Revue thématique Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2007 ; 5 (3) : 179-92 Self multidimensionnel, mémoire autobiographique et vieillissement Multidimensional Self, autobiographical memory and aging Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. CÉLINE DUVAL1 FRANCIS EUSTACHE1 PASCALE PIOLINO1,2 1 Inserm-EPHE -Université de Caen-Basse Normandie, Unité E0218, Laboratoire de neuropsychologie, CHU Côte de Nacre, Caen 2 CNRS FRE 2987, Laboratoire de psychologie et neurosciences cognitives, groupe de recherche Mémoire et Apprentissage, Université Paris Descartes <[email protected]> Tirés à part : P. Piolino Résumé. De nos jours, le concept de Self (le soi) est l’objet d’étude de plusieurs domaines de la psychologie qui proposent chacune leurs propres définitions et méthodes d’évaluation. En tant que système cognitif, le Self se définit comme un ensemble de représentations personnelles, aux dimensions multiples de nature épisodique ou sémantique. A la fois sujet et objet de la conscience, il est la base du sentiment subjectif d’identité et de continuité au cours du temps. Aussi, l’objectif de cette revue est de présenter le concept de Self en lien avec la mémoire autobiographique et de préciser l’impact du vieillissement sur les aspects structuraux (connaissance de soi) et fonctionnels (conscience de soi) du Self. Les données actuelles suggèrent que le vieillissement n’affecte pas de la même manière les différentes caractéristiques du Self et agit plus spécifiquement sur ses aspects fonctionnels. Mots clés : Self multidimensionnel, identité, mémoire autobiographique, vieillissement, conscience de soi Abstract. Nowadays, several psychological fields are interested in the Self-concept and then propose their own definitions and assessment methods. The Self is considered as a cognitive system and is structurally composed of a set of multidimensional episodic and semantic personal representations. While it could be either the agent or the object of consciousness, the Self is at the origin of the subjective identity and feeling of continuity across the time. In the present review, we aimed at introducing the concept of Self focusing on its links with autobiographical memory and to expose the research about the impact of aging on the Self, distinguishing between its structural (Self-knowledge) and functional (Self-consciousness) dimensions. The results from the literature and our own research group suggest that the Self characteristics are not equally changed by aging, the functional dimensions being more specially involved. Key words: multidimensional Self-consciousness doi: 10.1684/pnv.2007.0100 D e nos jours, dans le domaine de la recherche en psychologie, la volonté de percer les mystères de la conscience place l’identité (Self ou Soi) sous le feu des projecteurs. En effet, l’intérêt porté au modèle d’identité de l’individu est en plein essor. Toutefois, au regard de la littérature, le concept de Self reste multiple sur le plan définitionnel et très complexe au niveau théorique. Cependant, certains modèles théoriques en psychologie cognitive et en neuropsychologie se sont intéressés à définir les liens entre Self et mémoire dans la lignée de grands philosophes tels que John Locke (1632-1704), David Hume (1711-1776) ou William James (1842-1910). C’est dans cette perspective, considérant le Self comme un ensemble de représentations personnelles multidimensionnelles stockées en mémoire, que cet Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Self, identity, autobiographical memory, aging, article s’intéresse aux effets de l’âge sur le Self. Alors que l’impact délétère du vieillissement normal est démontré sur le fonctionnement mnésique, qu’en est-il du Self ? Si cette entité joue un rôle central pour donner du sens et guider les expériences vécues, il se peut que le contenu et la structure du Self change au cours du vieillissement du fait de la transformation ou de la dégradation des traces mnésiques. Le concept de Self En psychologie clinique ou en psychopathologie, le Self est appréhendé, en référence à la dichotomie conscient/inconscient proposée par la théorie psychanalytique de Freud (1916), selon différentes acceptions variables en fonction des courants de pensée. Malgré 179 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. C. Duval, et al. des divergences sur le terme même de Self, la plupart des auteurs considèrent le Self comme une instance de la personnalité constituée de sensations, de souvenirs conscients ou inconscients à partir desquels l’individu se construit, élabore des mécanismes de défense, vit sa relation à l’autre, structure sa personnalité en référence à des perceptions externes. Dans une perspective sociale et/ou développementale, certains auteurs proposent un concept de Soi unitaire [1], définissant le Self comme une structure regroupant en un tout cohérent des pensées, des sentiments, des représentations et des jugements sur l’image et les capacités cognitives, physiques, affectives et comportementales qu’un individu a de luimême. Historiquement, les études du Self dominées par une vision unitaire l’associent principalement à la notion d’estime de soi. D’autres avancent une conception multidimensionnelle du Self [2] dans laquelle les connaissances que le sujet a de lui-même sur différents aspects de son identité, tel son physique, son état émotionnel, sa relation aux autres, ses connaissances académiques... sont structurellement et théoriquement distinctes (par exemple voir tableau 1). Malgré ces divergences, l’idée d’un Self constitué de plusieurs catégories ou sous-structures de connaissances est de plus en plus retenue et bien établie dans beaucoup de domaines de la psychologie (social, développement, éducation). Par ailleurs, dans le domaine de la cognition qui considère les processus mentaux comme une succession d’étapes consacrées au traitement de l’information ou à l’exécution d’une fonction particulière, les théoriciens s’accordent à définir le Self comme une variété de représentations cognitives et affectives, de forme verbale ou visuelle qui situent le Self dans le passé et le futur, aussi bien que dans l’ici et maintenant [3]. Certaines de ces représentations seraient organisées dans des structures contenant une base de connaissances bien élaborées et des règles de production/action pour comparer et savoir comment se comporter dans certaines conditions. D’autres seraient plus provisoires, labiles, instables, construites au cours d’une interaction sociale particulière. Certains chercheurs considèrent le Self, non seulement comme une structure supérieure élaborée, mais aussi comme un processus qui faciliterait la mémorisation (pour la notion d’effet de référence à soi dans l’apprentissage et le rappel en mémoire, voir [4]) et, plus généralement, la métacognition. Pour Northoff et Bermpohl [5], le Self serait un terme générique pour désigner un ensemble de processus cognitifs de référence à soi (représenta- 180 tion, contrôle, évaluation et intégration), mis en jeu dans diverses activités cérébrales comme la mémoire autobiographique, les émotions, la conscience ou encore la perception. Ainsi, dans la littérature, il apparaît que la définition du Self reste encore très morcelée au regard des différentes approches. De plus, bon nombre d’études soulignent la complexité du Self et son interrelation avec une multitude de variables, comme le genre, les sources de motivation et les buts, les croyances personnelles, la variabilité intra individuelle, les processus cognitifs d’adaptation, la subjectivité, ou d’autres influences sociales comme les stéréotypes... Toutefois, en essayant d’extraire dans ce flou conceptuel des éléments communs, il semble que le Self soit à l’origine de la construction de notre identité. Cette structure de connaissances nous permettrait alors de répondre à la question : « Qui-suis-je ? ». Constitué d’un ensemble de représentations que l’individu a de lui-même, tant d’un point de vue physique, social, que comportemental ou encore émotionnel, il est en lien avec la mémoire puisque le matériau du Self reste avant tout des représentions mnésiques. La définition du Self proposée par Kihlstrom et al. [6] résume parfaitement bien cette idée : le Self est une représentation mentale personnelle de sa propre personnalité ou identité, formée à partir d’expériences vécues, de pensées encodées en mémoire ; il est constitué et structuré par un ensemble de schèmes, de prototypes, d’images et de buts, définis chacun par des informations descriptives sur des traits caractéristiques, des rôles, des comportements, des règles, ou encore des procédures d’inférence. Ainsi, dans cette perspective, le Self est, selon les chercheurs, appréhendé en termes de fonction supérieure au même titre que la mémoire ou le langage, de système ou encore de processus. Au total, le Self peut se décrire selon sa dimension structurale, puisqu’il est constitué de plusieurs catégories ou sous-structures de connaissances, et/ou fonctionnelle sous forme de processus intervenant dans différents systèmes cognitifs et impliquant alors la prise de conscience de soi. Self et mémoire Dans le domaine de la mémoire, plusieurs auteurs ont introduit la notion de Self dans leurs modèles théoriques. En effet, il semble pertinent de penser que l’ensemble des connaissances que le sujet a de luimême constitue un stock d’informations spécifiques sur son identité et soit intrinsèquement lié à des systèmes et/ou des processus mnésiques ; l’implication du sujet dans l’encodage d’un événement personnelle- Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Self, mémoire autobiographique et vieillissement Tableau 1. Modèle du concept de Soi de L’Écuyer [14]. Table 1. Model of the Self-concept (L’Écuyer [14]). Structures Soi matériel Sous-structures Catégories Soi somatique Traits et apparence physique Condition physique et santé Soi possessif Possession d’objets Possession de personnes Soi personnel Image de soi Aspirations Énumération d’activités Sentiments et émotions Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Goûts et intérêts Capacités et aptitudes Qualités et défauts Identité de soi Dénominations simples Rôles et statut Consistance Idéologie Identité abstraite Soi adaptatif Valeur de soi Compétence Valeur personnelle Activités du soi Stratégies d’adaptation Autonomie Ambivalence Dépendance Actualisation Style de vie Soi social Préoccupations + attitudes sociales Réceptivité Domination Altruisme Référence à la sexualité Références simples Attrait + expériences sexuelles Soi non-soi Référence aux autres Opinion des autres sur soi ment vécu ou dans le rappel d’informations personnelles, résulte de mécanismes mnésiques. Dès le XVIIe et XVIIIe siècle, philosophes et psychologues ont longtemps débattu de la nature du Self et de sa relation avec la mémoire. « Qu’est-ce qui fait que je suis moi ? » Locke, dans ses Essais sur l’entendement humain, plus précisément, dans le livre II, chapitre XXVII, intitulé « Identité et différence », répond : « L’identité personnelle n’est rien sans la mémoire ». C’est la mémoire consciente de la continuité de notre existence dans le temps qui fonde l’identité personnelle en tissant le lien entre les moments passés et les moments présents. Sans cette mémoire, sans les souvenirs, on ne pourrait parler de passé, ni répondre à la Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 question : « Qui suis-je ? ». Alors que, pour Locke, c’est le souvenir des expériences passées qui fait l’identité du sujet, en considérant alors l’identité comme une continuité de la mémoire, Hume suggère que c’est la capacité de l’individu à reconstruire ses expériences en mémoire qui est à l’origine du Self. James a été un des premiers psychologues à approfondir le concept de soi (Self) et à définir ses liens avec la mémoire à long terme à travers son questionnement sur le sentiment d’existence. James distingue deux aspects dans le concept de soi : celui du Moi qui est le soi matériel, spirituel et social et celui du Je, qui assure la continuité et la correspondance de soi. Le Moi (Self-objet, structure passive, objet de la connaissance) réfère, de 181 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. C. Duval, et al. manière objective ou cognitive, à la connaissance, à la représentation et à la description de soi tandis que le Je (Self-sujet, agent actif et sujet de la connaissance) est décrit comme un processus dynamique qui dirige, contrôle implicitement ou subjectivement les expériences, les pensées, les actes, et permet l’évaluation de soi. Alors que le Moi correspondrait à sa structure, le Je peut s’associer au processus conscient du Self. James privilégie le lien entre la mémoire et le Je . Un souvenir vrai fait partie intégrante du Je, il est daté dans mon passé, enveloppé de cette “chaleur”, de cette “intimité”, qui permettent de le reconnaître en tant qu’expérience de soi, bastion de l’identité. Dans cette lignée, plusieurs auteurs contemporains retiennent actuellement l’idée d’un lien direct entre mémoire, Self et identité. Nous en citerons deux : 1) Pour Tulving [3], le Self est l’une des trois caractéristiques, avec le temps subjectif et la conscience autonoétique, qui définit la mémoire épisodique comme mémoire des souvenirs autobiographiques inscrits à la fois dans un contexte spatial et temporel précis. Le Self reflète l’implication du sujet dans l’événement et sert de base aux deux autres caractéristiques. En effet, « un voyage mental dans le temps a besoin d’un voyageur ; sans voyageur, pas de voyage », ni de prise de conscience de sa propre identité. Ainsi, le souvenir épisodique est associé à un état de conscience qui offre à l’individu la capacité de voyager mentalement dans le temps, de se représenter lui-même consciemment dans des événements passés sous la forme de reviviscence, et de les intégrer à un projet futur. Le Self est alors considéré comme un processus intrinsèquement lié à la mémoire épisodique, à la base de la constitution d’un souvenir émaillé de détails phénoménologiques et de la conscience autonoétique. Les processus de stockage et de récupération liés au Self sont considérés comme indépendants de la mémoire sémantique qui stocke des connaissances générales ou personnelles décontextualisées. La notion de Self chez Tulving est celle d’un Self phénoménologique dans la lignée de Locke et James. 2) Conway, et al. [7, 8], dans une autre perspective, proposent le Self memory system (SMS). Selon ce modèle qui est actuellement l’un des plus aboutis, Self et mémoire autobiographique sont intimement interdépendants. La mémoire autobiographique correspond en effet à l’interaction entre trois systèmes : le Self à long terme, le système de mémoire épisodique, et le Self de travail (working Self) qui permet de rendre compte d’une organisation structurale hiérarchique de la mémoire autobiographique et de son fonctionnement (figure 1). Le Self à long terme constitue une structure conceptuelle spécifique contenant deux entités : la base des connaissances autobiographiques et le Self conceptuel. – La base des connaissances autobiographiques abrite des connaissances personnelles générales organisées de façon hiérarchiques en trois niveaux d’abstraction emboîtés (schéma du récit de vie, périodes de vie, évènements généraux) et constitue la principale voie d’accès aux souvenirs épisodiques autobiographiques. Les schémas de vie constituent les représentations les Le Self à Long terme Self de travail Connaissances autobiographiques Schéma historique personnel Fonctions exécutives Périodes de vie Self conceptuel Script personnel Système de mémoire épisodique Self possible Image sensorielle Événements généraux Croyance Souvenirs autobiographiques Figure 1. Schéma du modèle Self memory system adapté de Conway [8]. Figure 1. Framework of the Self memory system adapted from Conway [8]. 182 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Self, mémoire autobiographique et vieillissement plus abstraites et renvoient à des informations très générales sur l’histoire globale de l’individu (par exemple le travail). Ils s’appuient notamment sur des conventions socio-cognitives à propos de l’ordre et des thèmes dominants du schéma de vie classique de la culture d’appartenance de l’individu. A un niveau un peu moins abstrait se trouvent les périodes de vie ; elles sont associées à des buts et activités larges, et contiennent des connaissances générales (lieux, personnes) liées à de longues durées comme la période du lycée. Enfin, les événements généraux, liés temporellement ou organisés autour d’un thème commun, correspondent soit à des événements répétés (exemple les cours de sport), soit à des événements étendus d’une durée supérieure à 24 heures (le voyage linguistique à Nuremberg) et se mesurent en jours, semaines ou mois. – Le Self conceptuel regroupe les connaissances sémantiques personnelles non temporellement spécifiées et génère les attitudes, les valeurs, les croyances. Cette composante contient des scripts personnels, les images de soi possibles ou désirées, des schémas socialement établis et des catégories qui définissent chaque individu, mais également les autres, les interactions avec ces tiers et le monde environnant. Il peut être décrit sous forme de règles orientant les contenus de la base de connaissances autobiographiques. Le système de mémoire épisodique sous-tend le niveau de spécificité le plus grand qui stocke des informations de brève durée (quelques secondes, minutes ou quelques heures au maximum). Il permet de retenir des informations sur les activités reliées aux buts actuels (à court terme) et contient des détails sensoriels, perceptifs, cognitifs et affectifs liés à l’événement vécu et organisés selon un ordre chronologique. Il implique donc l’imagerie mentale et une expérience de reviviscence du passé qui s’apparente à la conscience autonoétique de Tulving. Un souvenir épisodique est maintenu dans la mémoire autobiographique dès lors qu’il est intégré au Self à long terme et représente un changement de but. Plusieurs souvenirs épisodiques seraient formés chaque jour, mais tous ne résisteraient pas au passage du temps, seuls les plus pertinents en fonction des buts actuels de l’individu étant retenus. La fréquence de répétition des événements similaires détermine dans la plupart des cas une transition de la mémoire épisodique vers la mémoire sémantique par un processus de sémantisation : la capacité de rappel des circonstances épisodiques de chaque événement s’efface au profit du rappel des caractéristiques communes sous formes de schémas et d’amalgames. Tou- Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 tefois, certains souvenirs épisodiques sont particulièrement résistants aux effets du temps : les souvenirs définissant le soi (Self-defining memories [8]). Ils sont caractérisés par leur densité d’images mentales et d’affects, le haut niveau de répétition, le lien avec des souvenirs qui partagent le même thème, central pour l’individu, et l’accessibilité. Enfin, le Self de travail (working Self) est constitué par un ensemble complexe de processus de contrôle dirigés par les buts actuels du sujet. Le Self de travail peut être considéré comme un ensemble de processus exécutifs liés aux lobes frontaux, correspondant au modèle de Normann et Shallice du Système Attentionnel Superviseur (SAS). Conway fait aussi explicitement référence à la mémoire de travail de Baddeley. Le Self de travail contraint à la fois l’encodage et la construction des souvenirs sur la base de deux principes : la correspondance et la cohérence [8]. D’une part, il permet d’encoder les expériences correspondant aux buts activés et, d’autre part, il maintient une représentation stable et cohérente de l’interaction du soi avec le monde, permettant ainsi un sentiment continu de l’identité. En vertu de ces principes, le Self de travail et ses buts influencent la construction des souvenirs et la récupération des connaissances autobiographiques en modulant l’accessibilité de certaines représentations. Cependant cette influence est indirecte : le Self de travail détermine quels indices seront utilisés pour initier la recherche d’informations dans la base de connaissances, mais c’est le SMS dans son ensemble qui facilite l’accès aux représentations supportant le soi et les buts actuels ou inhibe les représentations en désaccord avec le soi et ses buts afin d’éviter un état de dissonance et les affects négatifs qui en résulteraient. Toutefois ces processus sont pour la plupart inconscients. Les souvenirs autobiographiques sont ainsi des constructions mentales transitoires, établies par le Self de travail, d’un moment psychologique particulier défini par l’installation d’un but, sa valence, et l’allocation de ressources exécutives. En résumé, l’aspect dichotomique du Self se dégage des différentes conceptions : un « Selfstructure » (Self-Concept, Moi ou Soi autobiographique) et un « Self-processus » (conscience autonoétique, Je ou Soi central). Quelles soient d’ordre fonctionnel comme chez Tulving ou structurofonctionnel comme chez Conway, la question reste ouverte sur les relations entre Self et mémoire, plus précisément entre Self et mémoires épisodique et sémantique. 183 C. Duval, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Self et troubles de mémoire L’approche neuropsychologique du Self en mémoire apporte des indications notables sur l’existence de deux entités et/ou processus distincts mais en constante interaction. L’étude des patients présentant des troubles de mémoire d’origine neurologique ou psychiatrique montre que, sur le plan clinique, il existe des dissociations au sein de la mémoire du Self et entre cette mémoire et les autres mémoires. Le célèbre patient KC [3], atteint de déficits antérograde et rétrograde suite à une lésion cérébrale, est incapable d’apprendre de nouvelles informations et d’évoquer le moindre événement épisodique important de sa vie, pourtant il garde les connaissances générales sur lui. Ce patient n’est pas privé de toute sa mémoire autobiographique, il peut répondre à sa manière à la question « Qui suis-je ? ». Pourtant, il semble que la part défaillante le prive de toute capacité de reviviscence de son passé et de toute “intimité”, vivant dans un présent perpétuel désincarné, détaché de son passé qui lui semble impersonnel. Suite à un épisode brusque de perte d’identité d’étiologie incertaine, le patient CL [9] présente une amnésie rétrograde sévère, aussi bien sur le versant épisodique que sémantique. Sa perte d’identité est totale, contrairement à KC, car il ne sait rien de lui avant l’épisode : « Je suis face à une porte dont j’ai perdu les clés ». Sa famille constate qu’il n’est plus tout à fait le même : ses goûts, ses buts, ses attitudes ont changé. Par contre, ses capacités d’apprentissage étant relativement préservées, progressivement, CL peut réapprendre les différentes périodes importantes de sa vie, mais sans revivre subjectivement le moindre événement particulier de son passé. Son identité semble construite à partir des expériences vécues depuis son épisode de perte d’identité. Autre exemple, l’observation du patient K. [26], âgé de 53 ans, retrouvé assis sur le sol de sa cuisine, silencieux et hébété, se plaignant d’un terrible mal de tête causé par un coup de batte de base-ball. Ce patient ne peut reconnaître ni sa femme, ni ses enfants, ni même son visage. Lorsqu’on l’interroge, Monsieur K est incapable de se souvenir de ce qui lui est arrivé depuis l’âge de ses 14 ans, en 1945. Cette année là, le patient avait vécu plusieurs changements importants dans sa vie (un déménagement, un changement d’école, le décès d’un grand parent, l’incendie de sa maison, la fin de la seconde guerre mondiale) outre un choc à la tête. Les patients comme Monsieur K. vivent le présent en fonction des informations de la période de vie accessible qui déterminent leur sentiment d’identité actuel et l’état de leur Self. Dans le cas des démences, telles que la maladie d’Alzheimer, 184 l’atteinte hétérogène de la conscience de soi est avérée [10]. Les patients sont qualifiés d’anosognosiques, c’est-à-dire non conscients de leur pathologie. Pour certains auteurs, des aspects spécifiques du Self seraient plus touchés que d’autres comme la conscience de soi. Pour d’autres, c’est le déficit de mémoire autobiographique qui affecte l’étendue et la qualité des représentations du Self [11]. D’autres, enfin, n’ont observé aucun déficit au sein de cette structure, même aux stades les plus avancés de la maladie. Ces divergences de résultats, dues aux différentes méthodologies utilisées ou au degré d’évolution de la maladie, ne permettent pas de conclure clairement sur les effets du vieillissement pathologique sur le Self en lien avec la mémoire. Néanmoins, il semble que l’atteinte de la conscience autonoétique varie selon le type de démence [12]. En effet, la nature des souvenirs atteints (épisodiques ou sémantiques, anciens ou récents) spécifie la démence (maladie d’Alzheimer, démence sémantique ou fronto-temporale). Par exemple, la conscience de soi associée aux souvenirs épisodiques est plus prégnante dans la démence sémantique par rapport aux deux autres types de démences, mais reste toutefois fragile par comparaison avec des sujets sains. Enfin, dans la pathologie psychiatrique, des dysfonctionnements mnésiques ont été mis en évidence dans les troubles de dissociation de la personnalité, dans la schizophrénie ou encore dans la dépression, pathologies dans lesquelles le Self est touché. Par exemple, dans la dépression [13], les patients rapportent plus de souvenirs négatifs que positifs contrairement aux sujets non déprimés. De plus, leurs souvenirs négatifs sont beaucoup plus spécifiques que leurs souvenirs positifs ce qui conforte l’état de leur Self actuel. Bien que l’on puisse à certains niveaux distinguer ce qui revient purement au Self ou purement à la mémoire, il apparaît que ces deux systèmes soient en étroite interaction. De plus, le Self phénoménologique et le Self conceptuel semblent également dissociables, mais en étroite interaction pour assurer un sentiment d’identité intact. Qu’en est-il au cours du vieillissement normal avec l’émergence de perturbations mnésiques ? Self et vieillissement Comme les autres structures cognitives, le Self n’est pas immuable et se modifie au cours du temps avec l’âge. Ces transformations peuvent être non seulement le fruit de processus d’intégration de nouvelles informations, mais aussi le reflet d’un déclin naturel associé ou non à celui d’autres fonctions cognitives, comme la mémoire. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Self, mémoire autobiographique et vieillissement Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Un remaniement de la structure du Self ? Peu d’études se sont penchées sur le concept de Self chez la personne âgée bien portante. Seul L’Écuyer [14] a proposé un modèle structural de développement du Self au cours du temps, en décrivant des stades d’évolution de cette structure en fonction de l’âge de 0 à 100 ans. L’Écuyer propose un « modèle expérientieldéveloppemental du concept de Soi » (figure 2). En fusionnant différentes notions proposées sur le concept de Self, il décrit un modèle intégré, multidimensionnel et hiérarchique du Soi (tableau 1). Au-delà de la conception structurale, il prend également en compte l’aspect développemental, selon l’âge et le sexe, et y associe sa méthode d’évaluation « Genèse des Perceptions de Soi », dérivée du test « Who are you ? » de Bugental et Zelen en 1950 et correspondant aujourd’hui au Twenty statement test souvent employé dans les études anglo-saxonnes. Il s’agit de répondre ouvertement à la question « Qui suis-je ? » en commençant chaque phrase par « Je suis ». Par la suite, parmi les éléments énoncés par le sujet, ce dernier doit préciser ceux qu’il considère comme les plus importants pour lui. Chaque stade est alors défini selon le degré d’importance accordé à telle(s) ou telle(s) structure(s), sous-structure(s) ou catégorie(s) du concept de soi : soi matériel, personnel, adaptatif et social. Les profils ainsi obtenus grâce à cette méthode reflètent le profil pour le groupe d’âge entier et non des profils individuels. L’intérêt réside dans l’obtention de profils intra-âges évolutifs, et dans l’identification de degrés d’importance entre les diverses représentations de soi. Pour L’Écuyer, la « permanence du soi » reflète la structure du Self des sujets sains âgés de 60 à 100 ans, décrivant un concept de soi vivant, dynamique, se transformant par l’assimilation de nouvelles informa- tions ou connaissances. Ce stade, caractérisé par un remaniement de l’organisation hiérarchique du concept de soi, s’articule autour de deux sous-stades : la « reviviscence du soi », marquée par une évolution positive des représentations de soi et une importance égale donnée au soi matériel, personnel, adaptatif et social, et la « sénescence du soi », définie par une centration sur soi, un retrait social, où les dimensions liées à l’environnement extérieur prennent moins de place (soi social et adaptatif) au profit de celles qui sont liées à la personne elle-même comme le soi matériel ou personnel. Dans ce modèle, l’évolution du concept de Self semble associée à l’intégration de nouvelles informations, connaissances ou expériences que l’individu acquiert au cours de sa vie. En effet, il est pertinent de penser que les événements de vie affectent les contenus des représentations de soi, réorganisant ainsi la structure du Self. Toutefois, Labouvie-Vief et al. [15] ont montré que, bien qu’il existe un continuum dans l’évolution des représentations de soi au cours de la vie, ces dernières semblent moins différenciées (en termes de complexité) chez le sujet âgé. Par ailleurs, en distinguant le Self-sujet (Je) du Self-objet (Moi), Troll et McKean Skaff [16] soulignent une dichotomie au sein du sentiment de continuité de l’identité au cours du temps chez les personnes très âgées. Alors que des changements sont mentionnés par les individus âgés sur certains attributs du Moi, aucune modification n’affecte le sentiment de cohérence du Self (Je) au cours de la vie. En d’autres termes, l’individu reconnaît être la même personne tout au long de la vie, mais perçoit consciemment des modifications dans certaines de ses caractéristiques personnelles. Enfin, en psychologie sociale, le remaniement de la structure du Self est envisagé en fonction Concept de Soi Enfant (0-9 ans) Adolescence (10-23 ans) Adulte (24-57 ans) Adulte âgé (58-100 ans) Stade 1 (0-2 ans) Émergence du Soi Stade 4 Réorganisation du Soi Stade 5 Maturation du Soi Stade 6 Permanence du Soi Stade 2 (2-5 ans) Confirmation du Soi Sous-stade 4.A Différenciation du Soi Sous-stade 5.A Polyvalence du Soi Sous-stade 6.A Reviviscence du Soi Stade 3 (6-9 ans) Expansion du Soi Sous-stade 4.B Adaptation du Soi Sous-stade 5.B Reconnaissance du Soi Sous-stade 6.B Sénescence du Soi Figure 2. Stades d’évolution du concept de Soi au cours des périodes de vie d’après L’Écuyer [14]. Figure 2. Self-concept evolution across lifetime periods adapted from L’Écuyer [14]. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 185 C. Duval, et al. Tableau 2. Exemples d’items par catégorie du Self et interprétation à l’échelle Tennessee self concept scale (TSCS 2). Table 2. Examples of items for each self-concept category and interpretation in the Tennessee self concept scale (TSCS 2). Interprétation Catégories du Self Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Identité Satisfaction Comportement Self physique Je suis une personne séduisante Je ne suis ni trop gros(se) ni trop maigre J'essaie de prendre soin de mon apparence Self moral Je suis une personne honnête J'aimerais être plus digne de confiance J'agis parfois de façon immorale Self personne Je suis d'un naturel joyeux Je suis content(e) d'être qui je suis Je résous mes problèmes facilement Self familial Je vis dans une famille heureuse Je devrais aimer ma famille davantage Je me dispute avec ma famille Self social Je me lie d'amitié difficilement Je me trouve suffisamment sociable Je suis mal à l'aise avec les gens Self académique Les mathématiques ont toujours été difficiles pour moi Tableau 3. Scores enregistrés à l’échelle Tennessee self concept scale (TSCS 2) [18]. Table 3. Scores measured in the Tennessee self concept scale (TSCS 2) [18]. Scores de validité IN : inconsistance des réponses SC : mensonge FG : désirabilité sociale RD : distribution des réponses Scores globaux TOT : estime de soi CON : ambivalence de ses rôles et statuts sociaux. Les rôles sociaux, le regard et les interactions avec autrui, modèlent également fortement les représentations de soi et sont à l’origine de nombreuses modifications [17]. Nous avons étudié les effets de l’âge sur le Self multidimensionnel en comparant des sujets jeunes (moyenne d’âge 22 ans ; n = 95) et des sujets âgés sains (moyenne d’âge 70 ans ; n = 63) avec une échelle d’évaluation du Self, aussi bien sur le versant catégoriel (Self physique, moral, comportemental...) que dynamique (valence, consistance des représentations). Cette étude a été axée sur des processus d’autoévaluation du Self mobilisant des processus de prise de conscience de soi. 186 Scores Self PHY : représentation physique MOR : représentation morale PER : représentation personnelle FAM : représentation familiale SOC : représentation sociale ACA : représentation académique Scores supplémentaires IDN : identité SAT : satisfaction BHV : comportement Parmi les différentes échelles d’auto-évaluation du self conceptuel, la Tennessee self-concept scale (TSCS 2) de Fitts et Warren [18] est apparue la plus adaptée car elle a l’avantage de distinguer, non seulement différentes catégories du Self (physique, personnel, social...), mais aussi la trame interne à partir de laquelle se décrit le sujet (son identité, son évaluation, ses actions). La TSCS 2 est constituée de 82 phrases affirmatives ou négatives ; pour chacune d’elles le sujet indique si la phrase (par exemple : « Je suis une personne honnête ») le décrit, correspond à sa personnalité, définit son identité, en sélectionnant sur une échelle en 5 points (de 1 = non pas du tout à 5 = oui tout à fait) le seul choix de réponse qui lui semble le plus Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 approprié. Chaque item (exemples, tableau 2) appartient à l’une des trois caractéristiques du concept de soi (identité, satisfaction, comportement), elles-mêmes imbriquées dans chaque sous-catégorie du Self (Self social, moral, personnel...). Chaque item est donc spécifique d’une dimension. Cette échelle permet de calculer principalement un score total regroupant les différentes dimensions et un score par dimension et des scores de validité (tableau 3). L’interprétation du score se fait en termes de valence : plus le score est élevé, plus l’individu possède une bonne représentation (positive) de lui-même, globalement (c’est l’estime de soi) ou par dimension. Par ailleurs, le score RD (distribution des réponses) renseigne sur la qualité (précision) de la représentation : plus le score est élevé, meilleure est la consistance de la représentation. Nous avons aussi utilisé la sous-échelle du SelfPrivé de l’Echelle révisée de conscience de Soi (ERCS) [19]. Cette échelle est la version traduite et validée en français de la Self-consciousness scale. La sous-échelle Self privé mesure la tendance à l’introspection, c’est-àdire la capacité du sujet à porter attention ou à réfléchir sur lui-même et sur ses états mentaux internes. Constituée de 9 items, elle prend en compte la part ou le poids des processus d’introspection. Pour chaque phrase (par exemple : « Je réfléchis beaucoup sur moimême »), le sujet s’auto-évalue sur une échelle en 4 points (de 0 = ne me ressemble pas du tout à 4 = me ressemble tout à fait). Le score obtenu varie de 0 à 27 : plus le score est élevé, plus la part d’introspection est importante. Cette échelle complète la TSCS 2 pour 80 SA * * 60 prendre en compte la part introspective du soi qui est une dimension et un processus important constitutif du Self qui n’y est pas évalué. Enfin, nous avons ajouté deux autres échelles d’autoévaluation en version réduite estimant les difficultés de mémoire dans la vie quotidienne (CDS) et la dépression (GDS). Une fois l’influence de facteurs de biais potentiels entre les sujets jeunes et les sujets âgés neutralisée (niveau d’études, dépression, autocritique, désirabilité sociale), à l’aide d’Ancova, les résultats ont montré que les sujets âgés ne diffèrent pas sur les deux principaux scores de la TSCS 2, score total (estime de soi) et score de consistance. Par contre, les sujets jeunes et âgés se distinguent sur trois scores : le Self physique, le Self identité et le Self introspection. Les sujets âgés de notre étude ont une image plus nuancée de leur apparence physique, ils ne se décrivent pas aussi positivement que les jeunes et n’accordent pas autant d’importance au Self (figure 3). Nos résultats portant sur le score total et le score de consistance de la TSCS 2 suggèrent l’absence d’effets notables de l’âge sur l’état global du Self. Toutefois, les résultats obtenus par dimension montrent certaines différences selon le groupe d’âge. Plusieurs études indiquent que les représentations liées à l’apparence et à la santé physique deviennent plus importantes avec l’âge [14]. Cependant, peu d’études fournissent un support empirique à une relation linéaire entre l’âge et la valence négative des représentations de soi (physique et identité) et l’introspection. Certains travaux trouvent que les sujets âgés ont tendance à porter attention aux SJ Scores (%) * * * 40 * 20 oc és ira on nc ut (d FG .i SC ép (r C (a si st a nt es rit ) bi iq li ue RD té s ) oc ( c ia TO on le T si ) st (e a CO stim nc e) e N de (a m so bi i) PH va le Y (p nce hy ) si M qu O e ) PE R ( m R or (p al er ) FA son M ne l) (fa m ili AC SO al C ) A (s (a ca oci al dé m ) ID iq ue SA N ( ) id T en BH (s tit at V é) is (c om fac ER tio CS po n) r (in tem tr os ent ) CD pe ct S (m ion G D ém ) S (d oi re ép ) re ss io n) 0 IN Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Self, mémoire autobiographique et vieillissement Figure 3. Différences intergroupes sujets jeunes et âgés (SJ et SA) aux scores des échelles d’autoévaluation du Self (TSCS 2, ERCS), de la mémoire (CDS) et de la dépression (GDS). *p < 0,05 Figure 3. Age-group differences on the self-assessment of self concept (TSCS 2, ERCS), memory (CDS) and depression (GDS). SJ: young subjects; SA: aged subjects. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 187 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. C. Duval, et al. aspects personnels, intimes, introspectifs de leur Self, d’autres trouvent qu’ils s’attachent moins à structurer et organiser leur Self qu’à chercher à adapter et ajuster leurs représentations personnelles face aux changements [14, 20]. Ainsi, la mobilisation des processus introspectifs diminuerait au cours de l’empan de vie avec la stabilisation de la structure du Self. L’introspection serait donc moins sollicitée chez les sujets âgés (possédant une structure du Self plus cristallisée) : elle serait remplacée par d’autres processus cognitifs permettant l’adaptation du Self [20] qu’il conviendrait d’étudier chez les sujets âgés : l’assimilation (maintien d’un Self cohérent en dépit du décalage entre représentation et expérience), l’accommodation (changement du Self face à l’expérience) et l’équilibre (flexibilité entre processus d’assimilation et d’accommodation). Par ailleurs, nos résultats confirment que le Self est un construit complexe qui subit des changements liés à l’âge mais qui est aussi sensible à d’autres facteurs notamment émotionnels et mnésiques. Indépendamment de l’âge, nos résultats montrent que la valence du Self dépend de l’humeur actuelle du sujet : plus il ressent des affects dépressifs et moins il se décrit positivement. Par ailleurs, plus les scores de Self sont élevés (consistance des représentations, bonne estime de soi, description positive...), moindre est la plainte mnésique (CDS). Ce résultat suggère un lien entre le Self et les capacités de mémoire dans la vie quotidienne, d’autant plus que cette relation est indépendante de l’âge, du niveau d’études et de l’humeur des sujets. Aussi, le modèle d’identité du sujet semble sous-tendu par un double mécanisme : un Self flexible, soumis à l’influence de divers facteurs comme l’humeur et un Self stable, rigide, cristallisant la personnalité du sujet. Cela expliquerait que des modifications du Self puissent surgir au cours du vieillissement sans affecter le sentiment subjectif d’identité et de continuité dans le temps. Quel lien existe-t-il entre Self et mémoire autobiographique au cours du vieillissement ? Parce que les processus du Self et de la mémoire autobiographique sont en interaction, comment peut-on appréhender les transformations et/ou la stabilité du Self suite au « déclin » des fonctions mnésiques au cours du vieillissement ? En effet, il est bien admis aujourd’hui que les fonctions mnésiques déclinent naturellement avec l’âge, touchant plus particulièrement les processus de récupération en mémoire épisodique. Qu’en est-il du Self qui repose sur des représentations mnésiques ? Trop peu de travaux ont ciblé les effets de l’âge sur le concept de Self chez l’individu âgé, 188 en axant principalement son étude en lien avec la mémoire autobiographique. Plusieurs auteurs ont mis en évidence un biais de positivité chez les sujets âgés lorsqu’ils évoquent des souvenirs autobiographiques par rapport aux sujets jeunes. Même lorsqu’ils évoquent des événements négatifs (comme un accident, un événement stressant) [21, 22], les sujets âgés ont tendance à les évaluer comme neutres, voire positifs. Cet effet de positivité souligne de nouveau le lien entre Self, mémoire et régulation de l’émotion qui semble d’autant plus important chez les sujets âgés. D’autres études ont décrit la distribution temporelle en mémoire autobiographique en fonction de sa nature sémantique ou épisodique et de l’âge des sujets. Le rappel de connaissances sémantiques personnelles (« le nom des camarades de classe ») reste relativement insensible aux effets de l’intervalle de rétention et de l’âge des sujets [23]. Par contre, la distribution temporelle des souvenirs épisodiques change d’allure selon l’âge des sujets. Chez les sujets jeunes il existe deux composantes : la fonction de rétention et l’amnésie infantile. La fonction de rétention avec son effet de récence correspond à une courbe d’oubli classique au cours du temps. L’amnésie infantile caractérise la pauvreté du rappel des événements vécus avant l’âge de 5-6 ans, avec une absence presque totale de souvenirs des trois premières années de vie. À partir de l’âge de 40 ans, s’ajoute une troisième composante qui montre la supériorité du rappel des souvenirs encodés à l’adolescence et à l’âge de jeune adulte, entre 10 et 30 ans, par rapport aux autres périodes du passé : l’effet de réminiscence. Avec l’avancée en âge des sujets, l’effet de récence est conservé et le pic de réminiscence devient de plus en plus ancien, mais il coïncide toujours aux événements encodés entre 10 et 30 ans [23, 24]. L’explication du phénomène n’est pas consensuelle. Certains auteurs invoquent un mécanisme d’encodage spécifique et d’autres un mécanisme particulier de récupération puisque cette période de vie fournit des indices de rappel particulièrement efficaces (« le jour du mariage »). Mais l’explication la plus probable est celle qui est liée au Self. Cette période de vie déterminante pour la construction et le maintien du sentiment d’identité dépendrait de l’influence des intérêts et des buts les plus stables, liés à l’identité, qui continueraient d’exercer une influence tout au long de la vie [25]. Afin d’étudier les liens entre mémoire autobiographique et Self phénoménologique (Self-processus, conscience de soi dans le temps), nous avons adminis- Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Self, mémoire autobiographique et vieillissement tré un questionnaire autobiographique semi-structuré à 180 sujets âgés de 21 à 80 ans répartis en 3 groupes d’âge : 75 jeunes (moyenne d’âge 25 ans), 55 sujets âgés (moyenne d’âge 62 ans), 50 sujets très âgés (moyenne d’âge 75 ans). Les sujets âgés étaient tous autonomes et sans déficit cognitif et antécédent neurologique ou psychiatrique. Le test épisodique de mémoire du passé autobiographique [26] est un questionnaire qui évalue spécifiquement la capacité à revivre mentalement les détails phénoménologiques et contextuels des événements autobiographiques en fonction de cinq périodes de vie. Pour chacune des 5 périodes testées, le sujet doit évoquer un événement spécifique (unique, inférieur à 24 heures, situé dans le temps et l’espace et détaillé) à partir d’un thème de rappel. Chaque souvenir évoqué est contrôlé lors d’un retest proposé au sujet 15 jours après le test et auprès de la famille, puis coté sur une grille d’épisodicité en 5 points (0-1-2-3-4). Pour chaque période, un score dit strictement épisodique comptabilise les souvenirs présentant tous les critères d’épisodicité cotés 4 points, les autres souvenirs étant plus ou moins sémantisés. Ce test permet aussi d’évaluer l’état de conscience autonoétique (paradigme “je me souviens”/“je sais” [3]) et la perspective du Self (paradigme “acteur”/ “observateur” [27]) pour chaque souvenir évoqué par le sujet. Le paradigme “je me souviens”/“je sais” (Remember/Know) consiste à demander au sujet de préciser s’il sait (K : know) ou s’il se souvient (R : remember) avoir vécu l’événement autobiographique rappelé. Les réponses « R », sont l’expression directe de la mémoire épisodique lorsqu’elles sont associées à la reconstruction consciente de la scène dans laquelle les événements ont été vécus et, par conséquent, à la reviviscence qui implique le Self subjectif et le situe dans un contexte spatio-temporel. Les réponses « K » sont l’expression d’un processus plus automatique, un sentiment de familiarité qui n’implique que la mémoire sémantique et pas le Self subjectif. Le paradigme “acteur”/“observateur” (Field/Observer) permet d’évaluer la perspective du Self dans le rappel de souvenirs en caractérisant le point du vue associé à la représentation mentale correspondante. Lors de l’évocation d’un souvenir, le sujet doit préciser s’il voit la scène de ses propres yeux (acteur), comme s’il revivait l’événement en tant que sujet/acteur, ou s’il se voit lui-même dans la scène (observateur) et joue alors le rôle de spectateur. Ce paradigme ne recouvre pas strictement les notions de mémoire épisodique et de mémoire sémantique car d’autres facteurs peuvent Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 influer sur le point de vue (comme l’émotion, l’intervalle de rétention). Par exemple, avec le temps, les souvenirs tendent à être rappelés davantage avec une perspective d’observateur et avec des réponses K. Toutefois, la reviviscence qui implique le Self subjectif s’accompagne le plus souvent de réponses R et d’une perspective d’acteur [28]. Nous avons montré [29] que les capacités de rappel d’événements autobiographiques spécifiques et détaillés (composante épisodique) diminuent avec l’âge et sont remplacés par des souvenirs génériques (composante sémantique personnelle). Néanmoins, même chez les sujets très âgés, quelques souvenirs épisodiques persistent. Leurs caractéristiques sont semblables aux souvenirs des autres groupes d’âge et définissent les souvenirs liés au Self (voir supra). De plus, les résultats montrent que le sentiment de « se souvenir » du passé autobiographique diminue avec l’âge alors que le sentiment de le « savoir » augmente. Comme l’illustre la figure 4, les sujets âgés revivent moins facilement l’épisode d’encodage de leurs souvenirs, avec toutefois une amélioration concernant les périodes les plus anciennes comme celle qui recouvre en partie le pic de réminiscence (18-30 ans). Ils sont aussi davantage observateurs de leur souvenir qu’acteurs. L’ensemble de ces résultats indique un changement délétère lié à l’âge dans la mémoire autobiographique et le Self subjectif. Si la dissociation des effets de l’âge sur le type de souvenirs évoqués et le type de réponses R/K plaide clairement en faveur d’un impact spécifique du vieillissement sur les aspects épisodiques épargnant les aspects sémantiques, le profil de résultats sur les réponses acteur/observateur est moins net. En particulier, le point de vue peut refléter, au-delà de la nature de la trace mnésique, les caractéristiques affectives et cognitives des souvenirs. La perspective d’acteur accompagne plus souvent le souvenir lorsqu’il est associé au Self actuel et à une valence positive [30] et lorsque le sujet revit le contenu émotionnel au lieu des circonstances de l’événement [27]. Ainsi, un nombre moins élevé de perspectives d’acteur chez les sujets âgés pourrait témoigner non seulement de la sémantisation des souvenirs, mais aussi d’une difficulté à utiliser les structures du Self de travail. Les modifications de la spécificité des souvenirs ainsi que de la conscience autonoétique et de la perspective du Self permettraient de prédire un affaiblissement du sentiment d’identité chez les sujets âgés. Or, ces déficits liés à l’âge n’entament pas globalement le sentiment d’identité (par exemple, la consistance des représentations du soi et l’estime de soi, voir supra) 189 C. Duval, et al. De plus, la sémantisation des souvenirs chez les sujets âgés s’accompagne chez certains d’une tendance à apporter de la signification aux événements vécus en tirant une leçon ou une morale. Selon Blagov et Singer [31], la spécificité ne serait pas l’unique dimension des souvenirs fortement intégrés au Self. Le fait d’utiliser des processus d’élaboration des souvenirs (intégration) permettrait à la mémoire d’influencer le Self, et donc de renforcer et transformer les buts de vie, et de se construire une identité cohérente, notamment en élaborant les expériences négatives [32]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. comme dans la dépression, la maladie d’Alzheimer ou les patients porteurs de lésions frontales. Cette étude met en évidence que, malgré des déficits de mémoire autobiographique chez les sujets âgés, la conservation : a) de connaissances sémantiques personnelles, qui sont une composante fondamentale de l’identité personnelle, b) du sentiment subjectif de reviviscence du passé lointain et (c) de quelques souvenirs épisodiques définissant le Self, permettent à ces sujets de voyager dans leur passé, en assurant ainsi un sentiment d’identité et de continuité. Rappel de souvenirs épisodiques 16 14 Score moyen 12 10 jeunes âgés très âgés 8 6 4 2 0 0-17 ans 18-30 ans > 30 ans 1-5 ans 0-12 mois Pourcentage de réponses Remember justifiées par le rappel de détails 120 jeunes âgés très âgés 100 80 60 40 20 OÙ 0-12 mois 1-5 ans > 30 ans 18-30 ans 0-17 ans 1-5 ans 0-12 mois > 30 ans 0-17 ans 18-30 ans 1-5 ans QUOI 0-12 mois > 30 ans 0-17 ans 18-30 ans 0 QUAND Figure 4. Rappel de souvenirs épisodiques (haut) et conscience autonoétique (sentiment de reviviscence) associée au contenu factuel (QUOI), spatial (OÙ) et temporel (QUAND) des souvenirs (bas) en fonction de 5 périodes d’encodage chez 3 groupes d’âge de sujets sains d’après Piolino et al., [29]. Les périodes 0–17 ans, 18–30 ans et > 30 ans correspondent à des âges d’encodage, les périodes 1–5 ans, 0–12 mois correspondent à des durées de l’intervalle de rétention. Figure 4. Recall of episodic memories (top) and autonoetic consciousness (sense of reviving, Remember responses justified in terms of details) associated with the factual, spatial and temporal (WHAT, WHERE and WHEN) content of memories (bottom) according to 5 periods of encoding for 3 age groups of healthy subjects adapted from Piolino et al. [29]. The periods 0–17, 18–30, > 30 years old correspond to ages of encoding, the periods 1–5 years and 0–12 months are retention time intervals. Dark: young; middle: old; light: very old. 190 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Self, mémoire autobiographique et vieillissement La relation réciproque entre mémoire autobiographique et Self est utilisée comme principe de base dans les thérapies de la réminiscence, chez les sujets âgés institutionnalisés par exemple. Butler en 1963 a défini la revue de vie (the “life review”) ou réminiscence comme un processus mental naturel et adaptatif qui consiste en un rappel conscient des expériences autobiographiques passées et à un retour aux conflits non résolus. Les thérapies de la réminiscence retiennent l’idée qu’une introspection sur son propre passé aurait une fonction adaptative dans le présent en renforçant l’identité et l’estime de soi et favorisant l’intégration dans un nouvel environnement. Certains sujets âgés, en fonction de leur vécu et de leur personnalité, semblent ne pas privilégier autant l’introspection que des sujets plus jeunes (voir nos résultats supra) ou bien privilégie un type d’introspection délétère pour le Self. En effet, comme le montrent Watt et Wong [33] dans leur taxonomie, il existe plusieurs types de réminiscence qui servent des fonctions bien différentes pour le Self. La réminiscence intégrative permet à l’individu de s’accepter en tant que tel et d’accepter les autres, de résoudre ses conflits et d’intégrer le présent et le passé afin de trouver un sens et une cohérence à sa vie. En fait, les chercheurs soulignent l’importance des représentations positives personnelles des sujets âgés pour un « vieillissement réussi », qui résultent de processus cognitifs d’adaptation et d’autoprotection, et dont l’interaction assure un sentiment de continuité au cours du temps et structure l’identité. Grâce aux mécanismes d’assimilation, d’accommodation et d’équilibre [34], les sujets âgés tendent à maintenir un Self positif et même à le majorer. D’autres types de réminiscence sont aussi favorables au self. La réminiscence instrumentale consiste à se servir du passé pour résoudre les problèmes actuels, se rappeler ses buts et ses plans passés et à se souvenir comment nous avons fait face à nos anciennes difficultés. La réminiscence transmissible correspond au partage de son expérience personnelle, ses valeurs et son héritage culturel. Par contre, la réminiscence obsessionnelle est caractérisée par une rumination incessante et négative des événements passés et n’est pas bénéfique au Self. L’activité de réminiscence intégrative a été utilisée par les cliniciens comme moyen d’intervention thérapeutique auprès des personnes âgées, dans la dépression et la maladie d’Alzheimer. Depuis, de nombreuses études ont examiné ses bénéfices sur le plan compor- Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 temental mais beaucoup plus rarement sur le plan cognitif. Certains auteurs suggèrent que la réminiscence serait particulièrement efficace et utile en institution où les résidants ont un manque d’identité. Malgré la vison très positive qui se dégage des études sur la réminiscence, aucune de ces études n’a véritablement testé son impact sur le plan cognitif (Self et mémoire, notamment) et, de plus, ce champ d’étude manque encore le plus souvent de méthodologie rigoureuse [35]. Conclusion Bien que non exhaustive, cette revue sur le Self multidimensionnel en lien avec la mémoire et les effets de l’âge montre que le vieillissement n’affecte pas de la même manière les différentes caractéristiques du Self. Peu de modifications apparaissent avec l’âge sur le Self conceptuel (Self-structure) contrairement au Self phénoménologique (Self-processus). La complexité de cette structure de connaissances qu’est le Self est illustrée par les liens qu’elle tisse avec d’autres systèmes cognitifs comme l’émotion ou la mémoire. En effet, les connaissances de soi reposent sur une base mnésique et sont fortement teintées par l’humeur actuelle de l’individu. D’autres travaux sont nécessaires pour étudier l’impact du vieillissement sur les diverses facettes du Self aussi bien sur le versant structural que fonctionnel. En effet, les différentes catégories (Self physique, personnel...), le domaine (description, valence, importance, complexité), le contenu (représentations sémantiques, épisodiques, émotionnelles...), la référence (self actuel, idéal, désirable) doivent être pris en compte structuralement, de même que les différents processus associés (référence à soi, introspection, autoévaluation...) et niveaux de conscience (conscience de soi, méta-conscience) au plan fonctionnel. En outre, d’autres travaux devront préciser l’impact de nombreux facteurs qui concourent à influencer le Self multidimensionnel dans le vieillissement; de nature contextuelle ou environnementale, socioculturelle, motivationnelle ou encore émotionnelle, ces variables semblent agir, modeler et transformer le Self. Il serait particulièrement intéressant d’étudier les mécanismes cognitifs qui permettent d’intégrer les changements au sein de la structure du Self et ainsi de conserver le sentiment subjectif de continuité dans le temps. 191 C. Duval, et al. Références 1. Rosenberg M. Conceiving the Self. New York : Basic Books, 1979. 2. Marsh HW. Global Self-esteem : its relations to specific facets of Self-concept and their importance. J Pers Soc Psychol 1986 ; 51 : 1224-36. 3. Tulving E. Episodic memory : from mind to brain. Annu Rev Psychol 2002 ; 53 : 1-25. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. 4. Thompson C, Skowronski J, Larsen S, Betz A. Effectiveness of Self-schema in memory. In : Larsen S, Skowronski J, Thompson C, eds. Autobiographical memory : remembering what and remembering when. Mahwah : Lawrence Erlbaum Associates, 1996 : 83-100. 5. Northoff G, Bermpohl F. Cortical midline structures and the Self. 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