Gravimétrie et structure du globe à différentes échelles Correction proposée par Mathieu Rodriguez [email protected] Introduction : les principes de la gravimétrie Définition de la gravité : Du latin gravis = lourd. C’est une force d’attraction, créée par la masse même de la Terre, et qui agit à distance. Galilée mesura la vitesse de chute de différents corps depuis la tour de Pise : la vitesse de chute diffère selon la masse de l’objet. Mais l’accélération qu’ils subissent est constante. C’est l’accélération de la pesanteur, notée g. Sur Terre, g (moyen)= 9,81 m.s-2 Ce qui est mesuré par les gravimètres ou les pendules : g ! Unité de pesanteur S.I. : m.s-2 … Mais en pratique : 1mGal= 10-5 m.s-2 Définition de la force d’interaction gravitationnelle : Deux corps massiques exercent l’un sur l’autre une force d’attraction appelée attraction gravitationnelle. Pour deux corps ponctuels ou sphériques, cette force croît en fonction de la masse de chaque corps et diminue selon le carré de la distance entre ces deux corps. La force gravitationnelle exercée sur une masse m ne dépend que de sa position par rapport au centre de la masse M, noté O. La masse M génère un champ gravitationnel, ou champ de gravitation, que l’on met en évidence par la force exercée sur la masse placée en A. Détermination de la valeur de G : les expériences de Cavendish G=6,67743.10-11 N.m².kg-² La force de pesanteur : 2nde loi de Newton « la somme des forces f auxquelles est soumis un corps est égale au produit de sa masse m par son accélération a » f= m. a Dans le cas de la chute d’un corps a = g f=m.g . Dans le référentiel terrestre, du fait de la rotation de la Terre autour de son axe, la force centrifuge s’ajoute à la force de gravitation. La somme de la force de gravitation et de la force centrifuge est appelée force de pesanteur (mais la force de pesanteur est bien moindre que la force de gravitation). Formule de l’accélération centrifuge = ω² .r.cos λ ; avec ω vitesse angulaire de rotation de la terre (de l’ordre de 7.3.10-5 rad.s-1), et λ la latitude. L’accélération centrifuge déforme la Terre (forme ellipsoïdale), avec aplatissement aux pôles (1/298) La notion d’équipotentielle du champ de pesanteur et le Géoïde: Si on lâche un même objet depuis des étages différents d’une tour, on obtient que la vitesse de l’objet ne dépend que de la masse et de la hauteur z de l’étage : v= √(2gz) L’énergie cinétique de l’objet, nulle au lâcher, augmente pendant la chute (selon Ec=1/2 mv2). L’énergie cinétique est créée depuis l’énergie potentielle de gravité Ep= mgz. mgz est donc la quantité d’énergie transformée sous forme cinétique lorsque l’objet atteint le sol. Ec=Ep=mgz d’où v = √(2gz) Le potentiel de pesanteur, noté U (ou W …), est obtenu en divisant l’énergie de gravité par la masse de l’objet. U=gz . La gravité g est la dérivée du potentiel de pesanteur dU/dz= d(gz)/dz= g. Dans le cas de la Terre, le vecteur U a une valeur (i.e.une norme, et non une direction!) constante sur des surfaces à peu près ellipsoïdes, dites équipotentielles, qui sont perpendiculaires à la direction de l’accélération de la pesanteur g (autrement dit, ces équipotentielles marquent l’horizontale). C’est U (le potentiel) et non pas g (l’accélération) qui est constant sur une équipotentielle. Autrement dit, Une équipotentielle ne signifie pas un champ constant. Par ex. La pesanteur varie de 9,83 aux pôles à 9,78 m.s-2 à l’équateur (car rayon différent: 6356 km aux pôles contre 6378 km à l’éq.) En physique, on montre que l’interface entre deux fluides est toujours une équipotentielle. La surface moyenne des océans a donc été choisie comme équipotentielle de référence et définit le Géoïde. Géoïde = forme qu’aurait la Terre si elle était entièrement recouverte par les océans. Détermination de la masse de la Terre : g=GM/R². Avec R ~6370km, M = 5,97. 10 24 kg Volume : 4/3πR3 -> densité moyenne de la Terre ρ= 5,52.103 kg.m-3 La densité moyenne de la Terre est largement supérieure à la densité des roches de surface ; autour de 2-3. Il existe donc au sein de la Terre des roches plus denses. Noyau : densité autour de 7…mais aussi hétérogénéités de masse dans le manteau et dans la lithosphère. Forme théorique de la Terre si enveloppes concentriques avec distribution homogène de masse : un ellipsoïde avec coeff d’aplatissement de 1/298…mais il existe des anomalies, qui nous renseignent sur la structure interne de la Terre. Problématique : Le champ de gravité est fonction de la distribution des masses à l’intérieur de la Terre. A différentes longueurs d’onde, son étude permet d’identifier des hétérogénéités de masse à différentes échelles, de la lithosphère à l’ensemble de la Terre. La gravimétrie permet donc une première approche de la connaissance de la structure interne de la Terre. Modèles d’ellipsoïdes de la Terre sont construits en considérant une répartition homogène et concentrique des enveloppes de la Terre modèle gravimétrique avec équipotentielles ellipsoïdales et concentriques. En gravimétrie, on cherche l’anomalie, qui nous renseigne sur la structure profonde à une échelle donnée et la distribution des hétérogénéités de masse à l’intérieur de la Terre. Notion d’Anomalie en géophysique : différence entre la valeur mesurée et sa valeur théorique (ici, calculée pour Terre à enveloppes concentriques et distribution de masse homogène) • Une anomalie nulle vérifie donc le modèle • Anomalie <0 : pesanteur + faible, la masse placée dans le champ gravimétrique est moins attirée que dans le modèle : déficit de masse p/r au modèle. • Inversement pour Anomalie >0 Excès de masse p/r au modèle. 1) Mesures et corrections du champ gravimétrique a) Comment mesurer le champ gravimétrique ? -Le pendule : La période d’oscillation d’un pendule dépend de la gravité. T= 2π√(l/g) (1+αo2/16) Avec T: période; l: longueur du pendule; g: accélération de la gravité; αo: amplitude d’oscillation -Gravimètre à ressort k (l-l o)=mg l o : longueur du ressort au repos; l : longueur du ressort sous le poids de la masse m; k : cste de déformation du ressort (varie selon élasticité du ressort, & la température) Schéma d’un gravimètre à ressort -Autres gravimètres, plus complexes ; les appareils à chute libre… b) Corrections et anomalies gravimétriques Correction topographique ; correction à l’air libre ; correction de Bouguer. Objectif de Bouguer : isoler la part du signal qui renseigne sur d’éventuelles hétérogénéités de masse au sein de la lithosphère. c) La non-unicité de l’inversion du signal gravimétrique Le même signal gravimétrique peut correspondre à différentes géométries et profondeurs de l’hétérogénéité de masse/ Nécessité de compléter avec d’autres données pour bien contraindre la forme de l’hétérogénéité (ex. sismique réfraction). 2) Les anomalies gravimétriques de faible étendue (quelques km) Détection de cavité, de nappes phréatiques, de gisements minéraux, etc… -Perturbations locales du potentiel de pesanteur par un excès de masse : À même altitude topographique, la pesanteur est plus forte à l'aplomb d'un excès de masse / À même altitude topographique, le potentiel de pesanteur est plus faible à l'aplomb d'un excès de masse. Une équipotentielle de pesanteur est "soulevée" à l'aplomb d'un excès de masse. Inversement, un déficit de masse local (non compensé par ailleurs) induit à l'aplomb de la perturbation une hausse du potentiel, un abaissement local des équipotentielles (creux d'équipotentielle) et une diminution locale de la pesanteur, à altitude topographique constante comme à potentiel constant. Près de la perturbation, la déviation des équipotentielles indique que le vecteur pesanteur est "repoussé" par le déficit de masse. 3) Anomalies gravimétriques de grande étendue (centaine de km) : les modèles isostatiques a) Modèles isostatiques locaux : Airy et Pratt Principe d’Archimède. Notion de surface de compensation. b) Modèles flexuraux (isostasie régionale): Vening-Menesz c) Anomalies gravimétriques selon le contexte géodynamique : exemples Soit analyse détaillée de la carte gravi de France, soit divers exemples à travers le monde… à vous de voir ! -Carte des anomalies de Bouguer en France. Anomalie négative au niveau des Pyrénées et des Alpes : effet de la racine crustale, composée de lithosphère continentale moins dense que le manteau lithosphérique. Anomalie négative au niveau du massif central : effet du point chaud/ remontée de matériau asthénosphérique moins dense. Sutures hercyniennes détectables. Zone d’Ivrée marquée par anomalie positive : fragment de manteau incorporé dans le prisme orogénique alpin ? ou zone éclogitisée ? -Anomalies gravi au niveau des dorsales, des zones de subductions, des transformantes… Non unicité du modèle gravi dans le cas d’une dorsale d) Le Géoïde : le champ de pesanteur depuis l’espace a) Mesure du Géoïde Géoïde : surface moyenne des océans (on exclut les effets de topographie dynamique) b) Les courtes longueurs d’onde du Géoïde : signification La mesure du niveau moyen des océans permet de construire la carte bathymétrique globale des océans (celle que vous avez sur Google Earth par ex.) Quatre grandes classes de structures à partir des anomalies courte longueur d’onde du géoïde : Les Monts et Volcans sous-marins : généralement associées à une anomalie positive (bosse, qqs m) Figure ci-dessus : Anomalie positive liée à l’excès de masse en présence du volcan + anomalie négative liée à la réponse physique du manteau terrestre (anomalie résultante dépend donc de la rigidité flexurale). les dorsales océaniques : associés à une anomalie positive (bosse jusqu’à 10 m) Les zones de subduction : associées à une anomalie négative (creux jusqu’à 10-20m) Les failles transformantes et les zones de fractures : associées à des anomalies en forme de marche d’escalier (bosse jusqu’à 1-5m) c) Les grandes longueurs d’onde du Géoïde : signification Les creux et les bosses du géoïde sont définis p/r à l’ellipsoïde de référence. Anomalies de très grande échelle : forte amplitude (100 m) et grande dimension spatiale : une anomalie positive centrée sur la Nouvelle Guinée + pacifique Ouest une anomalie positive couvrant l’Atlantique et le sud de l’Afrique vaste anomalie négative associée à l’Asie et l’Océan Indien Anomalie négative en antarctique, Amérique du Nord Les grandes ondulations ne sont pas corrélées aux reliefs de la surface terrestre -> Anomalies de masse localisées profondément dans le manteau terrestre. Topographie du Géoïde corrigée des phénomènes superficiels d’origine lithosphérique Tomographie sismique : anomalies de vitesses sismiques à 2500 kms de profondeur dans le manteau inférieur (en %). Anomalie positive liée aux régions plus froides (plus denses)/ Anomalie négative liée aux régions plus chaudes (moins denses) Tomographie donne aussi une idée de la distribution des masses dans le manteau. Cependant, là où la tomo suggère un excès de masse, l’orbitographie propose un déficit ! Nécessité de prendre en compte l’effet dynamique de la convection. Perturbation de la trajectoire des satellites liée à la distribution des masses à l’intérieur de la Terre. Conclusions : -Différents outils de mesure permettent accès à différentes longueurs d’ondes du signal, et à différentes échelles de distribution des masses à l’intérieur de la Terre…mais nécessité de coupler le signal gravi à d’autres méthodes d’imagerie pour avoir une idée précise de l’interprétation d’une anomalie. Bien que la gravi n’est pas toujours décisive en soi, elle permet de mettre en évidence les anomalies, i.e. les hétérogénéités potentielles dans la structure de la Terre, et de déterminer où mener les campagnes géophysiques beaucoup plus coûteuses que la simple mesure du champ gravi... -Avantage : aujourd’hui données à l’échelle mondiale…Carte des fonds océaniques permet de contraindre modèle cinématique (dispense d’attendre que la couverture bathymétrique soit complète). Objectifs : améliorer encore la résolution spatiale… -Etude de la flexure (ex/ rebond post glaciaire etc…) permet de contraindre la rhéologie de la lithosphère Exemple de schéma bilan possible. Rajouter longueur d’onde du signal/outil de mesure correspondant/ et échelle de profondeur correspondante Bon Courage !