La genèse
Exposition Brune Blonde (2011)
!
En janvier 2010, une amie qui présentait l'exposition Brune blonde à la
Cinémathèque Française m'a invité à assister à l'une de ses
conférences. Pour moi ça a été un choc et je suis sortie de là avec
l'intime conviction que je devais faire quelque chose sur la chevelure.
La masse des cheveux d'une personne m'est apparue alors comme la
chose la plus forte en termes de mythologie personnelle, l'essence
même de l'identité. Sur un mort, les cheveux continuent à pousser. À
l'annonce d'un cancer, la première hantise qui vient est celle de perdre
les cheveux sous les traitements par chimiothérapie. Avec les cheveux
arrive à l'esprit de manière évidente une multitude de thématiques
entre sublime et laideur, fascination et effroi, qui drainent tant
d'histoires de rivalités, de métamorphoses, de travestissements ou de
reliques...
"Chaque parcours de femme est lié à une histoire de cheveux", c'est ce que je me suis dit en
sortant de l'exposition. Ma première action a été de me remémorer toutes mes anecdotes
autour des cheveux depuis l'enfance : le désir petite de devenir chaque été le plus blonde
possible avec la mer et le soleil, les cheveux coupés courts à cause des poux, la volonté de se
faire remarquer au lycée en se teignant en rouge, les histoires d'amours malheureuses qui
finissent par des franges mal coupées ou des mèches de cheveux données en gage de
souvenir, et tant d'autres anecdotes qui jalonnent toute une vie.
Entre intime et fiction
J'avais alors envie de construire un spectacle avec trois comédiennes qui puisse mêler l'intime
de chacune et l'universel autour de cette thématique. J’ai alors commencé à imaginer des
parcours de femmes ayant existé ou pouvant avoir existé en cherchant l'écho qu'elles pourraient
provoquer chez certaines amies et comédiennes que je connais et avec qui j'ai plaisir à travailler.
En effet, dans mon travail j'aime ce que les gens vont y apporter. J'oriente, je dirige des
exercices sur des thématiques pour que l'acteur ne soit pas une simple marionnette, mais bien
un écrivain du plateau.
J'aime travailler avec des acteurs particuliers et atypiques desquels émane une force humaine et
artistique rare. Chacun transporte en lui un monde, un style et des histoires fortes, et c'est cela
qui est précieux pour moi. Je veux créer une forme à l'esprit libre. Le plus passionnant pour moi
ce sont durant la création ces moments aussi naturellement comiques que tragiques, sublimes
que grotesques dans les travaux que les comédiens proposent au moment où ils me renvoient la
balle par rapport à un exercice ou des travaux qu’ils ont eu à préparer. Il en ressort toujours du
positif et du poétique, du profond et de l'immédiateté, du délire et du vrai.
Mon but est de créer un choc émotionnel.
Si nous fonctionnons ainsi, les uns avec les autres au meilleur de nous mêmes, je suis
persuadée que nous inventerons un tableau comme une poésie visuelle et sonore puissante. Si
nous avons le courage d'aller "de haut en bas, des idées les plus élevées aux plus vulgaires, des
plus bouffonnes aux plus graves, des plus extérieures aux plus abstraites" (Victor Hugo), nous
aurons une chance de toucher l'insaisissable dans ses secrets et ses fractures.