NrGaia est la première société à voir le jour, en 2009, sur le site même du papetier ; elle produit de la
ouate de cellulose, un isolant tiré du papier journal. Elle emploie aujourd'hui une vingtaine de personnes et
s'est imposée comme le leader français dans son secteur. Suivront deux autres implantations avant que, en
2011, la société suisse Pavatex, spécialiste des systèmes d'isolation en fibre de bois, choisisse ce site et y
réalise un investissement important (60 millions d'euros), avec à la clé la création d'une cinquantaine
d'emplois.
La réunion de ces sociétés (sous la forme d'une coopérative d'entreprises) permet de mutualiser les
moyens. La possibilité pour les jeunes entreprises de bénéficier des infrastructures du papetier (sa
chaudière notamment) et de sa puissance d'achat, dope leur rentabilité. Le regroupement des activités
permet aussi de mettre en oeuvre les principes de l'écologie industrielle (*) : ainsi la chaleur dégagée par
la papeterie est utilisée par Patavex pour défibrer le bois en vue de fabriquer une laine isolante.
Innovation de marché
Aujourd'hui, la collectivité est donc en passe de réussir son pari. Pour Marc Desforges, consultant à CMI-
stratégies, qui a accompagné le projet, cette expérience est exemplaire de ce que pourrait être un
développement économique impulsé par les territoires. Car, argumente-t-il, les processus d'innovation ont
changé. "La création de valeur n'est plus uniquement la résultante de l'innovation technologique,
prioritairement captée par les grands groupes. La plupart des innovations sont aujourd'hui des
innovations de marché, en prise directe sur les besoins, les désirs ou les usages". Les idées de marché, ce
sont les petites entreprises qui les ont. Dans ce contexte, "l'enjeu des politiques publiques est de créer les
conditions locales de l'innovation". Et le rôle des élus de terrain, notamment des maires ou des présidents
d'intercommunalité, est décisif pour rassembler les acteurs et organiser un éco-système local dynamique et
collaboratif.
Si la politique des pôles de compétitivité impulsée par l'Etat a globalement permis de mieux coordonner la
recherche publique et privée autour de projets innovants, elle n'a pas répondu aux attentes en termes
d'activités économiques rentables et génératrices d'emplois. Pour transformer des innovations
technologiques en produits trouvant leur marché, c'est à l'échelle des territoires que les acteurs doivent
s'organiser. Le rapport Gallois recommandait ainsi de confier aux régions le pilotage des pôles de
compétitivité qui n'ont pas de dimension mondiale. Cette préconisation a été reprise dans l'avant-projet de
loi de décentralisation, qui affirme plus généralement le rôle de chefs de file des régions en matière de
développement économique. Les régions, qui ont obtenu la délégation de la gestion des fonds structurels
européens et une place importante au sein de la nouvelle Banque publique d'investissement, associeront
leurs moyens avec ceux de l'Etat et de l'Europe en un guichet unique, afin d'assurer la cohérence des
actions de soutien aux entreprises. Elles ont enfin la possibilité d'entrer au capital des entreprises sans
passer par un décret du Conseil d'Etat.
Signe que les modalités d'aides financières des collectivités évoluent : les élus locaux préfèrent de plus en
plus la formule de la participation en capital à celle de la subvention publique. Pour trois raisons au
moins : si le projet réussi, les collectivités peuvent récupérer leur mise pour la réinvestir dans d'autres
initiatives ; elles sont mieux informées et associées aux décisions ; enfin, elles soutiennent un capital
risque défaillant en France.
Des ratages aussi
Mais si le projet échoue, les collectivités consolident les pertes. Or, les élus locaux ne sont pas des
capitaines d'industrie ni des investisseurs toujours avisés… Au bilan de leur action économique, il n'y a
pas que des réussites. Certaines collectivités ont englouti des millions dans des projets fantomatiques.
Exemples ? Pour la reconversion de l'ancienne base militaire de Chambley (en Meurthe et Moselle) en