
Face à l’annonce d’une maladie grave, la première question du patient à son médecin est: «vais-je
guérir?». Et si la réponse est incertaine, le malade peut demander combien de temps il lui reste à vivre.
«Les patients et leurs familles nous posent souvent la question, directement ou de manière
détournée: «Est-ce qu’il sera là à son anniversaire, à Noël? Est-ce que je peux partir en vacances?»,
indique le DrPhilippe Le Moine, pédiatre oncologue et directeur médical de l’équipe ressource régionale
de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) de Bretagne.
Le problème c’est qu’on ne peut jamais leur
répondre précisément, on a des ordres de grandeur mais on se plante tout le temps… Il m’est arrivé de
donner une durée précise mais à chaque fois je me trompais. Après, le patient ou sa famille nous en
veulent et c’est normal. Même si on se base sur l’évolution de la maladie, les expériences passées, etc.
il y a des choses qu’on ne maîtrise pas.»
Parfois, le malade attend un événement, une échéance comme
la rencontre avec une personne, qui peut avancer ou retarder son décès.
«Pour ma part, tous mes patients ne me posent pas la question,
constate le DrThibault de la Motte
Rouge, oncologue médical au centre Eugène-Marquis à Rennes (Ille-et-Vilaine).
Je peux comprendre qu’ils
n’aient pas envie de savoir. Et dans ce cas, je n’aborde pas le sujet. Mais quand ils me le demandent, je
ne peux pas leur donner de réponse précise. Tout au plus des durées un peu vagues, quelques
années, quelques mois, semaines… De plus en plus, j’ose faire part de mes incertitudes aux patients, je
crois qu’ils nous font confiance aussi pour cela.»
Le service de soins palliatifs dans la clinique Saint-Laurent à Rennes. (Photo
: Ouest-France)
«Par définition, le pronostic va être faux»
Toutes les questions du patient sont légitimes, il ne s’agit pas de ne rien répondre. Tout est dans la
manière de parler, d’échanger avec le patient.
«Il faut dire aux gens où ils en sont, confirme le DrPhilippe
Une ancienne vision des relations patients-médecins pense qu’il faut protéger les patients,
en ne leur disant pas… Effectivement, on n’est pas obligé de les matraquer tous les jours en leur
disant: «Vous allez mourir bientôt», mais il faut les informer, les accompagner.»
«On peut leur dire que la maladie s’aggrave, se stabilise ou s’améliore, mais donner une durée c’est
impossible. Même psychologiquement, ce serait difficile pour le malade»,
renchérit le DrVincent Morel,
président du comité de pilotage du plan national 2015-2018 de développement des soins palliatifs et
l’accompagnement de la fin de vie.
Même quand les médecins proposent un suivi dans une unité de soins palliatifs, ils ne peuvent pas établir
«Il y a plusieurs années, entraient en unité de soins palliatifs uniquement les
patients qui avaient une espérance de vie de moins de 3mois,
détaille le DrVincent Morel. Mais
aujourd’hui, la France a abandonné cette pratique, ce n’est pas la durée qui guide l’admission. Les soins
palliatifs ne doivent pas s’organiser autour d’un pronostic. Car par définition, le pronostic va être faux.»
il possible de prédire la fin de vie ?
Edition du soir Ouest France
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