Document 3 :
La nation anglaise est la seule de la terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois en
leur résistant et qui d'efforts en efforts ait enfin établi ce gouvernement sage où le prince,
tout-puissant pour faire du bien, a les mains liées pour faire du mal ; où les seigneurs
sont grands sans insolence et sans vassaux, et où le peuple partage le gouvernement
sans confusion. La Chambre des Pairs et celle des Communes sont les arbitres de la
nation, le roi est le surarbitre. Voltaire (1694-1778)
Lettres philosophiques ou Lettres anglaises, VIII, 1734
Document 4 :
La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. [...] Elle n'y est
que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir ; mais c'est une expérience éternelle que tout
homme qui a du pouvoir est porté à en abuser [...].
Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance
exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de
celles qui dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et
corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie
ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il
punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la
puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État.
La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion
que chacun a de sa sûreté ; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit
tel qu'un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen. [...]
Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps [...] exerçaient ces trois
pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de
juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes de l'Europe, le gouvernement est modéré, parce que le
prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l'exercice du troisième. [...]
La puissance exécutrice [...] doit prendre part à la législation par sa faculté d'empêcher ;
sans quoi elle sera bientôt dépouillée de ses prérogatives. Mais si la puissance législative
prend part à l'exécution, la puissance exécutrice sera également perdue.
Si le monarque prenait part à la législation par la faculté de statuer, il n'y aurait plus de
liberté. Mais, comme il faut pourtant qu'il ait part à la législation pour se défendre, il faut
qu'il y prenne part par la faculté d'empêcher. [...]
Voici donc la constitution fondamentale dont nous parlons. Le corps législatif y étant
composé de deux parties, l'une enchaînera l'autre par sa faculté mutuelle d'empêcher.
Toutes les deux seront liées par la puissance exécutrice, qui le sera elle-même par la
législative.
Ces trois puissances devront former un repos ou une inaction. Mais, comme par le
mouvement nécessaire des choses, elles sont contraintes d'aller, elles seront forcées
d'aller de concert. [...] Montesquieu (1689-1755)
De l’esprit des lois, livre XI, 1748
Document 5 :
Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un
présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d'en jouir aussitôt qu'il
jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c'est la puissance paternelle :
mais la puissance paternelle a ses bornes ; et dans l'état de nature elle finirait aussitôt
que les enfants seraient en état de se conduire. Toute autre autorité vient d'une autre
origine que la nature... On la fera toujours remonter à l'une de ces deux sources : ou la
force et la violence de celui qui s'en est emparé; ou le consentement de ceux qui s'y sont
soumis [ ... ] La puissance qui s'acquiert par la violence n'est qu'une usurpation ; ... en
sorte que ceux qui obéissent deviennent à leur tour les plus forts, et qu'ils secouent le
joug, ils le font avec autant de droit et de justice que l'autre qui le leur avait imposé. La
même loi qui a fait l'autorité la défait alors
c'est la loi du plus fort. La puissance qui vient du consentement des peuples suppose
nécessairement des conditions qui en rendent l'usage légitime, utile à la société... et qui
la fixent et la restreignent entre des limites; car l'homme ne doit ni ne peut se donner...
Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 1507 3011 : “La Révolution française” - 18/04/2011 - page 5