur environnement politique et de
gouvernance est de meilleure qualité.
Il convient de noter que la Chine est
souvent montrée du doigt pour sa
population vieillissante. En réalité, la
situation est nettement moins explosive
sur le plan démographique que ne le
laissait penser la politique de l’enfant
unique. Contrairement aux schémas
classiques, les catégories les plus
jeunes de la population active gagnent
généralement les salaires les plus
élevés, tandis que les catégories plus
âgées travaillent généralement dans
des fermes. Le processus d’urbanisation
est loin d’être terminé et permettra de
compenser l’essentiel du déclin de la
main d’œuvre urbaine. La mécanisation
accrue des usines contribuera également
à libérer de la main d’œuvre à l’avenir.
Le défi technologique
Pour compliquer un peu plus encore le
tableau, il faut tenir compte d’une série
de facteurs, qui ne sont pas réservés aux
marchés émergents et qui comportent un
potentiel de disruption.
La technologie accélère le changement à
travers le monde. Par exemple, la transition
vers le cloud informatique pourrait avoir
des retombées majeures non seulement
sur les cadres moyens, mais également
sur les avocats et les comptables, soit les
catégories de travailleurs qui seraient dans
le passé ressorties relativement indemnes
face à de tels changements. Au sein du
monde émergent, la robotisation accrue
pourrait compliquer la donne pour les pays
les moins développés. En effet, il pourrait
devenir plus difficile pour ces pays de
suivre la trajectoire économique classique
de la transition d’une économie agricole
fondée sur une main d’œuvre abondante et
bon marché, vers un modèle manufacturier
simple permettant de générer une
croissance des revenus par habitant.
Le changement s’accompagne toujours
de gagnants et de perdants, et force
est de constater que les perspectives
pour les secteurs de l’e-commerce, du
tourisme, de l’éducation et de la santé
sont plutôt encourageantes au sein du
monde émergent.
En 2017, les investisseurs resteront
confrontés à la question de savoir si
le moment est opportun pour investir.
Or, une analyse des outils de mesure
à long terme sur l’ensemble du cycle
économique, notamment les ratios prix/
valeur comptable, laisse penser que les
valorisations sont attrayantes.
Depuis la crise du tapering de 2013, les
devises émergentes ont dans l’ensemble
dévissé face au dollar US, alors que
bon nombre des économies que nous
privilégions bénéficient également d’une
amélioration de leur balance externe. Cela
laisse penser qu’un certain rééquilibrage
vers un environnement monétaire moins
accommodant au niveau mondial aurait
d’ores et déjà eu lieu.
Alors que nous anticipons un nouveau
ralentissement de la Chine en 2017,
nous sommes d’avis que les secteurs qui
bénéficient de moteurs de croissance
structurelle devraient surperformer les
secteurs plus cycliques.
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
La capacité de la Chine à éviter un
atterrissage brutal de son économie.
Le cycle de taux d’intérêt aux États-Unis.
Le retranchement des consommateurs
au sein des pays dépendants des
matières premières.
3 Newton, UN Population Information Network : ‘World Population Prospects: The 2015 Revision’ (Perspectives
démographiques mondiales : révisions 2015), au mois d’avril 2016.
Émergents : lost in transition ? 25
Zoom sur la
dette émergente
Colm McDonagh,
Responsable dette
émergente, Insight
Javier Murcio, Gérant
dette émergente,
Standish
Carl Shepherd,
Gérant obligataire,
spécialisé sur l’Amérique
latine, Newton
En 2016, la politique monétaire américaine et les prix des
matières premières auront clairement mis un bâton dans
les roues des marchés émergents. L’année 2017 auguret-elle de meilleures perspectives pour les investisseurs
obligataires ? Les gérants de Newton, Standish et Insight
font le point sur les opportunités que nous réservent les
marchés émergents l’année prochaine.
Quelles seront, selon vous,
les principaux moteurs de
performance des émergents
en 2017 ?
Javier Murcio : L’année dernière, la classe
d’actifs a démontré sa capacité à générer
des performances attrayantes sur des
bases non plus seulement techniques,
mais également fondamentales. Les
perspectives des prix des matières
premières se sont améliorées, et les
émergents devraient parvenir à relancer
leur croissance rapide en 2017. L’évolution
des matières premières contribue en effet
à la stabilisation des balances externes
de ces pays. L’abaissement des taux
début 2017 devrait constituer un facteur
de soutien supplémentaire.
Carl Shepherd : Le principal facteur
de soutien devrait venir du fait que
la croissance chinoise ressortira
probablement supérieure aux attentes. Le
raffermissement des cours du pétrole a
également contribué à mettre un terme à
l’effondrement des devises émergentes. Il
ne s’agit peut-être pas en soi d’un moteur
de performance, mais il s’agit clairement
d’un facteur de stabilisation, qui contribue
à rendre de nouveau le carry trade
attrayant. Enfin, la réévaluation du rythme
de la remontée des taux aux États-Unis
devrait bénéficier aux émergents.
Colm McDonagh : La croissance des
émergents est orientée à la hausse,
en particulier au sein de certains des
principaux pays de la région. Ces derniers
se remettent progressivement des chocs
de croissance et certains ont engagé
26 Zoom sur la dette émergente
une nouvelle salve de réformes. Le coût
d’opportunité lié à un investissement sur
les émergents est actuellement très faible.
Ce facteur constitue clairement un moteur
technique qui explique une partie des flux
d’investissement en 2016.
Devrons-nous compter avec
le risque politique au cours de
l’année à venir ? Si oui, quels
pays/régions présentent les plus
gros risques et pourquoi ?
Javier Murcio : Au sein de notre univers
d’investissement, il y a en permanence
des élections quelque part. Le résultat des
élections américaines a eu d’importantes
retombées, en particulier en ce qui
concerne la politique commerciale.
Plusieurs élections sont attendues
en Europe d’ici fin 2017, et le risque
politique reste bien présent. L’implication
de la Russie au Moyen-Orient pourrait
également avoir des conséquences pour
les pays d’Europe centrale et de l’Est ainsi
que pour la Turquie par exemple. Enfin,
le Brésil va devoir faire face à un vote
essentiel au cours du premier semestre.
Quant à l’Argentine, les élections locales
permettront de jauger le soutien au
gouvernement en place.
Colm McDonagh : Le Brexit, les retombées
de l’élection américaine, la poursuite
du conflit au Moyen-Orient et l’état des
relations entre la Russie et l’Occident sont
autant de facteurs susceptibles d’affecter
les marchés, et notamment les marchés
émergents. Indépendamment de la grande
variété des profils politiques propre au
monde émergent, le cycle électoral actuel
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ne devrait toutefois pas générer autant de préoccupations qu’au
sein des pays développés.
Carl Shepherd : Le risque politique est indubitablement un
facteur de poids mais l’essentiel se trouve dans le monde
développé. Il faudra attendre 2017 pour mesurer l’impact des
politiques engagées par le nouveau président américain sur
la mondialisation et le libre-échange. La montée de l’extrême
droite et des mouvements populistes a accru les tensions au
sein de l’UE, tandis que les trois principales économies de la
région devront faire face à des événements politiques majeurs :
élections en Allemagne et en France, et le début des négociations
sur le Brexit. En outre, le Japon et la Chine devront tous deux se
prononcer sur la poursuite de leur politique monétaire actuelle ou
la recherche de nouvelles alternatives. Un seul de ces éléments
a le pouvoir de déclencher une vague de remontée de l’appétit ou
l’aversion au risque, ou d’affecter en bien ou en mal le commerce
mondial, l’investissement et la confiance des investisseurs.
Les États-Unis pourraient-ils tourner le dos à la
mondialisation. Quelles seraient les implications
pour les émergents ?
Javier Murcio : La pression politique est palpable, mais le libreéchange est fortement enraciné dans les pratiques commerciales
des entreprises américaines. Et tout ne repose pas sur les
Etats-unis. Plusieurs pays négocient actuellement des accords
avec l’Europe et la Chine. Nous devrions également observer une
poursuite de la montée en puissance de la Chine, au-delà de l’Asie.
Par exemple, en Amérique latine, la Chine représente au moins
un tiers des échanges commerciaux pour de nombreux pays. Ce
constat repose certes sur l’influence des matières premières,
mais également sur l’impact grandissant de l’investissement.
Quelles sont les perspectives du marché primaire
pour l’année à venir ? Pensez-vous que le rebond
des matières premières affectera l’offre ?
Javier Murcio : En 2016, le volume d’émissions a été inférieur
aux attentes, et ce pour plusieurs raisons : certains pays sont
capables de se préfinancer et n’ont pas besoin de se tourner
vers les marchés. Les marchés locaux constituent à présent les
principales sources de financement. Ces facteurs qui freinent
l’émission sont partiellement compensés par le retour sur
le marché d’acteurs de taille, tels que l’Argentine et l’Arabie
saoudite, l’un des principaux temps forts de ces dernières
années sur les marchés.
Carl Shepherd : Le marché primaire devrait rester actif en
2017, mais de toute évidence, le volume d’émission sera moins
élevé en cas de correction significative des prix des matières
premières. Une nation dépendante du pétrole, qui viendrait
à émettre des obligations dans un contexte de forte baisse
des cours pourrait être assimilée à un signe de désespoir et
nécessiter le soutien de contreparties ou de rendements accrus.
De la même manière, un gouvernement disposant de réserves
massives de change, tel que l’Arabie saoudite, peut se permettre
de puiser dans ces ressources de financement, dans l’attente
d’un rebond du cours du pétrole et dans l’espoir de voir chuter
en conséquence ses coûts de financement.
Colm McDonagh : Nous anticipons une hausse du volume
d’émissions de dette souveraine, tandis que les entreprises
devraient faire preuve de plus de retenue. Cela devrait
contribuer à approfondir notre univers d’investissement
et accéder à un plus large éventail d’opportunités.
Par ailleurs, nous continuons d’assister à l’ouverture de
nouveaux marchés. L’accès au marché local chinois s’améliore,
et une tendance similaire devrait être observée sur le marché
onshore des emprunts d’État indiens. Aux Émirats arabes unis,
le marché de la dette en devise locale devrait poursuivre son
développement, tandis que l’Argentine travaille actuellement
sur la création d’une courbe de taux locale négociable.
Quelles sont vos perspectives concernant les flux
d’investissement ?
Carl Shepherd : Les flux ont été particulièrement robustes sur
la dette libellée en devise forte en 2016. Si la Fed conserve une
position relativement accommodante en 2017, et en cas de
stabilisation des cours des matières premières, je pense que
les flux devraient rester soutenus, mais davantage orientés
vers la segment en devise locale. L’univers de dette libellée en
devise locale est plus profond, donc plus liquide et offre des
notations supérieures. La dernière correction des marchés
des matières premières a pénalisé les devises émergentes,
malgré l’augmentation des anticipations inflationnistes. Par
conséquent, on ne peut exclure une nouvelle série de remontées
de taux sur les marchés locaux pour compenser cet effet.
Colm McDonagh : Nous sommes convaincus que les flux
marqueront leur grand retour sur la dette émergente. Selon
nous, les mécanismes d’allocation sur ce segment sont en
passe d’évoluer. On observe d’ores et déjà les signes d’un retour
des investissements stratégiques à long terme. Toutefois, la
plupart des institutionnels tentent actuellement de trouver un
moyen d’accéder au marché obligataire émergent sans avoir
à supporter la volatilité observée ces dernières années.
Zoom sur la dette émergente 27
Vers l’infini
et au-delà ?
28 Vers l’infini et au-delà ?
www.bnymellonimoutlook.com
Iain Stewart,
Responsable de l’équipe
Real Return, Newton
Selon Iain Stewart, Responsable de
l’équipe Real Return chez Newton,
un interventionnisme plus marqué
des États et le recours accru des
gouvernements au financement
bon marché de la dette publique
semblent inévitables en 2017 et
au-delà. Dans l’esprit des autorités
monétaires, le passage de taux
d’intérêt bas à des taux d’intérêt
nuls, tout comme la transition de
l’achat d’emprunts d’État (QE) à
l’achat d’autres actifs, constituent
une évolution logique et naturelle.
Les distorsions causées par les politiques monétaires
sont toujours clairement visibles sur les marchés. Quand
les banques centrales relient explicitement la hausse
des prix des actifs risqués à la prospérité, et offrent des
financements bon marché et des taux de dépôt proches
de zéro pour provoquer cette prospérité, les marchés
s’empressent d’acquiescer.
Le raisonnement des institutions monétaires s’est
avéré totalement erroné au cours du dernier cycle.
Assouplir les conditions de financement, relâcher les
contraintes du crédit et stimuler les prix des actifs
pourrait mécaniquement générer une hausse du pouvoir
d’achat, et un cercle vertueux de hausse des dépenses
et des revenus. Or, dans cette manipulation des prix des
actifs, un point essentiel semble avoir été omis : dans les
économies de marché, le prix est l’instrument de repère
de l’activité économique.
Le marché du crédit illustre les distorsions à l’œuvre.
Selon Matt King, stratégiste crédit chez Citigroup1, depuis
que les banques centrales achètent de larges montants
de dette d’entreprise, les corrélations habituelles ont été
complètement bouleversées.
Distorsions et dysfonctionnement
Les spreads de crédit ne s’élargissent plus en réaction à
une hausse des défauts. Ils ne réagissent désormais ni
à une hausse de l’endettement des entreprises, ni à une
baisse des rendements des emprunts d’État, ni même à
la montée de l’incertitude politique et économique. Ils ne
dépendent que de la politique monétaire, ce qui génère un
dysfonctionnement croissant.
Les banques centrales ont beau nier que leurs politiques
produisent des effets négatifs sur la stabilité financière,
des distorsions similaires s’observent dans d’autres classes
d’actifs, comme les actions et l’immobilier. Les anticipations
reflétées dans les valorisations semblent s’être détachées
d’une activité économique encore faible.
D’autres interventions pourraient, en temps voulu, combiner
des mesures monétaires et fiscales, où le peuple serait
le bénéficiaire en lieu et place des banques. Une telle
transition nécessiterait d’admettre qu’injecter de l’argent
à travers le système financier enrichit les détenteurs
d’actifs (ce n’est pas une surprise) et accentue les inégalités
créées par la mondialisation. En ce sens, les ajustements
politiques se reflètent dans le référendum au RoyaumeUni, la nature extraordinaire de la campagne présidentielle
américaine, et la montée générale du populisme.
1C
iti European Credit weekly : « Sept signes montrant que les marchés sont
profondément dysfonctionnels », août 2016.
Vers l’infini et au-delà ? 29
Des mesures non conventionnelles,
censées n’être que temporaires, sont
devenues permanentes. Les nouvelles
potentiellement mauvaises pour les
marchés financiers amènent toujours
plus de mesures de relance et, de ce point
de vue, le référendum britannique de juin
2016 ne fait pas exception. Les banques
centrales avaient préparé des liquidités
en prévision du vote du 23 juin 2016.
des conditions de marché toujours plus
souples favorisent aussi l’offre de biens
et services. En réalité, il est très probable
que la politique monétaire actuelle
accentuent les difficultés des entreprises
dans la fixation des prix et réduisent à
néant les efforts pour relancer l’inflation.
Autrement dit, le financement bon
marché aurait à la longue davantage un
effet déflationniste que reflationniste.
Brexit, quel Brexit ?
Le fait que le relâchement des conditions
financières empêche les entreprises
faibles de faire faillite illustre ce
phénomène. À l’heure actuelle, sur
le marché du crédit, la faiblesse des
fondamentaux ne constitue pas un
obstacle au financement bon marché. La
quête désespérée de revenu a assoupli les
restrictions incluses dans les conventions
de prêt et a permis l’allongement des
maturités. Des « zombies » peuvent
désormais se financer sur des échéances
longues. En outre, des conditions
extrêmement souples altèrent leur
comportement. Plutôt que de viser la
maximisation des profits, ces « zombies »
fixent des prix permettant d’augmenter
leurs parts de marché et leurs cashflows. Dans un monde d’abondance, les
entreprises saines doivent s’aligner sur
ces prix ou accepter une chute de leur
chiffre d’affaires.
Les « montagnes russes » du Brexit
(repli suivi d’une euphorie des marchés)
ont amené certains commentateurs à
déclarer prématurément que le Brexit
était un succès. En réalité, il s’agit plus
d’une distorsion politique des marchés
que d’une évaluation rationnelle des
effets inévitables du Brexit. Une bonne
partie du rebond des indices britanniques
n’est que le reflet de la dévaluation
initiale de la livre sterling.
Le Royaume-Uni semble engagé dans
la voie d’une rupture totale avec l’UE
d’ici 2019. Si la question du « quand »
s’est un peu éclaircie, l’énormité de la
tâche demeure décourageante, et les
conséquences très incertaines. Quel que
soit l’impact final, le Royaume-Uni risque
à court terme fortement de s’appauvrir (en
termes de PIB et de devise) et de connaître
une volatilité économique accrue.
À l’échelle internationale, le RoyaumeUni a toujours fait office pour le reste du
monde de passerelle stable, anglophone
et propice aux affaires vers le plus grand
marché de consommateurs de la planète.
Cela a généré des investissements qui
ont permis de compenser le déficit
chronique de la balance courante. Sans
cette connexion avec l’Europe, il est
clair que les entreprises internationales
alloueront moins de capital au RoyaumeUni. Il faut s’attendre à des pressions
supplémentaires sur la devise.
Abondance
La politique permettra peut-être
d’anticiper la demande future, mais
30 Vers l’infini et au-delà ?
Évolution technologique
Si l’évolution technologique est à
l’abri des machinations monétaires,
la politique actuelle est en mesure
d’accélérer l’ampleur de la rupture. Dans
un monde qui se bat pour générer de la
croissance, nous observons une lutte
de plus en plus acharnée pour investir
dans des entreprises en croissance. Des
cycles de financements de plus en plus
importants, à des valorisations toujours
plus élevées, étendent rapidement les
effets du changement technologique.
Les consommateurs profitent de biens et
services de meilleure qualité, et souvent
à moindre coût. Mais cela pose un défi
en termes de capital et d’emploi pour les
entreprises déjà installées. Ici encore, la
conséquence est une perte de la capacité
à fixer les prix dans ces deux domaines.
La devise de référence des investisseurs
va sans doute jouer un rôle plus important,
même si les effets d’une politique
monétaire agressive sur les taux de
change réduit la capacité à prendre
fermement position. L’incitation irrésistible
à faire « plus » et le besoin de maintenir
des rendements réels très bas (à cause
des niveaux de dette) rendent l’exposition
aux métaux précieux attrayante.
Le contexte de croissance fragile et
difficile, ainsi que l’environnement de prix
soulignent l’importance de la génération
de cash-flows, de la solidité des bilans,
et de la capacité à maintenir ses prix,
ou à s’adapter à des prix plus bas. Nous
pensons que les entreprises capables
de se maintenir sans l’aide d’une hausse
cyclique généralisée de la demande
devraient mieux se comporter que les
autres. Si les valorisations sont devenues
plus exigeantes pour de nombreuses
actions « quasi-obligations » distribuant
des revenus réguliers, l’absence de
déclencheur pour une hausse significative
des rendements obligataires suggère que
ce différentiel pourrait se maintenir.
À défaut d’un changement majeur
dans l’environnement de marché,
nous pensons que la tendance à une
manipulation sans cesse accrue des
marchés financiers risque de connaître
une issue chaotique, ce qui modère notre
approche du risque.
À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017
Transition vers une politique budgétaire.
Nouvel affaiblissement de la livre
sterling.
Persistance de l’appétence des
investisseurs pour les entreprises en
croissance, soutenue par le contexte de
faibles rendements.
À propos de
BNY Mellon
Le modèle multi-boutiques de
BNY Mellon rassemble les talents
de 13 gestionnaires spécialisés,
tous leaders dans leur domaine
respectif. Chaque filiale se
concentre exclusivement sur la
gestion d’actifs, à partir d’une
philosophie et d’un processus
d’investissement uniques.
Amherst Capital est une société spécialisée dans l’immobilier. Elle propose
une gamme complète de solutions d’investissement immobilier aux
investisseurs à travers le monde, aussi bien privés qu’institutionnels.
The Boston Company est une société de gestion mondiale proposant une
importante gamme de stratégies d’investissement actives, spécialisées
dans les actions et centrées sur la recherche fondamentale, dont des
portefeuilles traditionnels long-only et des investissements alternatifs.
Insight est une société de gestion d’actifs basée à Londres et
spécialisée dans les solutions obligataires, de gestion actif/passif
et de performance absolue.
Depuis 30 ans, Mellon Capital est largement reconnu comme l’un des
pionniers de l’application au processus d’investissement des théories
modernes relatives aux portefeuilles et aux marchés. Mellon Capital
propose des solutions multi-assets globales et un large éventail de
stratégies, notamment passives et alternatives.
Basée à Londres, Newton s’appuie sur une expérience de plus de 30 ans
pour appliquer avec constance son approche thématique à l’ensemble
de stratégies d’investissement.
Basée dans le Massachusetts, à Boston, Standish est un
gestionnaire spécialisé et dédié exclusivement à la gestion de taux
et aux stratégies obligataires actives, dont l’approche est fondée sur
l’analyse crédit fondamentale.
La performance passée ne saurait garantir la performance future. La valeur des investissements peut évoluer à la baisse. Les investisseurs peuvent ne pas récupérer l’intégralité du
montant initialement investi. Les revenus des investissements peuvent évoluer et ne sont en aucun cas garantis. Réservé exclusivement à l’attention des clients professionnels.
Sauf indication contraire, les opinions et vues exprimées dans le présent document sont celles du gestionnaire. BNY Mellon est la marque commerciale de The Bank of New York Mellon Corporation
et de ses filiales. Ce document est publié au Royaume-Uni, en Europe et en Israël (hors Suisse) par BNY Mellon Investment Management EMEA Limited, BNY Mellon Centre, 160 Queen Victoria Street,
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