blic u P u d l a N° Le Jopus 2r01n2 6 Printem > erac: g r e B e d o Cyran es théâtres e tous l le théâtre d sne, a L à q o C e et Dveuc l’actualité l a n o i t a n x a > Pquaaind le théâtre flirte 013 2 2 1 0 2 n o onfiants ! s c i t e a x S u e i r > , cu ignez-nous Rejo u n t h é ât r e p o u r l e p l a i s i r édito Mesdames, Messieurs, chers spectateurs, Par ces temps qui se couvrent, il faut varier les idées, se déconnecter et ouvrir tout l’espace à l’imagination ! En ce joyeux printemps, la grande scène du Public vous invite à une escapade en Forêt, pièce déconcertante s’il en est – mais surtout étonnante et épatante, et vous propose une escapade dans l’univers dense et enchevêtré d’un auteur russe à découvrir. Patricia Ide & Michel Kacenelenbogen Photo © Bertrand Sottiaux Ensuite nous vous proposons une balade Du Coq à Lasne, pour raconter ce plat pays que nous aimons tant, et une invitation à la Paix nationale de ce même plat pays qui n’en finit pas d’inspirer nos auteurs. Puis viendra Cyrano de Bergerac ! Cyrano qui se prépare en ce moment en coulisses; Olivier Massart et une troupe de 40 comédiens, costumiers, régisseurs, créateurs lumières et sons, s’activent en ce moment dans le théâtre pour vous concocter la plus belle et la plus folle des comédies héroïques. Ils répètent, se parent, se préparent... pour qu’en cette fin de saison vous emportiez chez vous quelque chose sans un pli, sans une tache... et c’est... son panache! Et en toute fin, en juin, nous aurons le bonheur d’accueillir Philippe Vauchel, merveilleux comédien, et sa comédie à Bretelles. Le Sherpa qui porte sa maman sur son dos...à voir, c’est du bonheur! Nous vous invitons d’ores et déjà à consulter le préprogramme de la saison prochaine 2012/2013. Nous espérons que vous nous rejoindrez curieux et confiants ! Patricia Ide co-directrice Michel Kacenelenbogen co-directeur Le Journal du Public 3 Sommaire horizons Chroniques p 4 7 p 8 11 16 19 éVéNEMENTS p 12 13 Saison 2012/2013 p 14 15 Olivier Massart © I. De Beir Le Public au Palais des Beaux-Arts p 20 L’équipe à l’honneur p 21 Infos pratiques p 22 Le Journal du Public Printemps 2012-N°6 Rédacteurs en chef : Patricia Ide et Michel Kacenelenbogen Rédaction : Patricia Ide, Chiara Badiali, Anne Mazzacavallo et Michel Vanderlinden Conception graphique et réalisation : Olivier Binamé Contacts : Patricia Ide et Chiara Badiali Impression : jcbgam Photos couverture : Isabelle De Beir ACTE, le Journal du Public, est édité sur papier recyclé et distribué gratuitement au Théâtre. Cyrano de Bergerac le théâtre de tous les théâtres S’il existe une pièce inclassable, c’est bien « Cyrano de Bergerac » où se mêlent dans une folle envolée tous les genres théâtraux : romantique, héroïque, poétique, drôle, émouvant, intime et grandiose et dramatique enfin. Cyrano, ça met tout un théâtre en ébullition et c’est le défi de toute une équipe. Horizons Au Public du 11/05 au 30/06/12 Horizons • Une pièce contre la morosité ambiante Constant Coquelin lors de la 1ère représentation de Cyrano en 1897 Dans une République française déprimée, qui vient de connaître la défaite de 1870 et les déchirements de l’affaire Dreyfus, le théâtre parisien balance entre le drame et la comédie. Aux boulevards de Feydeau et Courteline répondent les pièces naturalistes d’Ibsen et Strinberg. Alors, quand la première de « Cyrano » a lieu le 27 décembre 1897, c’est une comète théâtrale qui traverse le ciel plombé de France pour y laisser une traînée d’étoiles éternelles. Cette pièce intemporelle est comme le souffle épique qui manquait à tout un pays. C’est, à l’aube d’un siècle nouveau, le retour du panache à la française qui deviendra rapidement universel et éternel. Et c’est pour le Public, de la même manière, mettre du flamboyant dans la grisaille ambiante de notre temps. • La folle entreprise A l’époque de Rostand - comme à la nôtre - la gageure est de taille. A l’aube du XXème siècle, écrire une pièce romanesque de plus de 2600 alexandrins autour d’un personnage presqu’oublié du XVIIème, relève de l’audace, sinon de l’inconscience. Edmond Rostand, qui a certes déjà connu quelques jolis succès d’estime avec ses pièces précédentes, n’a que 29 ans quand il entame l’écriture de « Cyrano », qu’il décrit comme une comédie héroïque. Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser le jeune Rostand à écrire un tel monument de théâtre ? Il y a d’abord son intérêt pour le personnage historique de Savinien Cyrano de Bergerac qu’il a lu et relu, étudié à fond, et qui le fascine. Il y a ensuite sa rencontre avec Constant Coquelin, immense acteur passé par la Comédie française et qui cherche le personnage dans lequel il pourra monHercule Savinien Cyrano, dit Cyrano de Bergerac trer toute l’étendue de son Gravure du 17ème siècle talent. C’est Sarah Bernhardt qui présente l’auteur à Coquelin. Celui-ci dira à Rostand : « Ecrivez-moi un rôle, je le jouerai où vous voudrez, à Montmartre, aux Batignolles, mais tout de suite ». Aussitôt, Rostand se lance dans l’écriture de « Cyrano » qu’il bouclera en un an. C’est une pure folie que de vouloir écrire en vers une pièce avec autant de personnages, exigeant cinq décors différents, des costumes par centaines et qui impose en outre une véritable prouesse d’acteur : Cyrano à lui seul, c’est 1600 vers à mémoriser et toutes les nuances d’un rôle complet à faire briller ! Seuls de grands acteurs au sommet de leur art peuvent relever le défi de ce rôle éclatant. Mais Coquelin est de ceux-là et il y croit, au point de dire à Rostand : «Vous portez en vous la force des vainqueurs, poète et idéaliste. Si vous voulez, je serai votre premier colporteur d’idéal». 6 Le Journal du Public • Les doutes du poète La petite histoire recèle d’anecdotes sur les répétitions et la création de la pièce. Tout le monde doute du succès ; les acteurs d’un côté et l’auteur, qui est aussi le metteur en scène, de l’autre. Rostand prédit même que ce sera « le plus beau four de l’année. » A tel point que prêt à renoncer, il s’excuse auprès du grand comédien de lui avoir écrit une si mauvaise pièce. Mais, – est-ce dû au faux nez de Cyrano ? - l’acteur aura plus de flair que le poète : Coquelin pressent le triomphe et soutient financièrement le projet en louant à ses frais le Théâtre de la Porte Saint-Martin où aura lieu la création. Physiquement, il est pourtant bien loin du personnage : cinquante-six ans et un ventre rebondi. Pourtant, le soir de la première, le miracle s’accomplit. C’est que le personnage de Cyrano est tellement brillant et généreux, et la pièce tellement efficace et épique, que le public debout acclame Coquelin et Rostand dans un même élan d’enthousiasme : il y aura ce soir-là vingt minutes de bravos ininterrompus et plus de quarante rappels. Le ministre des finances de l’époque, déboulant dans les coulisses après la représentation, ôtera de son revers sa propre Légion d’Honneur pour en décorer Edmond Rostand, anticipant de quelques jours la reconnaissance officielle que la France rendra à l’auteur. Qu’est-ce qui rend donc cette pièce si magique et hors du temps ? Et qu’est-ce qui poussent les acteurs et les metteurs en scène à se lancer dans cette folle aventure ? C’est qu’une création de cette ampleur rassemble tout ce dont des spectateurs, mais aussi des acteurs, peuvent rêver: une langue brillante, un rythme soutenu, de l’action et de l’amour, des rôles multiples, et par-dessus tout, un esprit de troupe. Cyrano, c’est toutes les couleurs et toutes les nuances du théâtre. Alternant les scènes intimes et les grandes fresques épiques, « Cyrano de Bergerac » porte en lui l’idéal et le souffle romantique de son héros. Cyrano, c’est l’incarnation même du théâtre. Il est tous les héros tragiques ou comiques : il y a en lui Matamore et Hamlet, Scapin et Fracasse, Roméo ou Don Quichotte. Et c’est ce qui fait à la fois la grandeur et la complexité d’un rôle aux multiples facettes, parfois diamétralement opposées. Car il n’est pas à une contradiction près, le fier Gascon*. Ce bretteur et bagarreur, cette « grande gueule » de Cyrano, se fait soudain timide devant les femmes et n’arrivera jamais à déclarer sa flamme à la belle Roxane, l’amour de toute sa vie. Provocateur éclatant le jour, capable d’affronter seul cent hommes envoyés contre lui, Cyrano devient dans l’ombre du soir, un amoureux tremblant et lointain. Ce fou d’amour passionné fera même tout pour que son rival aille cueillir le baiser dont il a tant rêvé luimême. Personne comme Cyrano ne sait si bien parler d’amour, si bien écrire les mots de l’amour, mais il n’arrive jamais à le vivre lui-même. C’est le héros romantique par excellence, mais qui voit au loin s’envoler la belle, emportée par un autre, parce qu’il se sent trop laid et indigne d’un tel amour. Mais il est prêt à massacrer tous ceux qui parlent de son nez trop grand - et même ceux qui n’en parlent pas, mais qu’il soupçonne de le penser seulement. Idéaliste aussi ce Cyrano, et loyal. Tout chez lui est idéalisé : l’amour, le courage, l’honneur, l’amitié. Sa droiture morale va jusqu’à faire de Christian – pourtant son rival en amour - son ami le plus véritable et envers lequel sa loyauté est sans faille. Cette loyauté le poussera d’ailleurs à taire, par-delà la mort de Christian, son amour pour Roxane, et presque au-delà de sa propre mort. C’est que Cyrano ne fait jamais aucune concession à ce qu’il croit être la vérité et l’honneur. Non seulement il va sans dévier jusqu’au bout de ses idées et de ses rêves, mais encore y vat-il avec joie, poussant la provocation jusqu’au déraisonnable, et sans crainte du danger. Dans sa démesure, il aime parfois à se jouer des autres, il prend plaisir à l’exagération, à la comédie. Il a le goût du grandiose, celui qui dit : « J’ai décidé d’être admirable en tout, pour tout. » Même si ce genre d’esprit libre et frondeur – il y a aussi du Gavroche dans Cyrano – attire les jalousies et les complots contre lui. Ces rancunes-là le mèneront à la misère et finiront par l’abattre lâchement. Mais il ne s’en plaint jamais. Au contraire, il s’en vante. Le panache encore et toujours et jusqu’au bout. Affiche de Cyrano de Bergerac, joué par la troupe du Théâtre Saint-Martin Horizons • Les contradictions d’un héros • Cyrano, le héros anti-héros Peut-être que ce qui rend Cyrano si fascinant à nos yeux et si cher à nos cœurs, c’est qu’il a en lui tous les rêves que nous n’avons pas réalisés, toutes les folies que nous n’osons pas vivre, tous les courages que nous n’aurons jamais. Voilà pourquoi Cyrano est l’incarnation même du théâtre : comme le théâtre lui-même, il permet à l’impossible, au merveilleux et au grandiose d’exister . Mais à bien y regarder, ce héros magnifique est en réalité un anti-héros : c’est l’amant qui n’enlèvera pas la belle, le guerrier qui ne gagnera pas la guerre, l’ami qui finira abandonné de tous. Cyrano trahit par lui-même ? Peutêtre, mais pour lui, qu’importe ; ce n’est pas le but qui compte, c’est la manière. Cyrano préfère écrire un petit poème qu’une grande page d’histoire, il préfère l’ombre à la lumière, et la vérité à tous les mensonges. Cyrano, c’est l’enfant que nous sommes tous restés : tantôt farouche, tantôt tendre ou téméraire, poussant les limites, laissant libre cours à son imagination et par-dessus tout spontané, vrai et entier. Il y a aussi du Peter Pan dans cet homme-là, qui refuse de vieillir, qui repousse la laideur du monde et la bassesse des vains sentiments. Pas étonnant que les plus grands acteurs - qui sont souvent de grands enfants - ont tous rêvé de se coller un jour un faux nez pour incarner le plus généreux des personnages de théâtre. • La magie du théâtre Edmond Rostand dans son uniforme de l’Académie Française La pièce de Rostand, c’est du théâtre à son sommet et Cyrano, c’est la somme de tous les rôles. Tout à la fois drôle, émouvant, bouleversant et dramatique, il interroge toute notre âme. Mais pour réussir ce pari, il faut l’énergie de tous et la cohésion de toute une équipe. Le Public tout entier vibre des répétitions des duels, les murs résonnent de tirades, les alexandrins courent dans les couloirs, les costumes faits maison s’alignent le long d’interminables tringles et Olivier Massart porte bottes et épée quand il traverse les bureaux. Tout un théâtre se lance dans la belle et folle aventure. Cyrano, c’est tout ce que nous rêvons d’être et que nous ne serons jamais, mais que pour un soir nous pouvons toucher du doigt en reprenant à la sortie du théâtre nos manteaux changés en capes, nos parapluies transformés en épées et nos chapeaux emplumés. Et comme Cyrano à la fin de la pièce, nous emporterons dans nos cœurs et jusque dans nos rêves : le panache ! Le Journal du Public 7 « La Forêt », comédie russe et arborée 8 Le Journal du Public Chroniques Rencontre avec Xavier Lukomski, metteur en scène de « La Forêt », à l’affiche en ce moment au Public. Le Public : Comment se sont passées les répétitions avec votre équipe ? Xavier Lukomski : Très, très bien ! C’était intense, mais c’est tellement agréable de répéter. C’est une grande équipe, avec des personnalités très différentes. Une équipe faite, dans sa majeure partie, de gens qui me sont proches. Il y a une partie importante de la distribution qui était déjà de « La Mouette » que nous avions créée au Public en 2005, et une autre qui vient de « Tokyo Notes »**, et puis quelques nouveaux arrivants qui donnent un autre souffle. Le Public : Est-ce que dans « La Forêt » justement, ces nombreux personnages ne forment pas aussi un ensemble hétéroclite ? Xavier Lukomski : Oui, la pièce raconte la rencontre entre deux mondes. Le monde des propiétaires, du commerce, de l’argent, le monde du réel et le monde des acteurs, du théâtre, qui est évidemment plus « fictionnel», « littéraire » même, mais peut-être tout aussi réel. Il est représenté par deux acteurs qui viennent en quelque sorte se réfugier dans la propriété de Madame Gourmyjskaïa, « gratter un peu de chaleur »... Le Public : « Gratter un peu de chaleur ? » Xavier Lukomski : C’est une expression que j’ai entendue un jour, quand je travaillais dans un centre pour jeunes à Molenbeek. Je leur demandais pourquoi ils venaient au centre et l’un d’eux m’a répondu « on vient gratter un peu de chaleur. » J’avais trouvé l’expression belle et assez parlante… et c’est excatement le début de la pièce. Comme ils le disent eux-mêmes, les deux comédiens décident de se rendre dans la propriété pour « ... se reposer un peu du voyage... » et « ... goûter un petit pâté en croûte... Ou des liqueurs...». Mais le « retour à la vie de famille » ne va être « reposant » pour personnes... Maquette de «La Forêt» © M.Gouider Le Public : Le grand public connaît du théâtre russe des auteurs comme Tchékhov, Tourgueniev, ou encore Dostoïevski que Le Journal du Public 9 Chroniques Xavier Lukomski © J. Pombo Pierre Laroche a porté en scène au Public - mais Ostrowski, on connaît moins, et pourtant il semble qu’il soit une sorte de précurseur et qu’en Russie il ait une aura vraiment particulière. Xavier Lukomski : Pour moi c’est plus qu’un précurseur, c’est véritablement la colonne vertébrale du théâtre et la dramaturgie russe. On l’a appelé le « Molière russe » et d’une certaine manière, c’est juste de l’appeler comme ça, parce que cette expression dit qu’il est fondamental. Mais d’une autre manière il y a un contre-sens à le comparer à Molière. C’est vrai que, comme la plupart des écrivains russes, il va chercher son style dans la littérature ou la dramaturgie occidentale. Mais comme toujours avec les Russes, il ne digère pas ça correctement et en fin de compte, ça ne ressemble plus du tout à l’original, c’est très loin de Molière ou de Goldoni. Parfois, comme Tchékhov, ça se rapproche plus de Shakespeare, étrangement. Et c’est à mon sens ce qui rend son écriture tellement intéressante. Ostrovski a revisité la comédie classique… mais « à la russe ». Et à l’arrivée c’est très différent. Par exemple, contrairement à beaucoup d’auteurs comiques, il a de la sympathie pour ses personnages. Même et peut-être surtout pour les crapules. Et dans « La Forêt », des crapules, il y en a, et des salées. Le Public : Mais est-ce que ces crapules sont des crapules jusqu’au bout ? Xavier Lukomski : Je dirais que ces personnages ne sont pas « totalement » des crapules. C’est à dire, encore une fois, qu’ils sont un peu comme vous et moi. C’est aussi ce qui rend l’écriture d’Ostrovski si belle, c’est qu’à la fois nous sommes dans une comédie, donc que ça fait rire, mais en même temps, les personnages sont si réels, on est si proches d’eux, qu’ils en sont émouvants. C’est en ça qu’il est le précurseur de Tchékhov, qui d’ailleurs reconnaissait l’influence d’Ostrovski. 10 Le Journal du Public Le Public : On a évoqué le registre de la comédie. Mais la comédie russe, qu’a-t-elle de particulier ? Xavier Lukomski : Pour le coup, je pense que le père de la comédie russe c’est Gogol. Bon, il faut dire d’abord qu’il existe un humour russe, ce n’est pas une blague (rires), et Gogol en est l’inventeur et le très grand maître. C’est un humour que je crois très moderne, très contemporain. Un humour plutôt brutal, avec une dimension absurde parfois, voire fantastique, un peu délirante. Je pense aussi que la particularité de l’humour d’Ostrovski en particulier, c’est le fait qu’on est tout le temps dans cette ambivalence de sentiment, on rit et on pleure en même temps. D’ailleurs, il y a même, dans la comédie « La Forêt », une dimension presque – ou même tout à fait- mélodramatique et que j’aime beaucoup. Pour moi ça rapproche Ostrovski de grands cinéastes comiques que je mets très haut dans mon petit panthéon, comme Frank Capra par exemple, ou Chaplin évidemment. C’est un humour brutal, même cruel en un certain sens : c’est cruel de rire de ce dont on pleure et de pleurer de ce dont on rit. Le Public : Il y’a-t-il, comme dans bon nombre de comédies, un arrière-fond social, politique ? Xavier Lukomski : Oui, bien sûr. Cette dimension politique est vraiment dans la confrontation entre les différents mondes sociaux, entre les différentes classes sociales, les maîtres et les serviteurs, les pauvres et les riches, les jeunes et les vieux... Mais chez Ostrovski, il n’y a pas que cette dimension sociale ou politique. C’est vraiment une écriture très riche avec de multiples dimensions philosophiques, morales, métaphysiques... et aussi une vraie réflexion sur la place de l’art dans la société et la place du social dans l’art. Xavier Lukomski : Je pense que c’est ce qui fait la grande actualité de cette pièce. C’est une pièce sur le besoin immédiat d’argent, sur l’avidité du besoin d’argent, sur la consommation de et par l’argent, et la manière dont cette avidité de l’argent et du crédit broie les hommes et les femmes... C’est cette dimension qui nous permet, je crois, d’utiliser cette pièce du XIXème siècle pour parler de notre XXIème très « avidement financier ». Le Public : C’est-à-dire que la pièce est transposée à une autre époque ? Xavier Lukomski : Nous sommes dans le monde d’aujourd’hui, mais sans l’affirmer. Nous sommes surtout dans le monde de Gourmyskaia qui est celui des propriétaires et dans celui du théâtre qui est celui des acteurs et des musiciennes. Deux mondes qui se confrontent, voire s’affrontent. Le Public : On n’est pas en Russie non plus ? Xavier Lukomski : Non, on n’y est pas vraiment non plus. D’ailleurs, on a plutôt été chercher de l’inspiration dans les ÉtatsUnis de la crise actuelle que dans la Russie du XIXème... Mais la Russie d’aujourd’hui rappelle quand même l’Amérique (et notre vieille Europe) d’aujourd’hui, celle du crédit, celle « à crédit », où peu importe ce que l’on produit, pourvu que l’on possède, que l’on achète et que l’on vende, vite. Je crois vraiment que « La Forêt » raconte ça, le besoin avide d’argent rapide. « La Forêt » est une histoire de vente et d’achat rapide, et au final, peut-être un peu de « rachat » moral... mais ce n’est pas du bon commerce. On vend mal, on vend vite, on vend pour pas cher, on solde. Le monde de Gourmyjskaïa, la propriétaire, est riche mais il dilapide son patrimoine, parce qu’il lui faut du cash, parce que, « littéralement », il veut jouir et vite. Peu importe le futur et ceux qui y vivront, et peu importe même ceux qui vivent - si mal – aujourd’hui, à sa périphérie. Chroniques Le Public : Tout se croise et se mélange autour de la vente de cette forêt. **« Tokyo Notes » aux Théâtre Les Tanneurs en 2008 Maquette de «La Forêt» © M.Gouider Le Journal du Public 11 Le Public crée l’événement événements Le spectateur de théâtre n’étant pas qu’un « consommateur » passif de théâtre, nous avons toujours voulu lui offrir les occasions d’être un spectateur actif, curieux de la chose théâtrale dans tous ses aspects. C’est dans cet esprit que nous l’invitons aux « Evénements du Public » que nous organisons régulièrement. Ces débats, ces rencontres avec des artistes, ces lectures publiques, sont autant d’occasions de découvrir les coulisses du métier, de révéler des pièces ou d’approfondir une réflexion en lien avec un spectacle. Et ils sont de plus en plus nombreux, celles et ceux qui entre 18 et 19h30, viennent écouter, voir et participer à ces avant-soirées toujours enrichissantes. L' du Invité Publi Les Débats du Publi Le s Lectures du Publi « L’invité du Public », c’est la rencontre avec un artiste qui donne sa vision du métier, dévoile ce qui le motive et le passionne au théâtre et dans la vie et qui livre les souvenirs tendres ou les anecdotes drôles de sa carrière. Gentiment « cuisinés » par Eric Russon, les invités révèlent d’eux-mêmes des aspects inconnus, souvent touchants ou cocasses. Mais ils communiquent surtout, en artisans qu’ils sont, leur passion pour le texte, leur envie de partage et leur besoin de mettre l’humain au cœur de leur art. C’est l’occasion aussi, pour les spectateurs, d’interroger les artistes. Derniers invités en date: Janine Godinas, Patricia Ide et Patrick Descamps. « Les débats » sont d’autres moments rares à partager avec le public et l’occasion d’aller plus loin encore dans la compréhension d’une pièce de théâtre. Autour d’un modérateur, les intervenants, choisis pour leur expertise, débattent d’un sujet en lien avec un spectacle. Ces « Débats du Public » permettent à certains de pousser plus loin leur réflexion sur un spectacle déjà vu et à d’autres de « défricher » le spectacle qu’ils iront voir. Les échanges entre le public et les intervenants clôturent traditionnellement ces débats qui ouvrent les esprits sur de nouvelles lectures d’un spectacle. Deux fois par saison, le comité de lecture convie les spectateurs à une « Lecture publique ». De larges extraits de deux pièces, coups de cœur du comité, sont mises en situation et lues par les artistes. C’est là qu’on découvre de nouvelles œuvres, qu’on teste « grandeur nature » ce qu’une pièce peut susciter comme réactions dans le public. Ces lectures recèlent de petits bijoux d’écriture et sont aussi des moments rares et intimes où une pièce simplement lue résonne tout particulièrement. Les événements du Public sont gratuits et ont lieu de 18h00 à 19h30. Ils sont annoncés sur le site www.theatrelepublic.be ou via nos newsletters. Pour être tenus informés des actualités et offres du Théâtre le Public, envoyez un email à [email protected] 12 Le Journal du Public Débat du Public le jeudi 26 avril 2012 : « Les chemins de l’écriture. Comment écrire la Belgique ? » Rencontre autour des spectacles « Du Coq à Lasne » et « Paix nationale » Avec Geneviève Damas (écrivain et comédienne, auteur de « Paix nationale ») & Laurence Vielle (écrivain et comédienne, auteur de « Du Coq à Lasne ») Vielle Laurence x ©B.Sottiau Genevi © S. Evrardève Damas événements Modérateur Michel Vanderlinden Prochain Invité du Public samedi 09 juin 2012 Olivier Massart à l’affiche dans « Cyrano » sera l’invité d’éric Russon Prochaine Lecture publique samedi 23 juin 2012 Olivier © I.DeBeir Massart Découvrez les coups de cœur du comité « L’école sur scène » 5 ans déjà et… ça continue ! Hakim Louk’Man Après « Moi, je… », « Voyages… », « C’est pour rire… » et « L’amour, le bonheur etc… », les élèves de l’école Henri Frick et du Lycée Guy Cudell préparent avec ardeur leur nouveau spectacle avec des animateurs en or : Hakim Louk’Man, Maria Abécasis et Othmane Moumen. Venez applaudir « Yes ! We can… » le lundi 26 mai 2012 à 19h00 dans la Grande Salle du Public ! Un projet de collaboration entre le Public, les écoles et la Commune de Saint-Josse-ten-Noode Le Journal du Public 13 Saison 2012/2013 Rejoignez-nous, curieux et confiants ! Les titres de la nouvelle saison Septembre / octobre 2012 novembre / décembre 2012 1. Mistero Buffo 4. Skylight de David Hare de Dario Fo Jongleries et bouffonneries Comédie dramatique 2. L'éveil du printemps Textes de DANIIL HARMS Comédie dramatique Cabaret pétulant 3. Orphéon 6. Monsieur Y perd la tête de Frank Wedekind 5. L'encrier a disparu de Stanislas Cotton Histoire d’ici d’Yvan Tjolle et Stéphane Orlando Comi-tragédie musicale surréaliste 7. Hommage à Brel 14 Le Journal du Public Concert de Filip Jordens Centre culturel d’Auderghem Janvier / février 2013 Mai / Juin 2013 8. La serva amorosa 15. Illusions de Carlo Goldoni ou l'heureuse famille ! de Jack Cooper Magie et Mystères Una commedia ! 9. Le mec de la tombe d'à côté de Katarina Mazetti Comédie libertine 10. Les fleurs du mal de Baudelaire Ballade février / Mars / avril 2013 16. Les 39 marches de John Buchan et Alfred Hitchcock Adaptation de Patrick Barlow Adaptation française de Gérald Sibleyras Polar humoristique 17. Le bourgeois gentilhomme de Molière Comédie (coup de) ballet 11. Trois grandes femmes d’Edward Albee* Comédie dramatique *Sous réserve de l’obtention des droits d’auteur. 12. Les deux gentilshommes de Vérone de William Shakespeare Comédie épique 13. Jusqu'à ce que la mort nous sépare de Rémi De Vos Comédie noire 14. Manneke Demandez le préprogramme avec les distributions, infos et détails des spectacles. Infos & Réservations 0800 / 944 44 www.theatrelepublic.be de Pierre Wayburn épopée brusseleire Le Journal du Public 15 Chroniques Paix nationale & Du Coq à Lasne Quand le théâtre rejoint l’actualité : interview croisée de deux femmes aux prises avec « leur » Belgique Geneviève Damas, prix Rossel 2011 avec son roman « Si tu passes la rivière » , nous livre avec humour une tranche d’histoire présente et future de deux territoires cohabitant avec difficulté où les personnages sont forcés de trouver un terrain d’entente. Là où Laurence Vielle rejoint Lasne en provenance du Coq, dans une marche à travers une épopée familiale au plus profond de ses origines et de celle de la Belgique. Geneviève Damas © J. Pombo 16 Le Journal du Public Geneviève Damas : J’ai choisi de le traiter par l’absurde, de façon beckettienne. Traiter ce sujet de manière réaliste est hasardeux car on risque vite de tomber dans quelque chose de réducteur. D’autant que la commande passée par Michel Kacenelenbogen et Patricia Ide était de parler de la Belgique à travers deux personnages. Et il ne fallait surtout pas tomber dans le côté « un flamand et un wallon se rencontrent…». Ce qui m’a intéressée c’est de raconter l’histoire de deux personnages qui habitaient au centre du conflit entre deux Communautés, cette portion de territoire qui côtoie les frontières, où l’on se mélange, se contagionne… Lors de la séparation, le centre se « désintègre » et ils se retrouvent obligés de cohabiter dans un no man’s land après avoir tout perdu. Qu’est-ce que l’on fait du centre ? Si la séparation est toujours très claire pour les extrêmes, que fait le milieu ? Il est coupé en deux. Il m’a paru essentiel de traiter cette situation grave par l’humour, pour rire de nos incohérences. Laurence Vielle : Dans ma démarche de comédienne, d’écrivaine, j’aime travailler à partir du réel, des gens que je rencontre. Tout part du réel et est souvent relié à la marche. Ici c’est également une marche intérieure. C’est une marche relativement courte, du Coq à Lasne. On a traversé la Flandre avec Jean-Michel Agius, mon compagnon de voyage. La Flandre, je ne la connaissais pas bien alors que toute la famille dont je souhaitais parler venait de là. J’avais donc besoin de cette immersion dans le paysage et de la marche physique pour trouver les chemins de la narration. Chaque jour, je me demandais : « mais pourquoi je marche comme ça du Coq à Lasne ? » Parce que d’une part, il y avait le voyage physique et d’autre part, la rencontre avec des gens de ma famille, et aussi d’autres personnes plus lointaines, des écrivains, des historiens etc. Et ça c’était donc un autre travail, aller vers eux pour qu’ils me livrent des informations sur cette histoire que j’essayais d’éclairer. Le frère de Bart De Wever, Bruno De Wever, historien de la collaboration pendant la deuxième guerre, m’a orientée sur des éléments plus historiques. Pierre Mertens, quant à lui, a été quelque part un déclencheur en me disant : « Nous avons un devoir de mémoire, et je dirais même plus un droit à la mémoire. » Mais c’est en arrivant à Lasne que j’ai vu deux petites chaises bleues à l’entrée d’un sous-bois. Et c’est vraiment ça qui a fait naître l’écriture du spectacle. C’est dans la marche concrète sans savoir ce qui va m’arriver que s’ouvrent pour moi des chemins de narration, mêlant rencontres et bribes de ce chemin. Chroniques Le Public : Comment on porte un sujet tel que celui-là au théâtre ? Le Public : Il y a quelque chose de profondément émotionnel dans ce que vous racontez, entre un vécu familial et un attachement à une terre. Deux histoires, l’une familiale, l’autre liée à l’actualité, qui se rejoignent en fin de compte ? Geneviève Damas : Effectivement, il me semble que la Belgique est quelque chose d’éminemment émotionnel. Je crois que la notion de patrie est quelque chose de très immatériel. C’est l’air que l’on respire, la sensation de se sentir « à la maison », d’être à sa place quelque part. Lorsque je me trouve à la mer du Nord, par exemple, qui pour moi est la plus belle du monde, Laurence Vielle © J. Pombo Le Journal du Public 17 « Je trouve qu’il faut que l’on fasse de Chroniques même lorsqu’il pleut, je me sens chez moi. Et l’idée qu’elle soit rattachée à un territoire auquel je n’appartiendrais pas et que je doive me contenter de vivre (plutôt survivre) dans un territoire sans mer comme la Suisse me désespère, même si je sais pertinemment que rien, aucune frontière, aucun homme politique, aucune barrière nadar ne m’enlèvera cet amour-là. Je sais aussi que mon grand-oncle, Lucien Godefroid, mort à 19 ans pour défendre son pays est enterré au cimetière militaire d’Adinkerke. J’y suis allée une fois avec ma grand-mère et je cherchais sa tombe, petite stèle blanche au milieu de centaines d’autres, anonyme. J’aurais du mal à concevoir que son corps repose en terre étrangère. Laurence Vielle : Au départ le but n’était pas de faire un parallèle entre l’histoire familiale et celle du pays. Dans ma famille, il y avait deux résistants et deux collaborateurs. Dont un collaborateur très connu, important pour l’histoire de la Belgique. Et j’ai voulu en savoir un peu plus mais il y avait une certaine gêne dans ma famille à en parler, d’ailleurs une partie de ma famille ne se voyait plus depuis la deuxième guerre. Je touchais à des choses sensibles. Je me suis plongée dans des lectures notamment Geert van Istendael, avec Le labyrinthe belge, qui est une première approche très importante de notre histoire pour moi. J’ai donc dû ajouter à cette enquête familiale une plongée dans l’histoire de la Belgique, que l’on nous raconte sur les bancs de l’école de façon un peu simplifiée ! Par exemple, on ne nous a pas du tout raconté quelle a été la différence entre la collaboration flamande et la collaboration wallonne. En Flandre elle avait une grande spécificité en ce sens qu’elle était liée au désir fou de reconnaissance de la langue flamande, d’ailleurs justifié à l’époque. C’est dommage que l’on ne nous explique pas tout ça parce que ça donne des clefs de compréhension sur les événements d’aujourd’hui, comment cette situation s’est creusée, comment elle s’est aggravée. C’était donc très important pour moi de faire ce « voyage », de découvrir autrement ma famille. Peut-être qu’en racontant cette histoire, je raconte un peu de l’histoire de notre Belgique. Mais ce n’était pas volontaire au départ. « C’est bien souvent quand tout est perdu, qu’on a accepté le désastre, que quelque chose est possible ! » Geneviève Damas Le Public : On ne peut s’empêcher de sentir un voile pessimiste dans vos histoires… Geneviève Damas : Cette pièce n’est ni séparatiste ni unioniste. Elle pose la question « Y a-t-il moyen de faire quelque chose ensemble ? » C’est bien souvent quand tout est perdu, qu’on a accepté le désastre, que quelque chose est possible ! 18 Le Journal du Public cette différence, une richesse, comme si notre petit pays pouvait être le laboratoire de la différence Laurence Vielle » Je pense que les personnages de ma pièce ne pourront jamais s’entendre et en même temps, ils vivent et créent des choses ensemble ! Laurence Vielle : Non je ne pense pas... J’ai juste voulu raconter une histoire de famille qui ne m’avait jamais été contée, beaucoup de non-dits, de silence dans la culture que l’on m’a transmise. Je suis allée à la recherche de ces non-dits, et ce spectacle n’est sans doute qu’une petite partie de cette vérité familiale que je ne connaitrai jamais entièrement. Mais cette recherche m’a donné espoir en l’humain et en sa capacité de relieur, si l’on sort des cases rigides qu’on nous a mises en tête. Ça m’a permis de redonner de la souplesse à ces cases et refaire des ponts que je n’aurais pas pu faire sans cela. C’était parfois un peu douloureux car des membres de ma famille ne voulaient pas en parler. J’espère qu’ils viendront voir le spectacle. Je reste très pudique, loin de moi l’idée de mettre mal à l’aise, j’avais juste besoin de dénouer ce silence. Et puis, tout ce chemin m’a permis de porter un autre regard sur la Belgique. Après, sur ce qu’elle sera plus tard, je ne sais pas. Vivre ensemble avec des langues et des cultures si différentes, c’est en tout cas une richesse extraordinaire. Je me suis dit en faisant ce spectacle que ça aurait été bien si ma mère m’avait parlé néerlandais ! Je trouve qu’il faut que l’on fasse de cette différence, une richesse, comme si notre petit pays pouvait être le laboratoire de la différence. Mais tout est encore possible ! Le Public : Selon vous, on doit trouver un lieu de rencontre sur base de notre histoire commune? Geneviève Damas : On ne doit pas forcément. Une structure nationale et internationale n’existe que si elle est utile. S’il n’y a pas d’utilité, il n’y a aucun intérêt de conserver une structure. Si la Belgique est une belle coquille vide, quel est l’intérêt ? Mais ce n’est pas mon métier de dire ce qui doit être ou pas au niveau politique, il y a les élections pour cela. Ce qui me semble essentiel (et c’est en cela que je peux jouer mon rôle en tant qu’artiste) c’est de créer du lien social entre les différentes cultures et communautés cohabitant sur notre sol. Nous avons une foule de moyens de communication mais le lien social est de plus en plus ténu. C’est pour cela, par exemple, que nous avons choisi de jouer le spectacle avec une traduction néerlandaise projetée. Laurence Vielle : En tout cas, rencontrer cette partie de ma famille « tue », a été ma plus belle rencontre, j’étais très émue. Et chaque fois que je joue cette rencontre dans mon spectacle, je me sens bouleversée. Sans doute que cela réveille quelque chose de lointain que je portais en moi. Les belges qui ont vu le spectacle que nous avons joué à Lausanne étaient touchés car ils avaient vécu un chagrin similaire, Le Public : Vous pensez qu’il existe une sorte de désamour de la Belgique au nord du Pays ? Geneviève Damas : Je perçois le nord du pays comme une terre de paradoxes. Une terre qui rêve à la fois de rapprochement d’états avec l’Europe et d’autonomie indiscutable, une terre qui a besoin que l’on reconnaisse sa différence mais qui a du mal avec les différences, une terre qui dit ne pas vouloir l’éclatement du pays mais qui vote majoritairement pour des partis qui y travaillent… En même temps, le paradoxe, c’est ce qui nous met face à notre vérité profonde et nous pousse à avancer. Laurence Vielle : Je ne le crois pas car j’ai rencontré plein de Flamands qui ne sont pas du tout dans le cas. Comme dit un personnage dans mon histoire, le fils encore vivant du collaborateur, que j’ai été si heureuse de rencontrer, « si l’on organisait un référendum, je suis sûr qu’une grande partie de la Belgique ne voudrait pas de toute cette comédie ! ». Je crois qu’il a raison, je pense que l’on nous fait croire beaucoup que les gens ne veulent pas vivre ensemble alors que selon moi, ils sont prêts pour cette aventure. Elles nous racontent ... Geneviève Damas J’étais au Coq chez mon amie Yvonne et on parle de la Belgique et je lui dis que je suis profondément attachée à ce pays. Plutôt à l’idée que je me fais de ce pays mais, il faut bien que je le reconnaisse, je ne connais pas beaucoup de néerlandophones. « Si », elle me dit, « moi ». « Comment toi, tu es flamande ? » « Oui. » « Ah bon, mais je ne le savais pas, si je l’avais su, je t’aurais parlé en flamand. » « Tu ne me l’as jamais demandé. Et comme on s’est rencontré via un ami français, on n’en a jamais parlé. » Le soir, je rentre chez moi et je vais voir mon voisin René. Je dis : « Tu sais, René, c’est incroyable, mon amie Yvonne, que je connais depuis tellement d’années, en fait, c’est une flamande. » « Ah bon, il me répond, comme moi. » « Arrête, toi René, tu es un francophone de Flandre. » « Non », il me répond, « je suis un flamand d’une commune à facilité, ma langue maternelle, c’est le flamand, mais tu conviendras que le français je le parle bien. Même très bien.» Si je remonte à mon arrière grand-père, je peux dire avec quasi-certitude qu’il était flamand. Alors, si je dois choisir, je suis quoi, moi. Une francophone flamande ? Chroniques enfoui la plupart du temps, des histoires de familles entre collaboration et résistance. Comme ça s’est passé il y a 70 ans, les gens sont encore marqués par cela, à fleur de peau, je ressentais beaucoup d’émotion dans les rencontres après le spectacle. - Laurence vielle « Une femme pendant la deuxième guerre mondiale voit ses deux fils chéris partir en camp de concentration. Ils sont résistants tous les deux, dans le réseau comète. L’un reviendra, l’autre pas. Le frère de cette femme est condamné à mort à la fin de la guerre pour collaboration. Le s Débats du Publi Débat du Public le Jeudi 26 avril 2012 à 18h00 – Entrée libre « Les chemins de l’écriture. Comment écrire la Belgique ? » Rencontre avec Geneviève Damas et Laurence Vielle Cette femme est mon arrière-grand-mère maternelle. J’ai eu la chance de la connaître car elle est morte à 104 ans. J’avais alors 12 ans. Ma famille a toujours parlé de cet événement du bout des lèvres. «Dans la famille, il y avait un collaborateur, et des résistants». On ne nous dit pas plus. On ne sait pas ce qui s’est vraiment passé. À quoi ça sert d’en parler ? Le silence ne m’a jamais permis d’avoir des outils pour comprendre. Alors, aujourd’hui, aidée dans un premier temps par des documents rassemblés par mes frère et soeur, je pars en quête de la mémoire familiale. Je retrouve le dernier fils du «collaborateur», qui n’a pas le visage que l’on m’avait transmis, je rencontre aussi les fils d’un des deux résistants. Nous parlons. Des vérités se dévoilent, faites parfois de «toutes petites choses». Des humains, tous en quête de sens. Ainsi se tisse aussi un peu de l’histoire de mon pays, et de sa complexité. Et je me mets à imaginer ce qu’auraient pu se dire cette femme et son frère, s’ils s’étaient un jour parlé de tout cela...si....si...si...si... Une part en moi s’éclaire, «autre-part»... » Le Journal du Public 19 Le Public au Palais des Beaux-Arts INFOS/RESERVATIONS 0800 944 44 www.theatrelepublic.be ou au Palais des Beaux-Arts au 02 507 82 00 Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles Tarif préférentiel pour les abonnés du Public, mais non repris dans les formules d’abonnement. Le Public présente au Palais des Beaux-Arts «Scènes de la vie conjugale», une grande aventure théâtrale saluée en Belgique, en France et en Suisse qui revient à Bruxelles pour terminer son voyage en beauté. Muriel Jacobs et Alain Leempoel ( photos ) maîtrisent toutes les nuances de la partition d’Ingmar Bergman. Scdeèlnaevsie conjugale D’ er Ingmar B gman 04/12 24/04>28/ Salle M à 20h30 Avec Muriel Jacobs et Alain Leempoel Mise en scène Michel Kacenelenbogen Marianne et Johan sont mariés depuis dix ans et vivent heureux avec leurs deux filles. Il est maître de conférences, elle est conseillère juridique spécialisée dans les problèmes de divorce. Bergman, en spectateur amusé, distille les étapes-clés de la vie de couple. Il observe en amateur éclairé les travers de la vie à deux et nous raconte en jubilant quelques scènes de la vie conjugale. Les amis à dîner, la grossesse de Marianne, l’adultère de Johan. Amour, colère, tendresse, incompréhension... ça rappelle quelque chose à quelqu’un ?! Voici la palette des sentiments colorant les moments cruciaux de la vie d’un couple, disséqués avec une précision quasi entomologique qui contraste ironiquement avec l’errance affective des personnages. Du grand art. UNE CRéATION ET PRODUCTION DU THéâTRE LE PUBLIC ET DU THéâTRE DE NAMUR. 20 Le Journal du Public rbois Photos© C. Stu L’équipe à l’honneur La régie dans tous ses états À la fin d’un spectacle, on applaudit les comédiens, la mise en scène, le jeu d’acteur, le décor. Tout un éventail de couleurs, de formes, de sons et de lumières qui s’offrent aux yeux des spectateurs. Mais on a souvent tendance à oublier que derrière ce que l’on voit, une équipe technique se démène à 100 à l’heure pour orchestrer la partition. Rencontre avec Rémy Brans, qui éclaircit pour nous le métier de régisseur [1]. Le Public : Comment on aborde la régie d’un spectacle, par quoi on commence ? Rémy Brans : « Tout le travail d’un spectacle se réalise en amont, les préparatifs sont assez longs. Le régisseur doit se familiariser avec les acteurs, le metteur en scène, le texte. Et puis on planifie plusieurs après-midis, une longue journée, ou carémént plusieurs jours pendant les répétitions où on teste la régie dans des conditions « live ». » C’est une sorte de tournage. Le Public : Concrètement, comment se déroule le travail en situation ? Rémy Brans : « Lors de ces après-midi de tournage, le metteur en scène décortique toute la pièce, il définit les mouvements et les effets scéniques qui les accompagnent. Au même moment, on encode sur notre console les effets demandés. Par exemple, à la fin de telle réplique, on baisse la lumière. On applique chaque effet en direct. C’est très long comme journée car tout le monde attend tout le monde. De notre côté, on attend que les comédiens jouent et que le metteur en scène définisse l’effet qu’il souhaite. Ensuite, les comédiens attendent que nous ayons mis les effets au point pour poursuivre les répétitions. » Le Public : Lors d’une représentation, vous suivez le texte de la pièce ? Rémy Brans : On commence par suivre le texte avec notre partition juxtaposée dessus. Ensuite, au fur et à mesure de la série de représentations, on finit souvent par connaître la pièce par cœur (rires). Pour des spectacles plus techniques, comme les «39 Marches», on n’a pas le temps de suivre le texte sinon on rate un effet ou un repère visuel ! Les régisseurs de ce spectacle ont dû apprendre leurs partitions par cœur dès le début. Finalement, tout le spectacle se déroule en symbiose avec le jeu des comédiens. On sait qu’après tel mouvement ou telle phrase, on intervient avec les effets visuels ou sonores, donc il ne faut pas avoir de trous de mémoire. On travaille au ressenti de la pièce, comme un comédien ! La salle de régie de la Gr Maximilien W esterlinck et Réande Salle my Brans © Le Public Le Public : Un spectacle comme « Cyrano de Bergerac », ça représente aussi beaucoup de boulot pour les régisseurs ? Rémy Brans : C’est certain ! Avec « Cyrano », on a plus de 30 comédiens sur scène ! L’aménagement des loges ou l’entretien de plus de 100 costumes différents, représente un travail plus conséquent. Mais ce qui me rassure face à une production de cette envergure (c’est une première pour moi) (rires), c’est de travailler aux côtés de Michel Kacenelenbogen : il a une sacrée aptitude à gérer une telle production, et puis bien sûr il connaît son métier de directeur d’acteurs ! Quant à cette fameuse journée où l’on met tout en place simultanément (jeux, son, lumière, etc...), tout le monde va devoir s’armer de patience. On n’a pas encore commencé le « tournage » mais on prévoit près de 15 jours de création et ce, à Namur, car la tournée commence là-bas [2]. [1] Au public, il y’a un directeur technique, 3 régisseurs et 3 stagiaires régisseurs qui travaillent de concert avec les équipes artistiques pour créer avec eux le spectacle, préparer la salle à la représentation et à l’accueil des spectateurs et veilleur au bon déroulement du spectacle [2] Cet entretien a lieu en mars, au milieu des répétitions de « Cyrano de Bergerac » Le Journal du Public 21 • Parking et Navette • Accès Garez votre voiture au Parking Scailquin, rue Scailquin 61 (station Shell) RUE BRAEMT 64-70, 1210 BRUXELLES ALLER : une navette Le Public vous embarquera à l’angle des rues Scailquin et Saxe - Cobourg jusqu’au théâtre. MÉTRO : Madou ( ligne 2 et 6 ) Premier départ 18h30 et dernier départ 20h15. Fléché à partir de la Place Saint-Josse et de la Chaussée de Louvain AUTOBUS : lignes 29 (Hof ten Berg), 63 (Maes), 65 (Bordet) AU PUBLIC : paiement du parking : 6 €/voiture tout compris. RETOUR : en navette à l’issue de votre soirée spectacle ou restaurant. • Taxi En collaboration avec les Taxis Verts : 8 € par trajet ( aller ou retour ) dans les 19 communes de Bruxelles. Uniquement sur réservation au 0800/944 44 avant 17h. Paiement du taxi à la billetterie du Public. • à table Nos restaurants sont ouverts les jours de représentations à partir de 18h30 et vous accueillent pour l’apéritif. La cuisine du Resto et celle de l’Aparté ouvrent à 19h00. Pour dîner avant le spectacle, au Resto, vous devez passer votre commande avant 19h30. à l’Aparté, vous pouvez le faire jusqu’à 19h50. Réservation souhaitée au 0800 944 44 Vous préférez dîner après votre spectacle ? infos pratiques N’oubliez pas de passer la commande de votre repas à l’accueil restaurant entre 20h00 et 20h30, pour que nous puissions vous assurer un service rapide dès la sortie de votre spectacle. 22 Nous vous informons que le Resto sera fermé du mardi au jeudi après représentation de Cyrano de Bergerac du 11/05 au 30/06/2012. Il vous sera toutefois possible de réserver une table à l’Aparté pendant cette période. Nous vous invitons à découvrir le menu du mois et la carte du Resto ainsi que les tapas proposés par l’Aparté, sur notre site www.theatrelepublic.be Le Journal du Public Suite aux importants travaux dans le quartier, veuillez noter que le parking Scailquin reste accessible mais consultez notre site www.theatrelepublic.be pour rester informé des trajets futés pour y accéder ainsi que pour arriver au Théâtre. Venez découvrir notre espace lounge © M. Gouider Laissez-vous tenter par les plaisir du palais : venez déguster un thé épicé ou un café raffiné accompagnés de délicieux chocolats dans une ambiance feutrée, tout en feuilletant votre lecture favorite à l’abri de la cacophonie urbaine Avant ou après les représentations Rejoignez-nous, curieux et confiants ! Réalisé avec l’aide de Ministère de la Communauté française – Service du Théâtre ACTE le Journal du Public est édité sur papier recyclé. éditeur responsable : Patricia Ide Rue Braemt 64-70, 1210 Bruxelles Infos/Réservations : 0800/944 44 www.theatrelepublic.be