Université européenne d’été 2015
du 30 juin au 3 juillet 2015
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on m’avait surtout fait venir pour parler du pizzly. Je voudrais vous donner quelques éclairages sur ce
qui va se passer à la suite de la fonte de la banquise. Je vais donc aborder quelques éléments sur tout
ce qui tourne autour de l’ours polaire, et ensuite je vais élargir mon propos.
Les changements qui surviennent actuellement font surgir des problèmes biologiques extrêmement
intéressants, sur lesquels j’aimerais attirer votre attention. J’ai repris l’une des cartes proposées dans
le film. Elle montre la curiosité de la situation de l’ours polaire. Les différentes populations d’ours
sont marquées au niveau de la banquise. Littéralement, l’ours polaire voit son terrain de chasse
disparaître sous ses pieds. C’est une différence importante par rapport à d’autres organismes, par
exemple la forêt brésilienne. Il est tout à fait imaginable de garder une partie de cette forêt pour que
l’animal puisse continuer à y vivre. Par contre, comment peut-on imaginer garder un morceau de
banquise ? J’attire par ailleurs votre attention sur le fait que pour toutes les zones appartenant à la
Russie, nous n’avons aucune donnée. Le problème biologique est principalement lié à l’existence
d’hybrides. A priori, l’ours brun, notamment le grizzly, et l’ours polaire sont deux espèces différentes,
et, comme tout biologiste novice pourrait le dire, a priori ne peuvent pas se reproduire. Or il existe
des pizzlys, appelés aussi grolars. La photographie montre les deux pizzlys du zoo d’Osnabrück, et ici,
ce sont différents pizzlys photographiés dans la nature en Alaska. Des biologistes de la conservation,
jugeant que l’animal n’était adapté ni en forêt ni sur la banquise, ont préconisé de les tuer pour
séparer les espèces. C’est à partir de cette observation que je me suis intéressé à ce problème, car en
tant que généticien, cette décision m’avait fait réagir. Je vais traiter de la controverse dont Janke
parle dans le film. Cette photographie présente l’un des arbres phylogénétiques des ursidés, en 1993,
où l’on sépare l’ours brun et l’ours polaire, la divergence entre les espèces étant datée du début du
Pliocène, à savoir environ deux millions d’années. Ensuite, à l’apparition des phylogénies
moléculaires fortes, avec l’ADN mitochondrial, nous nous sommes rendu compte que les ours
polaires étaient complètement intégrés à l’intérieur des ours bruns, et apparaissaient comme une
sous-espèce, avec une divergence datée de 130 000 années. Vu la différence des animaux, il était
hallucinant pour un biologiste de constater qu’une différence aussi importante au niveau
phénotypique se soit constituée aussi rapidement. Je vous montre ici l’un des travaux les plus
aboutis, publié en 2010, sur l’ADN mitochondrial, qui reprend cette observation étonnante. Ces
phylogénies, au départ, n’étaient faites qu’avec l’ADN des mitochondries, petit organite présent dans
le cytoplasme de la cellule et transmis exclusivement par les femelles. Or quand nous avons
commencé à construire les phylogénies avec l’ADN du noyau, nous avons trouvé qu’elles étaient tout
à fait compatibles avec ce que disaient auparavant les zoologistes, soit une divergence de
600 000 ans entre les ours bruns et les ours polaires, comme l’explique Hailer, élève de thèse de
Janke, dans Science. Obtenir deux phylogénies différentes en se basant sur deux ADN différents pose
un problème. Une des deux phylogénies donne l’histoire de l’espèce, et l’autre s’explique d’une
toute autre manière. Ce schéma résume bien les choses. Il y a 130 000 ans, s’est produit un transfert
horizontal de la mitochondrie de l’ours brun à l’ours polaire. L’ours polaire actuel possède un
génome nucléaire d’ours polaire ancestral, mais avec une mitochondrie d’ours brun. En génétique,
une telle chose peut arriver à condition d’avoir une toute petite population d’ours polaires, dans
laquelle nous avons des hybridations entre des ours polaires et des ours bruns. Ces hybridations
doivent être principalement dans le sens ours polaire mâle et ours brun femelle. Ces petites
populations sont des pizzlys. Après cet événement, la population d’ours polaires s’est restructurée et