Revue thématique
Self multidimensionnel, mémoire
autobiographique et vieillissement
Multidimensional Self,
autobiographical memory and aging
CÉLINE DUVAL
1
FRANCIS EUSTACHE
1
PASCALE PIOLINO
1,2
1
Inserm-EPHE -Université de
Caen-Basse Normandie,
Unité E0218, Laboratoire de
neuropsychologie,
CHU Côte de Nacre, Caen
2
CNRS FRE 2987,
Laboratoire de psychologie et
neurosciences cognitives,
groupe de recherche
Mémoire et Apprentissage,
Université Paris Descartes
Tirésàpart:
P. Piolino
Résumé. De nos jours, le concept de Self (le soi) est l’objet d’étude de plusieurs domaines
de la psychologie qui proposent chacune leurs propres définitions et méthodes d’évalua-
tion. En tant que système cognitif, le Self se définit comme un ensemble de représentations
personnelles, aux dimensions multiples de nature épisodique ou sémantique. A la fois sujet
et objet de la conscience, il est la base du sentiment subjectif d’identité et de continuité au
cours du temps. Aussi, l’objectif de cette revue est de présenter le concept de Self en lien
avec la mémoire autobiographique et de préciser l’impact du vieillissement sur les aspects
structuraux (connaissance de soi) et fonctionnels (conscience de soi) du Self. Les données
actuelles suggèrent que le vieillissement n’affecte pas de la même manière les différentes
caractéristiques du Self et agit plus spécifiquement sur ses aspects fonctionnels.
Mots clés : Self multidimensionnel, identité, mémoire autobiographique, vieillissement,
conscience de soi
Abstract. Nowadays, several psychological fields are interested in the Self-concept and
then propose their own definitions and assessment methods. The Self is considered as a
cognitive system and is structurally composed of a set of multidimensional episodic and
semantic personal representations. While it could be either the agent or the object of
consciousness, the Self is at the origin of the subjective identity and feeling of continuity
across the time. In the present review, we aimed at introducing the concept of Self focusing
on its links with autobiographical memory and to expose the research about the impact of
aging on the Self, distinguishing between its structural (Self-knowledge) and functional
(Self-consciousness) dimensions. The results from the literature and our own research
group suggest that the Self characteristics are not equally changed by aging, the functional
dimensions being more specially involved.
Key words:multidimensional Self, identity, autobiographical memory, aging,
Self-consciousness
De nos jours, dans le domaine de la recherche
en psychologie, la volonté de percer les mys-
tères de la conscience place l’identité (Self ou
Soi) sous le feu des projecteurs. En effet, l’intérêt porté
au modèle d’identité de l’individu est en plein essor.
Toutefois, au regard de la littérature, le concept de Self
reste multiple sur le plan définitionnel et très complexe
au niveau théorique. Cependant, certains modèles
théoriques en psychologie cognitive et en neuropsy-
chologie se sont intéressés à définir les liens entre Self
et mémoire dans la lignée de grands philosophes tels
que John Locke (1632-1704), David Hume (1711-1776)
ou William James (1842-1910).
C’est dans cette perspective, considérant le Self
comme un ensemble de représentations personnelles
multidimensionnelles stockées en mémoire, que cet
article s’intéresse aux effets de l’âge sur le Self. Alors
que l’impact délétère du vieillissement normal est
démontré sur le fonctionnement mnésique, qu’en est-il
du Self ? Si cette entité joue un rôle central pour donner
du sens et guider les expériences vécues, il se peut que
le contenu et la structure du Self change au cours du
vieillissement du fait de la transformation ou de la
dégradation des traces mnésiques.
Le concept de Self
En psychologie clinique ou en psychopathologie, le
Self est appréhendé, en référence à la dichotomie
conscient/inconscient proposée par la théorie psycha-
nalytique de Freud (1916), selon différentes acceptions
variables en fonction des courants de pensée. Malgré
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2007;5(3):179-92
doi: 10.1684/pnv.2007.0100
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des divergences sur le terme même de Self, la plupart
des auteurs considèrent le Self comme une instance de
la personnalité constituée de sensations, de souvenirs
conscients ou inconscients à partir desquels l’individu
se construit, élabore des mécanismes de défense, vit sa
relation à l’autre, structure sa personnalité en référence
à des perceptions externes.
Dans une perspective sociale et/ou développemen-
tale, certains auteurs proposent un concept de Soi uni-
taire [1], définissant le Self comme une structure
regroupant en un tout cohérent des pensées, des senti-
ments, des représentations et des jugements sur
l’image et les capacités cognitives, physiques, affecti-
ves et comportementales qu’un individu a de lui-
même. Historiquement, les études du Self dominées
par une vision unitaire l’associent principalement à la
notion d’estime de soi. D’autres avancent une concep-
tion multidimensionnelle du Self [2] dans laquelle les
connaissances que le sujet a de lui-même sur différents
aspects de son identité, tel son physique, son état émo-
tionnel, sa relation aux autres, ses connaissances aca-
démiques... sont structurellement et théoriquement
distinctes (par exemple voir tableau 1). Malgré ces
divergences, l’idée d’un Self constitué de plusieurs
catégories ou sous-structures de connaissances est de
plus en plus retenue et bien établie dans beaucoup de
domaines de la psychologie (social, développement,
éducation).
Par ailleurs, dans le domaine de la cognition qui
considère les processus mentaux comme une succes-
sion d’étapes consacrées au traitement de l’informa-
tion ou à l’exécution d’une fonction particulière, les
théoriciens s’accordent à définir le Self comme une
variété de représentations cognitives et affectives, de
forme verbale ou visuelle qui situent le Self dans le
passé et le futur, aussi bien que dans l’ici et maintenant
[3]. Certaines de ces représentations seraient organi-
sées dans des structures contenant une base de
connaissances bien élaborées et des règles de
production/action pour comparer et savoir comment se
comporter dans certaines conditions. D’autres seraient
plus provisoires, labiles, instables, construites au cours
d’une interaction sociale particulière. Certains cher-
cheurs considèrent le Self, non seulement comme une
structure supérieure élaborée, mais aussi comme un
processus qui faciliterait la mémorisation (pour la
notion d’effet de référence à soi dans l’apprentissage et
le rappel en mémoire, voir [4]) et, plus généralement, la
métacognition. Pour Northoff et Bermpohl [5], le Self
serait un terme générique pour désigner un ensemble
de processus cognitifs de référence à soi (représenta-
tion, contrôle, évaluation et intégration), mis en jeu
dans diverses activités cérébrales comme la mémoire
autobiographique, les émotions, la conscience ou
encore la perception.
Ainsi, dans la littérature, il apparaît que la définition
du Self reste encore très morcelée au regard des diffé-
rentes approches. De plus, bon nombre d’études souli-
gnent la complexité du Self et son interrelation avec
une multitude de variables, comme le genre, les sour-
ces de motivation et les buts, les croyances personnel-
les, la variabilité intra individuelle, les processus cogni-
tifs d’adaptation, la subjectivité, ou d’autres influences
sociales comme les stéréotypes... Toutefois, en
essayant d’extraire dans ce flou conceptuel des élé-
ments communs, il semble que le Self soit à l’origine
de la construction de notre identité. Cette structure de
connaissances nous permettrait alors de répondre à la
question : « Qui-suis-je ? ». Constitué d’un ensemble
de représentations que l’individu a de lui-même, tant
d’un point de vue physique, social, que comportemen-
tal ou encore émotionnel, il est en lien avec la mémoire
puisque le matériau du Self reste avant tout des repré-
sentions mnésiques. La définition du Self proposée par
Kihlstrom et al. [6] résume parfaitement bien cette
idée : le Self est une représentation mentale person-
nelle de sa propre personnalité ou identité, formée à
partir d’expériences vécues, de pensées encodées en
mémoire ; il est constitué et structuré par un ensemble
de schèmes, de prototypes, d’images et de buts, définis
chacun par des informations descriptives sur des traits
caractéristiques, des rôles, des comportements, des
règles, ou encore des procédures d’inférence. Ainsi,
dans cette perspective, le Self est, selon les chercheurs,
appréhendé en termes de fonction supérieure au
même titre que la mémoire ou le langage, de système
ou encore de processus. Au total, le Self peut se décrire
selon sa dimension structurale, puisqu’il est constitué
de plusieurs catégories ou sous-structures de connais-
sances, et/ou fonctionnelle sous forme de processus
intervenant dans différents systèmes cognitifs et impli-
quant alors la prise de conscience de soi.
Self et mémoire
Dans le domaine de la mémoire, plusieurs auteurs
ont introduit la notion de Self dans leurs modèles théo-
riques. En effet, il semble pertinent de penser que
l’ensemble des connaissances que le sujet a de lui-
même constitue un stock d’informations spécifiques
sur son identité et soit intrinsèquement lié à des systè-
mes et/ou des processus mnésiques ; l’implication du
sujet dans l’encodage d’un événement personnelle-
C. Duval, et al.
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ment vécu ou dans le rappel d’informations personnel-
les, résulte de mécanismes mnésiques.
DèsleXVII
e
et XVIII
e
siècle, philosophes et psycho-
logues ont longtemps débattu de la nature du Self et de
sa relation avec la mémoire. « Qu’est-ce qui fait que je
suis moi ? » Locke, dans ses Essais sur l’entendement
humain, plus précisément, dans le livre II, chapitre
XXVII, intitulé « Identité et différence », répond :
« L’identité personnelle n’est rien sans la mémoire ».
C’est la mémoire consciente de la continuité de notre
existence dans le temps qui fonde l’identité person-
nelle en tissant le lien entre les moments passés et les
moments présents. Sans cette mémoire, sans les sou-
venirs, on ne pourrait parler de passé, ni répondre à la
question : « Qui suis-je ? ». Alors que, pour Locke, c’est
le souvenir des expériences passées qui fait l’identité
du sujet, en considérant alors l’identité comme une
continuité de la mémoire, Hume suggère que c’est la
capacité de l’individu à reconstruire ses expériences en
mémoire qui est à l’origine du Self. James a été un des
premiers psychologues à approfondir le concept de soi
(Self) et à définir ses liens avec la mémoire à long
terme à travers son questionnement sur le sentiment
d’existence. James distingue deux aspects dans le
concept de soi : celui du Moi qui est le soi matériel,
spirituel et social et celui du Je, qui assure la continuité
et la correspondance de soi. Le Moi (Self-objet, struc-
ture passive, objet de la connaissance) réfère, de
Tableau 1.Modèle du concept de Soi de L’Écuyer [14].
Table 1. Model of the Self-concept (L’Écuyer [14]).
Structures Sous-structures Catégories
Soi matériel Soi somatique Traits et apparence physique
Condition physique et santé
Soi possessif Possession d’objets
Possession de personnes
Soi personnel Image de soi Aspirations
Énumération d’activités
Sentiments et émotions
Goûts et intérêts
Capacités et aptitudes
Qualités et défauts
Identité de soi Dénominations simples
Rôles et statut
Consistance
Idéologie
Identité abstraite
Soi adaptatif Valeur de soi Compétence
Valeur personnelle
Activités du soi Stratégies d’adaptation
Autonomie
Ambivalence
Dépendance
Actualisation
Style de vie
Soi social Préoccupations + attitudes sociales Réceptivité
Domination
Altruisme
Référence à la sexualité Références simples
Attrait + expériences sexuelles
Soi non-soi Référence aux autres
Opinion des autres sur soi
Self, mémoire autobiographique et vieillissement
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manière objective ou cognitive, à la connaissance, à la
représentation et à la description de soi tandis que le Je
(Self-sujet, agent actif et sujet de la connaissance) est
décrit comme un processus dynamique qui dirige,
contrôle implicitement ou subjectivement les expérien-
ces, les pensées, les actes, et permet l’évaluation de
soi. Alors que le Moi correspondrait à sa structure, le Je
peut s’associer au processus conscient du Self. James
privilégie le lien entre la mémoire et le Je . Un souvenir
vrai fait partie intégrante du Je, il est daté dans mon
passé, enveloppé de cette “chaleur”, de cette “inti-
mité”, qui permettent de le reconnaître en tant
qu’expérience de soi, bastion de l’identité.
Dans cette lignée, plusieurs auteurs contemporains
retiennent actuellement l’idée d’un lien direct entre
mémoire, Self et identité. Nous en citerons deux :
1) Pour Tulving [3], le Self est l’une des trois caractéris-
tiques, avec le temps subjectif et la conscience auto-
noétique, qui définit la mémoire épisodique comme
mémoire des souvenirs autobiographiques inscrits à la
fois dans un contexte spatial et temporel précis. Le Self
reflète l’implication du sujet dans l’événement et sert
de base aux deux autres caractéristiques. En effet, « un
voyage mental dans le temps a besoin d’un voyageur ;
sans voyageur, pas de voyage », ni de prise de cons-
cience de sa propre identité. Ainsi, le souvenir épisodi-
que est associé à un état de conscience qui offre à
l’individu la capacité de voyager mentalement dans le
temps, de se représenter lui-même consciemment
dans des événements passés sous la forme de revivis-
cence, et de les intégrer à un projet futur. Le Self est
alors considéré comme un processus intrinsèquement
lié à la mémoire épisodique, à la base de la constitution
d’un souvenir émaillé de détails phénoménologiques
et de la conscience autonoétique. Les processus de stoc-
kage et de récupération liés au Self sont considérés
comme indépendants de la mémoire sémantique qui
stocke des connaissances générales ou personnelles
décontextualisées. La notion de Self chez Tulving est
celle d’un Self phénoménologique dans la lignée de
Locke et James.
2) Conway, et al. [7, 8], dans une autre perspective,
proposent le Self memory system (SMS). Selon ce
modèle qui est actuellement l’un des plus aboutis, Self
et mémoire autobiographique sont intimement interdé-
pendants. La mémoire autobiographique correspond
en effet à l’interaction entre trois systèmes : le Self à
long terme, le système de mémoire épisodique, et le
Self de travail (working Self) qui permet de rendre
compte d’une organisation structurale hiérarchique de
la mémoire autobiographique et de son fonctionne-
ment (figure 1).
Le Self à long terme constitue une structure concep-
tuelle spécifique contenant deux entités : la base des
connaissances autobiographiques et le Self conceptuel.
La base des connaissances autobiographiques abrite
des connaissances personnelles générales organisées
de façon hiérarchiques en trois niveaux d’abstraction
emboîtés (schéma du récit de vie, périodes de vie,
évènements généraux) et constitue la principale voie
d’accès aux souvenirs épisodiques autobiographiques.
Les schémas de vie constituent les représentations les
Fonctions
exécutives
Self de travail
Le Self à Long terme
Connaissances
autobiographiques
Self
conceptuel
Script personnel
Self possible
Croyance
Événements
généraux
Périodes
de vie
Schéma
historique
personnel
Souvenirs autobiographiques
Système
de
mémoire
épisodique
Image
sensorielle
Figure 1. Schéma du modèle Self memory system adapté de Conway [8].
Figure 1. Framework of the Self memory system adapted from Conway [8].
C. Duval, et al.
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plus abstraites et renvoient à des informations très
générales sur l’histoire globale de l’individu (par exem-
ple le travail). Ils s’appuient notamment sur des
conventions socio-cognitives à propos de l’ordre et des
thèmes dominants du schéma de vie classique de la
culture d’appartenance de l’individu. A un niveau un
peu moins abstrait se trouvent les périodes de vie ;
elles sont associées à des buts et activités larges, et
contiennent des connaissances générales (lieux, per-
sonnes) liées à de longues durées comme la période du
lycée. Enfin, les événements généraux, liés temporelle-
ment ou organisés autour d’un thème commun, corres-
pondent soit à des événements répétés (exemple les
cours de sport), soit à des événements étendus d’une
durée supérieure à 24 heures (le voyage linguistique à
Nuremberg) et se mesurent en jours, semaines ou
mois.
Le Self conceptuel regroupe les connaissances
sémantiques personnelles non temporellement spéci-
fiées et génère les attitudes, les valeurs, les croyances.
Cette composante contient des scripts personnels, les
images de soi possibles ou désirées, des schémas
socialement établis et des catégories qui définissent
chaque individu, mais également les autres, les interac-
tions avec ces tiers et le monde environnant. Il peut
être décrit sous forme de règles orientant les contenus
de la base de connaissances autobiographiques.
Le système de mémoire épisodique sous-tend le
niveau de spécificité le plus grand qui stocke des infor-
mations de brève durée (quelques secondes, minutes
ou quelques heures au maximum). Il permet de retenir
des informations sur les activités reliées aux buts
actuels (à court terme) et contient des détails senso-
riels, perceptifs, cognitifs et affectifs liés à l’événement
vécu et organisés selon un ordre chronologique. Il
implique donc l’imagerie mentale et une expérience de
reviviscence du passé qui s’apparente à la conscience
autonoétique de Tulving. Un souvenir épisodique est
maintenu dans la mémoire autobiographique dès lors
qu’il est intégré au Self à long terme et représente un
changement de but. Plusieurs souvenirs épisodiques
seraient formés chaque jour, mais tous ne résisteraient
pas au passage du temps, seuls les plus pertinents en
fonction des buts actuels de l’individu étant retenus. La
fréquence de répétition des événements similaires
détermine dans la plupart des cas une transition de la
mémoire épisodique vers la mémoire sémantique par
un processus de sémantisation : la capacité de rappel
des circonstances épisodiques de chaque événement
s’efface au profit du rappel des caractéristiques com-
munes sous formes de schémas et d’amalgames. Tou-
tefois, certains souvenirs épisodiques sont particulière-
ment résistants aux effets du temps : les souvenirs
définissant le soi (Self-defining memories [8]). Ils sont
caractérisés par leur densité d’images mentales et
d’affects, le haut niveau de répétition, le lien avec des
souvenirs qui partagent le même thème, central pour
l’individu, et l’accessibilité.
Enfin, le Self de travail (working Self) est constitué
par un ensemble complexe de processus de contrôle
dirigés par les buts actuels du sujet. Le Self de travail
peut être considéré comme un ensemble de processus
exécutifs liés aux lobes frontaux, correspondant au
modèle de Normann et Shallice du Système Attention-
nel Superviseur (SAS). Conway fait aussi explicitement
référence à la mémoire de travail de Baddeley.
Le Self de travail contraint à la fois l’encodage et la
construction des souvenirs sur la base de deux princi-
pes : la correspondance et la cohérence [8]. D’une part,
il permet d’encoder les expériences correspondant aux
buts activés et, d’autre part, il maintient une représen-
tation stable et cohérente de l’interaction du soi avec le
monde, permettant ainsi un sentiment continu de
l’identité. En vertu de ces principes, le Self de travail et
ses buts influencent la construction des souvenirs et la
récupération des connaissances autobiographiques en
modulant l’accessibilité de certaines représentations.
Cependant cette influence est indirecte : le Self de tra-
vail détermine quels indices seront utilisés pour initier
la recherche d’informations dans la base de connais-
sances, mais c’est le SMS dans son ensemble qui faci-
lite l’accès aux représentations supportant le soi et les
buts actuels ou inhibe les représentations en désaccord
avec le soi et ses buts afin d’éviter un état de disso-
nance et les affects négatifs qui en résulteraient. Toute-
fois ces processus sont pour la plupart inconscients.
Les souvenirs autobiographiques sont ainsi des
constructions mentales transitoires, établies par le Self
de travail, d’un moment psychologique particulier
défini par l’installation d’un but, sa valence, et l’alloca-
tion de ressources exécutives.
En résumé, l’aspect dichotomique du Self se
dégage des différentes conceptions : un « Self-
structure » (Self-Concept, Moi ou Soi autobiographi-
que) et un « Self-processus » (conscience autonoéti-
que, Je ou Soi central). Quelles soient d’ordre
fonctionnel comme chez Tulving ou structuro-
fonctionnel comme chez Conway, la question reste
ouverte sur les relations entre Self et mémoire, plus
précisément entre Self et mémoires épisodique et
sémantique.
Self, mémoire autobiographique et vieillissement
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