RÉSERVÉ EXCLUSIVEMENT À L’ATTENTION DES CLIENTS PROFESSIONNELS. 2017 markets La mondialisation assiégée 2017 : Défis, mouvements extrêmes et instabilité politique www.bnymellonimoutlook.com Sommaire 04 Effondrement de la 18 États-Unis : retour à l’actionnaire 06 Pièges en taux troubles 20 La leçon japonaise mondialisation Sinead Colton, Mellon Capital* Thant Han, Standish* Lucy Speake, Insight Peter Bentley, Insight 08 Banques centrales : dans l’oeil du viseur David Hooker, Insight 10 Liberté, égalité, Frexit ? Rowena Geraghty, Standish 12 Zoom sur les marchés obligataires internationaux Adam Whiteley, Insight Ulrich Gerhard, Insight Paul Brain, Newton 14 Une situation inchangée ? John Bailer, The Boston Company Asset Management* Miyuki Kashima, BNY Mellon Asset Management Japan 22 Devises : alerte volatilité Paul Lambert, Insight 24 Émergents : lost in transition ? Rob Marshall-Lee, Newton 26 Zoom sur la dette émergente Colm McDonagh, Insight Javier Murcio, Standish Carl Shepherd, Newton 28 Vers l’infini et au-delà ? Iain Stewart, Newton Nick Clay, Newton 16 Loué soit l’immobilier américain Sandeep Bordia, Amherst Capital* *Les gestionnaires sont désignés par BNY Mellon Investment Management EMEA Limited (« BNYMIM EMEA ») ou les sociétés de gestion de fonds affiliées afin d’assurer l’activité de gestion de portefeuille au titre des contrats portant sur les produits et services souscrits par les clients auprès de BNYMIM EMEA ou des fonds BNY Mellon. www.bnymellonimoutlook.com L’année à venir connaîtra-telle une volatilité accrue, des mouvements extrêmes et un regain d’instabilité politique ? Alors que certains répondent « oui » sans aucune hésitation, d’autres pensent que les marchés pourraient connaître une accalmie après une année 2016 lourde d’incertitudes et de facteurs de disruption. La plupart s’accordent néanmoins pour reconnaître que 2017 verra probablement l’installation durable du protectionniste, un renversement après des décennies de mondialisation, jadis présentée comme la voie vers une prospérité multilatérale. Aujourd’hui, alors que l’extrémisme politique flambe en Europe et aux États-Unis, la mondialisation se trouve menacée, pour la première fois en une génération. Une question clé, pour les investisseurs, est de savoir comment ces changements se matérialiseront en 2017. Les gérants et les experts de BNY Mellon Investment Management tentent d’apporter ici quelques réponses. 3 L’année à venir connaîtra-t-elle une volatilité accrue, des mouvements extrêmes et un regain d’instabilité politique ?3 Sinead Colton, Responsable de la stratégie d’investissement chez Mellon Capital Effondrement de la mondialisation Les tendances à la dé-mondialisation sont omniprésentes. Tandis que les gouvernements se désengagent pour se recentrer sur les questions domestiques et que les alternances politiques se succèdent, Sinead Colton, responsable de la stratégie d’investissement chez Mellon Capital, examine les jalons essentiels de l’année à venir et leur impact sur les marchés. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoit que la croissance du commerce mondial en 2016 (1,7%) sera pour la première fois en 15 ans inférieure à celle du PIB mondial. D’après elle, la croissance du commerce a généralement été, sur le long terme, 1,5 fois plus rapide que celle de l’économie1. Selon Roberto Azevedo, directeur général de l’OMC, « ce ralentissement spectaculaire de la croissance du commerce devrait retentir comme un signal d’alarme ». Il ajoute que le phénomène est particulièrement inquiétant « dans le contexte d’un sentiment anti-mondialisation qui ne cesse de gagner en puissance. » Une colère grandissante Sinead Colton, responsable de la stratégie d’investissement chez Mellon Capital, estime qu’il est important d’identifier les causes sous-jacentes de cette dé-mondialisation. « Dans de nombreuses régions du monde développé, on observe une colère née du sentiment que la participation à la croissance morose qui a suivi la crise financière n’a pas été généralisée. » « Il faut reconnaître que l’assouplissement quantitatif a massivement bénéficié aux détenteurs d’actifs, contribuant à orienter nettement la distribution de richesse vers les plus hauts revenus. » Parallèlement à cette inégalité ressentie, les politiques d’austérité de nombreux gouvernements ont pesé sur le financement des services publics. D’après Sinead Colton, la réaction varie selon les régions, mais deux ennemis communs commencent à émerger : l’immigration et le commerce. Répercussions de l’élection américaine Aux États-Unis, l’apparition de la dé-mondialisation a été étroitement liée à l’élection présidentielle. Pendant la campagne, les deux candidats ont clairement affiché leur opposition au Partenariat transpacifique (TPP), en cours d’élaboration depuis 7 ans. Selon Sinead Colton, pour de nombreux américains, l’ALENA évoque des fermetures d’usines et des délocalisations d’emploi, même si de nombreux économistes estiment que l’accord a eu un impact positif sur le PIB. « Si Donald Trump se retire du 1 The Wall Street Journal : « World Trade Set for Slowest Yearly Growth Since Global Financial Crisis » (Le commerce mondial vers sa plus faible croissance annuelle depuis la crise financière mondiale), 27 septembre 2016. 4 Effondrement de la mondialisation www.bnymellonimoutlook.com TPP, les États-Unis n’auront plus voix au chapitre pour le commerce en Asie. La conséquence immédiate serait sans doute l’émergence d’un accord commercial sous l’égide de la Chine : le Partenariat économique régional global (RCEP). Un tel rapprochement libéraliserait le commerce entre les membres de l’ASEAN et les 6 pays qui lui sont liés par des accords de libreéchange (Australie, Nouvelle-Zélande, Inde, Japon, Corée du Sud et Chine). » La Chine et l’Inde étant exclues du TPP, elles ont négocié le RCEP ensemble. Si le retrait américain torpille le TPP, la Chine prendra la main et le RCEP occupera l’espace laissé vacant. Alors que Barack Obama, durant ses deux mandats, avait tenté d’asseoir les États-Unis dans une position dominante pour façonner les relations commerciales internationales, il est probable que les États-Unis se montreront plus protectionnistes sous la prochaine présidence. Tous les regards tournés vers le Royaume-Uni Sinead Colton affirme qu’après le vote sur le Brexit en 2016, le Royaume-Uni sera « à surveiller » en 2017. La Première ministre Theresa May vise à activer l’article 50 avant fin mars. Quand cette activation (qui reste incertaine) interviendra, le compte à rebours des négociations sera enclenché. Le gouvernement britannique verra alors sans doute son pouvoir de négociation diminuer au fil des deux ans prévus. Une extension des négociations pourrait être accordée, à condition d’obtenir l’accord des 28 membres de l’UE (27 plus le Royaume-Uni). Le gouvernement semble disposé à se montrer plus ferme dans la restriction de la libre circulation des personnes, et pourrait être prêt à renoncer à un accès complet à l’UE en contrepartie. Ces évolutions sont à suivre attentivement. Ailleurs en Europe Les élections de l’année prochaine en France et en Allemagne seront aussi l’occasion de nombreux débats sur l’immigration. « La Chancelière allemande Angela Merkel ne veut pas paraître trop conciliante, car elle perd du terrain face au parti de droite AfD (Alternative pour l’Allemagne) dans certaines élections régionales. En France, l’élection présidentielle devra compter avec le Front National. » La dirigeante du parti, Marine Le Pen, qui a bénéficié d’un nouvel élan après le vote sur le Brexit et les attaques terroristes de l’été 2016 en France, a exprimé sa volonté d’organiser, si elle était élue, un référendum sur l’appartenance à l’UE. Elle n’est pas isolée, d’autres partis populistes ayant également appelé à de tels référendums aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie et en Autriche. L’influence croissante de la Chine D’après Sinead Colton, « de manière générale, on ne constate pas de montée du protectionnisme en Asie. Il est clair que la Chine aspire à jouer un rôle plus important sur la scène mondiale, et certaines dynamiques enclenchées ailleurs pourraient l’aider à y parvenir. » Une augmentation des tarifs douaniers non propices à des investissements d’envergure dans d’autres régions pourrait renforcer l’influence de la Chine en Asie. Quant au Japon, qui a participé à la mondialisation de manière sélective, il constitue un cas à part. « Tandis que l’influence de la Chine en Asie et dans le monde est amenée à progresser, on peut sans doute anticiper un recul de l’influence japonaise. » La dé-mondialisation : un phénomène durable ? Peut-on espérer une atténuation des causes du mécontentement actuel ? Selon Sinead Colton, si l’on commence à observer une croissance plus robuste et dont les bénéfices sont mieux répartis, la popularité des mouvements populistes pourrait s’estomper. « Alors que le salaire moyen aux ÉtatsUnis n’a pas réellement augmenté durant la reprise économique, une augmentation du salaire minimum serait susceptible d’avoir un impact positif. » Les discours d’austérité ont déjà été dédramatisés au sein de nombreuses économies, et pourraient déboucher sur une augmentation des dépenses publiques, ce qui pourrait stimuler la croissance. Cependant, la capacité de ce type de dépenses à se répercuter dans l’ensemble de la société de manière plus efficace que les politiques monétaires reste à démontrer. « Aux États-Unis, le consommateur a été le moteur de l’économie. Une reprise économique durable devra cependant reposer sur des bases plus larges. Une hausse de l’investissement des entreprises, plutôt que les rachats d’actions massifs observés ces dernières années, est également nécessaire. Cet aspect a été largement absent de la reprise des quatre ou cinq dernières années. » Toutefois, il est peu probable que les entreprises investissent dans un environnement domestique incertain. On peut donc raisonnablement anticiper ce comportement de la part des entreprises britanniques jusqu’à ce que les conséquences du Brexit soient clarifiées. En conclusion, Sinead Colton explique « ne pas considérer le protectionnisme comme un moyen de relancer la croissance mondiale. Une telle tendance pourrait certes profiter à certaines économies à court terme mais, selon le FMI, une hausse de 10% des prix des importations due à l’introduction de nouvelles taxes douanières entraînerait une contraction de 2% de la production mondiale à terme. Des marchés ouverts à l’international sont essentiels pour les entreprises, car ils leur permettent de moins dépendre de leurs marchés et consommateurs locaux, et élargissent l’éventail des opportunités. Avec un renforcement des restrictions et une diminution des opportunités, les entreprises seraient logiquement moins rentables, ce qui pèserait globalement sur l’investissement et la croissance. » À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 Retrait du TPP par le nouveau président américain. Activation de l’article 50 par le Royaume‑Uni. Discours anti-élites dans les élections française et allemande. Effondrement de la mondialisation 5 Pièges en taux troubles Peter Bentley, Responsable de la gestion crédit Monde et Royaume-Uni, Insight L’interventionnisme persistant des banques centrales, le risque politique accru et la possibilité d’une hausse des défauts seront les principaux thèmes de 2017. Les gérants d’Insight et Standish s’ interrogent sur ce que réservent les 12 prochains mois aux investisseurs obligataires. Hormis les décisions de politique monétaire, quels sont les principaux défis de 2017 pour les obligations d’entreprises ? Thant Han, Gérant obligataire, Standish Lucy Speake, Responsable de la gestion obligataire européenne, Insight 6 Pièges en taux troubles Peter Bentley : Dans une perspective top‑down, les investisseurs doivent garder à l’esprit le risque politique, comme l’a souligné le résultat du référendum britannique ou des présidentielles américaines. En 2017 se tiendront des élections en Allemagne et en France, dans un contexte où les partis eurosceptiques chercheront à conforter leur popularité. Lucy Speake : La hausse du risque de crédit sur le segment investment grade est un défi de taille. Un premier facteur de risque serait une vague de fusionsacquisitions, qui bénéficient plus souvent aux actionnaires. Dans un contexte de croissance faible, les dirigeants peinent à fournir une croissance organique aux actionnaires, et les fusions-acquisitions et autres rachats d’actions s’imposent naturellement comme une solution de repli. Cependant, ces opérations s’accompagnent souvent d’une hausse des niveaux de levier, ce qui représente un risque pour les créanciers. les volumes échangés ont diminué malgré une offre accrue soutenue par des financements bon marché. Selon nous, ces signaux indiquent que nous avons atteint les derniers stades de la phase d’expansion du cycle de crédit. Cependant, la transition vers la phase de contraction ne devrait pas intervenir avant un an. Même si nous avons déjà atteint la durée moyenne des deux précédents cycles de crédit, la période prolongée de taux d’intérêt historiquement bas offre cette fois-ci un cadre particulier. La phase de contraction se caractérise en général par une récession. Or, nous n’envisageons pas un tel scénario à court terme, car nous ne détectons pas les excès qui annoncent ces périodes. Le consommateur se porte bien, les bilans bancaires sont robustes et la trésorerie des entreprises solide. En outre, l’histoire suggère que la phase d’expansion se poursuit bien après le début du resserrement monétaire. Anticipez-vous une hausse des taux de défaut en 2017 ? Dans quels secteurs ? Les questions de gouvernance d’entreprise ont également des retombées significatives. On se souvient du scandale Volkswagen l’année passée, ou des démêlés de Deutsche Bank avec le Département américain de la justice. Peter Bentley : Nous pensons qu’ils resteront limités pour les émetteurs investment grade, une croissance positive et des rendements faibles permettant de se refinancer à des niveaux attrayants. On observe également une forte demande même à ces niveaux de rendement. Thant Han : La règlementation des marchés financiers se durcit, les négociateurs ont réduit leurs inventaires afin de contenir le risque de bilan, et Une légère hausse des défauts est visible sur le high yield aux États-Unis, mais elle est essentiellement cantonnée au secteur de l’énergie, confronté à une www.bnymellonimoutlook.com baisse des prix du pétrole. Une poursuite de la baisse des prix des matières premières augmenterait la pression. En Europe et au Royaume-Uni, le marché reste soutenu par les achats des banques centrales. Thant Han : Le recul des notations, amorcé depuis un certain temps, s’est réellement accéléré avec les dégradations liées aux matières premières. La quête accrue de performance et les achats sans distinction, exposent la plupart des segments du marché des obligations d’entreprises à une correction. Nous estimons que le risque dans le secteur industriel reste élevé, à cause d’un coût global de la dette historiquement faible. Cela justifie un biais en faveur de secteurs défensifs comme les services aux collectivités ou les financières, pour lesquelles le ratio de capitalisation a doublé depuis la crise, sous la pression des autorités règlementaires. Nous remarquons également que les normes de crédit sont très fortement corrélées aux taux de défaut. Aux États-Unis, après plusieurs années d’assouplissement, les banques viennent juste de durcir leurs normes. Cela suggère que les taux de défauts sont susceptibles de repartir à la hausse. Quels sont, selon vous, les facteurs les plus porteurs pour votre classe d’actifs en 2017 ? Lucy Speake : Une croissance positive et stable en Europe et aux États-Unis, ce qui devrait soutenir le crédit. En revanche, certains « vents arrières » qui ont porté le secteur en 2016, notamment le programme d’achats d’obligations d’entreprises de la BCE, sont susceptibles de disparaître. Thant Han : Le facteur le plus favorable pour la zone euro reste la politique monétaire accommodante. La persistance d’une croissance économique anémique, ainsi qu’une inflation très basse, inciteront la BCE à maintenir ses mesures et des taux proches de zéro. En ce qui concerne les autres grandes banques centrales, la Banque du Japon (BoJ) a mis en place une politique de plafonnement des rendements des emprunts d’État japonais (JGB), tandis qu’au Royaume-Uni, après le Brexit, les mesures non conventionnelles sont bien enracinées dans l’arsenal de la Banque d’Angleterre (BoE). Aux ÉtatsUnis, l’ère de la « faiblesse durable » des taux directeurs semble toucher à sa fin. Cependant, le marché des futures de taux US n’anticipe plus une hausse progressive des taux longs, malgré les attentes d’une hausse des taux directeurs à court terme. Ces différents facteurs laissent penser que les taux européens resteront bas en 2017. Quelles sont les perspectives de politiques monétaires et quel pourrait être l’impact sur votre marché ? Lucy Speake : Les politiques monétaires resteront accommodantes dans les pays développés pour toute l’année 2017. Aux États-Unis, le rythme des hausses de taux sera probablement lent. En Europe, la BCE pourrait maintenir sa politique encore un certain temps. Au Royaume-Uni, le plan de mesures d’assouplissement annoncé comporte d’importantes implications pour la livre sterling et l’évolution de l’inflation. Les investisseurs en mesure de gérer activement leur exposition aux devises pourraient tirer parti de la volatilité de ce marché. Parallèlement, la politique monétaire semble atteindre ses limites. La BCE et la BoJ sont confrontées à une réduction du gisement d’obligations souveraines éligibles, et pourraient être amenées à adapter les critères ou à élargir l’univers des actifs éligibles. Toutefois, les responsables politiques se montrent inquiets des effets des taux négatifs et des courbes de taux plates sur les secteurs bancaires. La BoE a par exemple écarté la possibilité de recourir à une politique de taux négatifs, et la BoJ a assoupli son programme afin de viser des rendements plus élevés sur des maturités plus longues. Peter Bentley : Nous pensons que les conjectures concernant les choix politiques à venir peuvent générer de la volatilité sur les spreads. Un tel environnement pourrait être exploité par les investisseurs à même de prendre des positions long ou short. Le Programme de refinancement à long terme (LTRO) en Europe et le Système de financement à terme (TFS) au Royaume-Uni viendront atténuer la pression que fait peser sur les banques les taux très bas. Au Royaume-Uni notamment, le TFS soutiendra le marché du crédit hypothécaire, et cela pourrait se répercuter sur l’attrait des titres adossés à des créances hypothécaires (RMBS), qui offre une excellente qualité. Thant Han : Alors que les membres de la Fed se disputent pour des quarts de point de pourcentage, les responsables de la BCE et de la BoJ ne semblent plus très sûrs de l’orientation future de leurs politiques. La BCE doit ajuster son programme d’ici la fin de l’année afin de prolonger sa politique d’achats d’actifs. Contrainte par ses propres règles, elle semble peu encline à prendre cette direction. Nous pensons (sans pouvoir en être certains) que l’intention de la BoJ, en plafonnant le rendement du JGB à 10 ans, était d’introduire un ajustement automatique en cas de hausse de l’inflation. Or, l’absence d’un mécanisme direct poussant l’inflation à la hausse pose problème. La BoE paraît plus déterminée à recourir aux différents leviers de la politique monétaire, et le prouvera sans doute bientôt. Le séjour prolongé des principales banques centrales sur le terrain des politiques non conventionnelles, couplé à leur incapacité à générer de l’inflation, a entraîné environ un tiers de l’univers de la dette souveraine des pays développés en territoire négatif. Cet environnement fournit un soutien très solide à tous les instruments obligataires offrant un coupon positif. Pièges en taux troubles 7 Banques centrales : dans l’oeil du viseur ? Alors que l’assouplissement quantitatif (QE) augmente et que la baisse des taux (hors US) se poursuit, David Hooker, gérant d’obligations d’entreprises indexées à l’inflation chez Insight, analyse la politique monétaire pour l’année à venir. David Hooker, Gérant d’obligations d’entreprises indexées à l’inflation, Insight Certains remettent en cause la capacité de la politique actuelle à résoudre les problèmes économiques du monde. Tandis que la confiance dans l’efficacité des mesures monétaires s’effrite, 2017 pourrait voir le débat sur l’avenir de cet interventionnisme entrer dans la sphère politique. Au lendemain de la crise financière globale, les banques centrales étaient convaincues que la politique monétaire serait le remède miracle aux maux de l’économie mondiale. En abaissant les taux d’intérêt, elles ont tenté d’influer sur le niveau d’activité de l’économie à travers une réduction du coût d’emprunt pour les consommateurs et les entreprises, destinée à les encourager à épargner moins et dépenser plus. Quand les taux directeurs ont approché (voire atteint) zéro, des baisses supplémentaires ont -initialement – paru inenvisageables. Elles ont donc adopté des politiques non-conventionnelles, comme les 8 Banques centrales : dans l’oeil du viseur ? programmes d’achats d’actifs. En soutenant les prix des actifs, elles espéraient créer un « effet richesse » pour les détenteurs d’actifs capables de stimuler la dépense. Les doutes sur l’efficacité des mesures traditionnelles se faisant plus insistants, certaines banques centrales ont depuis recouru à des politiques de taux d’intérêt négatifs. Les achats d’actifs et l’assouplissement du crédit, associés à des baisses de taux, sont actuellement les principaux instruments des banques centrales. En août 2016, la Banque d’Angleterre (BoE) l’a prouvé en adoptant un programme agressif de mesures visant à contrer les effets potentiels du Brexit : une baisse des taux d’intérêt, un programme d’achats d’actifs sur les obligations souveraines et d’entreprises, couplés à un assouplissement du crédit à travers le Système de financement à terme (TFS). www.bnymellonimoutlook.com L’avenir nous dira quel impact auront les mesures de la BoE. Toutefois, certains remettent déjà en cause l’efficacité de la politique monétaire, la croissance étant atone dans les grandes économies alors que les taux d’intérêt et les rendements obligataires sont bas (la fameuse « trappe à liquidités » keynésienne), et réclament des politiques inédites. Alors même que la BoE adoptait son programme, d’autres autorités monétaires ont commencé à mettre en doute l’efficacité de la politique actuelle. La Fed a noté que les politiques monétaire et fiscale étaient mieux armées pour neutraliser d’importants chocs positifs que négatifs. Dans un effort pour affirmer sa détermination à enrayer la déflation, la banque du Japon (BoJ) a procédé à un examen complet de ses mesures qui l’a amenée à modifier en septembre les outils de sa politique monétaire. Plutôt que l’assouplissement quantitatif, elle a choisi de se concentrer sur le contrôle des taux d’intérêt. Selon certains économistes, cette évolution souligne simplement le fait que la politique de la BoJ a atteint ses limites. L’expansion soutenue de la dette globale étouffe la croissance à travers le monde. Si le coût du service de la dette a été réduit grâce à la baisse des taux, la réaction décevante de l’économie a rendu le fardeau plus important. Certains affirment que le poids croissant de la dette du secteur privé a contribué à saper la croissance économique, et qu’une politique budgétaire volontariste pourrait être un outil bien plus efficace. Au Royaume-Uni par exemple, les commentateurs se demandent si la perte de confiance dans les perspectives économiques locales, liée aux doutes concernant les futures relations du pays avec son principal partenaire commercial, peut être enrayée par la seule politique monétaire. Une politique budgétaire ciblée, visant à relancer l’investissement, aurait peut-être été une meilleure réponse au choc subi par le Royaume-Uni. Cependant, les détracteurs de la politique budgétaire pourraient invoquer l’exemple japonais et souligner les limites de l’impact des dépenses d’infrastructures financées par l’endettement et les plans de relance sur la croissance à moyen et long terme. L’effet distributif de la politique monétaire commence également à être analysé. Le sentiment dominant est que les programmes d’achats d’actifs ont en général profité à ceux qui en étaient détenteurs, autrement dit principalement aux riches. Des politiques initialement présentées comme des « mesures d’urgence » sont de plus en plus critiquées par les « perdants » de l’effet distributif, alors que les bénéfices économiques de ces politiques deviennent moins évidents, voire contre-productifs. Les banquiers centraux écartent habituellement ces critiques en indiquant que toute politique monétaire a des effets distributifs, et qu’eux-mêmes ne sont que des technocrates mandatés par les États. Selon eux, c’est aux gouvernements d’ajuster ces effets. Il est difficile d’affirmer que les banques centrales indépendantes n’ont rien de politique : elles ne peuvent exister sans le soutien de la population. Or, avec des mesures d’urgence prolongées pendant près d’une décennie, la confiance dans les autorités monétaires s’est logiquement effritée. L’effet populiste Le mécontentement économique entraîne l’émergence de partis ou de politiques populistes, et la dynamique populiste peut être un catalyseur de réformes très puissant. Au début, ces partis promettent des dépenses budgétaires supplémentaires, souvent dans les infrastructures, afin de stimuler la croissance économique, ainsi que des mesures sociales pour lutter contre les inégalités. Les partis politiques en place savent très bien intégrer les politiques des partis populistes, ce qui leur permet éventuellement de conserver le pouvoir. Cependant, l’indépendance des banques centrales est avant tout un cadeau des dirigeants politiques. Or, afin d’assurer leur survie politique, les gouvernements peuvent être amenés à modifier le cadre de la politique monétaire. Il reste à décider quel cadre remplacera celui actuellement en place, et dans quel délai. Tandis que les perspectives de l’économie mondiale restent incertaines, la prédominance de la politique monétaire et l’indépendance des banques centrales sont sans doute vouées à décroître. Ce débat pourrait se déplacer des cercles académiques vers la sphère politique en 2017, mais un nouvel ordre monétaire ne se mettra probablement en place qu’après la prochaine crise économique. Il pourrait avoir des conséquences significatives sur l’inflation et l’indépendance des banques centrales. À SUIVRE DE PRÈS EN 2017 Une perte de confiance accrue en l’efficacité de la politique monétaire. Le débat sur l’avenir de la politique monétaire entrera-t-il dans la sphère politique ? Banques centrales : dans l’oeil du viseur ? 9 Liberté, égalité, Frexit ? Le caractère houleux du processus électoral en France confirme le déplacement des sources de risque politique au sein de la zone euro, en 2017, des pays périphériques de l’Union européenne vers les principaux pays de la région. Ces 10 dernières années, le risque politique n’a cessé d’augmenter dans les « pays périphériques » comme la Grèce, l’Irlande et le Portugal. À chaque fois, les plans de sauvetage de l’UE ou du FMI ont apaisé les crises de dette souveraine, évitant la contagion et limitant les répercussions sur les marchés à quelques pics de volatilité. Cependant, les inquiétudes liées au risque géopolitique en Europe se sont déplacées. Elles concernent désormais la volonté des citoyens des principales économies du bloc de maintenir leur soutien à « une union sans cesse plus étroite » du traité de Rome, pilier juridique de l’UE. Des élections se tiendront en France en 2017. Elles causeront probablement le départ du gouvernement socialiste, fervent soutien de l’euro et d’une intégration européenne continue. Plus tard dans l’année, les Allemands voteront aux élections fédérales. Dans les deux pays, les sondages indiquent une baisse de la confiance en la capacité des dirigeants à relever des défis tels que le chômage endémique et l’immigration de masse. Le déclin des élites a créé une brèche pour des aventuriers politiques marginaux qui mettent l’accent sur l’intérêt national. Certains, comme Marine Le Pen, dirigeante du Front National (FN), réclament un référendum à l’anglaise sur la sortie de l’UE. Ce scénario peut paraître extravagant, mais il aurait des conséquences plus importantes sur les marchés et l’économie que le vote du Royaume-Uni. Rowena Geraghty, analyste dette souveraine chez Standish, juge un Frexit peu probable mais note que « contrairement au Royaume-Uni, la France est l’un des pays fondateurs du projet européen. Elle constitue le seul contrepoids à l’Allemagne, et sa sortie aurait une incidence plus forte que celle du Royaume-Uni. La volatilité pourrait retourner aux niveaux atteints avant que Mario Draghi, ne s’engage 10 Liberté, égalité, Frexit ? Rowena Geraghty, Analyste dettes souveraines, Standish www.bnymellonimoutlook.com à faire « tout ce qu’il faut » pour sauver l’euro en 2012. Les coûts de financement des gouvernements périphériques augmenteraient fortement, et les inquiétudes entourant le système bancaire pourraient refaire surface dans certains pays. Le potentiel de récession deviendrait préoccupant. » À court terme, malgré ces risques géopolitiques, Standish anticipe une croissance de 1,2% pour la zone euro en 2017, soit une légère baisse par rapport aux 1,5% des années 2015 et 2016. Cette prévision est inférieure à celle de la BCE et reflète une perte de confiance mise en évidence par des indices PMI décevants dans le secteur manufacturier. Selon Standish, l’inflation de la zone euro devrait atteindre 1,0% en 2017, contre 0,1% en 2015 et 0,2% en 2016, incitant la BCE à prolonger sa politique accommodante au-delà de la fin de son programme d’achats d’actifs, prévue en mars. En France, l’absence d’un président en exercice fort et d’un challenger crédible ouvre une brèche pour des candidats comme Marine Le Pen, même si ce n’est pas le scénario de base de Standish. L’ancien ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, est un autre joker. L’arrivée d’un candidat iconoclaste sans parti comme Emmanuel Macron pourrait siphonner les soutiens des candidats des deux grands partis, et offrir une opportunité au FN. En 2002, un nombre anormalement élevé de candidats avait déjà fragmenté l’électorat. Même si Marine Le Pen ne pousse pas la France hors de l’UE, un bon résultat du FN pourrait contraindre un vainqueur de centre-droit à adopter un positionnement plus eurosceptique. Cela aurait des répercussions sur l’Allemagne, autre pays phare de l’UE, autant que sur la France. Selon Rowena Geraghty, « un président français plus affirmé (F. Hollande est si silencieux qu’il en est presque absent) pourrait provoquer des débats plus animés avec l’Allemagne et les institutions européennes, notamment sur la question de l’immigration. » Alors que des élections fédérales sont prévues en Allemagne en 2017, les élections régionales de 2016 ont montré que la chancelière avait elle-même des défis à relever. Dans sa propre circonscription de Mecklembourg-Poméranie Occidentale, la coalition au pouvoir (formée de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), parti auquel elle appartient, et du Parti socialdémocrate (SPD) était opposée au parti contestataire Alternative pour l’Allemagne (AfD). Angela Merkel a fait campagne pour son parti et, malgré sa formule « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons »), la CDU LES ÉLECTIONS EN FRANCE Lors de l’élection présidentielle de 2002, un nombre anormalement élevé de candidats avait dispersé le vote et permis au Front National de réaliser un score historique. L’histoire pourrait-elle se répéter en 2017 ? 16 Nombre de candidats à la présidentielle 10 1981 12 9 9 1988 1995 12 10 2002 2007 2012 2016 (primaires) Source : Ministre de l’Intérieur : « Résultats des élections législatives 2012 », 27 octobre 2016. est arrivée en 3ème position avec 19% des votes, derrière le SPD avec 31% et l’AfD avec 21%1. Le faible score de la CDU suggère l’impopularité d’A. Merkel, tandis que le résultat relativement solide de l’AfD laisse entendre que de nombreux allemands aspirent à autre chose que des frontières ouvertes et une intégration européenne accrue. Même s’ils ne gagnent pas les élections, des insurgés politiques comme Marine Le Pen et l’AfD peuvent exercer une certaine pression sur les vainqueurs et imposer un débat sur « mondialisme ou nationalisme », ou « Europe » contre « francité » et « germanité ». Les élections de 2017 pourraient être l’occasion d’une nouvelle étape dans le réalignement politique du noyau dur de l’Europe ; non pas entre la droite et la gauche, ou l’est et l’ouest, mais entre les élites dirigeantes promondialisation et une classe moyenne dont les intérêts ne sont plus représentés par cette élite. À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 23 avril : premier tour des élections présidentielles en France. 7 mai : second tour des élections présidentielles en France. Septembre/octobre : élections fédérales en Allemagne. 1 The Guardian : « Il est trop tôt pour enterrer A. Merkel », 5 septembre 2016. Liberté, égalité, Frexit ? 11 Zoom sur les marchés obligataires internationaux Q&A Paul Brain, Responsable gestion obligataire, Newton Ulrich Gerhard, Gérant obligations high yield, Insight Adam Whiteley, Co-gérant obligations d’entreprises mondiales, Insight L’année 2016 a offert son lot de surprises aux investisseurs sur les marchés des emprunts d’État et des obligations d’entreprises, à l’instar du Brexit, d’une campagne présidentielle acerbe aux États-Unis et des politiques de taux d’intérêt négatifs déployées par les banques centrales. Se pourrait-il que l’année 2017 soit du même acabit ? Les gérants d’Insight et Newton nous donnent leurs avis sur les opportunités et les défis potentiels pour les 12 prochains mois. Selon vous, quels sont les principaux facteurs susceptibles de soutenir les performances de votre classe d’actifs en 2017 ? Ulrich Gerhard : Les taux de croissance devraient rester stables et positifs aux États-Unis et en Europe. Parallèlement, nous ne pensons pas qu’ils seront assez forts pour inciter les banques centrales à réorienter leurs politiques monétaires. 2017 pourrait être marquée par la décision de la BCE de mettre un terme à son programme d’achat d’obligations investment grade, qui a soutenu de manière indirecte la performance de la classe d’actifs en 2016. Cependant, nous pensons que les conditions monétaires resteront globalement favorables. Adam Whiteley : Nous partageons ce point de vue et pensons que l’équilibre de croissance entre les États-Unis et l’Europe concourra à maintenir un environnement particulièrement porteur pour les obligations d’entreprises. Les facteurs de soutien qui ont marqué 2016 en Europe, à l’instar du programme de QE de la BCE, pourraient disparaître en 2017, mais l’environnement général reste favorable pour les obligations d’entreprises aux quatre coins du monde. Paul Brain : Depuis la crise financière, les interventions des autorités monétaires 12 Zoom sur les marchés obligataires internationaux ont contribué à soutenir les emprunts d’État. La fragilité de l’économie mondiale, malgré les mesures de relance monétaire, signifie qu’il est peu probable que nous assistions à un resserrement rapide des politiques monétaires. Cet environnement contribuera à alimenter la faiblesse artificielle des rendements des emprunts d’État. Pensez-vous que les taux souverains et les rendements des obligations d’entreprises resteront en territoire négatif ? Paul Brain : En Europe et au Japon, l’adoption de taux négatifs sur l’extrémité courte de la courbe est un élément essentiel des plans d’assouplissement monétaire déployés par les autorités. Tant que la reprise ne sera pas confirmée, les banques centrales devraient maintenir ce cap. Les mesures de relance budgétaire seront longues à mettre en place et à produire des effets substantiels sur les perspectives de croissance économique. Il est fort à parier que les autorités monétaires maintiendront des taux d’intérêt négatifs tant qu’aucun signe manifeste ne viendra confirmer que ces mesures de relance budgétaire portent leurs fruits. Les perspectives pour les obligations à long terme sont plus incertaines, car les perspectives d’inflation devraient être revues à www.bnymellonimoutlook.com A la hausse et les craintes d’un resserrement des politiques monétaires ne manqueront pas d’entraîner un regain de volatilité. Ulrich Gerhard : En Europe, nous pensons que la BCE maintiendra ses taux négatifs pour les prochains mois. La Banque d’Angleterre (BoE) semble pour sa part envisager une nouvelle baisse de son taux directeur. Une telle décision aurait certes pour effet de conforter l’environnement de taux négatifs, mais les banques centrales ont fait part de leurs inquiétudes grandissantes quant aux effets de ces politiques et de l’aplatissement des courbes de taux. La BoE écarte l’hypothèse des taux négatifs, tandis que la Banque du Japon a assoupli son programme d’achat d’actifs annuel dans l’espoir de pousser à la hausse les rendements des obligations à long terme. Cela laisse entrevoir non pas une augmentation, mais plutôt une réduction de l’univers des titres à rendement négatif. De plus, il est déjà arrivé que les rendements des emprunts d’État augmentent fortement lorsque la banque centrale concernée ne joue pas le rôle de catalyseur, comme l’illustre la correction des Bunds allemands survenue au T2 2015. Quelle est la portée du risque politique ? Quels sont les pays et régions les plus exposés ? Paul Brain : Le risque politique augmente à mesure que le curseur politique s’éloigne du centre. Les politiques prônées par les partis populistes créent un climat d’incertitude et concourent à amplifier les risques. L’Europe est probablement l’épicentre de ces inquiétudes en raison des changements susceptibles d’intervenir par le biais de nombreuses élections. Ulrich Gerhard : Nous considérons le risque politique comme un facteur particulièrement important sur le segment high yield. Le résultat inattendu du référendum britannique et le regain d’incertitude politique et économique observé au RoyaumeUni et en Europe dans la foulée en sont la parfaite illustration. Il reste encore beaucoup à faire pour définir les modalités de la sortie du Royaume-Uni et pour pouvoir connaître les répercussions de cette décision pour le pays et le reste de la région. De nouveaux épisodes de volatilité sont donc à anticiper. En 2017, les électeurs allemands et français se rendront aux urnes dans un contexte où les mouvements politiques séparatistes et extrémistes chercheront à consolider leur soutien populaire. Les annonces d’organisations comme l’OPEP pourraient alimenter la volatilité des actifs risqués, en particulier dans les secteurs high yield, tels que l’énergie, les oléoducs, les matériaux de base et les métaux/mines. Les stratégies crédit high yield capables de déployer une approche réellement globale, et donc plus diversifiée, sont plus à même de faire face aux risques politiques que les portefeuilles devant composer avec des contraintes régionales. Le marché européen est ainsi moins exposé au secteur de l’énergie, au secteur métallurgique et au secteur minier. De plus, le fait de privilégier une stratégie de duration courte sur le segment high yield, libérée de la contrainte d’indices de référence, contribue à réduire le risque de crédit. Quels sont les secteurs sous-évalués sur lesquels vous comptez focaliser votre attention l’an prochain ? Adam Whiteley : La capacité à diversifier l’allocation géographique des portefeuilles devrait constituer une source de surperformance attrayante pour les investisseurs en obligations d’entreprises. Nous pensons que les émetteurs obligataires qui assainissent leurs bilans, éventuellement à l’issue d’une fusion-acquisition, pourraient offrir des opportunités intéressantes aux gérants capables de réaliser une analyse crédit bottom-up approfondie. Nous pensons que les ABS resteront une source attrayante de valeur fondamentale complémentaire. Les fondamentaux de la dette émergente s’améliorent également, tandis que l’écart de croissance entre les marchés émergents et les marchés développés augmente. Cette tendance est à mettre en parallèle de la résorption des déficits extérieurs, alors même que des pays comme l’Argentine, l’Indonésie et le Brésil engagent des réformes majeures. Paul Brain : La révision à la hausse des prévisions d’inflation, pour la première fois depuis des années, a contribué à remettre les emprunts d’État indexés à l’inflation sur le devant de la scène. Certains facteurs pèsent toujours sur la croissance mondiale, et des opportunités se présenteront dès que les marchés anticiperont de manière exagérée les hausses de taux d’intérêt. Nous pensons que les marchés des emprunts d’État progresseront à des rythmes différents à travers le monde. Les investisseurs qui diversifieront leurs portefeuilles en investissant dans des marchés exposés à des baisses de taux (en Asie, par exemple) pourraient éventuellement surperformer le marché. Enfin, les devises connaîtront des trajectoires différentes : les monnaies des pays mettant en œuvre des mesures d’assouplissement budgétaire et procédant à un resserrement de leur politique monétaire devraient surperformer. Zoom sur les marchés obligataires internationaux 13 Une situation inchangée ? Nick Clay, Gérant de l’équipe Global Equity Income de Newton Le monde est devenu tellement interconnecté que même si le protectionnisme venait à se propager, il n’aurait pas l’impact que certains imaginent. Selon Nick Clay, Gérant de l’équipe Global Equity Income chez Newton, de nombreuses multinationales seront encore en mesure de distribuer des dividendes pérennes en 2017. L’année à venir sera sans doute, selon Nick Clay, dans la lignée des précédentes : poursuite de l’incertitude, volatilité des marchés et des classes d’actifs, croissance anémique et intervention des banques centrales. Dans un tel contexte, Nick Clay considère que la pérennité des revenus reste vitale. Sur les marchés, on ne parle actuellement que des divergences politiques accrues et de la montée du protectionnisme. Toutefois, Nick Clay considère que ce ne sont que des discours, et que de nombreuses entreprises sont bien positionnées sur la scène internationale. « Le monde est trop interconnecté pour être défait aisément, surtout pour les entreprises détentrices de propriété intellectuelle. Dans ce secteur à faible consommation de capital, il devient de plus en plus compliqué d’imposer des barrières douanières. » Nick Clay note que ce type d’entreprises attirent l’argent, de sorte que les écarts de répartition de la richesse se creusent, causant mécontentement, ainsi que crises politiques et commerciales. « La part de la richesse mondiale détenue par les 1% les plus riches1, soit 50%, atteint des niveaux inégalés depuis 1929. Or, la situation ne résulte pas des accords commerciaux. » Citant le marché américain de l’emploi comme exemple des changements structurels qui génèrent des tensions politiques, Nick Clay remarque que 95% de tous les emplois créés ces 16 dernières années l’ont été dans des secteurs tels que la santé, l’éducation, la restauration et l’aide sociale. « Non seulement ces métiers sont moins rémunérateurs que la moyenne, mais en plus ils fournissent moins d’heures de travail. Le salaire net dans ces nouveaux emplois se situe environ 40% en-dessous de la moyenne, ce qui a favorisé la hausse du nombre des personnes cumulant deux emplois. Le coût de cette évolution sur les revenus américains est de l’ordre de 3%. Les chiffres de l’emploi ont beau être meilleurs aux États-Unis, de nombreuses personnes vivent en réalité moins confortablement qu’auparavant. » 1 Fortune : « The top 1% now owns half the world’s wealth » (Les 1% les plus riches détiennent désormais la moitié de la richesse mondiale), octobre 2015. 14 Une situation inchangée ? www.bnymellonimoutlook.com Selon une étude d’avril 20162, parmi les 10 métiers promis à la plus forte croissance dans les années à venir, la moitié rapporte moins de 25 000 USD par an, et les trois-quarts offrent un salaire inférieur au niveau américain standard de 35 540 USD. En septembre 2016, on apprenait que 7,8 millions de personnes cumulaient plusieurs emplois, soit 5,2% des salariés, contre 4,9% en septembre 20153. D’après le gérant, la situation résulte en partie d’un transfert des emplois, aux États-Unis, du secteur manufacturier vers des secteurs comme celui de la technologie et reposant davantage sur la propriété intellectuelle. « Dans des entreprises comme Uber, Airbnb ou Amazon, qui capture finalement la richesse ? Un tout petit nombre de personnes. » Si de nombreuses entreprises considèrent le rythme du changement technologique actuel comme une menace, cela est moins problématique pour celles dont les produits ou services font partie du quotidien. Pour les systèmes établis, comme Microsoft, il est difficile pour la concurrence de les déloger. La remarque est valable pour Western Union. « Beaucoup pensent qu’il s’agit d’une entreprise de transfert de liquidités traditionnelle, susceptible d’être dépassée par la progression des transferts en ligne et via smartphones. Pourtant, 80% des transferts assurés par Western Union se font en liquide, et environ 85% de ceux qui les reçoivent n’ont pas de compte bancaire. Une règlementation accrue de ces activités signifie également moins de nouveaux entrants potentiels. La société est en outre l’un des principaux acteurs dans le transfert de liquidités en ligne. » La mondialisation accorde une place de choix, dans les marchés développés, à des entreprises à faible consommation de capital, protégées de la concurrence disruptive par de solides barrières à l’entrée. Selon Nick Clay, ces entreprises seront en mesure de fournir des dividendes pérennes l’année prochaine, malgré le contexte de valorisations et de volatilité élevées. « On peut être tenté de se cacher pour s’abriter de la volatilité… mais où ? L’enjeu ne consiste plus à se cacher, mais à survivre. » Les marchés ont relativement bien résisté en 2016, ce que Nick Clay attribue à la « confiance aveugle » des investisseurs dans l’intervention des banques centrales en cas de crise. Il voit dans la baisse avortée qui a suivi, au Royaume-Uni, le vote sur le Brexit, la preuve que la confiance dans l’intervention des autorités monétaires est devenue un réflexe quasi-pavlovien. Ce soutien (ou simplement son apparence, voire son anticipation) continuera à renforcer les prix des actifs et les valorisations en 2017. Mais pour le gérant, « L’assouplissement quantitatif n’est pas gratuit : quelqu’un devra payer. Finalement, cela augure de faibles performances pour les 10 prochaines années. Dans cet environnement, chaque classe d’actifs semble chère, et les corrélations augmentent. » « Dans ce contexte, il est impossible pour les entreprises d’augmenter les prix. Qui encaissera le choc sur les marges ? Pas le consommateur. » Dans cet environnement, la pérennité des versements aux actionnaires sera essentielle. Et pour le gérant, les activités à faible consommation de capital, et possédant une propriété intellectuelle clairement établie, sont celles qui s’en sortiront le mieux. À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 Capacités mondiales et niveaux de productivité. Politique – interne à l’Europe. Elections européennes à venir. 2 CNN : « 5 of America’s fastest growing jobs pay less than $25,000 » (5 métiers en plein développement aux États-Unis rapportent moins de 25 000 USD), avril 2016. 3 USA Today : « The job juggle is real. Many Americans balancing two, even three gigs » (Le cumul d’emplois existe. De nombreux Américains ont deux, voire trois jobs.) , octobre 2016. Une situation inchangée ? 15 Loué soit l’immobilier américain Sandeep Bordia, Responsable recherche et analyse, Amherst Capital Management Alors qu’aux États-Unis, le secteur en plein essor de l’immobilier locatif suscite l’intérêt de nombreux investisseurs privés et institutionnels, Sandeep Bordia, d’Amherst Capital Management , se demande si cette croissance est durable. Le marché immobilier américain a connu un bouleversement sismique depuis la crise de 2008. D’après une étude réalisée par l’université Harvard en 20161, le taux national d’accession à la propriété a connu une baisse constante pendant 10 ans, reculant jusqu’à 63,7% en 2015. L’étude sur le taux de vacance des logements aux États-Unis montre que le nombre de ménages en location a augmenté de presque neuf millions entre 2005 et 2015 (cf. graphique ci-après). Cette tendance à la hausse de la demande locative a été accentuée par des évolutions démographiques qui ont vu une nouvelle génération de jeunes adultes et de familles incapables de financer l’achat de leur domicile. Des règles plus strictes pour le crédit hypothécaire, des prix immobiliers en hausse pour les propriétairesoccupants, des revenus nets stagnants et une aide fédérale aux bas revenus limitée ont contribué à stimuler la demande de logements locatifs, en résidence comme en maison individuelle (« single-family rental » ou SFR). D’après l’étude d’Harvard, l’incapacité de l’offre à satisfaire une demande en forte croissance a donné lieu à la plus longue période de resserrement du marché locatif depuis la fin des années 1960. Commentant les facteurs qui soutiennent la croissance du marché locatif, Sandeep Bordia ajoute que « si les principaux facteurs ayant stimulé le marché ces dernières années sont toujours en place, la hausse de la dette étudiante (qui a quadruplé en 13 ans2) est un facteur supplémentaire. » L’intérêt des institutionnels Une hausse de la demande de biens locatifs (notamment de maisons individuelles) et des performances solides ont attiré investisseurs particuliers et institutionnels. On estime que ces derniers représentent 1 Bloomberg : « Millions of Spenders Are Ready to Come Back From the Mortgage Crisis » (Des millions d’acheteurs prêts à faire leur retour après la crise hypothécaire), 7 juillet 2016. 2 FRBNY/Commission de crédit Equifax, au T1 2016. 16 Loué soit l’immobilier américain www.bnymellonimoutlook.com actuellement 1 à 1,5% du marché. Or, la demande pour les maisons individuelles continue de croître, et le nombre moyen de nouvelles locations a augmenté de 770 000 par an depuis 2004. Les investisseurs institutionnels ont divers moyens d’accéder au marché, tels que l’achat de maisons destinées à la location, ou l’investissement dans des programmes de titrisation adossés à ces mêmes biens immobiliers. Les institutionnels bénéficiant d’économies d’échelle, d’une couverture géographique et de moyens financiers significatifs, Sandeep Bordia estime que leur part est clairement destinée à augmenter. « Ils ont accès à des lignes de financement moins coûteuses et mieux adaptées. Et la plupart des activités SFR gérées par des institutionnels ont également beaucoup investi dans les infrastructures et la technologie, ce qui les aide tout au long du cycle de vie de leur portefeuille immobilier, depuis l’acquisition jusqu’à la maintenance et aux réparations. » « La diversification géographique est un autre atout. Il est plus facile pour les institutionnels de procéder à une répartition géographique de leurs investissements en fonction de là où le couple risque/rendement est le plus attrayant. » Concernant le marché immobilier américain, Morningstar estime que la titrisation multi-emprunteurs, incluant les prêts accordés à un emprunteur unique pour acquérir un bien, soutiendra la croissance à long terme des émissions liées au marché de la location de maisons individuelles. La société d’analyse ajoute que la couverture des flux de trésorerie liés au service de la dette demeure robuste, tandis que les taux d’impayés sont faibles et les taux de vacance et de rétention en ligne avec ses dernières prévisions. Répartition régionale À propos de l’appétit des institutionnels pour les biens locatifs aux États-Unis, Sandeep Bordia note que ces derniers, au-delà des grandes villes, s’intéressent au potentiel de villes moins importantes, où la demande est forte. « Ils ont été plus actifs dans certaines villes spécifiques et à proximité des centres urbains. Ils ne se limitent pas à New York et San Francisco, mais sont présents à Minneapolis, Denver ou encore Nashville. Ce ne sont pas les plus grandes métropoles, mais elles peuvent offrir un risque en capital plus faible. » Avec une demande en progression constante, le gérant d’Amherst reste optimiste pour 2017. Cependant, il demeure attentif aux risques potentiels. « Si nous prévoyons une performance proche de 10% l’année prochaine (sans effet de levier), aucune classe d’actifs n’est à l’abri du risque. « Le risque qui menace réellement le marché est celui d’une récession majeure. Cela étant dit, nous ne détectons aucun risque de récession immédiate à l’horizon. » Si quelques titrisations privées ont récemment été observées sur le marché du crédit hypothécaire, Sandeep Bordia juge peu probable le retour des stratégies à haut risque, qui avaient écorné l’image des investisseurs et des entreprises à la fin des années 2000. « Les quelques titrisations privées que nous avons observées étaient d’excellente qualité et concernaient des montants annuels d’émissions inférieurs à quelques milliards de dollars (pour un marché dont le stock d’émissions atteignait 2 500 mds USD à son apogée). Depuis la crise financière, une nouvelle règlementation très fournie a été mise en place, et l’appétit pour les types d’investissements les plus risqués, qui étaient alors monnaie courante, est désormais presque inexistant. » LA LOCATION A PROGRESSÉ CES DERNIÈRES ANNÉES TANDIS QUE LA PROPRIÉTÉ STAGNAIT Croissance annuelle moyenne des ménages (millions) 1,4 1,2 À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 1,0 0,8 Politique économique du nouveau gouvernement américain. 0,6 0,4 Possibilité de resserrement des taux par la Fed. 0,2 0,0 -0,2 -0,4 Demande locative. 2001-2003 Locataires 2004-2006 2007-2009 2010-2012 2013-2015 Propriétaires Source : Tableau JCHS du US Census Bureau, étude sur le taux de vacance. Loué soit l’immobilier américain 17 États-Unis : retour à l’actionnaire John Bailer, Gérant des valeurs de rendement américaines, The Boston Company Asset Management Le marché américain est tout aussi connu pour ses rachats d’actions que pour ses distributions de dividendes. John Bailer, Gérant spécialisé sur les valeurs de rendement américaines chez The Boston Company, analyse l’évolution des dividendes aux États-Unis et décrypte ce à quoi les investisseurs en quête de revenus peuvent s’attendre au cours de l’année à venir. Quelles difficultés les entreprises affronteront-elles en 2017 ? Dans un contexte de vive inquiétude, les investisseurs en quête de « valeurs sûres » privilégient souvent les actions à dividende. Cette préférence explique probablement la valorisation élevée atteinte par certaines valeurs. En effet, à titre d’exemple, le secteur américain des services aux collectivités affichait des PER de 18,2 durant l’été 2016, après un pic de volatilité dû au Brexit1. Souvent qualifiées de « quasi-obligations », ces grandes capitalisations défensives sont privilégiées pour leurs profils de rendements élevés, alors même que la part du marché obligataire s’échangeant à des rendements négatifs atteignait 12 000 mds USD en octobre 20162. Toute la question est de savoir si ces actions seront capables de continuer à séduire en 2017 et si les taux de distribution actuels peuvent être maintenus dans la durée. La moyenne historique du taux de distribution du S&P 500 est de 57,3%, avec un point haut à 90,1% atteint durant les années 19303. Dans les années 1970, 80, 90 et 2000, le taux de distribution moyen est tombé nettement en-dessous de cette moyenne de long terme, les rachats d’actions étant plutôt la règle, comme le note John Bailer, gérant chez The Boston Company Asset Management. « Le taux de distribution actuel est d’environ 45%, encore loin de la moyenne historique. La culture du rachat a été en partie soutenue par la fiscalité : les plus-values étaient en effet imposées à un taux inférieur et les entreprises avaient donc plutôt intérêt à racheter leurs actions. » « L’autre facteur important a été la rémunération des dirigeants, reposant fortement sur des systèmes de stock-options. Dans ce cas, le versement de dividendes entraîne une diminution de la valeur de l’action. Des dirigeants rémunérés surtout en stockoptions ont donc plutôt intérêt à racheter les actions de leur entreprise. » Modifier le système de rémunération des dirigeants Selon John Bailer, les éléments constituant la rémunération des dirigeants ont été modifiés depuis la crise financière, et les comités de direction commencent à attribuer une part plus élevée sous forme d’unités d’actions restreintes. « Cela a amené les dirigeants à combiner rachats d’actions et versements de dividendes, et c’est la raison pour laquelle nous observons une évolution progressive en faveur de la seconde solution. » Les équipes de direction ont constaté que les entreprises qui affichent des taux de distribution 1 FactSet, 31 juillet 2016. 2 Bloomberg, 2 octobre 2016. 3 Ned Davis Research – moyenne historique pour la période du 31 mars 1926 au 31 décembre 2015. 18 États-Unis : retour à l’actionnaire www.bnymellonimoutlook.com GRAPHIQUE N°1 : TAUX DE DISTRIBUTION DU S&P 500 Décennie 1930s 1940s 1950s 1960s 1970s 1980s 1990s 2000s Taux de distribution moyen 90,1% 59,4% 54,6% 56,0% 45,5% 48,6% 47,6% 35,3% MOYENNE HISTORIQUE = 57,3% TAUX DE DISTRIBUTION ACTUEL = 45,5% Source : Strategas Research Partners, 1930-2009, Ned Davis Research pour la moyenne historique (voir note de piedde-page) et TBCAM pour le taux de distribution actuel, au 31 décembre 2015. élevés ont été mieux valorisées par le marché. Selon J. Bailer, cela les a incitées à revoir leur politique de dividendes. De plus, le contexte actuel de croissance faible a incité les entreprises à faire preuve de plus de prudence en matière d’investissement et de développement de leurs capacités de production. Elles disposent actuellement de plus de 4 000 mds USD de liquidités sur leurs bilans4, soit largement de quoi rémunérer les actionnaires. En 2016, les entreprises ont été généreuses : les dividendes du S&P 500 ont augmenté de 5,2% sur un an au troisième trimestre, le rendement de l’indice atteignant 2,1%5. J. Bailer estime que si la perception du marché évolue et que la croissance économique américaine devient plus robuste, les investissements des entreprises pourraient augmenter. Cependant, ce ne serait sans doute pas au détriment des dividendes. « Je pense que plus les entreprises investiront, plus elles renonceront aux rachats d’actions. Elles chercheront à tout prix à éviter de réduire leurs dividendes, car cela constitue un véritable tabou pour le marché, et entraîne en général une baisse du cours de l’action. » Il considère que le taux de distribution actuel du S&P 500 est loin d’être excessif et n’anticipe pas de diminution en 2017. Analyse sectorielle « Je ne pense pas que la réduction des dividendes constitue une réelle menace au sein de la plupart des secteurs. Certains segments, comme ceux des prospecteurs et producteurs d’énergie, ou des propriétaires d’infrastructures liées à l’énergie, ont réduit leurs dividendes après la baisse des cours du pétrole. Selon moi, ce mouvement est terminé. » GRAPHIQUE N°2 : FINANCIÈRES PAR RAPPORT AUX SERVICES AUX COLLECTIVITÉS Rendement du dividende Performance depuis le début de l’année Taux de croissance du dividende anticipé sur 3 ans Taux de croissance du dividende sur 3 ans Prix/bénéfices (N+2) Prix/valeur comptable Services aux collectivités – Utilities Select Sector SPDR Fund (XLU) 3,4% 3,6% 9,9% 21,0% 11,9x 1,2x 3,3% 22,4% 5,5% 4,9% 18,2x 2,0x Source : FactSet, 31 juillet 2016. D’autre part, le gérant estime que le secteur financier est un terrain de jeu intéressant, et qu’un gérant actif peut dénicher de la valeur dans des actions distribuant des dividendes élevés (voir graphique n°2). « Le marché continue de considérer les financières comme risquées et reste sceptique après les excès de la crise. Les valorisations de nombreux établissements financiers sont à leur plus bas niveau historique et, tandis que les gouvernements imposent des niveaux de capitalisation plus élevés aux banques, elles accordent depuis 5 ans les meilleurs prêts possibles. Or, les investisseurs gardent uniquement à l’esprit les réductions de dividendes décidées dans le sillage de la crise financière mondiale. » John Bailer note cependant que le ratio des capitaux propres tangibles (ratio TCE – une mesure des pertes qu’une banque peut supporter avant que ses capitaux propres ne soient effacés) pour les financières est à son niveau le plus élevé depuis 1930. Selon lui, les bilans sont donc « extrêmement robustes ». De fait, les stress tests menés par la Fed montrent que le secteur bancaire serait en mesure de résister aux turbulences les plus graves. Considérations fiscales Si le nouveau président, Donald Trump, parvenait à faire voter une amnistie fiscale, ce serait une aubaine supplémentaire pour le taux de distribution de dividendes en 2017. « D’après certains rapports, les entreprises américaines détiennent plus de 2 100 mds USD de bénéfices à l’étranger. Si ne serait-ce qu’une fraction de ce montant revenait aux États-Unis, elle serait certainement distribuée sous forme de dividendes, et le secteur des fusions et acquisitions en profiterait également », explique John Bailer. À plus long terme, il espère que Washington s’attellera à la baisse du taux d’imposition des bénéfices, aujourd’hui à 35%. « Nous pensons que ce problème va au-delà des considérations partisanes et qu’il doit être réglé. » 4 Soldes de trésorerie (et instruments court terme assimilés) tirés des bilans du S&P 500, 30 septembre 2015. 5 Evercore, 4 octobre 2016. Valeurs financières de rendement (dont REITs) Le secteur des technologies pourrait connaître une augmentation des dividendes si la réforme fiscale venait à être adoptée. À l’instar des autres secteurs, John Bailer souligne que les dirigeants du monde de la technologie privilégient de plus en plus la rémunération sous forme d’actions restreintes. Il espère donc un accroissement des dividendes dans ce secteur. J. Bailer remarque aussi que la pérennité reste essentielle en matière de distribution de dividendes. Cependant, des taux de distribution élevés ne doivent pas forcément inquiéter. « Dans certains cas, des taux de distribution de 90% peuvent s’avérer viables : les REITs, par exemple, ont vocation à reverser une large proportion de leurs bénéfices, et certaines entreprises de services aux collectivités peuvent également soutenir de tels niveaux. L’important est de savoir si les investisseurs croient en la capacité de l’entreprise à générer suffisamment de liquidités de manière récurrente. » En 2017, selon John Bailer, les principales difficultés pourraient venir d’un recul supplémentaire des prix de l’énergie, qui pourrait amener plus d’entreprises du secteur à réduire leurs dividendes. Cependant, ce n’est pas son scénario de base. « Je pense que ce mouvement a déjà eu lieu en 2016, et que les autres secteurs aux États-Unis sont plutôt en bonne santé. » À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 Amnistie fiscale pour les rapatriements de bénéfices. Robustesse et pérennité des dividendes dans le secteur financier. Progression des distributions de dividendes et recul des rachats d’actions. États-Unis : retour à l’actionnaire 19 Miyuki Kashima, Responsable de la gestion actions japonaises chez BNY Mellon Asset Management Japan La leçon japonaise Selon Miyuku Kashima, de BNY Mellon, les investisseurs qui aspirent à de la stabilité pourraient avoir intérêt à se tourner vers le Japon en 2017. L’année à venir semble, en effet, prometteuse pour la troisième économie mondiale. 20 La leçon japonaise www.bnymellonimoutlook.com Pour les investisseurs, le Japon peut sembler paradoxal. En effet, ce pays, qui a enduré deux décennies de stagnation économique, reste pourtant la troisième économie mondiale. Sa population vieillit très rapidement comparé aux autres pays développés, mais le Japon reste un leader mondial dans la robotique et la technologie. Son économie domestique représente environ 85% du PIB, mais les investisseurs internationaux conservent l’image d’un pays exportateur avantagé par sa devise. Pour Miyuku Kashima, Responsable de la gestion actions japonaises chez BNY Mellon Asset Management Japan, ces perceptions très répandues sont importantes, mais passent à côté de l’essentiel. Ayant connu sa propre bulle spéculative, puis son explosion et ses conséquences à la fin des années 90 (ainsi qu’un quart de siècle de croissance atone), le Japon a une expérience à partager avec les responsables politiques du reste du monde, confrontés aux retombées de la crise financière mondiale. Prenons l’exemple de la relance budgétaire. À Washington et ailleurs, tandis que l’efficacité de l’assouplissement monétaire est de plus en plus remise en question, les responsables politiques se demandent siles dépenses d’infrastructure pourraient relancer la demande. Les États-Unis ont déjà dépensé 48,1 mds USD dans les infrastructures via l’American Recovery and Reinvestment Act de 2009, et 73 mds USD d’engagements supplémentaires sont d’ores et déjà prévus.1 Cependant, la question de l’efficacité de ces dépenses perdure. La gérante estime que le Japon possède sa propre expérience sur la question. Entre 1991 et fin 2008, le pays a consacré 6 300 mds USD aux investissements publics dans le secteur de la construction2. C’est une somme hallucinante qui a, selon les critiques, fait du Japon l’économie développée ayant le niveau d’endettement public le plus élevé au monde. Ces dépenses n’ont pas rendu le pays plus dynamique, bien au contraire.3 Cependant, d’après M. Kashima, c’est grâce à ce programme de dépenses que le Japon occupe le 5ème rang mondial pour les infrastructures, et même le premier rang pour les infrastructures ferroviaires.4 De manière plus importante, il faut se demander dans quelle mesure ces dépenses massives ont permis d’unifier la société dans les périodes difficiles. « Cette question est pour moi l’une des grandes inconnues. Que serait devenue notre société si tous ces emplois n’avaient pas été créés ? Que serait-il advenu de la cohésion sociale ? On peut facilement dénoncer les sommes engagées mais, sans ces dépenses, le Japon aurait-il profité des hauts niveaux de stabilité économique et sociale qu’il connaît aujourd’hui ? Cette question me semble fondamentale pour les autres pays dans le contexte de l’après crise financière. » La même idée (le sentiment que le Japon a déjà dû gérer ce type de situations) est applicable à la sphère politique. Selon M. Kashima, le retour au pouvoir du Premier ministre Shinzo Abe en 2013 a constitué un tournant. C’était la première fois qu’un ancien Premier ministre revenait au pouvoir depuis 1948, fait d’autant plus remarquable que pas moins de sept Premiers ministres se sont succédé entre 2006 et 2013. Cet événement a également marqué le retour aux affaires du Parti libéral démocrate (PLD) après une traversée du désert de trois ans, sa seconde absence du pouvoir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’après M. Kashima, « après le désastre économique et la morosité du début des années 2000, les électeurs japonais voulaient essayer une autre voie. Ils ont provoqué une rupture en installant le Parti démocrate du Japon (PDJ) au pouvoir à la place du PLD. Déçus, ils se sont retournés vers le parti dominant. Vu de l’extérieur, il n’est pas extravagant d’affirmer qu’une situation similaire est aujourd’hui observable dans le reste du monde. En ce sens, le Japon offre aujourd’hui une oasis de stabilité dans un environnement mondial de turbulences politiques. » Parallèlement, la réélection de Shinzo Abe lui permet de poursuivre « Abenomics », son programme éponyme de réformes économiques. M. Kashima remarque que malgré des commentaires négatifs, la politique Abenomics tient une partie de ses promesses. Les données récentes jettent un éclairage positif sur l’économie japonaise : le PIB nominal a enregistré une croissance annuelle positive pendant 13 trimestres consécutifs. L’emploi et les chiffres de la production industrielle sont également encourageants.5 Cependant, la politique Abenomics n’est pas pour autant sans défaut. Selon M. Kashima, « on peut évidemment arguer que le gouvernement n’atteint pas ses objectifs de croissance, ou que les entreprises n’investissent pas suffisamment. Mais cela revient à passer à côté de l’essentiel. Le simple fait que le gouvernement ait fixé un objectif de croissance (pour la première fois depuis les années 1960) est remarquable en soi, et je suis surprise qu’on évoque aussi peu ce sujet. Afficher un objectif de croissance officiel requiert beaucoup de courage de la part d’un gouvernement, car son action en devient mesurable. Viser haut me semble parfaitement justifié. Même si l’objectif n’est pas atteint, le gouvernement fera probablement tout ce qui est en son pouvoir pour éviter une nouvelle diminution du PIB. » Pour l’avenir, la gérante reste optimiste sur les perspectives de l’économie. Elle note que, si le renforcement du yen a marqué les esprits, l’essentiel n’est pas là. « Les investisseurs qui abordent le Japon en accordant une place centrale à sa devise négligent une réalité bien plus importante : une économie domestique performante selon ses propres modalités, abritant des entreprises qui offrent des performances attractives aux investisseurs internationaux, indépendamment du comportement de sa devise. » À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 Amélioration du PIB nominal. Chiffres de l’emploi positifs. Renforcement du yen. 1 City Journal : « Si l’on construit… », été 2016. 2 The New York Times : ‘« Les leçons de la relance par les grands travaux au Japon », 5 février 2009. 3 City Journal : « Si l’on construit… », été 2016. 4 Forum économique mondial : «Palmarès de la compétitivité », 26 septembre 2016. 5 Japan Macro Advisors, Trading Economics, 24 octobre 2016. La leçon japonaise 21 Paul Lambert, Responsable gestion devises, Insight Devises : alerte volatilité Malgré le déluge d’événements ayant entraîné de fortes fluctuations sur les marchés l’an dernier, les marchés des changes ont bien résisté. Ce constat incite de nombreux investisseurs à anticiper une poursuite de cet environnement faiblement volatil au cours des prochains mois. Or, il existe des raisons de tabler sur un fort regain de volatilité en 2017, et ainsi d’un retour des tendances antérieures sur les marchés des changes. Les investisseurs présents sur les marchés des changes ont fait preuve de sang-froid durant les événements majeurs qui ont marqué 2016, à l’instar de la tentative de coup d’État en Turquie, de la montée du populisme en Europe et aux États-Unis et des politiques divergentes des grandes banques centrales. La livre sterling a fait figure d’exception. La monnaie britannique s’est repliée à son plus bas niveau depuis 31 ans face au dollar après le vote du Brexit en juin. L’indice Deutsche Bank Currency Volatility, qui reflète les anticipations de volatilité des devises, a également évolué sans tendance claire durant l’année, générant une performance relativement étale en 2016. La volatilité implicite est restée faible, malgré des événements qui, en temps normal, auraient provoqué des chocs importants. À l’approche de 2017, nous pensons que les problèmes qui ont marqué le début de cette année 2016 n’ont pas été réglés, mais seulement remis à plus tard. Les obligations, déjà pleinement valorisées début 2016, le sont encore plus et les actions sont quant à elles survalorisées. Les gains ainsi enregistrés reposent sur 22 Devises : alerte volatilité un taux d’escompte toujours plus bas et une hausse continue des multiples. Les perspectives de croissance conditionneront en grande partie l’évolution des marchés. Il semble que la croissance mondiale s’accélère, mais le récent rebond s’explique davantage par des effets saisonniers. Certains indicateurs laissent également entrevoir une reprise de l’inflation. Un rebond de la croissance réelle soutiendrait les cours des actifs risqués. De la même manière, cela pousserait à la hausse les taux d’intérêt réels et le cours du dollar, notamment face aux devises moins rémunératrices. En revanche, un rebond de l’inflation plus fort que prévu inciterait les banques centrales à durcir leurs politiques monétaires, ce qui compromettrait ce scénario. Le cas échéant, les actifs risqués verraient leurs cours baisser et il est fort à parier que le dollar progresserait face aux devises à fort bêta. La performance du dollar face aux devises peu rémunératrices dépendra de la perception du marché quant à l’avancée du processus de normalisation de la Fed, et notamment le fait de savoir si la banque centrale est en avance ou en retard sur la courbe. www.bnymellonimoutlook.com est fort à parier que ces deux scénarios se traduiront par un regain de volatilité sur le marché des changes. Dans un cas comme dans l’autre, un regain de volatilité pourrait survenir et offrir des opportunités intéressantes, à mesure que de nouvelles tendances émergent. La correction des marchés des changes et l’épisode de faible volatilité pourraient se poursuivre en 2017 en cas de ralentissement de la croissance et d’atonie de l’inflation. Il convient d’évoquer la stabilité de la croissance américaine et de la politique de la Fed. La croissance s’est révélée suffisamment forte pour réduire l’écart de production, quoiqu’à un rythme assez lent. Par ailleurs, le risque d’une inflation trop faible est plus important que le risque d’une inflation trop forte. C’est la raison pour laquelle les autorités monétaires ne sont pas intervenus, portés par l’espoir de voir le taux d’inflation dépasser l’objectif d’inflation. Toutefois, à mesure que le temps passe, nous nous rapprochons du moment où celles-ci devront tenter d’endiguer la croissance pour mettre un terme au resserrement du marché de l’emploi. Le bon timing de ce changement de cap est un exercice périlleux. Un resserrement trop brutal des politiques monétaires pourrait provoquer un ralentissement, et un resserrement timoré pourrait provoquer une hausse de l’inflation et obliger les autorités à resserrer par la suite leurs politiques monétaires, peut-être plus fermement. Il Si l’on laisse de côté la question de la volatilité, il convient de se demander quelles seront les conséquences de l’abandon de politiques monétaires expansionnistes au profit de politiques de relance budgétaire. L’adoption de mesures de relance budgétaire permettrait notamment à la zone euro de mieux lutter contre le ralentissement économique. Toutefois, la construction politique de la zone euro et l’équilibre entre les pays qui jouissent de la marge de manœuvre nécessaire pour adopter des mesures d’assouplissement budgétaire et ceux qui doivent le faire signifient que la BCE devra probablement s’attacher à soutenir la monnaie unique à court terme. En revanche, l’impératif commandant à la Fed et la Banque d’Angleterre d’abandonner leurs politiques d’assouplissement pour des politiques de relance budgétaire semble moins pressant. Cette réorientation serait toutefois plus facile à faire passer sur le plan politique. Tout pays qui abandonnerait sa politique d’assouplissement monétaire au profit d’une politique d’assouplissement budgétaire verrait le cours de sa monnaie rebondir. Statut de monnaie de réserve pour le yuan ? En 2017, les investisseurs auront à cœur de savoir si la croissance chinoise se poursuivra sur le même rythme. En matière de devises, le corollaire de cette question est de savoir si le yuan poursuivra son ascension vers le statut de monnaie de réserve. L’inclusion du yuan dans le panier des droits de tirage spéciaux du FMI en 2016 a clairement renforcé le statut de la devise. Nous pensons que le yuan gagnera en importance en tant que monnaie d’échange, quand bien même le dollar ne souffre d’aucune contestation quant à son statut de première monnaie de réserve mondiale. L’euro, la livre sterling et le yen font également partie des paniers de réserve de nombreuses banques centrales, mais leur poids reste relativement faible par rapport à celui du dollar. La libéralisation du compte de capital de la Chine et l’ouverture des marchés de capitaux aux investisseurs internationaux devraient permettre au yuan de continuer à se développer comme unité d’échange internationale. Il ne fait aucun doute que de plus en plus de banques centrales intègreront le yuan dans leurs paniers de réserve au fil du temps, mais il est fort à parier que le poids de la monnaie chinoise au sein de ces paniers restera limité dans les années à venir. Les devises des autres marchés émergents ne connaissent pas toutes des sorts similaires. Certains pays émergents, comme le Chili, sont d’importants exportateurs de matières premières. Leurs monnaies fluctuent donc en fonction des variations de leurs termes d’échange, lesquelles résultent des variations de prix des matériaux de base. D’autres marchés émergents, comme la Corée du Sud, n’exportent pas beaucoup de matières premières. Les cours de leurs monnaies fluctuent donc en fonction d’autres facteurs. La volatilité des cours des matières premières et les événements politiques qui secoueront le Brésil et l’Afrique du Sud dans les prochains mois conditionneront probablement l’évolution des cours des devises émergentes. Malgré la grande diversité des thèmes qui influent sur ces devises, l’importance des flux d’investissement vers ces marchés a poussé la plupart des devises à la hausse. Nous pensons que si la Fed décide de relever progressivement ses taux dans un contexte de raffermissement de la croissance mondiale, la tendance haussière observée sur les marchés émergents depuis quelques temps se poursuivra. En revanche, si la Fed procède à des hausses de taux plus importantes qu’attendu, en particulier si cette décision est motivée par une hausse de l’inflation, cela pourrait peser sur les performances de ces marchés. À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 Regain de volatilité sur le marché des changes. Le rythme de normalisation de la politique monétaire de la Fed aura un impact sur les devises émergentes. Devises : alerte volatilité 23 Émergents : lost in transition ? Face à la résurgence des barrières douanières dans le monde, aux incertitudes entourant la direction des taux américains et la croissance chinoise, l’année 2017 pourrait s’avérer décisive sur les marchés émergents. Rob MarshallLee, Responsable actions émergentes et asiatiques chez Newton, met en lumière les potentiels gagnants et perdants de 2017. Rob Marshall-Lee, Responsable actions émergentes et asiatiques, Newton Parmi les facteurs spécifiques et potentiellement source de disruption qui persistent sur les émergents, il convient de souligner le processus de rééquilibrage en cours au profit de moteurs de croissance internes. Ce phénomène est particulièrement marqué en Chine, où l’économie a déjà amorcé sa transition vers une économie davantage basée sur la consommation et les services. Pour le moment, cette transition reste très irrégulière, avec des phases de ralentissement donnant lieu de la part du gouvernement à de nouveaux ajustements de la politique monétaire, et plus récemment de la politique budgétaire. Un tel soutien engendre un coût significatif, clairement illustré par l’envolée du poids de la dette en Chine. Le ratio dette/PIB a bondi de 147% en décembre 2008 à 255% récemment1. La Banque des règlements internationaux a sonné l’alarme, en indiquant que la Chine se dirigeait tout droit vers une crise financière2. Toutefois, force est de constater que la croissance du secteur des services a été particulièrement robuste, malgré le ralentissement observé dans des secteurs plus consommateurs de capital. Bien qu’il puisse être tentant de se tenir à l’écart de la Chine dans la construction d’une exposition aux émergents, une telle approche comporte également le risque de passer à côté d’opportunités de croissance structurelle. Les entreprises dans les secteurs de la santé et de l’internet semblent les plus attrayantes. En Inde, les réformes engagées sont très prometteuses et devraient contribuer à soutenir la croissance ces 10 prochaines années. On relève une forte hausse de la demande de biens d’équipement, tandis que les consommateurs indiens ne sont pas restreints par un endettement élevé. Il existe également un potentiel de rattrapage en termes de productivité, grâce à l’assouplissement réglementaire et au retrait de lois coûteuses. Le recul du sentiment des investisseurs à l’égard des matières premières et des économies liées s’est reflété dans l’évolution des flux d’investissement à destination des marchés émergents. Cela pourrait par extension avoir un impact sur les valorisations de l’ensemble des actions de la région. Une telle tendance risque également d’affecter des placements qui restent par ailleurs attrayants. À titre d’exemple, la plupart des actions indiennes bénéficient de la baisse du cours du pétrole, qui profite également à la devise locale. Or, cet effet sur les valorisations semble en passe de s’inverser depuis des niveaux très faibles. Une dépendance aux matières premières En 2017, une approche utile pour différencier les marchés émergents devrait rester la distinction opérée entre les pays dépendants des matières premières et ceux portés par leur secteur manufacturier. L’offre de matières premières est actuellement excédentaire, et les cours ne devraient pas afficher une hausse comparable à celle des années 2000, malgré un rebond à court terme lié à la relance chinoise. Le marché haussier des matières premières a pris le relais d’un marché baissier qui durait depuis les années 1980. Selon nous, ce scénario ne risque pas de se répéter compte tenu des investissements massifs dans la production de matières premières, telles que le minerai de fer, dont les exportations australiennes ont été quasiment multipliées par 7 depuis 2000. 1 Financial Times : « China financial stress indicator hits record high » (L’indice de stress financier de la Chine atteint un record), 19 septembre 2016. 2 Bloomberg : « Warning indicator for china-banking-stress-climbs-to-record » (L’indice d’alerte de stress du système bancaire chinois bat un nouveau record), 19 septembre 2016. 24 Émergents : lost in transition ? www.bnymellonimoutlook.com La durée du récent boom et les mauvaises décisions d’allocation du capital qui en ont résulté devraient prendre un certain temps avant de se résorber au sein des pays concernés, ce qui rendra d’autant plus douloureux tout ajustement à ce nouvel environnement. Par exemple, le déficit budgétaire du Brésil, important producteur de matières premières, s’élève à 9,6% du PIB, ce qui laisse penser que les risques macroéconomiques à moyen terme seraient plus importants que ne semblent le penser les investisseurs. Place aux jeunes Les tendances démographiques sont loin d’être uniformes à travers le monde émergent, et de ces différences peut naître un avantage économique. Il existe en effet un potentiel significatif de croissance future au sein des pays qui enregistrent une hausse de la part des jeunes dans leurs populations, qui sont autant de futurs consommateurs. Ce constat s’oppose à la situation du monde développé, qui subit un rétrécissement de sa population active. Les Philippines anticipent ainsi une croissance de plus de 30% de leur population active d’ici 20353. Le pays devrait être en mesure de générer des gains de productivité et d’accroître la richesse de ses consommateurs. En outre, les niveaux nettement moins élevés de dette par rapport à la moyenne historique du monde émergent devraient contribuer à préserver les moteurs de croissance interne contre les chocs externes. Bien que le Nigéria et le Kenya devraient également bénéficier d’une forte croissance de leur population active, les pays asiatiques sont généralement plus attrayants en termes de couple rendement/ risque. Ce constat s’explique par le fait MARCHÉS ÉMERGENTS : UN POINT D’ENTRÉE ATTRAYANT ? Les valorisations restent proches de leurs plus bas de 2009 Ratio prix/valeur comptable 2,8 1,8 2,6 1,6 2,4 1,4 2,2 1,2 2,0 1,8 1,0 1,6 0,8 1,4 0,6 1,2 1,0 0,4 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 IBES MSCI EM – Ratio prix/valeur comptable IBES MSCI EM – Ratio prix/chiffre de ventes (échelle de droite) Ratio prix/chiffre de ventes La croissance rapide de la Chine et l’appétit vorace pour les matériaux de base ont été les moteurs qui ont alimenté le « super cycle » des matériaux industriels jusqu’en 2011. Les mesures de restriction qui sont intervenues à la suite du stimulus excessif post-crise et le ralentissement contrôlé de la croissance qui s’en est suivi se sont traduits par un effondrement des cours, qui ont retracé presque aussi vite qu’ils n’avaient rebondi. Ils se sont depuis quelque peu redressés face à l’amélioration à court terme des perspectives de croissance de la Chine. Cependant, ce redressement ne devrait être que temporaire et nous anticipons un nouveau repli des cours. Source : Thomson Reuters Datastream, en USD, au 25 août 2016. qu’à ce stade de leur développement, leur environnement politique et de gouvernance est de meilleure qualité. Il convient de noter que la Chine est souvent montrée du doigt pour sa population vieillissante. En réalité, la situation est nettement moins explosive sur le plan démographique que ne le laissait penser la politique de l’enfant unique. Contrairement aux schémas classiques, les catégories les plus jeunes de la population active gagnent généralement les salaires les plus élevés, tandis que les catégories plus âgées travaillent généralement dans des fermes. Le processus d’urbanisation est loin d’être terminé et permettra de compenser l’essentiel du déclin de la main d’œuvre urbaine. La mécanisation accrue des usines contribuera également à libérer de la main d’œuvre à l’avenir. Le défi technologique Pour compliquer un peu plus encore le tableau, il faut tenir compte d’une série de facteurs, qui ne sont pas réservés aux marchés émergents et qui comportent un potentiel de disruption. La technologie accélère le changement à travers le monde. Par exemple, la transition vers le cloud informatique pourrait avoir des retombées majeures non seulement sur les cadres moyens, mais également sur les avocats et les comptables, soit les catégories de travailleurs qui seraient dans le passé ressorties relativement indemnes face à de tels changements. Au sein du monde émergent, la robotisation accrue pourrait compliquer la donne pour les pays les moins développés. En effet, il pourrait devenir plus difficile pour ces pays de suivre la trajectoire économique classique de la transition d’une économie agricole fondée sur une main d’œuvre abondante et bon marché, vers un modèle manufacturier simple permettant de générer une croissance des revenus par habitant. Le changement s’accompagne toujours de gagnants et de perdants, et force est de constater que les perspectives pour les secteurs de l’e-commerce, du tourisme, de l’éducation et de la santé sont plutôt encourageantes au sein du monde émergent. En 2017, les investisseurs resteront confrontés à la question de savoir si le moment est opportun pour investir. Or, une analyse des outils de mesure à long terme sur l’ensemble du cycle économique, notamment les ratios prix/ valeur comptable, laisse penser que les valorisations sont attrayantes. Depuis la crise du tapering de 2013, les devises émergentes ont dans l’ensemble dévissé face au dollar US, alors que bon nombre des économies que nous privilégions bénéficient également d’une amélioration de leur balance externe. Cela laisse penser qu’un certain rééquilibrage vers un environnement monétaire moins accommodant au niveau mondial aurait d’ores et déjà eu lieu. Alors que nous anticipons un nouveau ralentissement de la Chine en 2017, nous sommes d’avis que les secteurs qui bénéficient de moteurs de croissance structurelle devraient surperformer les secteurs plus cycliques. À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 La capacité de la Chine à éviter un atterrissage brutal de son économie. Le cycle de taux d’intérêt aux États-Unis. Le retranchement des consommateurs au sein des pays dépendants des matières premières. 3 Newton, UN Population Information Network : ‘World Population Prospects: The 2015 Revision’ (Perspectives démographiques mondiales : révisions 2015), au mois d’avril 2016. Émergents : lost in transition ? 25 Zoom sur la dette émergente Colm McDonagh, Responsable dette émergente, Insight Javier Murcio, Gérant dette émergente, Standish Carl Shepherd, Gérant obligataire, spécialisé sur l’Amérique latine, Newton En 2016, la politique monétaire américaine et les prix des matières premières auront clairement mis un bâton dans les roues des marchés émergents. L’année 2017 auguret-elle de meilleures perspectives pour les investisseurs obligataires ? Les gérants de Newton, Standish et Insight font le point sur les opportunités que nous réservent les marchés émergents l’année prochaine. Quelles seront, selon vous, les principaux moteurs de performance des émergents en 2017 ? Javier Murcio : L’année dernière, la classe d’actifs a démontré sa capacité à générer des performances attrayantes sur des bases non plus seulement techniques, mais également fondamentales. Les perspectives des prix des matières premières se sont améliorées, et les émergents devraient parvenir à relancer leur croissance rapide en 2017. L’évolution des matières premières contribue en effet à la stabilisation des balances externes de ces pays. L’abaissement des taux début 2017 devrait constituer un facteur de soutien supplémentaire. Carl Shepherd : Le principal facteur de soutien devrait venir du fait que la croissance chinoise ressortira probablement supérieure aux attentes. Le raffermissement des cours du pétrole a également contribué à mettre un terme à l’effondrement des devises émergentes. Il ne s’agit peut-être pas en soi d’un moteur de performance, mais il s’agit clairement d’un facteur de stabilisation, qui contribue à rendre de nouveau le carry trade attrayant. Enfin, la réévaluation du rythme de la remontée des taux aux États-Unis devrait bénéficier aux émergents. Colm McDonagh : La croissance des émergents est orientée à la hausse, en particulier au sein de certains des principaux pays de la région. Ces derniers se remettent progressivement des chocs de croissance et certains ont engagé 26 Zoom sur la dette émergente une nouvelle salve de réformes. Le coût d’opportunité lié à un investissement sur les émergents est actuellement très faible. Ce facteur constitue clairement un moteur technique qui explique une partie des flux d’investissement en 2016. Devrons-nous compter avec le risque politique au cours de l’année à venir ? Si oui, quels pays/régions présentent les plus gros risques et pourquoi ? Javier Murcio : Au sein de notre univers d’investissement, il y a en permanence des élections quelque part. Le résultat des élections américaines a eu d’importantes retombées, en particulier en ce qui concerne la politique commerciale. Plusieurs élections sont attendues en Europe d’ici fin 2017, et le risque politique reste bien présent. L’implication de la Russie au Moyen-Orient pourrait également avoir des conséquences pour les pays d’Europe centrale et de l’Est ainsi que pour la Turquie par exemple. Enfin, le Brésil va devoir faire face à un vote essentiel au cours du premier semestre. Quant à l’Argentine, les élections locales permettront de jauger le soutien au gouvernement en place. Colm McDonagh : Le Brexit, les retombées de l’élection américaine, la poursuite du conflit au Moyen-Orient et l’état des relations entre la Russie et l’Occident sont autant de facteurs susceptibles d’affecter les marchés, et notamment les marchés émergents. Indépendamment de la grande variété des profils politiques propre au monde émergent, le cycle électoral actuel www.bnymellonimoutlook.com ne devrait toutefois pas générer autant de préoccupations qu’au sein des pays développés. Carl Shepherd : Le risque politique est indubitablement un facteur de poids mais l’essentiel se trouve dans le monde développé. Il faudra attendre 2017 pour mesurer l’impact des politiques engagées par le nouveau président américain sur la mondialisation et le libre-échange. La montée de l’extrême droite et des mouvements populistes a accru les tensions au sein de l’UE, tandis que les trois principales économies de la région devront faire face à des événements politiques majeurs : élections en Allemagne et en France, et le début des négociations sur le Brexit. En outre, le Japon et la Chine devront tous deux se prononcer sur la poursuite de leur politique monétaire actuelle ou la recherche de nouvelles alternatives. Un seul de ces éléments a le pouvoir de déclencher une vague de remontée de l’appétit ou l’aversion au risque, ou d’affecter en bien ou en mal le commerce mondial, l’investissement et la confiance des investisseurs. Les États-Unis pourraient-ils tourner le dos à la mondialisation. Quelles seraient les implications pour les émergents ? Javier Murcio : La pression politique est palpable, mais le libreéchange est fortement enraciné dans les pratiques commerciales des entreprises américaines. Et tout ne repose pas sur les Etats-unis. Plusieurs pays négocient actuellement des accords avec l’Europe et la Chine. Nous devrions également observer une poursuite de la montée en puissance de la Chine, au-delà de l’Asie. Par exemple, en Amérique latine, la Chine représente au moins un tiers des échanges commerciaux pour de nombreux pays. Ce constat repose certes sur l’influence des matières premières, mais également sur l’impact grandissant de l’investissement. Quelles sont les perspectives du marché primaire pour l’année à venir ? Pensez-vous que le rebond des matières premières affectera l’offre ? Javier Murcio : En 2016, le volume d’émissions a été inférieur aux attentes, et ce pour plusieurs raisons : certains pays sont capables de se préfinancer et n’ont pas besoin de se tourner vers les marchés. Les marchés locaux constituent à présent les principales sources de financement. Ces facteurs qui freinent l’émission sont partiellement compensés par le retour sur le marché d’acteurs de taille, tels que l’Argentine et l’Arabie saoudite, l’un des principaux temps forts de ces dernières années sur les marchés. Carl Shepherd : Le marché primaire devrait rester actif en 2017, mais de toute évidence, le volume d’émission sera moins élevé en cas de correction significative des prix des matières premières. Une nation dépendante du pétrole, qui viendrait à émettre des obligations dans un contexte de forte baisse des cours pourrait être assimilée à un signe de désespoir et nécessiter le soutien de contreparties ou de rendements accrus. De la même manière, un gouvernement disposant de réserves massives de change, tel que l’Arabie saoudite, peut se permettre de puiser dans ces ressources de financement, dans l’attente d’un rebond du cours du pétrole et dans l’espoir de voir chuter en conséquence ses coûts de financement. Colm McDonagh : Nous anticipons une hausse du volume d’émissions de dette souveraine, tandis que les entreprises devraient faire preuve de plus de retenue. Cela devrait contribuer à approfondir notre univers d’investissement et accéder à un plus large éventail d’opportunités. Par ailleurs, nous continuons d’assister à l’ouverture de nouveaux marchés. L’accès au marché local chinois s’améliore, et une tendance similaire devrait être observée sur le marché onshore des emprunts d’État indiens. Aux Émirats arabes unis, le marché de la dette en devise locale devrait poursuivre son développement, tandis que l’Argentine travaille actuellement sur la création d’une courbe de taux locale négociable. Quelles sont vos perspectives concernant les flux d’investissement ? Carl Shepherd : Les flux ont été particulièrement robustes sur la dette libellée en devise forte en 2016. Si la Fed conserve une position relativement accommodante en 2017, et en cas de stabilisation des cours des matières premières, je pense que les flux devraient rester soutenus, mais davantage orientés vers la segment en devise locale. L’univers de dette libellée en devise locale est plus profond, donc plus liquide et offre des notations supérieures. La dernière correction des marchés des matières premières a pénalisé les devises émergentes, malgré l’augmentation des anticipations inflationnistes. Par conséquent, on ne peut exclure une nouvelle série de remontées de taux sur les marchés locaux pour compenser cet effet. Colm McDonagh : Nous sommes convaincus que les flux marqueront leur grand retour sur la dette émergente. Selon nous, les mécanismes d’allocation sur ce segment sont en passe d’évoluer. On observe d’ores et déjà les signes d’un retour des investissements stratégiques à long terme. Toutefois, la plupart des institutionnels tentent actuellement de trouver un moyen d’accéder au marché obligataire émergent sans avoir à supporter la volatilité observée ces dernières années. Zoom sur la dette émergente 27 Vers l’infini et au-delà ? 28 Vers l’infini et au-delà ? www.bnymellonimoutlook.com Iain Stewart, Responsable de l’équipe Real Return, Newton Selon Iain Stewart, Responsable de l’équipe Real Return chez Newton, un interventionnisme plus marqué des États et le recours accru des gouvernements au financement bon marché de la dette publique semblent inévitables en 2017 et au-delà. Dans l’esprit des autorités monétaires, le passage de taux d’intérêt bas à des taux d’intérêt nuls, tout comme la transition de l’achat d’emprunts d’État (QE) à l’achat d’autres actifs, constituent une évolution logique et naturelle. Les distorsions causées par les politiques monétaires sont toujours clairement visibles sur les marchés. Quand les banques centrales relient explicitement la hausse des prix des actifs risqués à la prospérité, et offrent des financements bon marché et des taux de dépôt proches de zéro pour provoquer cette prospérité, les marchés s’empressent d’acquiescer. Le raisonnement des institutions monétaires s’est avéré totalement erroné au cours du dernier cycle. Assouplir les conditions de financement, relâcher les contraintes du crédit et stimuler les prix des actifs pourrait mécaniquement générer une hausse du pouvoir d’achat, et un cercle vertueux de hausse des dépenses et des revenus. Or, dans cette manipulation des prix des actifs, un point essentiel semble avoir été omis : dans les économies de marché, le prix est l’instrument de repère de l’activité économique. Le marché du crédit illustre les distorsions à l’œuvre. Selon Matt King, stratégiste crédit chez Citigroup1, depuis que les banques centrales achètent de larges montants de dette d’entreprise, les corrélations habituelles ont été complètement bouleversées. Distorsions et dysfonctionnement Les spreads de crédit ne s’élargissent plus en réaction à une hausse des défauts. Ils ne réagissent désormais ni à une hausse de l’endettement des entreprises, ni à une baisse des rendements des emprunts d’État, ni même à la montée de l’incertitude politique et économique. Ils ne dépendent que de la politique monétaire, ce qui génère un dysfonctionnement croissant. Les banques centrales ont beau nier que leurs politiques produisent des effets négatifs sur la stabilité financière, des distorsions similaires s’observent dans d’autres classes d’actifs, comme les actions et l’immobilier. Les anticipations reflétées dans les valorisations semblent s’être détachées d’une activité économique encore faible. D’autres interventions pourraient, en temps voulu, combiner des mesures monétaires et fiscales, où le peuple serait le bénéficiaire en lieu et place des banques. Une telle transition nécessiterait d’admettre qu’injecter de l’argent à travers le système financier enrichit les détenteurs d’actifs (ce n’est pas une surprise) et accentue les inégalités créées par la mondialisation. En ce sens, les ajustements politiques se reflètent dans le référendum au RoyaumeUni, la nature extraordinaire de la campagne présidentielle américaine, et la montée générale du populisme. 1C iti European Credit weekly : « Sept signes montrant que les marchés sont profondément dysfonctionnels », août 2016. Vers l’infini et au-delà ? 29 Des mesures non conventionnelles, censées n’être que temporaires, sont devenues permanentes. Les nouvelles potentiellement mauvaises pour les marchés financiers amènent toujours plus de mesures de relance et, de ce point de vue, le référendum britannique de juin 2016 ne fait pas exception. Les banques centrales avaient préparé des liquidités en prévision du vote du 23 juin 2016. des conditions de marché toujours plus souples favorisent aussi l’offre de biens et services. En réalité, il est très probable que la politique monétaire actuelle accentuent les difficultés des entreprises dans la fixation des prix et réduisent à néant les efforts pour relancer l’inflation. Autrement dit, le financement bon marché aurait à la longue davantage un effet déflationniste que reflationniste. Brexit, quel Brexit ? Le fait que le relâchement des conditions financières empêche les entreprises faibles de faire faillite illustre ce phénomène. À l’heure actuelle, sur le marché du crédit, la faiblesse des fondamentaux ne constitue pas un obstacle au financement bon marché. La quête désespérée de revenu a assoupli les restrictions incluses dans les conventions de prêt et a permis l’allongement des maturités. Des « zombies » peuvent désormais se financer sur des échéances longues. En outre, des conditions extrêmement souples altèrent leur comportement. Plutôt que de viser la maximisation des profits, ces « zombies » fixent des prix permettant d’augmenter leurs parts de marché et leurs cashflows. Dans un monde d’abondance, les entreprises saines doivent s’aligner sur ces prix ou accepter une chute de leur chiffre d’affaires. Les « montagnes russes » du Brexit (repli suivi d’une euphorie des marchés) ont amené certains commentateurs à déclarer prématurément que le Brexit était un succès. En réalité, il s’agit plus d’une distorsion politique des marchés que d’une évaluation rationnelle des effets inévitables du Brexit. Une bonne partie du rebond des indices britanniques n’est que le reflet de la dévaluation initiale de la livre sterling. Le Royaume-Uni semble engagé dans la voie d’une rupture totale avec l’UE d’ici 2019. Si la question du « quand » s’est un peu éclaircie, l’énormité de la tâche demeure décourageante, et les conséquences très incertaines. Quel que soit l’impact final, le Royaume-Uni risque à court terme fortement de s’appauvrir (en termes de PIB et de devise) et de connaître une volatilité économique accrue. À l’échelle internationale, le RoyaumeUni a toujours fait office pour le reste du monde de passerelle stable, anglophone et propice aux affaires vers le plus grand marché de consommateurs de la planète. Cela a généré des investissements qui ont permis de compenser le déficit chronique de la balance courante. Sans cette connexion avec l’Europe, il est clair que les entreprises internationales alloueront moins de capital au RoyaumeUni. Il faut s’attendre à des pressions supplémentaires sur la devise. Abondance La politique permettra peut-être d’anticiper la demande future, mais 30 Vers l’infini et au-delà ? Évolution technologique Si l’évolution technologique est à l’abri des machinations monétaires, la politique actuelle est en mesure d’accélérer l’ampleur de la rupture. Dans un monde qui se bat pour générer de la croissance, nous observons une lutte de plus en plus acharnée pour investir dans des entreprises en croissance. Des cycles de financements de plus en plus importants, à des valorisations toujours plus élevées, étendent rapidement les effets du changement technologique. Les consommateurs profitent de biens et services de meilleure qualité, et souvent à moindre coût. Mais cela pose un défi en termes de capital et d’emploi pour les entreprises déjà installées. Ici encore, la conséquence est une perte de la capacité à fixer les prix dans ces deux domaines. La devise de référence des investisseurs va sans doute jouer un rôle plus important, même si les effets d’une politique monétaire agressive sur les taux de change réduit la capacité à prendre fermement position. L’incitation irrésistible à faire « plus » et le besoin de maintenir des rendements réels très bas (à cause des niveaux de dette) rendent l’exposition aux métaux précieux attrayante. Le contexte de croissance fragile et difficile, ainsi que l’environnement de prix soulignent l’importance de la génération de cash-flows, de la solidité des bilans, et de la capacité à maintenir ses prix, ou à s’adapter à des prix plus bas. Nous pensons que les entreprises capables de se maintenir sans l’aide d’une hausse cyclique généralisée de la demande devraient mieux se comporter que les autres. Si les valorisations sont devenues plus exigeantes pour de nombreuses actions « quasi-obligations » distribuant des revenus réguliers, l’absence de déclencheur pour une hausse significative des rendements obligataires suggère que ce différentiel pourrait se maintenir. À défaut d’un changement majeur dans l’environnement de marché, nous pensons que la tendance à une manipulation sans cesse accrue des marchés financiers risque de connaître une issue chaotique, ce qui modère notre approche du risque. À SURVEILLER DE PRÈS EN 2017 Transition vers une politique budgétaire. Nouvel affaiblissement de la livre sterling. Persistance de l’appétence des investisseurs pour les entreprises en croissance, soutenue par le contexte de faibles rendements. À propos de BNY Mellon Le modèle multi-boutiques de BNY Mellon rassemble les talents de 13 gestionnaires spécialisés, tous leaders dans leur domaine respectif. Chaque filiale se concentre exclusivement sur la gestion d’actifs, à partir d’une philosophie et d’un processus d’investissement uniques. Amherst Capital est une société spécialisée dans l’immobilier. Elle propose une gamme complète de solutions d’investissement immobilier aux investisseurs à travers le monde, aussi bien privés qu’institutionnels. The Boston Company est une société de gestion mondiale proposant une importante gamme de stratégies d’investissement actives, spécialisées dans les actions et centrées sur la recherche fondamentale, dont des portefeuilles traditionnels long-only et des investissements alternatifs. Insight est une société de gestion d’actifs basée à Londres et spécialisée dans les solutions obligataires, de gestion actif/passif et de performance absolue. Depuis 30 ans, Mellon Capital est largement reconnu comme l’un des pionniers de l’application au processus d’investissement des théories modernes relatives aux portefeuilles et aux marchés. Mellon Capital propose des solutions multi-assets globales et un large éventail de stratégies, notamment passives et alternatives. Basée à Londres, Newton s’appuie sur une expérience de plus de 30 ans pour appliquer avec constance son approche thématique à l’ensemble de stratégies d’investissement. Basée dans le Massachusetts, à Boston, Standish est un gestionnaire spécialisé et dédié exclusivement à la gestion de taux et aux stratégies obligataires actives, dont l’approche est fondée sur l’analyse crédit fondamentale. La performance passée ne saurait garantir la performance future. La valeur des investissements peut évoluer à la baisse. Les investisseurs peuvent ne pas récupérer l’intégralité du montant initialement investi. Les revenus des investissements peuvent évoluer et ne sont en aucun cas garantis. Réservé exclusivement à l’attention des clients professionnels. Sauf indication contraire, les opinions et vues exprimées dans le présent document sont celles du gestionnaire. BNY Mellon est la marque commerciale de The Bank of New York Mellon Corporation et de ses filiales. Ce document est publié au Royaume-Uni, en Europe et en Israël (hors Suisse) par BNY Mellon Investment Management EMEA Limited, BNY Mellon Centre, 160 Queen Victoria Street, London EC4V 4LA, Royaume-Uni. Enregistrée en Angleterre sous le n° 1118580. Agréée et réglementée par la Financial Conduct Authority. INV00427-016 expire le 1er novembre 2017. T5120 01/17