Karin Lafont-Miranda - 2013
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Gibraltar de Djabal al-Târiq, “la montagne de Târiq” (le chef qui débarqua le premier en Espagne
en 711)
Guadalquivir de wad al-kebir (wad = cours d’eau + kebir = grand)
Murcia du participe passé de mursah, fortifié.
Selon les régions, les Arabes sont restés entre trois et huit siècles en Espagne : leur influence sur la
vie culturelle et intellectuelle a donc été considérable. Cordoue est devenue un grand centre de
culture islamique et c’est de cette ville que les savants arabes ont transmis leur science des
mathématiques ou diffusé la philosophie grecque. Averroès
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, philosophe, théologien, juriste,
mathématicien et médecin musulman (dont les écrits figurent au programme de philosophie dans
certaines sections) est andalou. Au 13
ème
siècle, après la Reconquista, le roi Alphonse le Sage fera
traduire de l’arabe en castillan la science gréco-latine recueillie par les émirs de Cordoue.
L
a quantité impressionnante de mots d’origine arabe dans la langue espagnole témoigne elle aussi
de l’influence musulmane. Les arabismes lexicaux sont estimés entre 4 000 et 840, selon le type de
mots pris en compte – ce qui est énorme.
D’abord, beaucoup de mots commencent par la lettre « a » : c’est bien sûr la trace de l’article
arabe al, passé dans l’espagnol en même temps que le mot emprunté. D’ailleurs, parfois le « l » se
maintient, comme dans almíbar (sirop). Il arrive aussi qu’il disparaisse, comme dans azucar (sucre).
Pourquoi ? Parce qu’en arabe, il existe des lettres dites lunaires et d’autres dites solaires. Si un mot
commence par une lettre lunaire, il faut prononcer l’article défini al, comme dans al-kursi (la
chaise). Si le mot commence par une lettre solaire, on ne prononce pas l’article défini mais on
redouble la première consonne, comme dans an-nour (la lumière) ou comme dans az-zucar
(« sucre », en arabe, tiens donc !).
En espagnol, un arabisme sur quatre commence par un « a ». Voici des exemples tirés du
vocabulaire de la vie courante :
aceite (huile), aldoquín (pavé), alcachofa (artichaut), alcuzcuz (couscous,
bien sûr), alfombra (tapis), aduana (douane), ajedrez (jeu d’échecs),
alboronía (ratatouille), alcalde (maire), alcohol, aljibe (citerne), aljonjolí
(sésame), albañil (maçon), albaricoque (abricot), alfiler (épingle), algodón
(coton), alhucema (lavande), almacén (magasin), almohada (oreiller),
anaquel (étagère), atùn (thon), azafrán (safran), almunia (jardin potager),
azafata (hôtesse de l’air – à l’origine, le mot désignait une dame
d’atour), azotea (terrasse), azulejo (carreau de faïence), alquiler (loyer),
KLM – médina d’Agadir 2008
alquitrán (goudron), arroz (riz), azar (hasard). Impressionnant, non ? Et encore ne s’agit-il que d’une
petite sélection … On trouve aussi en français ou en italien des formes comprenant un al amalgamé
(« alchimie », « algèbre » ou « azimut ») mais les proportions ne peuvent être comparées avec celles
de l’espagnol.
Autre marque de fabrique : les « s » de l’arabe, souvent rendus par la lettre « s » en français ou en
italien, sont devenus en espagnol des « z » devant « a », « o » et « u » : c’est le cas d’azúcar ou
d’azul. Devant « e » et « i », l’espagnol a privilégié le « c » comme dans cenit (zénith) ou aceite. Les
hispanophones d’Espagne prononcent ce « c » un peu comme les Anglais le « th ».
Notons ici que les Sud-Américains, eux, prononcent de la même manière « c » et « s », ce qui
constitue l’une des différences majeures entre le castillan d’Espagne et le castillan du continent
américain. Nous y reviendrons dans un autre article.
C
INQUIEME EPISODE
:
LA
R
ECONQUISTA
L
e castillan – parlé comme son nom l’indique en Castille, alors un modeste royaume – va prendre
une grande importance au fur et à mesure de la Reconquête. Le roi Ferdinand Ier le Grand
2
réussit,
1
(1126-1198)
2
(1016-1065)