L`essentiel du management des collectivités territoriales

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Introduction
L’objectif de ce chapitre introductif est de présenter le cadre du management des
collectivités territoriales en France. Les administrations locales sont en effet,
soumises à des défis managériaux. L’obtention de compétences dans ce domaine
apparaît comme un enjeu de performance et de modernisation des services.
CHAPITRE
1
1 Le cadre du management des collectivités territoriales
Cette section comprend la présentation des principaux défis managériaux auxquels sont
confrontés les services publics locaux et la définition retenue du management des collectivités
territoriales.
■ Les défis managériaux des collectivités territoriales
La mise en œuvre des principes du management des collectivités territoriales s’inscrit dans le cadre
d’un contexte législatif et réglementaire ayant régulièrement impacté les compétences de ces institutions. Ces contextes réglementaires amènent à l’adoption et à l’utilisation de pratiques managériales (ex. : recours à des nouveaux dispositifs de gestion des ressources humaines suite à l’intégration de nouveaux personnels de l’État). Ces administrations locales sont ainsi amenées à adapter
leurs pratiques face aux lois de décentralisation successives et leurs décrets d’application.
Les aspects économiques et financiers soumettent également les services publics locaux à des
menaces budgétaires et financières touchant leurs pérennités et amenant la mise en place de
pratiques managériales spécifiques (ex. : système de notation financière, financement par le biais
d’un Partenariat Public-Privé).
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L’ESSENTIEL
DU
MANAGEMENT
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le contexte technologique apparaît à l’inverse, comme une source d’opportunité de nouvelles
structurations des services en facilitant l’amélioration de la qualité du service (ex. : mise à disposition de documents administratifs à l’aide d’une dématérialisation via internet).
Les mutations sociologiques des usagers-citoyens poussent à l’émergence de besoins dans les territoires impliquant l’adaptation du service public à des profils en évolution comme par exemple, le
développement de système de démocratie participative type Agenda 21.
La volonté de participation des usagers-citoyens apparaît ainsi avec le souhait d’une gestion
publique tournée vers les citoyens dans un contexte de crise de légitimité des services publics.
L’obtention de compétences managériales des personnels des collectivités territoriales apparaît
ainsi présentée comme un enjeu de performance et de modernisation des services.
La justification à l’adoption de la Charte d’engagement qualité Marianne
dans les Communes
Expérimentée dès le printemps 2004, la Charte « Marianne » décline des engagements
destinés à assurer la qualité de l’accueil (physique, téléphonique, postal ou électronique) au
sein des administrations publiques. Cette Charte vise la recherche d’un engagement fédérateur de l’administration locale tout en étant adaptable à la diversité des missions et des
publics.
La Charte « Marianne » comprend des rubriques d’engagement (ex. : faciliter l’accès aux
services, accueil attentif et courtois) et pour chaque engagement, des standards de qualité
modulables. Cette Charte est ensuite déployée dans les services, chaque usager pouvant faire
valoir ces engagements dans le cadre de la relation de service.
Le déploiement de cette charte qualité d’accueil s’insère dans les débats portant sur la mise en
place de démarches qualité de certification ou de labellisation dans un contexte de marge
financière restreinte, d’évolution des relations de service avec l’usager et de recherche d’amélioration des relations de services avec les administrés.
Source : Grelley P. (2010), Le sourire de Marianne Charte et label éponymes, Informations
sociales
La volonté d’intégrer le management dans les collectivités territoriales trouve son actualité par les
multiples travaux qui en assurent la promotion. La Direction Générale des Collectivités Locales
(DGCL) sous l’égide du ministère de la Fonction Publique, initie régulièrement des colloques,
congrès et journées d’étude visant à présenter des expériences managériales locales.
CHAPITRE 1 – Introduction
De même, le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) forme les personnels
territoriaux aux compétences managériales (ex. : organisation d’ateliers portant sur les implications
des réformes).
Enfin, les Chambres Régionales des Comptes (CRC) émettent régulièrement des Rapports d’observation sur la gestion des collectivités territoriales. Ces travaux s’inscrivent dans une démarche de
présentation et d’incitation à l’adoption de bonnes pratiques. Les CRC soulignent par exemple,
les manquements à la gestion d’une commune suite au déploiement d’un outil de management
construit avec des moyens humains et financiers conséquents, mais sans avoir été en mesure
d’exploiter et d’utiliser l’outil.
Les managers (ex. : décideurs publics, hommes politiques) sont ainsi impliqués par de multiples
acteurs internes et externes à la collectivité incitant à renouveler leurs pratiques.
Afin d’assurer le « succès » de ces pratiques, les managers doivent cependant intéresser les acteurs
impliqués par la démarche notamment dans la phase d’élaboration des outils.
L’échec de pratiques innovantes :
l’exemple du Mobilien de la Région Ile-de-France
Cette expérience est lancée en 2004 par le Conseil Régional d’Ile-de-France consistant à
renforcer le réseau de bus. L’expérience du Mobilien par la RATP illustre la nécessité d’apprentissage par les expériences locales.
L’échec de cette expérience est relié à une non prise en considération des éléments économiques du projet ainsi que des chocs de référentiels des acteurs mobilisés à la démarche (ex. :
absence de participation des techniciens et de portage politique, procédure participative
imparfaite).
Source : Gonzalez-Alvarez (2007), La mort de Mobilien ou l’innovation au risque de la concertation, Gérer et Comprendre
Le management des collectivités territoriales se déploie ainsi à travers des rapports publics, des
groupes de travail ou des conférences. Des formations professionnelles et universitaires centrées
sur le management des collectivités territoriales se sont également ouvertes en utilisant le principe
de l’alternance entre présentation de concepts et mises en pratique (sensibilisation des personnels
aux questions organisationnelles et financières).
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Du cadre au manager territorial :
l’exemple du Cycle Supérieur de Management de l’INET
L’Institut National des Études Territoriales a créé en 1997, le Cycle Supérieur de Management
en s’adressant aux cadres supérieurs des collectivités territoriales disposant d’une expérience
professionnelle et se destinant à exercer des fonctions de direction. Le cycle se déroule sur
une année et s’articule en deux phases distinctes, à savoir une succession de modules d’enseignements et une mission de conseil auprès d’une collectivité.
■ La définition du management des collectivités territoriales
Le terme « management » se définit comme un « ensemble de connaissance concernant l’organisation et la gestion d’une entreprise » (Dictionnaire Le Petit Robert, édition 2008). Le verbe
« manager » prend alors le sens de « administrer, conduire, gérer, organiser ».
Le verbe anglais « to manage » et le terme de « management » viennent du mot français
« ménager » signifiant une « action ou art ou manière de conduire une organisation, de la diriger,
de planifier son développement, de la contrôler » (Thiétart, 2000, Le management, PUF).
Ces définitions sont cependant décevantes dans la mesure où elles présentent le management
comme neutre dans les organisations mettant de côté le « sens » donné à l’action. Le manager
conduit en effet, les acteurs d’une organisation pour qu’ils coopèrent ensemble afin d’atteindre
les objectifs fixés.
Adapté au secteur public, le management est la mise en œuvre de méthodes et de techniques
visant à développer le pilotage de la décision publique.
L’emploi du mot « management » avant les années 1970 pour désigner l’administration publique
est rare. L’expression « management public » est devenue dans les années 1980 d’utilisation
courante. Les années 1980 ont, en effet, été des années de diffusion de techniques de management souvent importées du secteur privé (ex. : comptabilité analytique, plan de communication).
Ce courant de pensée appelé Nouveau Management Public trouve son point d’appui à partir
des années 1990, sur la base de l’ouvrage d’Osborne et Gaebler (1992) intitulé « Reinventing
government. How the entrepreneurial spirit is transforming the public sector ».
L’expression s’est alors imposée pour désigner les réformes de modernisation des services publics.
Ce courant se réfère aux méthodes de l’organisation privée avec l’introduction d’un management
dirigé vers l’efficacité et les principes de participation, d’engagement, de transparence et
d’évaluation.
CHAPITRE 1 – Introduction
Le courant du Nouveau Management Public a inspiré en France des pratiques de management
comme par exemple, les systèmes de contrat de performance (ex. : contrat liant un délégataire à
la collectivité via un système budgétaire, des objectifs et une mesure de la performance) ou l’utilisation des systèmes de Partenariat Public-Privé (ex. : financement d’un Collège par l’intermédiaire
d’une entreprise délégatrice assurant la construction et l’entretien du bâtiment).
Le socle conceptuel du Nouveau Management Public
Axes
Caractéristiques des axes
Organisation
Décentraliser l’administration par des agences fonctionnelles autonomes.
Remplacer les procédures hiérarchisées par des contrats.
Promouvoir au sein des équipes, des démarches de projet stratégiques.
Évaluation
Évaluer les organisations à l’aide d’indicateurs de performance.
Apprécier les effets de la décision publique au regard des intentions et des objectifs.
Soumettre les agents publics à une mesure de leur performance.
Rendre autonome et responsable les gestionnaires des politiques publiques.
Rémunérer les personnels en fonction de l’évaluation des compétences.
Source : Adapté de Merrien FX (1999) La nouvelle gestion publique : un concept mythique, Social et Politiques, no 41, 1999, p. 95-103
Ce déploiement fonde son argumentation sur la mise en cause d’un modèle reposant sur une
gestion de type « bureaucratique » en formulant ses critiques sur un service public trop faiblement
ouvert sur l’opinion des usagers-citoyens. Réfutant ainsi l’idée d’une spécificité des services
publics, le Nouveau Management Public apparaît en France avec l’exaltation des valeurs de
l’entreprise.
« Pour en finir avec le Nouveau Management Public »
« Les collectivités doivent-elles continuer à subir le diktat des techniques préconisées au nom
du « Nouveau Management Public » ? », c’est en ces termes que Laurent Roturier (Directeur
Général des Services de la ville de Bron) dans un article publié dans la Lettre du Cadre Territorial en 2010, critique le courant du Nouveau Management Public qu’il accuse de créer des
tensions sociales nouvelles au sein des collectivités.
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-- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --« Seule exemplarité supposée du modèle privé, qu’il était urgent de transposer au secteur
public lorsqu’au tournant des années quatre-vingt s’était peu à peu imposée l’idée que l’on
ne savait pas manager dans le public, à un moment où l’État n’était plus la solution, mais
devenait le problème, selon la fameuse formule des néolibéraux de Washington... » (p. 14).
« Il faut revenir aux fondamentaux : le management efficace repose sur des objectifs clairs, un
bon fonctionnement de la prise de décision, un respect de la culture de la collectivité ou de
l’entreprise, ainsi que des hommes et femmes qui y travaillent. La qualité du « process » de
décision et le partage de la stratégie permettent aux équipes dirigeantes de donner du sens,
de mettre en perspective le mesurer l’action publique... mais autrement » (p. 15).
Source : Roturier (2010), « Pour en finir avec le Nouveau Management Public », La Lettre des
Collectivités Territoriales, octobre no 408.
Utilisé par le secteur public local, le terme de « management » est un concept amenant à promouvoir une démarche de travail ordonnée en fonction d’objectifs. Il intéresse différents niveaux
hiérarchiques (Directeurs Généraux et Adjoints, responsables de service, élus), différentes compétences (ex. : ressources humaines, organisationnelles, finance, qualité de service) et différents
domaines d’activités (ex. : accueil en mairie, secteur action et aide sociale et culturelle). Si le management touche ces institutions publiques, il doit en revanche, en respecter les spécificités.
Des managers pour gérer le secteur culturel local
La collecte des extraits d’offres d’emploi de « manager » ci-dessous (directeurs, adjoints,
responsables d’unité) est réalisée en juin 2012 à partir du site internet de la Lettre du Cadre
Territorial (champ : culturel ; catégorie : A ; secteur : Mission/profil).
« Avoir une vision artistique et pédagogique affirmée ; Manager et encadrer les équipes administrative, technique et enseignante » [Directeur de musée] ;
« Veiller à la préservation, à l’entretien et au traitement matériel des collections ; Bonne
maîtrise des techniques documentaires et des outils informatiques professionnels ; Vous
assurez une fonction de manager avec une polyvalence de tâches réalisées et priorisées ; [...]
En terme de qualités relationnelles, vous savez communiquer et négocier, vous avez une aptitude à la médiation ainsi qu’une aptitude prononcée au management et à la gestion administrative. Vous savez animer des équipes avec dynamisme et enthousiasme, vous savez réguler
des conflits » [Adjoint du directeur de la bibliothèque départementale] ;
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-- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --« Mise en œuvre de projets pédagogiques dans le cadre du projet d’établissement ; Bonne
connaissance de la vie d’un établissement d’enseignement artistique classé, du fonctionnement des collectivités territoriales ainsi que des réseaux culturels ; [...] Ses compétences managériales seront avérées, autant que son sens de l’organisation, ses capacités d’analyse, de
rédaction et de synthèse » [Directeur du Conservatoire].
L’analyse de ces offres d’emplois dans le secteur culturel montre un besoin de compétences
techniques et scientifiques (ex. : connaître les organisations et acteurs du secteur culturel ;
mettre en place des projets pédagogiques) mais également managériales (ex. : référence à
des aspects d’encadrement, de coordination, de gestion administrative, d’animation et de
travail en équipe).
Les managers gèrent des budgets, font de la communication, explicitent des objectifs et réfléchissent à des solutions tout en assurant l’accompagnement des changements à mettre en
place. Les managers culturels doivent alors superviser, mettre en place un plan d’action, effectuer un travail de contrôle tout en apportant leurs savoirs techniques sur le domaine culturel.
Cette articulation des logiques technique et managériale n’est cependant pas sans poser
problèmes (ex. : gestion du temps, difficulté de coordination des projets ou de spécialisation
sur le cœur de métier avec la représentation d’un métier de plus en plus administratif). La
principale difficulté est d’avoir un rôle d’interface entre les acteurs culturels de terrain exprimant des demandes et des besoins et l’administration locale faisant valoir ses objectifs. Le
rôle de manager est alors de faire en sorte que l’ensemble de ces logiques coïncident.
2 Les collectivités territoriales en France
Sont définies comme « Collectivités territoriales de la République » à l’article 72 de la Constitution
de 1958 après la révision du 28 mars 2003, les Communes, les Départements, les Régions et les
collectivités à statut particulier (ex. : EPCI – Établissements Publics de Coopérations Intercommunales). Les collectivités disposent du caractère « territorial » dans la mesure où leurs existences juridiques dépendent de la délimitation d’un territoire.
Ces structures sont soumises aux mêmes contraintes juridiques dans la mesure où les compétences des collectivités sont délimitées par le législateur sur le territoire national à l’aide du Code
Général des Collectivités Territoriales (ci-après CGCT).
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Les collectivités territoriales représentent en 2011, un volume de dépenses de près de 215 milliards
d’euros et environ 205 milliards d’euros de ressources. Les collectivités réalisent 70 % des investissements publics (Source : INSEE, Rapport 2011 sur les comptes de la Nation).
Les dépenses locales augmentent de manière régulière depuis 30 ans passant de 8 % du PIB en
1980 à 11 % en 2011. Le secteur public représente en France 5,3 millions d’agents, 34,1 % des
effectifs publics travaillant dans le secteur public local (Source : DGCL, données au 31 décembre
2011).
■ L’histoire des collectivités territoriales en quelques dates
Les collectivités territoriales ont connu une évolution contrastée durant la période qui s’étend de
l’Ancien Régime aux réformes décentralisatrices de 1982. Dans un pays de tradition centralisatrice
comme la France, l’histoire des collectivités locales est celle de leurs rapports avec l’État et donc
indirectement, celle de la tutelle dont elles font l’objet.
L’existence des Communes en France remonte en effet, au XIe siècle. Sous l’Empire, la tutelle administrative et la dévolution des pouvoirs au Préfet sont généralisées, l’autorité municipale devenant
administrative avec un principe électif abandonné.
C’est en 1848 que l’élection des conseillers municipaux est instituée. Il faut cependant attendre la
Loi municipale du 5 avril 1884 pour doter la Commune du statut de « collectivité territoriale ».
Cette loi instaure la compétence générale des Communes et le principe de libre administration
où le conseil municipal (élu au suffrage universel direct) règle par ses délibérations, les affaires du
ressort de la Commune.
En 2011, la France compte 37 753 Communes
La répartition des Communes par taille en 2011 (DGCL, 2011)
Strates démographiques
Nombre de Communes
% population
0 à 10 000 habitants
35 746
48,82 %
10 000 à 19 999 habitants
1 565
11,11 %
20 000 à 79 999 habitants
401
21,75 %
80 000 habitants et plus
41
18,32 %
Compte tenu du nombre de Communes, le législateur a mis en place des outils juridiques incitant
à leurs regroupements. Les premières tentatives datent des années 1970 et sont relancées avec la
Loi dite Chevènement du 12 juillet 1999 relative au « Renforcement et à la simplification de la
CHAPITRE 1 – Introduction
coopération intercommunale » visant à simplifier le paysage intercommunal. Cette loi précise que
les EPCI acquièrent par cette loi, le caractère d’établissements publics territoriaux administrés par
des autorités qui leur sont propres et disposant de l’autonomie financière.
Les EPCI sont régis par le principe de spécialité, c’est-à-dire qu’ils n’exercent que les compétences
strictement délimitées par son statut (spécialité fonctionnelle) et à l’intérieur d’un périmètre
géographique déterminé (spécialité territoriale).
Le régime juridique de l’intercommunalité est aujourd’hui architecturé autour de trois grandes
structures, à savoir les Communautés Urbaines, d’Agglomération et de Communes. Ces structures
sont dotées de budgets et de compétences significatifs et représentent plus de 80 % de la population totale. À titre d’exemple, la Communauté Urbaine du Mans (créée en 1971) avec un budget
de 500 millions de budget en 2011, regroupe neuf communes (188 000 habitants) et travaille sur
les compétences essentiellement transports et gestion des déchets.
Le Département n’a pas connu la même évolution que la Commune. La question du découpage
du territoire en Départements est en effet, abordée dès 1789. Les Départements sont créés par
Décret du 22 décembre 1789 pris par l’Assemblée constituante afin de remplacer les Provinces
de France.
C’est la Loi du 10 août 1871 relative aux « Conseils Généraux » qui réorganise l’institution départementale en dotant cette structure du statut de collectivité territoriale et d’un organe délibérant
élu au suffrage universel direct (le Conseil Général). Selon l’article L. 3211-1 du CGCT, « le
Conseil Général règle par ses délibérations les affaires du Département ».
La France compte 96 départements en zone métropolitaine.
Contrairement à l’évolution du Département et de la Commune, l’émergence de la région dans le
paysage institutionnel est plus tardive. Des circonscriptions d’action régionale sont ainsi créées par
un Décret du 30 juin 1955 dans laquelle l’administration est chargée d’élaborer des programmes
d’action régionale en matière d’aménagement du territoire.
La Loi du 2 mars 1982 transforme l’établissement public régional en collectivité territoriale dotée
d’une autorité délibérante élue au suffrage universel direct pour une durée de six ans (le Conseil
Régional).
La France compte 22 régions en zone métropolitaine.
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Les effets managériaux déstabilisants de la réforme territoriale :
le cas Chambérien
L’outillage juridique mis en place par la loi Chevènement se fonde sur la mise en place d’un
régime incitatif financier et des compétences obligatoires.
Dans le cas de la Communauté d’Agglomération de Chambery, la diversité et la conflictualité
de l’administration intercommunale oriente les démarches managériales vers la coordination et
l’homogénéisation des pratiques (ex. : comités de pilotage, conférences, séminaires, réunions
d’information, journées d’études, outils de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, démarches « projet »).
Les transferts de compétence sont venus bouleverser la temporalité politique et managériale
de la collectivité (ex. : espace d’expression étriqué des responsables syndicaux et chefs de
service, agents peu associés aux réorganisations souvent informés au dernier moment). Ces
bouleversements ont créé une rupture des agents avec leurs administrations en générant des
relations conflictuelles, une désorganisation des services, la suppression des collaborations
établies et des échanges informels de travail.
Source : Guéranger (2004), L’impensé de la réforme intercommunale La mise en place des
administrations des communautés d’agglomération, Revue Française d’Administration
Publique, no 111, 3/2004.
■ Les compétences des collectivités territoriales
Une collectivité territoriale constitue une division administrative disposant d’une personnalité
juridique, des compétences spécifiques et d’une liberté d’administration. La notion de décentralisation s’applique à l’ensemble de ces collectivités territoriales par le biais d’une délégation de puissance publique autorisée par l’État.
La libre administration permet d’assurer l’équilibre entre égalité et liberté des collectivités au
sein de la démocratie, l’indivisibilité de la souveraineté exigeant que la mise en œuvre de la libre
administration s’exerce dans le respect des prérogatives de l’État. Ce principe est reconnu par
l’article 72, alinéa 3 de la Constitution, « les collectivités territoriales s’administrent librement par
des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ».
C’est également le principe de libre administration qui permet la mise en œuvre de la décentralisation par l’affectation de personnel dédié à ces organisations. Les collectivités territoriales ont
CHAPITRE 1 – Introduction
ainsi vocation à prendre des décisions pour les compétences qui leur sont consenties en disposant
d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de ces compétences.
Les collectivités bénéficient de la « clause de compétence générale » qui leur permet en principe
d’agir dans tous les domaines de l’action publique dans la mesure où est en jeu un intérêt public
local. Ce principe est toutefois encadré, par l’attribution de certaines compétences à des niveaux
donnés de collectivités. Cette attribution ne peut être faite que par la loi, les collectivités n’ayant
pas la compétence de leur compétence.
Les actes de décentralisation en France
Acte 1. La Loi no 82-213 du 2 mars 1982 relative aux « Droits et libertés des Communes,
Départements et Régions » (dites également Lois Defferre) constitue le point de départ d’un
ensemble de textes portant sur la décentralisation marquée notamment par la suppression de
la tutelle administrative du Préfet n’exerçant plus un contrôle a priori sur l’opportunité des
actes des collectivités, mais a posteriori uniquement sur leur légalité.
La Loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à « La répartition de compétences entre les
Communes, les Départements, les Régions et l’État » a donné lieu à transferts de compétences
(ex. : plans d’occupation des sols, formation professionnelle et apprentissage, logement).
Acte 2. La Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à « L’organisation décentralisée de la
République » approfondit ce processus de décentralisation. Elle est complétée par les Lois
organiques du 1er août 2003 relative à « L’expérimentation et au référendum local » et par
celle du 29 juillet 2004 relative à « L’autonomie financière des collectivités territoriales »
posant le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales et incluant les
termes de « Région » et de « décentralisation » dans la Constitution.
La définition des champs de compétences oscille entre des blocs de compétences définies de
manière a priori et la technique du « chef de file » coordonnant les multiples interventions locales
sur un même projet.
Les Communes interviennent par exemple, dans des champs de compétences vastes comme l’état
civil (ex. : enregistrement des naissances et décès), l’organisation électorale (ex. : organisation des
élections, révision des listes électorales), l’action sociale (ex. : gestion des garderies, foyers de
personnes âgées), l’enseignement (ex. : gestion et construction des écoles primaires), l’aménagement (ex. : logement social, zones d’activités, assainissement) et la protection de l’ordre public
grâce aux pouvoirs de police du Maire.
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DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le Département intervient essentiellement dans les champs de compétence de l’action sociale
(ex. : protection de l’enfance, insertion des personnes en difficulté), la voirie (ex. : gestion des
routes départementales et des transports), l’éducation (ex. : gestion matérielle des collèges et des
personnels techniques), la culture (ex. : archives départementales, bibliothèque de prêt) et le logement (ex. : gestion du fonds de solidarité pour le logement).
Les Régions ont compétence pour promouvoir le développement économique et social (ex. : aide à
l’embauche), la formation professionnelle (ex. : gestion de l’apprentissage et des lycées), le transport (ex. : gestion des trains régionaux) et l’aménagement de son territoire (ex. : gestion des
schémas d’aménagement et de développement durable).
L’enchevêtrement des compétences et le millefeuille territorial :
le cas du secteur Action Sociale
Le domaine de l’action sociale est révélateur des multiples interventions et chevauchements de
compétences, y compris avec les services de l’État.
Certes, la loi du 22 juillet 1983 confie aux Départements une compétence de droit commun
en matière d’aide et d’action sociale. Les lois de 1988 et 1992 sur le Revenu Minimum d’Insertion et la loi du 1er décembre 2008 généralisant le Revenu de Solidarité Active ont d’ailleurs
renforcé le champ légal d’intervention des Départements.
Malgré cette forte spécialisation des Départements sur ce champ, les lois de décentralisation
ont eu pour corollaire un enchevêtrement avec les compétences de l’État ayant conservé le
financement de prestations d’aide sociale (ex. : plan d’alerte et d’urgence, santé publique,
prévention et gestion des menaces sanitaires).
Le rôle des régions (même s’il reste marginal) intervient également en matière de formation
dans le secteur sanitaire et social (notamment via les services de l’enseignement scolaire
et supérieur), les communes ayant quant à elles, la charge des services sociaux de proximité
par l’intermédiaire du Centre Communal d’Action Social.
Les interventions des structures publiques (Etat et collectivités) sur un même secteur d’activité sont
le fruit d’un processus réglementaire successif posant des problèmes managériaux à la fois sur
l’organisation des collectivités territoriales et la délimitation des services à rendre.
CHAPITRE 1 – Introduction
Manager les personnels TOS des collèges en situation de double hiérarchie
Le Décret no 2005-1631 du 26 décembre 2005 précise le transfert aux Départements des
personnels Techniciens, Ouvriers et de Service (TOS) des collèges, ces transferts concernant
environ 90 000 personnels de l’Éducation Nationale. Les personnels TOS sont ainsi sous la
responsabilité du chef d’établissement du collège (autorité fonctionnelle) et du Département
(autorité hiérarchique).
« Le gestionnaire est chargé sous l’autorité du chef d’établissement, des relations avec les
collectivités territoriales pour les questions techniques et il organise le travail des personnels
TOS » [Art. 19].
« Les Départements ou les Régions assurent l’accueil, la restauration, l’hébergement ainsi que
l’entretien général et technique, à l’exception des missions d’encadrement et de surveillance
des élèves, dans les collèges ou lycées dont ils ont la charge. [...] Les Départements ou les
Régions assurent également : le recrutement, la rémunération et la gestion des personnels
TOS exerçant leurs missions dans les établissements. Les personnels restent membres de la
communauté éducative et concourent directement aux missions du service public » [Art. 82].
« Les fonctionnaires et agents non titulaires de l’État et de ses établissements publics affectés
à des services ou parties de services, sont mis à disposition, à titre individuel des Présidents des
collectivités territoriales » [Art. 105].
Cette dualité hiérarchique pose des difficultés de dialogue et de coordination comme par
exemple, régler les cas de conflits internes entre chefs d’établissement et agents, ou à l’inverse
gérer les manquements à l’information des gestionnaires sur les départs en formation des
personnels.
Les dispositifs qui représentent le mieux les adaptations posées par la double autorité sont
ceux de l’évaluation et de la notation des agents. Les collectivités ont ainsi formé à l’entretien
d’évaluation, les gestionnaires et encadrants de proximité en leur fournissant des supports de
type guide de l’évaluation en vue de remplacer les systèmes de notation.
Les décisions lors de l’entretien (ex. : mobilité, formation, promotion) reviennent à la collectivité en tant qu’autorité hiérarchique. Pour assurer ces évolutions, un temps de discussion et
de reconnaissances mutuelles fut mis en place (ex. : groupes de travail avec les personnels
des ressources humaines des Départements et les gestionnaires pour mieux délimiter les
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-- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --- ---- --- ---- --- ---- ---- --rôles). Ces initiatives ont eu pour fonction de clarifier les positions respectives autant que de
rassurer les établissements et favoriser le dialogue. Les collectivités ont également mis en
place des plans de formations spécifiques renforcées auprès des publics des personnels TOS.
3 Le plan de l’ouvrage
Cet ouvrage est divisé en six chapitres. Le premier chapitre vise à présenter les principes du management des collectivités territoriales. Il s’agit d’appréhender les composantes, les finalités et les
processus du management. Les cinq autres chapitres proposent de saisir le management au
travers des champs des sciences de gestion.
L’enchaînement des chapitres
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