Et l’homme dans tout ça ? Page 1 Page 1 La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires Et l’homme dans tout ça ? Ouverture Intervention de Pierre de Saintignon 1er adjoint au Maire de Lille assemblées en décembre. J’espère que cette réforme sera synonyme de progrès et quelle préservera ce fragile équilibre forgé au cours des siècles entre prestations marchandes et missions de service public qui caractérise l’action de votre institution. Le Nord-Pas-de-Calais, terre de progrès économique et social Photo Laurent Mayeux C’est un honneur pour moi de m’exprimer dans cet opéra, symbole de la renaissance culturelle de notre ville. Il se trouve, deuxième symbole, à quelques mètres de la chambre de commerce et d’industrie Grand Lille avec laquelle nous menons les politiques économiques et sociales de notre région. (…). Vous vous réunissez dans un contexte particulier, entre la promulgation de la loi qui porte l’organisation du réseau consulaire et les prochaines élections qui renouvelleront vos En accueillant cette université d’été des CCI sur le thème « Et l’homme, dans tout ça ? », notre ville, notre métropole au passé industriel, sont fidèles à leur histoire et à celle du Nord, qui fut longtemps considéré comme « l’usine » de la France. Vous le savez, l’histoire de notre région épouse fidèlement celle du progrès social. Dans le Nord, nous sommes concrets. Le dialogue social a permis de transformer la condition des salariés et de leur famille, que ce soit au travers des premières conventions collectives, ou des initiatives pilotes dans le domaine du logement, de la santé, de la formation des hommes. On a parfois présenté les patrons de cette région comme les champions du paternalisme social : oui, influencés sans doute; mais ces dirigeants, eux, n’ont pas cédé à la financiarisation de l’économie. Si les patrons du monde avaient ressemblé aux patrons du Nord-Pas- Intervention de Pierre de Saintignon - 1 - 2 Page 2 Et l’homme dans tout ça ? La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires de-Calais, nous n’aurions pas connu la crise économique que nous venons de connaître. Ces hommes du Nord-Pas-de-Calais attestent d’une haute idée de la personne humaine, de sa prise en considération quelle que soit sa condition sociale. sont autant de groupes qui conjuguent l’excellence dans le domaine économique – plusieurs sont mondiaux – mais aussi la dimension humaine puisée dans les sources d’un capitalisme rhénan cher à Bruno Bonduelle, qui ne cesse de rappeler toute sa pertinence dans la crise que nous traversons aujourd’hui. La crise, une opportunité pour construire un autre modèle Le Nord – Pas-de-Calais est aussi le berceau du paritarisme dans la gestion des grands organismes sociaux et des grandes politiques sociales. C’est ici que sont nées des initiatives qui marqueront à jamais tout notre pays : les allocations familiales ; la mutualité, dans le prolongement des caisses ouvrières des années vingt ; les coopératives de production ; les premières HLM ; et bien entendu, à Roubaix, le 1 % logement. C’est enfin une région riche de ses entreprises : de Bonduelle à Auchan, de Boulanger à Oxylane, de La Mondiale à Lesaffre, d’Okaïdi aux Trois Suisses, et bien d’autres. Ce Effectivement, nous traversons une crise sans précédent, une crise de civilisation. Nous vivons des changements en profondeur de l’économie, du travail, de la société, des sciences, des technologies. Je mesure ce que ces bouleversements peuvent avoir d’angoissant par l’inconnu qu’ils sous-tendent. Mais si les hommes et les femmes en deviennent les acteurs, alors il est possible de redonner un sens au progrès, de redonner sens à des valeurs qui sont plus que jamais d’actualité : l’émancipation des hommes et des femmes, le progrès par la connaissance, la justice sociale. Beaucoup de pays proches qui nous entourent ont compris que ces changements étaient une chance, une opportunité pour construire un autre modèle. En France, le scepticisme trop Intervention de Pierre de Saintignon - 2 - Page 3 Et l’homme dans tout ça ? Page 3 La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires souvent l’emporte et pourtant nous sommes une société créative et nous pouvons l’être bien d’avantage. Une autre société est possible, fondée sur le bien-être plutôt que sur le tout-avoir, ce tout-avoir qui va dans le mur, qui favorise une frénésie de consommation, qui appauvrit le plus grand nombre, qui enrichit une minorité, mais qui aliène le monde. Penser un nouveau modèle de développement suppose de reposer les questions essentielles : que produire ? Comment produire ? Comment distribuer ? C’est au cœur de votre réflexion d’aujourd’hui : redonner la priorité au long terme, échapper à la tyrannie du court terme, et remettre la finance au service de l’économie. Notre industrie a un avenir Pour donner la priorité au long terme, il faut retrouver des outils de pilotage de notre économie pour lui redonner un avenir, en particulier dans le domaine industriel fortement affaibli. La France a des atouts, elle possède au fond d’elle-même des ressources pour rebondir, au contact des jeunes pleins d’énergie, des chercheurs qui inventent notre futur, des PME qui innovent, des entrepreneurs qui créent les richesses. A Lille, comme ailleurs, je refuse l’idée selon laquelle la concurrence internationale nous contraindrait à abandonner des pans entiers de notre production. Notre industrie a un avenir à condition d’accompagner l’émulation. Il faut pour cela créer des filières d’excellence, et c’est à cela qu’inlassablement nous travaillons, vous et nous, les acteurs publics. L’avenir, ce sont les véhicules et les transports propres, les textiles techniques et intelligents, le numérique et les biotechnologies. Ce sont aussi les dispositions que nous saurons prendre pour p r é p a r e r l e s relocalisations qui s’imposeront dans notre région sur fond de hausse des coûts des transports et de demande de produits toujours plus personnalisés. La priorité au long terme, c’est enfin une économie qui répond à une production durable. Echapper à la tyrannie du court terme, c’est sortir de la société de la pseudo performance qui s’est fait une doctrine de la mise sous pression des individus, réputés alors plus efficaces. L’expérience montre chaque jour que cette voie ne mène nulle part. Individuellement, elle Intervention de Pierre de Saintignon - 3 - Et l’homme dans tout ça ? 4 Page 4 La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires crée des souffrances intolérables, collectivement, elle conduit à une société stérile, incapable de créer et d’innover alors que l’avenir passe par la création, la recherche, l’éducation, la formation et la culture. Nous avons besoin d’une société qui redonne du pouvoir au citoyen Face à une société qui dépossède les femmes et les hommes de la maîtrise de leur vie, nous avons besoin d‘une société qui redonne du pouvoir aux salariés et plus généralement aux citoyens. Celle-ci passe d’abord par la revalorisation du travail. Cette revalorisation est la première condition pour sortir de la société du mépris dans laquelle nous sommes plongés trop souvent, celle qui relègue les plus pauvres dans les cités, celle qui oublie les plus âgés, celle qui humilie les plus faibles, celle qui traite uniformément les citoyens comme des sujets anonymes. apporter tous les accès réels aux droits fondamentaux qui permettent aux hommes et aux femmes de maîtriser leur vie : accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé, à la culture. Amartya Sen a écrit que « notre monde recèle autant de possibilités immenses que de gigantesques échecs ». Cette phrase fait écho à un des premiers humanistes, Dante, qui dans La Divine Comédie, écrivait : « Le plus grand don que Dieu dans Sa largesse fit fut la liberté de la volonté. » C’est dans cette liberté des volontés et ce champ des possibles que nous devons trouver collectivement le chemin d’une société meilleure pour l’homme. Il faut retrouver le sens d’une société qui garantisse aux individus, aux citoyens autonomes, plus de respect, plus de reconnaissance et plus de soins, qui fonde notre responsabilité à l’égard de chacun, mais aussi la responsabilité de chacun à l’égard des autres. Il faut une société du respect qui doit Intervention de Pierre de Saintignon - 4 -