Acte 6 - Théâtre Le Public

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édito
Mesdames, Messieurs,
chers spectateurs,
Par ces temps qui se couvrent, il faut varier les
idées, se déconnecter et ouvrir tout l’espace à
l’imagination !
En ce joyeux printemps, la grande scène du
Public vous invite à une escapade en Forêt,
pièce déconcertante s’il en est – mais surtout
étonnante et épatante, et vous propose une
escapade dans l’univers dense et enchevêtré
d’un auteur russe à découvrir.
Patricia Ide & Michel Kacenelenbogen
Photo © Bertrand Sottiaux
Ensuite nous vous proposons une balade Du Coq
à Lasne, pour raconter ce plat pays que nous aimons
tant, et une invitation à la Paix nationale de ce même
plat pays qui n’en finit pas d’inspirer nos auteurs.
Puis viendra Cyrano de Bergerac ! Cyrano qui se prépare en ce moment en coulisses; Olivier Massart et
une troupe de 40 comédiens, costumiers, régisseurs,
créateurs lumières et sons, s’activent en ce moment
dans le théâtre pour vous concocter la plus belle et
la plus folle des comédies héroïques. Ils répètent, se
parent, se préparent... pour qu’en cette fin de saison
vous emportiez chez vous quelque chose sans un pli,
sans une tache... et c’est... son panache!
Et en toute fin, en juin, nous aurons le bonheur d’accueillir Philippe Vauchel, merveilleux comédien, et sa
comédie à Bretelles. Le Sherpa qui porte sa maman
sur son dos...à voir, c’est du bonheur!
Nous vous invitons d’ores et déjà à consulter le préprogramme de la saison prochaine 2012/2013.
Nous espérons que vous nous rejoindrez
curieux et confiants !
Patricia Ide
co-directrice
Michel Kacenelenbogen
co-directeur
Le Journal du Public
3
Sommaire
horizons
Chroniques
p 4 7
p 8 11
16 19
éVéNEMENTS
p 12 13
Saison 2012/2013
p 14 15
Olivier Massart
© I. De Beir
Le Public au Palais des Beaux-Arts
p 20
L’équipe à l’honneur
p 21
Infos pratiques
p 22
Le Journal du Public
Printemps 2012-N°6
Rédacteurs en chef : Patricia Ide et Michel Kacenelenbogen
Rédaction : Patricia Ide, Chiara Badiali, Anne Mazzacavallo
et Michel Vanderlinden
Conception graphique et réalisation : Olivier Binamé
Contacts : Patricia Ide et Chiara Badiali
Impression : jcbgam
Photos couverture : Isabelle De Beir
ACTE, le Journal du Public, est édité sur papier recyclé et distribué
gratuitement au Théâtre.
Cyrano
de Bergerac
le théâtre de tous les théâtres
S’il existe une pièce inclassable, c’est
bien « Cyrano de Bergerac » où se mêlent
dans une folle envolée tous les genres
théâtraux : romantique, héroïque, poétique, drôle, émouvant, intime et grandiose et dramatique enfin. Cyrano, ça
met tout un théâtre en ébullition et c’est
le défi de toute une équipe.
Horizons
Au Public
du 11/05 au 30/06/12
Horizons
• Une pièce contre la morosité ambiante
Constant Coquelin
lors de la 1ère représentation
de Cyrano en 1897 Dans une République française déprimée, qui vient de connaître
la défaite de 1870 et les déchirements de l’affaire Dreyfus, le
théâtre parisien balance entre le drame et la comédie. Aux
boulevards de Feydeau et Courteline répondent les pièces
naturalistes d’Ibsen et Strinberg. Alors, quand la première
de « Cyrano » a lieu le 27 décembre 1897, c’est une comète
théâtrale qui traverse le ciel plombé de France pour y laisser
une traînée d’étoiles éternelles. Cette pièce intemporelle est
comme le souffle épique qui manquait à tout un pays. C’est, à
l’aube d’un siècle nouveau, le retour du panache à la française
qui deviendra rapidement universel et éternel. Et c’est pour le
Public, de la même manière, mettre du flamboyant dans la grisaille ambiante de notre temps.
• La folle entreprise
A l’époque de Rostand - comme à la nôtre - la gageure est de
taille. A l’aube du XXème siècle, écrire une pièce romanesque
de plus de 2600 alexandrins autour d’un personnage presqu’oublié du XVIIème, relève de l’audace, sinon de l’inconscience.
Edmond Rostand, qui a certes déjà connu quelques jolis succès d’estime avec ses pièces
précédentes, n’a que 29 ans
quand il entame l’écriture
de « Cyrano », qu’il décrit
comme une comédie héroïque. Mais qu’est-ce qui
a bien pu pousser le jeune
Rostand à écrire un tel monument de théâtre ? Il y a
d’abord son intérêt pour le
personnage historique de
Savinien Cyrano de Bergerac qu’il a lu et relu, étudié
à fond, et qui le fascine. Il
y a ensuite sa rencontre
avec Constant Coquelin,
immense acteur passé par
la Comédie française et
qui cherche le personnage
dans lequel il pourra monHercule Savinien Cyrano, dit Cyrano de Bergerac
trer toute l’étendue de son
Gravure du 17ème siècle
talent. C’est Sarah Bernhardt qui présente l’auteur à Coquelin. Celui-ci dira à Rostand :
« Ecrivez-moi un rôle, je le jouerai où vous voudrez, à Montmartre, aux Batignolles, mais tout de suite ». Aussitôt, Rostand se lance dans l’écriture de « Cyrano » qu’il bouclera en
un an. C’est une pure folie que de vouloir écrire en vers une
pièce avec autant de personnages, exigeant cinq décors différents, des costumes par centaines et qui impose en outre une
véritable prouesse d’acteur : Cyrano à lui seul, c’est 1600 vers
à mémoriser et toutes les nuances d’un rôle complet à faire
briller ! Seuls de grands acteurs au sommet de leur art peuvent
relever le défi de ce rôle éclatant. Mais Coquelin est de ceux-là
et il y croit, au point de dire à Rostand : «Vous portez en vous la
force des vainqueurs, poète et idéaliste. Si vous voulez, je serai
votre premier colporteur d’idéal».
6
Le Journal du Public
• Les doutes du poète
La petite histoire recèle d’anecdotes sur les répétitions et la
création de la pièce. Tout le monde doute du succès ; les acteurs d’un côté et l’auteur, qui est aussi le metteur en scène, de
l’autre. Rostand prédit même que ce sera « le plus beau four de
l’année. » A tel point que prêt à renoncer, il s’excuse auprès du
grand comédien de lui avoir écrit une si mauvaise pièce. Mais,
– est-ce dû au faux nez de Cyrano ? - l’acteur aura plus de flair
que le poète : Coquelin pressent le triomphe et soutient financièrement le projet en louant à ses frais le Théâtre de la Porte
Saint-Martin où aura lieu la création. Physiquement, il est pourtant bien loin du personnage : cinquante-six ans et un ventre
rebondi. Pourtant, le soir de la première, le miracle s’accomplit. C’est que le personnage de Cyrano est tellement brillant
et généreux, et la pièce tellement efficace et épique, que le
public debout acclame Coquelin et Rostand dans un même
élan d’enthousiasme : il y aura ce soir-là vingt minutes de bravos ininterrompus et plus de quarante rappels. Le ministre des
finances de l’époque, déboulant dans les coulisses après la représentation, ôtera de son revers sa propre Légion d’Honneur
pour en décorer Edmond Rostand, anticipant de quelques jours
la reconnaissance officielle que la France rendra à l’auteur.
Qu’est-ce qui rend donc cette pièce si magique et hors du
temps ? Et qu’est-ce qui poussent les acteurs et les metteurs en
scène à se lancer dans cette folle aventure ?
C’est qu’une création de cette ampleur rassemble tout ce
dont des spectateurs, mais aussi des acteurs, peuvent rêver:
une langue brillante, un rythme soutenu, de l’action et de
l’amour, des rôles multiples, et par-dessus tout, un esprit de
troupe. Cyrano, c’est toutes les couleurs et toutes les nuances
du théâtre. Alternant les scènes intimes et les grandes fresques
épiques, « Cyrano de Bergerac » porte en lui l’idéal et le souffle
romantique de son héros. Cyrano, c’est l’incarnation même du
théâtre. Il est tous les héros tragiques ou comiques : il y a en
lui Matamore et Hamlet, Scapin et Fracasse, Roméo ou Don
Quichotte. Et c’est ce qui fait à la fois la grandeur et la complexité d’un rôle aux multiples facettes, parfois diamétralement
opposées.
Car il n’est pas à une contradiction près, le fier
Gascon*. Ce bretteur et bagarreur, cette « grande
gueule » de Cyrano, se fait soudain timide devant
les femmes et n’arrivera jamais à déclarer sa flamme
à la belle Roxane, l’amour de toute sa vie. Provocateur éclatant le jour, capable d’affronter seul cent
hommes envoyés contre lui, Cyrano devient dans
l’ombre du soir, un amoureux tremblant et lointain.
Ce fou d’amour passionné fera même tout pour que
son rival aille cueillir le baiser dont il a tant rêvé luimême. Personne comme Cyrano ne sait si bien parler d’amour,
si bien écrire les mots de l’amour, mais il n’arrive jamais à le
vivre lui-même. C’est le héros romantique par excellence, mais
qui voit au loin s’envoler la belle, emportée par un autre, parce
qu’il se sent trop laid et indigne d’un tel amour. Mais il est prêt
à massacrer tous ceux qui parlent de son nez trop grand - et
même ceux qui n’en parlent pas, mais qu’il soupçonne de le
penser seulement.
Idéaliste aussi ce Cyrano, et loyal. Tout chez lui est idéalisé :
l’amour, le courage, l’honneur, l’amitié. Sa droiture morale va
jusqu’à faire de Christian – pourtant son rival en amour - son
ami le plus véritable et envers lequel sa loyauté est sans faille.
Cette loyauté le poussera d’ailleurs à taire, par-delà la mort de
Christian, son amour pour Roxane, et presque au-delà de sa
propre mort.
C’est que Cyrano ne fait jamais aucune concession à ce qu’il
croit être la vérité et l’honneur. Non seulement il va sans dévier
jusqu’au bout de ses idées et de ses rêves, mais encore y vat-il avec joie, poussant la provocation jusqu’au déraisonnable,
et sans crainte du danger. Dans sa démesure, il aime parfois à
se jouer des autres, il prend plaisir à l’exagération, à la comédie. Il a le goût du grandiose, celui qui dit : « J’ai décidé d’être
admirable en tout, pour tout. » Même si ce genre d’esprit libre
et frondeur – il y a aussi du Gavroche dans Cyrano – attire les
jalousies et les complots contre lui. Ces rancunes-là le mèneront à la misère et finiront par l’abattre lâchement. Mais il ne
s’en plaint jamais. Au contraire, il s’en vante. Le panache encore
et toujours et jusqu’au bout.
Affiche de Cyrano de Bergerac,
joué par la troupe
du Théâtre Saint-Martin Horizons
• Les contradictions d’un héros
• Cyrano, le héros anti-héros
Peut-être que ce qui rend Cyrano si fascinant à nos yeux et si
cher à nos cœurs, c’est qu’il a en lui tous les rêves que nous
n’avons pas réalisés, toutes les folies que nous n’osons pas
vivre, tous les courages que nous n’aurons jamais. Voilà pourquoi Cyrano est l’incarnation même du théâtre : comme le
théâtre lui-même, il permet à l’impossible, au merveilleux et
au grandiose d’exister . Mais à bien y regarder, ce héros magnifique est en réalité un anti-héros : c’est l’amant qui n’enlèvera
pas la belle, le guerrier qui ne gagnera pas la guerre, l’ami qui
finira abandonné de tous. Cyrano trahit par lui-même ? Peutêtre, mais pour lui, qu’importe ; ce n’est pas le but qui compte,
c’est la manière. Cyrano préfère écrire un petit poème qu’une
grande page d’histoire, il préfère l’ombre à la lumière, et la
vérité à tous les mensonges. Cyrano, c’est l’enfant que nous
sommes tous restés : tantôt farouche, tantôt tendre ou téméraire, poussant les limites, laissant libre cours à son imagination
et par-dessus tout spontané, vrai et entier. Il y a aussi du Peter
Pan dans cet homme-là, qui refuse de vieillir, qui repousse la
laideur du monde et la bassesse des vains sentiments. Pas
étonnant que les plus grands acteurs - qui sont souvent de
grands enfants - ont tous rêvé de se coller un jour un faux nez
pour incarner le plus généreux des personnages de théâtre.
• La magie du théâtre
Edmond Rostand
dans son uniforme
de l’Académie Française La pièce de Rostand, c’est du théâtre à son sommet et Cyrano,
c’est la somme de tous les rôles. Tout à la fois drôle, émouvant, bouleversant et dramatique, il interroge toute notre âme.
Mais pour réussir ce pari, il faut l’énergie de tous et la cohésion de toute une équipe. Le Public tout entier vibre des répétitions des duels, les murs résonnent de tirades, les alexandrins
courent dans les couloirs, les costumes faits maison s’alignent
le long d’interminables tringles et Olivier Massart porte bottes
et épée quand il traverse les bureaux. Tout un théâtre se lance
dans la belle et folle aventure.
Cyrano, c’est tout ce que nous rêvons d’être et que nous ne
serons jamais, mais que pour un soir nous pouvons toucher
du doigt en reprenant à la sortie du théâtre nos manteaux
changés en capes, nos parapluies transformés en épées et nos
chapeaux emplumés. Et comme Cyrano à la fin de la pièce,
nous emporterons dans nos cœurs et jusque dans nos rêves :
le panache !
Le Journal du Public
7
« La
Forêt »,
comédie russe et arborée
8
Le Journal du Public
Chroniques
Rencontre avec Xavier Lukomski, metteur
en scène de « La Forêt », à l’affiche en ce
moment au Public.
Le Public : Comment se sont passées les répétitions avec votre
équipe ?
Xavier Lukomski : Très, très bien ! C’était intense, mais c’est
tellement agréable de répéter. C’est une grande équipe, avec
des personnalités très différentes. Une équipe faite, dans sa
majeure partie, de gens qui me sont proches. Il y a une partie
importante de la distribution qui était déjà de « La Mouette »
que nous avions créée au Public en 2005, et une autre qui vient
de « Tokyo Notes »**, et puis quelques nouveaux arrivants qui
donnent un autre souffle.
Le Public : Est-ce que dans « La Forêt » justement, ces nombreux personnages ne forment pas aussi un ensemble hétéroclite ?
Xavier Lukomski : Oui, la pièce raconte la rencontre entre deux
mondes. Le monde des propiétaires, du commerce, de l’argent,
le monde du réel et le monde des acteurs, du théâtre, qui
est évidemment plus « fictionnel», « littéraire » même, mais
peut-être tout aussi réel. Il est représenté par deux acteurs qui
viennent en quelque sorte se réfugier dans la propriété de Madame Gourmyjskaïa, « gratter un peu de chaleur »...
Le Public : « Gratter un peu de chaleur ? »
Xavier Lukomski : C’est une expression que j’ai entendue un
jour, quand je travaillais dans un centre pour jeunes à Molenbeek. Je leur demandais pourquoi ils venaient au centre et l’un
d’eux m’a répondu « on vient gratter un peu de chaleur. » J’avais
trouvé l’expression belle et assez parlante… et c’est excatement
le début de la pièce. Comme ils le disent eux-mêmes, les deux
comédiens décident de se rendre dans la propriété pour « ... se
reposer un peu du voyage... » et « ... goûter un petit pâté en
croûte... Ou des liqueurs...». Mais le « retour à la vie de famille »
ne va être « reposant » pour personnes...
Maquette de «La Forêt»
© M.Gouider
Le Public : Le grand public connaît du théâtre russe des auteurs
comme Tchékhov, Tourgueniev, ou encore Dostoïevski que
Le Journal du Public
9
Chroniques
Xavier Lukomski
© J. Pombo
Pierre Laroche a porté en scène au Public - mais Ostrowski, on
connaît moins, et pourtant il semble qu’il soit une sorte de précurseur et qu’en Russie il ait une aura vraiment particulière.
Xavier Lukomski : Pour moi c’est plus qu’un précurseur, c’est
véritablement la colonne vertébrale du théâtre et la dramaturgie russe. On l’a appelé le « Molière russe » et d’une certaine
manière, c’est juste de l’appeler comme ça, parce que cette
expression dit qu’il est fondamental. Mais d’une autre manière
il y a un contre-sens à le comparer à Molière. C’est vrai que,
comme la plupart des écrivains russes, il va chercher son style
dans la littérature ou la dramaturgie occidentale. Mais comme
toujours avec les Russes, il ne digère pas ça correctement et en
fin de compte, ça ne ressemble plus du tout à l’original, c’est
très loin de Molière ou de Goldoni. Parfois, comme Tchékhov,
ça se rapproche plus de Shakespeare, étrangement. Et c’est
à mon sens ce qui rend son écriture tellement intéressante.
Ostrovski a revisité la comédie classique… mais « à la russe ».
Et à l’arrivée c’est très différent. Par exemple, contrairement
à beaucoup d’auteurs comiques, il a de la sympathie pour ses
personnages. Même et peut-être surtout pour les crapules. Et
dans « La Forêt », des crapules, il y en a, et des salées.
Le Public : Mais est-ce que ces crapules sont des crapules
jusqu’au bout ?
Xavier Lukomski : Je dirais que ces personnages ne sont pas «
totalement » des crapules. C’est à dire, encore une fois, qu’ils
sont un peu comme vous et moi. C’est aussi ce qui rend l’écriture d’Ostrovski si belle, c’est qu’à la fois nous sommes dans
une comédie, donc que ça fait rire, mais en même temps, les
personnages sont si réels, on est si proches d’eux, qu’ils en sont
émouvants. C’est en ça qu’il est le précurseur de Tchékhov, qui
d’ailleurs reconnaissait l’influence d’Ostrovski.
10
Le Journal du Public
Le Public : On a évoqué le registre de la comédie. Mais la comédie russe, qu’a-t-elle de particulier ?
Xavier Lukomski : Pour le coup, je pense que le père de la comédie russe c’est Gogol. Bon, il faut dire d’abord qu’il existe
un humour russe, ce n’est pas une blague (rires), et Gogol en
est l’inventeur et le très grand maître. C’est un humour que je
crois très moderne, très contemporain. Un humour plutôt brutal, avec une dimension absurde parfois, voire fantastique, un
peu délirante. Je pense aussi que la particularité de l’humour
d’Ostrovski en particulier, c’est le fait qu’on est tout le temps
dans cette ambivalence de sentiment, on rit et on pleure en
même temps. D’ailleurs, il y a même, dans la comédie « La
Forêt », une dimension presque – ou même tout à fait- mélodramatique et que j’aime beaucoup. Pour moi ça rapproche
Ostrovski de grands cinéastes comiques que je mets très haut
dans mon petit panthéon, comme Frank Capra par exemple, ou
Chaplin évidemment. C’est un humour brutal, même cruel en
un certain sens : c’est cruel de rire de ce dont on pleure et de
pleurer de ce dont on rit.
Le Public : Il y’a-t-il, comme dans bon nombre de comédies, un
arrière-fond social, politique ?
Xavier Lukomski : Oui, bien sûr. Cette dimension politique est
vraiment dans la confrontation entre les différents mondes
sociaux, entre les différentes classes sociales, les maîtres et les
serviteurs, les pauvres et les riches, les jeunes et les vieux...
Mais chez Ostrovski, il n’y a pas que cette dimension sociale ou
politique. C’est vraiment une écriture très riche avec de multiples dimensions philosophiques, morales, métaphysiques...
et aussi une vraie réflexion sur la place de l’art dans la société
et la place du social dans l’art.
Xavier Lukomski : Je pense que c’est ce qui fait la grande actualité de cette pièce. C’est une pièce sur le besoin immédiat
d’argent, sur l’avidité du besoin d’argent, sur la consommation
de et par l’argent, et la manière dont cette avidité de l’argent et
du crédit broie les hommes et les femmes... C’est cette dimension qui nous permet, je crois, d’utiliser cette pièce du XIXème
siècle pour parler de notre XXIème très « avidement financier ».
Le Public : C’est-à-dire que la pièce est transposée à une autre
époque ?
Xavier Lukomski : Nous sommes dans le monde d’aujourd’hui,
mais sans l’affirmer. Nous sommes surtout dans le monde de
Gourmyskaia qui est celui des propriétaires et dans celui du
théâtre qui est celui des acteurs et des musiciennes. Deux
mondes qui se confrontent, voire s’affrontent.
Le Public : On n’est pas en Russie non plus ?
Xavier Lukomski : Non, on n’y est pas vraiment non plus. D’ailleurs, on a plutôt été chercher de l’inspiration dans les ÉtatsUnis de la crise actuelle que dans la Russie du XIXème... Mais
la Russie d’aujourd’hui rappelle quand même l’Amérique (et
notre vieille Europe) d’aujourd’hui, celle du crédit, celle « à crédit », où peu importe ce que l’on produit, pourvu que l’on possède, que l’on achète et que l’on vende, vite. Je crois vraiment
que « La Forêt » raconte ça, le besoin avide d’argent rapide. « La
Forêt » est une histoire de vente et d’achat rapide, et au final,
peut-être un peu de « rachat » moral... mais ce n’est pas du bon
commerce. On vend mal, on vend vite, on vend pour pas cher,
on solde. Le monde de Gourmyjskaïa, la propriétaire, est riche
mais il dilapide son patrimoine, parce qu’il lui faut du cash,
parce que, « littéralement », il veut jouir et vite. Peu importe
le futur et ceux qui y vivront, et peu importe même ceux qui
vivent - si mal – aujourd’hui, à sa périphérie.
Chroniques
Le Public : Tout se croise et se mélange autour de la vente de
cette forêt.
**« Tokyo Notes » aux Théâtre Les Tanneurs en 2008
Maquette de «La Forêt»
© M.Gouider
Le Journal du Public
11
Le Public
crée l’événement
événements
Le spectateur de théâtre n’étant pas qu’un « consommateur » passif
de théâtre, nous avons toujours voulu lui offrir les occasions d’être un
spectateur actif, curieux de la chose théâtrale dans tous ses aspects.
C’est dans cet esprit que nous l’invitons aux « Evénements du Public » que nous organisons régulièrement. Ces débats, ces rencontres avec des artistes, ces lectures publiques, sont autant d’occasions de découvrir les coulisses du métier, de révéler des pièces
ou d’approfondir une réflexion en lien avec un spectacle. Et ils sont de plus en plus nombreux, celles et ceux qui entre 18 et 19h30,
viennent écouter, voir et participer à ces avant-soirées toujours enrichissantes.
L'
du
Invité
Publi
Les
Débats
du
Publi
Le s
Lectures
du
Publi
« L’invité du Public », c’est la rencontre avec un artiste qui donne sa vision du métier,
dévoile ce qui le motive et le passionne au théâtre et dans la vie et qui livre les souvenirs
tendres ou les anecdotes drôles de sa carrière. Gentiment « cuisinés » par Eric Russon, les
invités révèlent d’eux-mêmes des aspects inconnus, souvent touchants ou cocasses. Mais
ils communiquent surtout, en artisans qu’ils sont, leur passion pour le texte, leur envie de
partage et leur besoin de mettre l’humain au cœur de leur art. C’est l’occasion aussi, pour
les spectateurs, d’interroger les artistes. Derniers invités en date: Janine Godinas, Patricia
Ide et Patrick Descamps.
« Les débats » sont d’autres moments rares à partager avec le public et l’occasion d’aller
plus loin encore dans la compréhension d’une pièce de théâtre. Autour d’un modérateur, les
intervenants, choisis pour leur expertise, débattent d’un sujet en lien avec un spectacle. Ces
« Débats du Public » permettent à certains de pousser plus loin leur réflexion sur un spectacle
déjà vu et à d’autres de « défricher » le spectacle qu’ils iront voir. Les échanges entre le public
et les intervenants clôturent traditionnellement ces débats qui ouvrent les esprits sur de nouvelles lectures d’un spectacle.
Deux fois par saison, le comité de lecture convie les spectateurs à une « Lecture publique ».
De larges extraits de deux pièces, coups de cœur du comité, sont mises en situation et lues
par les artistes. C’est là qu’on découvre de nouvelles œuvres, qu’on teste « grandeur nature »
ce qu’une pièce peut susciter comme réactions dans le public. Ces lectures recèlent de petits
bijoux d’écriture et sont aussi des moments rares et intimes où une pièce simplement lue
résonne tout particulièrement.
Les événements du Public sont gratuits et ont lieu de 18h00 à 19h30.
Ils sont annoncés sur le site www.theatrelepublic.be ou via nos newsletters.
Pour être tenus informés des actualités et offres du Théâtre le Public, envoyez un email
à [email protected]
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Le Journal du Public
Débat du Public le jeudi 26 avril 2012 :
« Les chemins de l’écriture. Comment écrire la Belgique ? »
Rencontre autour des spectacles
« Du Coq à Lasne »
et « Paix nationale »
Avec Geneviève Damas (écrivain et
comédienne, auteur de
« Paix nationale »)
&
Laurence Vielle (écrivain et comédienne, auteur de « Du Coq à Lasne »)
Vielle
Laurence
x
©B.Sottiau
Genevi
© S. Evrardève Damas
événements
Modérateur Michel Vanderlinden
Prochain Invité du Public samedi 09 juin 2012
Olivier Massart à l’affiche dans « Cyrano »
sera l’invité d’éric Russon
Prochaine Lecture publique
samedi 23 juin 2012
Olivier
© I.DeBeir Massart
Découvrez les coups de cœur du comité
« L’école sur scène »
5 ans déjà et… ça continue !
Hakim Louk’Man
Après « Moi, je… », « Voyages… », « C’est pour rire… » et « L’amour, le bonheur etc… »,
les élèves de l’école Henri Frick et du Lycée Guy Cudell préparent avec ardeur leur
nouveau spectacle avec des animateurs en or : Hakim Louk’Man, Maria Abécasis
et Othmane Moumen.
Venez applaudir « Yes ! We can… » le lundi 26 mai 2012 à 19h00 dans la Grande Salle du Public !
Un projet de collaboration entre le Public, les écoles et la Commune de Saint-Josse-ten-Noode
Le Journal du Public
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Saison
2012/2013
Rejoignez-nous,
curieux et confiants !
Les titres de la nouvelle saison
Septembre / octobre 2012
novembre / décembre 2012
1. Mistero Buffo
4. Skylight
de David Hare
de Dario Fo
Jongleries et bouffonneries
Comédie dramatique
2. L'éveil du printemps
Textes de DANIIL HARMS
Comédie dramatique
Cabaret pétulant
3. Orphéon
6. Monsieur Y perd la tête
de Frank Wedekind
5. L'encrier a disparu
de Stanislas Cotton
Histoire d’ici
d’Yvan Tjolle
et Stéphane Orlando
Comi-tragédie musicale surréaliste
7. Hommage à Brel
14
Le Journal du Public
Concert de Filip Jordens
Centre culturel d’Auderghem Janvier / février 2013
Mai / Juin 2013
8. La serva amorosa
15. Illusions
de Carlo Goldoni
ou l'heureuse famille !
de Jack Cooper
Magie et Mystères
Una commedia !
9. Le mec de la tombe
d'à côté
de Katarina Mazetti
Comédie libertine
10. Les fleurs du mal
de Baudelaire
Ballade
février / Mars / avril 2013
16. Les 39 marches
de John Buchan
et Alfred Hitchcock
Adaptation de Patrick Barlow
Adaptation française de Gérald Sibleyras
Polar humoristique
17. Le bourgeois gentilhomme
de Molière
Comédie (coup de) ballet
11. Trois grandes femmes
d’Edward Albee*
Comédie dramatique
*Sous réserve de l’obtention des droits d’auteur.
12. Les deux
gentilshommes de Vérone
de William Shakespeare
Comédie épique
13. Jusqu'à ce que la mort
nous sépare
de Rémi De Vos
Comédie noire
14. Manneke
Demandez le préprogramme
avec les distributions, infos et
détails des spectacles.
Infos & Réservations
0800 / 944 44
www.theatrelepublic.be
de Pierre Wayburn
épopée brusseleire
Le Journal du Public
15
Chroniques
Paix nationale
&
Du Coq à Lasne
Quand le théâtre rejoint l’actualité : interview croisée
de deux femmes aux prises avec « leur » Belgique
Geneviève Damas, prix Rossel 2011 avec son roman « Si tu passes la rivière » , nous
livre avec humour une tranche d’histoire présente et future de deux territoires cohabitant avec difficulté où les personnages sont forcés de trouver un terrain d’entente.
Là où Laurence Vielle rejoint Lasne en provenance du Coq, dans une marche à travers
une épopée familiale au plus profond de ses origines et de celle de la Belgique.
Geneviève Damas
© J. Pombo
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Le Journal du Public
Geneviève Damas : J’ai choisi de le traiter par l’absurde, de
façon beckettienne. Traiter ce sujet de manière réaliste est
hasardeux car on risque vite de tomber dans quelque chose de
réducteur. D’autant que la commande passée par Michel Kacenelenbogen et Patricia Ide était de parler de la Belgique à travers deux personnages. Et il ne fallait surtout pas tomber dans
le côté « un flamand et un wallon se rencontrent…».
Ce qui m’a intéressée c’est de raconter l’histoire de deux personnages qui habitaient au centre du conflit entre deux Communautés, cette portion de territoire qui côtoie les frontières,
où l’on se mélange, se contagionne… Lors de la séparation, le
centre se « désintègre » et ils se retrouvent obligés de cohabiter dans un no man’s land après avoir tout perdu.
Qu’est-ce que l’on fait du centre ? Si la séparation est toujours
très claire pour les extrêmes, que fait le milieu ? Il est coupé en
deux. Il m’a paru essentiel de traiter cette situation grave par
l’humour, pour rire de nos incohérences.
Laurence Vielle : Dans ma démarche de comédienne, d’écrivaine, j’aime travailler à partir du réel, des gens que je rencontre. Tout part du réel et est souvent relié à la marche. Ici
c’est également une marche intérieure.
C’est une marche relativement courte, du Coq à Lasne.
On a traversé la Flandre avec Jean-Michel Agius, mon compagnon de voyage. La Flandre, je ne la connaissais pas bien
alors que toute la famille dont je souhaitais parler venait de là.
J’avais donc besoin de cette immersion dans le paysage et de
la marche physique pour trouver les chemins de la narration.
Chaque jour, je me demandais : « mais pourquoi je marche
comme ça du Coq à Lasne ? » Parce que d’une part, il y avait le
voyage physique et d’autre part, la rencontre avec des gens de
ma famille, et aussi d’autres personnes plus lointaines, des écrivains, des historiens etc. Et ça c’était donc un autre travail, aller
vers eux pour qu’ils me livrent des informations sur cette histoire que j’essayais d’éclairer. Le frère de Bart De Wever, Bruno
De Wever, historien de la collaboration pendant la deuxième
guerre, m’a orientée sur des éléments plus historiques. Pierre
Mertens, quant à lui, a été quelque part un déclencheur en me
disant : « Nous avons un devoir de mémoire, et je dirais même
plus un droit à la mémoire. »
Mais c’est en arrivant à Lasne que j’ai vu deux petites chaises
bleues à l’entrée d’un sous-bois. Et c’est vraiment ça qui a fait
naître l’écriture du spectacle. C’est dans la marche concrète
sans savoir ce qui va m’arriver que s’ouvrent pour moi des chemins de narration, mêlant rencontres et bribes de ce chemin.
Chroniques
Le Public : Comment on porte un sujet tel que celui-là au
théâtre ?
Le Public : Il y a quelque chose de profondément émotionnel
dans ce que vous racontez, entre un vécu familial et un attachement à une terre. Deux histoires, l’une familiale, l’autre liée
à l’actualité, qui se rejoignent en fin de compte ?
Geneviève Damas : Effectivement, il me semble que la Belgique
est quelque chose d’éminemment émotionnel. Je crois que la
notion de patrie est quelque chose de très immatériel. C’est
l’air que l’on respire, la sensation de se sentir « à la maison »,
d’être à sa place quelque part. Lorsque je me trouve à la mer
du Nord, par exemple, qui pour moi est la plus belle du monde,
Laurence Vielle
© J. Pombo
Le Journal du Public
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« Je trouve qu’il faut que l’on fasse de
Chroniques
même lorsqu’il pleut, je me sens chez moi. Et l’idée qu’elle soit
rattachée à un territoire auquel je n’appartiendrais pas et que
je doive me contenter de vivre (plutôt survivre) dans un territoire sans mer comme la Suisse me désespère, même si je
sais pertinemment que rien, aucune frontière, aucun homme
politique, aucune barrière nadar ne m’enlèvera cet amour-là.
Je sais aussi que mon grand-oncle, Lucien Godefroid, mort à 19
ans pour défendre son pays est enterré au cimetière militaire
d’Adinkerke. J’y suis allée une fois avec ma grand-mère et je
cherchais sa tombe, petite stèle blanche au milieu de centaines
d’autres, anonyme. J’aurais du mal à concevoir que son corps
repose en terre étrangère.
Laurence Vielle : Au départ le but n’était pas de faire un parallèle entre l’histoire familiale et celle du pays. Dans ma famille, il
y avait deux résistants et deux collaborateurs. Dont un collaborateur très connu, important pour l’histoire de la Belgique. Et
j’ai voulu en savoir un peu plus mais il y avait une certaine gêne
dans ma famille à en parler, d’ailleurs une partie de ma famille
ne se voyait plus depuis la deuxième guerre. Je touchais à des
choses sensibles. Je me suis plongée dans des lectures notamment Geert van Istendael, avec Le labyrinthe belge, qui est une
première approche très importante de notre histoire pour moi.
J’ai donc dû ajouter à cette enquête familiale une plongée dans
l’histoire de la Belgique, que l’on nous raconte sur les bancs de
l’école de façon un peu simplifiée ! Par exemple, on ne nous a
pas du tout raconté quelle a été la différence entre la collaboration flamande et la collaboration wallonne. En Flandre elle
avait une grande spécificité en ce sens qu’elle était liée au désir
fou de reconnaissance de la langue flamande, d’ailleurs justifié
à l’époque. C’est dommage que l’on ne nous explique pas tout
ça parce que ça donne des clefs de compréhension sur les événements d’aujourd’hui, comment cette situation s’est creusée,
comment elle s’est aggravée.
C’était donc très important pour moi de faire ce « voyage »,
de découvrir autrement ma famille. Peut-être qu’en racontant
cette histoire, je raconte un peu de l’histoire de notre Belgique.
Mais ce n’était pas volontaire au départ.
« C’est bien souvent quand tout est
perdu, qu’on a accepté le désastre, que
quelque chose est possible ! »
Geneviève Damas
Le Public : On ne peut s’empêcher de sentir un voile pessimiste dans vos histoires…
Geneviève Damas : Cette pièce n’est ni séparatiste ni unioniste. Elle pose la question « Y a-t-il moyen de faire quelque
chose ensemble ? » C’est bien souvent quand tout est perdu,
qu’on a accepté le désastre, que quelque chose est possible !
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Le Journal du Public
cette différence, une richesse, comme si
notre petit pays pouvait être le laboratoire de la différence Laurence Vielle
»
Je pense que les personnages de ma pièce ne pourront jamais
s’entendre et en même temps, ils vivent et créent des choses
ensemble !
Laurence Vielle : Non je ne pense pas... J’ai juste voulu raconter une histoire de famille qui ne m’avait jamais été contée,
beaucoup de non-dits, de silence dans la culture que l’on m’a
transmise. Je suis allée à la recherche de ces non-dits, et ce
spectacle n’est sans doute qu’une petite partie de cette vérité
familiale que je ne connaitrai jamais entièrement. Mais cette
recherche m’a donné espoir en l’humain et en sa capacité de
relieur, si l’on sort des cases rigides qu’on nous a mises en tête.
Ça m’a permis de redonner de la souplesse à ces cases et refaire des ponts que je n’aurais pas pu faire sans cela. C’était
parfois un peu douloureux car des membres de ma famille ne
voulaient pas en parler. J’espère qu’ils viendront voir le spectacle. Je reste très pudique, loin de moi l’idée de mettre mal à
l’aise, j’avais juste besoin de dénouer ce silence. Et puis, tout ce
chemin m’a permis de porter un autre regard sur la Belgique.
Après, sur ce qu’elle sera plus tard, je ne sais pas. Vivre ensemble avec des langues et des cultures si différentes, c’est en
tout cas une richesse extraordinaire. Je me suis dit en faisant ce
spectacle que ça aurait été bien si ma mère m’avait parlé néerlandais ! Je trouve qu’il faut que l’on fasse de cette différence,
une richesse, comme si notre petit pays pouvait être le laboratoire de la différence. Mais tout est encore possible !
Le Public : Selon vous, on doit trouver un lieu de rencontre sur
base de notre histoire commune?
Geneviève Damas : On ne doit pas forcément. Une structure
nationale et internationale n’existe que si elle est utile. S’il n’y
a pas d’utilité, il n’y a aucun intérêt de conserver une structure.
Si la Belgique est une belle coquille vide, quel est l’intérêt ? Mais ce n’est pas mon métier de dire ce qui doit être ou pas
au niveau politique, il y a les élections pour cela. Ce qui me
semble essentiel (et c’est en cela que je peux jouer mon rôle en
tant qu’artiste) c’est de créer du lien social entre les différentes
cultures et communautés cohabitant sur notre sol. Nous avons
une foule de moyens de communication mais le lien social est
de plus en plus ténu. C’est pour cela, par exemple, que nous
avons choisi de jouer le spectacle avec une traduction néerlandaise projetée.
Laurence Vielle : En tout cas, rencontrer cette partie de ma
famille « tue », a été ma plus belle rencontre, j’étais très émue.
Et chaque fois que je joue cette rencontre dans mon spectacle,
je me sens bouleversée. Sans doute que cela réveille quelque
chose de lointain que je portais en moi.
Les belges qui ont vu le spectacle que nous avons joué à Lausanne étaient touchés car ils avaient vécu un chagrin similaire,
Le Public : Vous pensez qu’il existe une sorte de désamour de la
Belgique au nord du Pays ?
Geneviève Damas : Je perçois le nord du pays comme une terre
de paradoxes. Une terre qui rêve à la fois de rapprochement
d’états avec l’Europe et d’autonomie indiscutable, une terre qui
a besoin que l’on reconnaisse sa différence mais qui a du mal
avec les différences, une terre qui dit ne pas vouloir l’éclatement du pays mais qui vote majoritairement pour des partis qui
y travaillent… En même temps, le paradoxe, c’est ce qui nous
met face à notre vérité profonde et nous pousse à avancer.
Laurence Vielle : Je ne le crois pas car j’ai rencontré plein de
Flamands qui ne sont pas du tout dans le cas. Comme dit un
personnage dans mon histoire, le fils encore vivant du collaborateur, que j’ai été si heureuse de rencontrer, « si l’on organisait
un référendum, je suis sûr qu’une grande partie de la Belgique
ne voudrait pas de toute cette comédie ! ». Je crois qu’il a raison, je pense que l’on nous fait croire beaucoup que les gens ne
veulent pas vivre ensemble alors que selon moi, ils sont prêts
pour cette aventure.
Elles nous racontent ...
Geneviève Damas
J’étais au Coq chez mon amie Yvonne et on parle de la Belgique
et je lui dis que je suis profondément attachée à ce pays. Plutôt
à l’idée que je me fais de ce pays mais, il faut bien que je le
reconnaisse, je ne connais pas beaucoup de néerlandophones.
« Si », elle me dit, « moi ».
« Comment toi, tu es flamande ? »
« Oui. »
« Ah bon, mais je ne le savais pas, si je l’avais su, je t’aurais
parlé en flamand. »
« Tu ne me l’as jamais demandé. Et comme on s’est rencontré
via un ami français, on n’en a jamais parlé. »
Le soir, je rentre chez moi et je vais voir mon voisin René. Je
dis : « Tu sais, René, c’est incroyable, mon amie Yvonne, que je
connais depuis tellement d’années, en fait, c’est une flamande. »
« Ah bon, il me répond, comme moi. »
« Arrête, toi René, tu es un francophone de Flandre. »
« Non », il me répond, « je suis un flamand d’une commune
à facilité, ma langue maternelle, c’est le flamand, mais tu
conviendras que le français je le parle bien. Même très bien.»
Si je remonte à mon arrière grand-père, je peux dire avec quasi-certitude qu’il était flamand. Alors, si je dois choisir, je suis
quoi, moi. Une francophone flamande ?
Chroniques
enfoui la plupart du temps, des histoires de familles entre collaboration et résistance. Comme ça s’est passé il y a 70 ans,
les gens sont encore marqués par cela, à fleur de peau, je
ressentais beaucoup d’émotion dans les rencontres après le
spectacle.
-
Laurence vielle
« Une femme pendant la deuxième guerre mondiale voit ses
deux fils chéris partir en camp de concentration. Ils sont résistants tous les deux, dans le réseau comète. L’un reviendra,
l’autre pas.
Le frère de cette femme est condamné à mort à la fin de la
guerre pour collaboration.
Le s
Débats
du
Publi
Débat du Public le Jeudi 26 avril 2012
à 18h00 – Entrée libre
« Les chemins de l’écriture.
Comment écrire la Belgique ? »
Rencontre avec Geneviève Damas
et Laurence Vielle
Cette femme est mon arrière-grand-mère maternelle. J’ai eu
la chance de la connaître car elle est morte à 104 ans. J’avais
alors 12 ans. Ma famille a toujours parlé de cet événement du
bout des lèvres. «Dans la famille, il y avait un collaborateur, et
des résistants». On ne nous dit pas plus. On ne sait pas ce qui
s’est vraiment passé. À quoi ça sert d’en parler ? Le silence ne
m’a jamais permis d’avoir des outils pour comprendre. Alors,
aujourd’hui, aidée dans un premier temps par des documents
rassemblés par mes frère et soeur, je pars en quête de la mémoire familiale. Je retrouve le dernier fils du «collaborateur»,
qui n’a pas le visage que l’on m’avait transmis, je rencontre
aussi les fils d’un des deux résistants. Nous parlons. Des vérités se dévoilent, faites parfois de «toutes petites choses». Des
humains, tous en quête de sens. Ainsi se tisse aussi un peu de
l’histoire de mon pays, et de sa complexité. Et je me mets à
imaginer ce qu’auraient pu se dire cette femme et son frère,
s’ils s’étaient un jour parlé de tout cela...si....si...si...si...
Une part en moi s’éclaire, «autre-part»... »
Le Journal du Public
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Le Public
au Palais des Beaux-Arts
INFOS/RESERVATIONS 0800 944 44
www.theatrelepublic.be
ou au Palais des Beaux-Arts au 02 507 82 00
Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
Tarif préférentiel pour les abonnés du Public,
mais non repris dans les formules d’abonnement.
Le Public présente au Palais des Beaux-Arts «Scènes de la vie conjugale», une grande aventure théâtrale saluée en Belgique, en France et en Suisse qui revient à Bruxelles pour terminer son voyage
en beauté. Muriel Jacobs et Alain Leempoel ( photos ) maîtrisent toutes les nuances de la partition
d’Ingmar Bergman.
Scdeèlnaevsie
conjugale
D’
er
Ingmar B
gman
04/12
24/04>28/
Salle M à 20h30
Avec Muriel Jacobs et Alain Leempoel
Mise en scène Michel Kacenelenbogen
Marianne et Johan sont mariés depuis dix ans et vivent heureux avec leurs deux filles. Il est maître de conférences, elle est
conseillère juridique spécialisée dans les problèmes de divorce.
Bergman, en spectateur amusé, distille les étapes-clés de la vie
de couple. Il observe en amateur éclairé les travers de la vie
à deux et nous raconte en jubilant quelques scènes de la vie
conjugale. Les amis à dîner, la grossesse de Marianne, l’adultère de Johan. Amour, colère, tendresse, incompréhension... ça
rappelle quelque chose à quelqu’un ?! Voici la palette des sentiments colorant les moments cruciaux de la vie d’un couple, disséqués avec une précision quasi entomologique qui contraste
ironiquement avec l’errance affective des personnages.
Du grand art.
UNE CRéATION ET PRODUCTION DU THéâTRE LE PUBLIC ET DU
THéâTRE DE NAMUR.
20
Le Journal du Public
rbois
Photos© C. Stu
L’équipe à l’honneur
La régie
dans tous ses états
À la fin d’un spectacle, on applaudit les comédiens, la mise
en scène, le jeu d’acteur, le décor. Tout un éventail de couleurs, de formes, de sons et de lumières qui s’offrent aux
yeux des spectateurs. Mais on a souvent tendance à oublier que derrière ce que l’on voit, une équipe technique
se démène à 100 à l’heure pour orchestrer la partition.
Rencontre avec Rémy Brans, qui éclaircit pour nous le
métier de régisseur [1].
Le Public : Comment on aborde la régie d’un spectacle,
par quoi on commence ?
Rémy Brans : « Tout le travail d’un spectacle se réalise en
amont, les préparatifs sont assez longs. Le régisseur doit
se familiariser avec les acteurs, le metteur en scène, le
texte. Et puis on planifie plusieurs après-midis, une
longue journée, ou carémént plusieurs jours pendant
les répétitions où on teste la régie dans des conditions
« live ». » C’est une sorte de tournage.
Le Public : Concrètement, comment se déroule le travail en
situation ?
Rémy Brans : « Lors de ces après-midi de tournage, le metteur
en scène décortique toute la pièce, il définit les mouvements et
les effets scéniques qui les accompagnent. Au même moment,
on encode sur notre console les effets demandés. Par exemple,
à la fin de telle réplique, on baisse la lumière. On applique
chaque effet en direct. C’est très long comme journée car tout
le monde attend tout le monde. De notre côté, on attend que
les comédiens jouent et que le metteur en scène définisse l’effet qu’il souhaite. Ensuite, les comédiens attendent que nous
ayons mis les effets au point pour poursuivre les répétitions. »
Le Public : Lors d’une représentation, vous suivez le texte de
la pièce ?
Rémy Brans : On commence par suivre le texte avec notre partition juxtaposée dessus. Ensuite, au fur et à mesure de la série
de représentations, on finit souvent par connaître la pièce par
cœur (rires). Pour des spectacles plus techniques, comme les
«39 Marches», on n’a pas le temps de suivre le texte sinon on
rate un effet ou un repère visuel ! Les régisseurs de ce spectacle ont dû apprendre leurs partitions par cœur dès le début.
Finalement, tout le spectacle se déroule en symbiose avec le jeu des comédiens. On sait qu’après tel mouvement ou telle
phrase, on intervient avec les effets visuels ou sonores, donc il
ne faut pas avoir de trous de mémoire. On travaille au ressenti
de la pièce, comme un comédien !
La salle de régie
de la Gr
Maximilien W
esterlinck et Réande Salle
my Brans
© Le Public
Le Public : Un spectacle comme « Cyrano de Bergerac », ça représente aussi beaucoup de boulot pour les régisseurs ?
Rémy Brans : C’est certain ! Avec « Cyrano », on a plus de 30
comédiens sur scène ! L’aménagement des loges ou l’entretien
de plus de 100 costumes différents, représente un travail plus
conséquent. Mais ce qui me rassure face à une production de
cette envergure (c’est une première pour moi) (rires), c’est de
travailler aux côtés de Michel Kacenelenbogen : il a une sacrée
aptitude à gérer une telle production, et puis bien sûr il connaît
son métier de directeur d’acteurs ! Quant à cette fameuse
journée où l’on met tout en place simultanément (jeux, son,
lumière, etc...), tout le monde va devoir s’armer de patience. On n’a pas encore commencé le « tournage » mais on prévoit
près de 15 jours de création et ce, à Namur, car la tournée commence là-bas [2].
[1] Au public, il y’a un directeur technique, 3 régisseurs et 3 stagiaires régisseurs qui travaillent de concert avec les équipes artistiques pour créer avec
eux le spectacle, préparer la salle à la représentation et à l’accueil des spectateurs et veilleur au bon déroulement du spectacle
[2] Cet entretien a lieu en mars, au milieu des répétitions de « Cyrano de
Bergerac »
Le Journal du Public
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• Parking et Navette
• Accès
Garez votre voiture au Parking Scailquin, rue Scailquin 61
(station Shell)
RUE BRAEMT 64-70, 1210 BRUXELLES
ALLER : une navette Le Public vous embarquera à l’angle des rues
Scailquin et Saxe - Cobourg jusqu’au théâtre.
MÉTRO : Madou ( ligne 2 et 6 )
Premier départ 18h30 et dernier départ 20h15.
Fléché à partir de la Place Saint-Josse et de la Chaussée de Louvain
AUTOBUS : lignes 29 (Hof ten Berg), 63 (Maes), 65 (Bordet)
AU PUBLIC : paiement du parking : 6 €/voiture tout compris.
RETOUR : en navette à l’issue de votre soirée spectacle ou restaurant.
• Taxi
En collaboration avec les Taxis Verts : 8 € par trajet
( aller ou retour ) dans les 19 communes de Bruxelles.
Uniquement sur réservation au 0800/944 44 avant 17h.
Paiement du taxi à la billetterie du Public.
• à table
Nos restaurants sont ouverts les jours de représentations à partir de 18h30 et vous accueillent
pour l’apéritif.
La cuisine du Resto et celle de l’Aparté ouvrent à
19h00.
Pour dîner avant le spectacle, au Resto, vous devez passer votre
commande avant 19h30. à l’Aparté, vous pouvez le faire jusqu’à
19h50. Réservation souhaitée au 0800 944 44
Vous préférez dîner après votre spectacle ?
infos pratiques
N’oubliez pas de passer la commande de votre repas à l’accueil restaurant entre 20h00 et 20h30, pour que nous puissions vous assurer un service rapide dès la sortie de votre spectacle.
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Nous vous informons que le Resto sera fermé du mardi au
jeudi après représentation de Cyrano de Bergerac du 11/05
au 30/06/2012.
Il vous sera toutefois possible de réserver une table à l’Aparté
pendant cette période.
Nous vous invitons à découvrir le menu du mois et la carte du
Resto ainsi que les tapas proposés par l’Aparté, sur notre site
www.theatrelepublic.be
Le Journal du Public
Suite aux importants travaux dans le quartier, veuillez noter que le parking Scailquin
reste accessible mais consultez notre site
www.theatrelepublic.be pour rester informé des trajets futés pour y accéder ainsi que
pour arriver au Théâtre.
Venez découvrir notre espace lounge
© M. Gouider
Laissez-vous tenter par les plaisir du palais : venez déguster un thé épicé ou un
café raffiné accompagnés de délicieux chocolats dans une ambiance feutrée,
tout en feuilletant votre lecture favorite à l’abri de la cacophonie urbaine
Avant ou après les représentations
Rejoignez-nous, curieux et confiants !
Réalisé avec l’aide de Ministère de la Communauté française – Service du Théâtre
ACTE le Journal du Public est édité sur papier recyclé.
éditeur responsable : Patricia Ide
Rue Braemt 64-70, 1210 Bruxelles
Infos/Réservations : 0800/944 44
www.theatrelepublic.be
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