
Croissance française : quel niveau possible en 2022 ?
QUELS OBJECTIFS DE
PRODUCTION POTENTIELLE
POUR LE PROCHAIN EXÉCUTIF
FRANÇAIS ?
Pour répondre à la question posée,
encore faut-il avoir une idée claire des
racines de la faiblesse de la croissance
potentielle française. Celle-ci est la
résultante de mouvements, a priori,
indépendants les uns des autres :
▪ Un recul ancien et continu des gains
de productivité (PGF), commun à
l’ensemble des pays occidentaux et
attribué à l’absence de "vrais" pro-
grès techniques ;
▪ Un effet négatif de la crise financière
sur l’investissement productif et
l’accumulation du stock de capital
par tête ;
▪ De facteurs spécifiquement français
touchant au marché du travail, à l’in-
sertion de l’offre nationale dans la
mondialisation, à la qualité de l’in-
vestissement, à la formation des
individus, etc.
Les pouvoirs publics français peuvent
agir sur le dernier facteur en mettant en
œuvre des politiques structurelles :
meilleur fléchage de l’épargne vers
l’investissement productif, réforme du
système éducatif, amélioration de l’em-
ployabilité des salariés, etc.
Ils n’ont, en principe, pas d’influence sur
les deux premiers qui relèvent du
mouvement général des économies
occidentales.
A supposer que les diagnostics sur les
freins structurels soient les bons et que
la mise en œuvre des réformes s’opèrent
rapidement et sans friction (deux hypo-
thèses fortes), quelle cible de crois-
sance potentielle pourrait alors se don-
ner le prochain gouvernement pour la
fin de la mandature (2022) ?
La réponse à cette question est délicate :
▪ La notion de croissance potentielle
reste une construction largement
intellectuelle. Il est difficile de s’ac-
corder sur son niveau passé, encore
plus sur ses perspectives futures ;
▪ Le niveau de la croissance poten-
tielle, tel que mesuré à un moment
donné, n’est pas indépendant de la
position de l’économie dans le
cycle. La faiblesse actuelle de la
croissance potentielle française
peut se lire autant comme le reflet
du rythme de croissance observé en
France depuis 2010 que comme un
affaiblissement des ressorts sous-
jacents de sa croissance. Des effets
d’hystérèse peuvent aussi se pro-
duire, une baisse durable de la
demande impactant durablement
l’offre de long terme ;
3
Les enjeux d’une croissance potentielle plus faible
Dans son dernier examen de la situation économique de la France1, le FMI a réali-
sé une projection du niveau du PIB en 2021 qui intègre le fort ralentissement des
gains de productivité observés depuis la crise financière de 2008. A cet horizon,
le niveau du PIB français apparaît plus faible de 8 % par rapport au niveau qui
aurait été obtenu si la croissance potentielle était restée sur son rythme d’avant
crise.
De façon plus concrète, cet écart implique une perte de production de
175 milliards € (en valeur 2016) et un manque à gagner de recettes publiques de
80 milliards (soit plus que le déficit de l’Etat en 2015).
1 http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2016/cr16227.pdf, p7.
Croissance potentielle :
un concept puissant difficile à évaluer
Le PIB potentiel se définit comme "le niveau maximum de production que peut
atteindre une économie sans qu’apparaissent des tensions sur les facteurs de pro-
duction qui se traduisent par des poussées inflationnistes". L’estimation du PIB
potentiel est un exercice délicat car cette notion n’est pas observable :
▪ Elle peut se faire de façon statistique, avec le recours à des filtres statistiques
qui éliminent les composantes conjoncturelles de la série de PIB. On obtient
une estimation qui s’apparente au PIB tendanciel ;
▪ On peut aussi utiliser des méthodes structurelles et partir d’une fonction de
production du type Cobb-Douglas. Le PIB potentiel est alors estimé à partir
d’hypothèses sur les facteurs de production (Capital et Emploi) et l’efficacité de
la combinaison productive (la Productivité Globale des Facteurs (PGF)).
Y = g La K(1-a)
Où Y est le PIB, g la productivité globale des facteurs (PGF), L l’emploi, K le stock de
capital et a un coefficient déterminé par la technologie. Cette équation peut aussi
s’écrire de façon différentielle :
dY/Y = dg/g + a dL/L + (1-a) dK/K
où dY/Y est le taux de croissance du PIB, dg/g, dL/L et dK/K, ceux de la PGF, du
stock de travail et de capital.
Dans cette formulation, on voit que la croissance potentielle dépend de l’investisse-
ment (qui détermine l’évolution du stock de capital), de l’emploi (nombre d’heures
travaillées) et de la PGF qui rassemble "le reste", ie le progrès technique, l’efficacité
de la combinaison productive, la "qualité" de l’emploi et du capital etc.
Perte de croissance potentielle depuis la crise
Source : Autorités françaises et calcul FMI