Mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n° 215, décembre 1998
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que le contrôle des lithémies plasma-
tiques n’a pas été effectué.
Les anticonvulsivants
La carbamazépine, de par ses propriétés
antiagressives, a été étudiée dans un essai
contrôlé par Cowdry et Gardner (1988).
L’étude portait sur 16 femmes répondant
aux critères DSM III du trouble de la per-
sonnalité borderline. Les molécules
administrées avec leur posologie moyen-
ne étaient les suivantes : l’alprazolam
(4,7 mg/j), la carbamazépine (820 mg/j),
la trifluopérazine (7,8 mg/j) et la tranyl-
cypromine (40 mg/j). Chacune de ces
substances était administrée sur des
périodes de 8 semaines incluant un
washout d’une huitaine de jour et un ajus-
tement thérapeutique progressif chez des
patients présentant une personnalité bor-
derline (axe II, DSM III-R) accompagnée
de troubles du comportement (automuti-
lation, toxicomanie), une dysphorie, une
“sensibilité au rejet” mais sans troubles
de l’humeur ou schizophréniforme. La
carbamazépine a montré des effets béné-
fiques sur le contrôle du comportement
(impulsivité) mais a laissé paraître de
grandes divergences d’un patient à l’autre
sur les troubles de l’humeur. Des difficul-
tés méthodologiques portant sur l’adapta-
tion des doses en fonction de la tolérance
et le possible chevauchement de traite-
ment ne permettent pas de conclure. Une
étude naturaliste plus récente (Denicoff et
coll., 1994) a comparé la fréquence de
prescription et l’efficacité observée par
des psychiatres, des diverses thérapeu-
tiques utilisées chez leurs patients.
L’efficacité de la carbamazépine est ainsi
estimée comme étant très modeste dans
les troubles du comportement présentés
par les patients “borderline” dans environ
48 % des cas, à égalité avec les neurolep-
tiques. Il n’est cependant pas cité de trai-
tement unanimement reconnu par les pra-
ticiens pour ce type de pathologie. On
observe en revanche une réticence à
l’égard de la carbamazépine devant le
risque non négligeable de survenue d’ef-
fets secondaires hématologiques ou der-
matologiques et les difficultés de copres-
cription liées à ses propriétés d’inducteur
enzymatique.
L’intérêt de l’acide valproïque a été éva-
lué dans des études plus récentes. Wilcox
(1995) a étudié une trentaine de sujets
répondant aux critères DSM III-R de la
personnalité borderline, qui ont reçu des
posologies de valproex visant à obtenir
des taux plasmatiques compris entre 50
et 100 µg/ml. Dans cet essai ouvert de 6
semaines, il a été noté une amélioration
significative de l’anxiété et du retrait
social évalués avec la BPRS. À noter que
certains patients ont poursuivi leur psy-
chothérapie au cours de l’étude. Les
résultats d’autres travaux vont dans le
même sens (Stein et coll., 1995), mais là
aussi les échantillons de patients étudiés
sont restreints.
Conclusion
La difficulté à constituer des échantillons
de patients conséquents peut être due à
l’embarras qu’il y a à recruter et à suivre
l’ensemble de ces patients dont une des
caractéristiques cliniques est
l’instabilité ; la notion de patient “border-
line” recouvre diverses réalités sympto-
matiques, comme cela a déjà été évoqué
dans l’introduction, à l’origine d’une
hétérogénéité très probable des groupes
étudiés dans les études initialement
publiées. Une approche dimensionnelle,
essentiellement centrée autour des
troubles du comportement à type d’agres-
sivité ou d’impulsivité, est de mise
actuellement, en lien avec le développe-
ment des antidépresseurs inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine. Il y a la néces-
sité de combiner, chez ces patients, l’en-
semble des interventions thérapeutiques,
chimiothérapique et psychothérapique ;
la thérapie comportementale dialectique
développée par M. Linehan intègre entre
autres, chez ces patients difficiles, le
développement d’une habileté relative à
l’observance du traitement pharmacolo-
gique (Linehan, 1993).
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Mots-clés : Personnalité borderline,
Psychotropes, Thérapie cognitivo-compor-
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