LA RÉVOLUTION FRANÇAISE - LA MONTÉE DES TENSIONS - N°6
L’ÉVOLUTION DES MENTALITÉS,
LES CONSÉQUENCES DES LUMIÈRES
(…) nous voilà dans un siècle qui va devenir de jour en jour plus éclairé, de sorte que tous
les siècles précédents ne seront que ténèbres en comparaison (…)
Pierre Bayle (1647-1706)
Nouvelles de la république des lettres, 1684
Jamais siècle n’a été appelé plus souvent que le nôtre le siècle des Lumières.
Gabriel Bonnot de Mably (1709-1785)
Le Banquet des politiques, 1776
I RETOUR SUR LA LOGIQUE POLÉMOLOGIQUE D’UNE RÉVOLUTION
1 - Une révolution résulte d’une rupture d’équilibre social, entre forces conservatrices
et progressistes
2 - Une évolution profonde de la société, niée pendant longtemps dans l’ordre politique
3 - Une France de Louis XV qui se constitue en opposition au Grand siècle Louis-quatorzien
II LA PHILOSOPHIE DES LUMIÈRES ET SES IDÉAUX
1 - La philosophie des Lumières, le courant de pensée du 18ème siècle
2 - La confiance dans la raison humaine et ses capacités, le rationalisme et le scientisme des
Lumières
3 - Un idéal de pensée rationnelle, de connaissance et de liberté de penser, une philosophie de
l’esprit critique
4 - Une philosophie naturaliste, mettant en avant la Nature, la naturalité du monde et le déisme
5 - Une philosophie du progrès humain et social, à partir du progrès scientifique
6 - Des principes sociaux de liberté et de tolérance
7 - Une philosophie humaniste, tournée vers l’accomplissement individuel et la recherche
du bonheur
8 - Sur le plan politique, le refus de l’absolutisme, le contrat social
9 - Un mouvement pan-européen et transcontinental, à vocation cosmopolite et universelle
10 - Son influence dans la révolution française
11 - Mais attention au contresens, la philosophie des Lumières n’est pas révolutionnariste
III LES MUTATIONS SOCIALES
1 - Le rejet des droits féodaux, conséquence de la montée des administrations royales
et municipales
2 - Les conséquences du colbertisme, le développement économique, manufacturier et financier de
la France
3 - L’existence d’une mobilité sociale, qui donne des moyens et des envies d’émancipation
4 - Le développement de la scolarisation, notamment en milieux urbains et dans la bourgeoisie
5 - L’inversion du sens des privilèges dans l’opinion publique
6 - La formation d’un sentiment national, à l’encontre de la fragmentation du royaume
7 - La noblesse n’a plus peur de s’opposer à ce roi, notamment la noblesse parlementaire
IV L’ÉVOLUTION INTELLECTUELLE ET CULTURELLE
1 - La montée de la société de pensée depuis la Renaissance
2 - La pénétration des idéaux des Lumières dans une large part de la population urbaine
3 - Le lent travail de sape des philosophes à l’encontre des fondements de l’Ancien régime
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4 - La naissance d’une opinion publique
5 - Un double exemple : l’angleterre et la révolution américaine
6 - Une société largement internationalisée, développant une conscience internationale et un
cosmopolitisme culturel
7 - Le rôle des nouveaux lieux de sociabilité
A - Les académies savantes
B - Les salons
C - Les sociétés littéraires
D - Loges maçonniques
E - Les cafés (exemple du Procope à Paris, fondé en 1686)
F - Les théâtres
G - Les bibliotheques publiques et les chambres de lecture
V CONCLUSION
1 - La concordance des mutations sociales et des mutations intellectuelles
2 - Une véritable transformation des mentalités, bien avant 1789
3 - Mais le maintien du formalisme politico-social antérieur, en contresens de l’évolution
générale des esprits
ORA ET LABORA
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Document 1 :
Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or comme
le roi d'Espagne, son voisin ; mais il a plus de richesses que lui parce qu'il les tire de la
vanité de ses sujets plus inépuisable que les mines, On lui a vu entreprendre ou soutenir
de grandes guerres, n’ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre, et, par un
prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places, munies, et ses
flottes, équipées.
D'ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses
sujets ; il les fait penser comme il veut. S'il n’a qu'un million d'écus dans son trésor et qu'il
en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux, et ils le croient.
S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans
la tête qu'un morceau de papier(1) est de l'argent, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va
même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant,
tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits. Montesquieu (1689-1755)
Lettres persannes, 1721
(1) allusion à l’émission de papier-monnaie (dès 1701)
utilisé en 1706 et 1707 pour rembourser les créanciers de l’État
Document 2 :
IPHICRATE. Eh ! ne perdons point de temps, suis-moi, ne négligeons rien pour nous tirer
d’ici ; si je ne me sauve, je suis perdu, je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes
dans l’Île des Esclaves.
ARLEQUIN. Oh, oh ! qu’est-ce que c’est que cette race-là ?
IPHICRATE. Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui
depuis cent ans sont venus s’établir dans une île, et je crois que c’est ici : tiens, voici
sans doute quelques-unes de leurs cases ; et leur coutume, mon cher Arlequin, est de
tuer tous les maîtres qu’ils rencontrent, ou de les jeter en esclavage.
ARLEQUIN. Eh ! chaque pays a sa coutume ; ils tuent les maîtres, à la bonne heure, je
l’ai entendu dire aussi, mais on dit qu’ils ne font rien aux esclaves comme moi.
IPHICRATE. Cela est vrai.
ARLEQUIN. Eh ! encore vit-on.
IPHICRATE. Mais je suis en danger de perdre la liberté, et peut-être la vie ; Arlequin, cela
ne te suffit-il pas pour me plaindre ?
ARLEQUIN prenant sa bouteille pour boire. Ah ! je vous plains de tout mon cœur, cela est
juste.
IPHICRATE. Suis-moi donc.
ARLEQUIN siffle. Hu, hu, hu.
IPHICRATE. Comment donc, que veux-tu dire ?
ARLEQUIN, distrait, chante. Tala ta lara.
IPHICRATE. Parle donc, as-tu perdu l’esprit, à quoi penses-tu ?
ARLEQUIN riant. Ah ! ah ! ah ! Monsieur Iphicrate, la drôle d’aventure ; je vous plains, ma
foi, mais je ne saurais m’empêcher d’en rire.
IPHICRATE, à part les premiers mots. Le coquin abuse de ma situation, j’ai mal fait de lui
dire où nous sommes. Arlequin, ta gaieté ne vient pas à propos, marchons de ce côté.
ARLEQUIN. J’ai les jambes si engourdies.
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IPHICRATE. Avançons, je t’en prie.
ARLEQUIN. Je t’en prie, je t’en prie ; comme vous êtes civil et poli ; c’est l’air du pays qui
fait cela.
IPHICRATE. Allons, hâtons-nous, faisons seulement une demi-lieue sur la côte pour
chercher notre chaloupe, que nous trouverons peut-être avec une partie de nos gens ; et
en ce cas-là, nous nous rembarquerons avec eux.
ARLEQUIN, en badinant. Badin, comme vous tournez cela.
Il chante
L’embarquement est divin.
Quand on vogue, vogue, vogue,
L’embarquement est divin
Quand on vogue avec Catin.
IPHICRATE, retenant sa colère. Mais je ne te comprends point, mon cher Arlequin.
ARLEQUIN. Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez coutume de
m’en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là, et le gourdin est dans la
chaloupe.
IPHICRATE. Eh ! ne sais-tu pas que je t’aime ?
ARLEQUIN. Oui, mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et
cela est mal placé. Ainsi tenez, pour ce qui est de vos gens, que le ciel les bénisse ; s’ils
sont morts, en voilà pour longtemps ; s’ils sont en vie, cela se passera, et je m’en
goberge.
IPHICRATE, un peu ému. Mais j’ai besoin d’eux, moi.
ARLEQUIN, indifféremment. Oh ! cela se peut bien, chacun a ses affaires ; que je ne
vous dérange pas.
IPHICRATE. Esclave insolent !
ARLEQUIN, riant. Ah ! ah ! vous parlez la langue d’Athènes, mauvais jargon que je
n’entends plus.
IPHICRATE. Méconnais-tu ton maître, et n’es-tu plus mon esclave ?
ARLEQUIN, reculant d’un air sérieux. Je l’ai été, je le confesse à ta honte ; mais va, je te
le pardonne : les hommes ne valent rien. Dans le pays d’Athènes, j’étais ton esclave, tu
me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le
plus fort : eh bien, Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à
ton tour ; ; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de
cette justice-là, tu m’en diras ton sentiment, je t’attends là. Quand tu auras souffert, tu
seras plus raisonnable, tu sauras mieux ce qu’il est permis de faire souffrir aux autres.
Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon
que toi. Adieu, mon ami, je vais trouver mes camarades et tes maîtres (Il s’éloigne.)
IPHICRATE, au désespoir, courant après lui l’épée à la main. Juste ciel ! peut-on être
plus malheureux et plus outragé que je le suis ? Misérable, tu ne mérites pas de vivre.
ARLEQUIN. Doucement ; tes forces sont bien diminuées, car je ne t’obéis plus, prends-y
garde. Marivaux (1688-1763)
L’Île aux esclaves, acte I, sc. 1, 1725
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Document 3 :
La nation anglaise est la seule de la terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois en
leur résistant et qui d'efforts en efforts ait enfin établi ce gouvernement sage où le prince,
tout-puissant pour faire du bien, a les mains liées pour faire du mal ; les seigneurs
sont grands sans insolence et sans vassaux, et le peuple partage le gouvernement
sans confusion. La Chambre des Pairs et celle des Communes sont les arbitres de la
nation, le roi est le surarbitre. Voltaire (1694-1778)
Lettres philosophiques ou Lettres anglaises, VIII, 1734
Document 4 :
La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. [...] Elle n'y est
que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir ; mais c'est une expérience éternelle que tout
homme qui a du pouvoir est porté à en abuser [...].
Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance
exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de
celles qui dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et
corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie
ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il
punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la
puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État.
La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion
que chacun a de sa sûreté ; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit
tel qu'un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen. [...]
Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps [...] exerçaient ces trois
pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de
juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes de l'Europe, le gouvernement est modéré, parce que le
prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l'exercice du troisième. [...]
La puissance exécutrice [...] doit prendre part à la législation par sa faculté d'empêcher ;
sans quoi elle sera bientôt dépouillée de ses prérogatives. Mais si la puissance législative
prend part à l'exécution, la puissance exécutrice sera également perdue.
Si le monarque prenait part à la législation par la faculté de statuer, il n'y aurait plus de
liberté. Mais, comme il faut pourtant qu'il ait part à la législation pour se défendre, il faut
qu'il y prenne part par la faculté d'empêcher. [...]
Voici donc la constitution fondamentale dont nous parlons. Le corps législatif y étant
composé de deux parties, l'une enchaînera l'autre par sa faculté mutuelle d'empêcher.
Toutes les deux seront liées par la puissance exécutrice, qui le sera elle-même par la
législative.
Ces trois puissances devront former un repos ou une inaction. Mais, comme par le
mouvement nécessaire des choses, elles sont contraintes d'aller, elles seront forcées
d'aller de concert. [...] Montesquieu (1689-1755)
De l’esprit des lois, livre XI, 1748
Document 5 :
Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un
présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d'en jouir aussitôt qu'il
jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c'est la puissance paternelle :
mais la puissance paternelle a ses bornes ; et dans l'état de nature elle finirait aussitôt
que les enfants seraient en état de se conduire. Toute autre autorité vient d'une autre
origine que la nature... On la fera toujours remonter à l'une de ces deux sources : ou la
force et la violence de celui qui s'en est emparé; ou le consentement de ceux qui s'y sont
soumis [ ... ] La puissance qui s'acquiert par la violence n'est qu'une usurpation ; ... en
sorte que ceux qui obéissent deviennent à leur tour les plus forts, et qu'ils secouent le
joug, ils le font avec autant de droit et de justice que l'autre qui le leur avait imposé. La
même loi qui a fait l'autorité la défait alors
c'est la loi du plus fort. La puissance qui vient du consentement des peuples suppose
nécessairement des conditions qui en rendent l'usage légitime, utile à la société... et qui
la fixent et la restreignent entre des limites; car l'homme ne doit ni ne peut se donner...
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