INTRODUCTION. Plusieurs raisons personnelles m’amènent aujourd’hui à vous parler de Raymond Aron. Par goût personnel pour l’histoire et les écrits mémoriaux de ceux qui ont vécu les évènements au plus près. La lecture récente des ses mémoires m’a permis de redécouvrir une personnalité qui a connu d’assez près quelques uns des principaux bouleversements du vingtième siècle français (le avènement du Front Populaire, celui du nazisme, la deuxième guerre à Londres, la décolonisation et notamment l’indépendance algérienne, …). Intérêt aussi pour une personnalité, au sens de caractère psychologie, qui n’était pas du tout dans le courant de l’histoire intellectuelle, ce n’était pas un suiveur. On le verra notamment dans son parcours intellectuel avec son ami Jean-Paul Sartre. Un intellectuel de haute tenue, atypique, aux centres d’intérêt multiples (histoire, économie, sociologie, philosophie, géopolitique) lucide et clair sur son l’époque. Sans doute un peu cassant et rigide, je pense qu’il n’avait pas très bon caractère on disait de lui « qu’il était plus difficile d’aoir raison avec RA que d’avoir tort avec JPS » BIOGRAPHIE. Raymond Aron, né le 14 mars 1905 dans le 6e arrondissement de Paris et mort le 17 octobre 1983 dans le 4e arrondissement1, est un philosophe, sociologue, politologue, historien et journaliste français. Raymond est né dans milieu juif plutôt aisé, bourgeois de la classe moyenne. La fortune du père Gustave provenait du textile alsacien, malheureusement une grande partie en a été perdue lors de la crise de 1929. Malgré cela les trois enfants Aron ont mené une vie aisée et de fait des études. Le frère aîné, Adrien (1902-1969), a étudié au lycée Hoche, poursuivant par une classe de mathématiques supérieures et une licence en droit, devint un grand joueur de tennis et de bridge. Après Raymond, vint un troisième garçon, Robert (sans aucun lien avec l’auteur de l’histoire de Vichy), qui obtint une licence en droit et en philosophie, entra dans l'administration de la Banque de Paris et des Pays-Bas. Raymond Aron épouse en 1933 Suzanne Gauchon (1907-1997), avec laquelle il eut trois filles : Dominique Schnapper, sociologue et membre du Conseil constitutionnel de 2001 à 2010, Emmanuelle et Laurence. Il est reçu à l'École normale supérieure, rue d'Ulm. Il est alors influencé par les idées pacifistes du philosophe Alain, son professeur de khagne. Engagé politiquement, il milite quelque temps à la SFIO13. En 1928, il est reçu premier à l'agrégation de philosophie. Aron se rend à partir de 1930 en Allemagne où il étudie un an à l'université de Cologne, puis de 1931 à 1933 à Berlin, où il est pensionnaire de l'Institut français créé en 193015 et fréquente l'université de Berlin. Il observe alors la montée du totalitarisme nazi, phénomène qu'il relate dans ses Mémoires. Dans ses mémoires il narre sa participation à l’incendie du Reichstag et les autodafes avec Goebbels au côté du fils de Thomas Mann. En 1935, il publie La sociologie allemande contemporaine où il introduit l'idée — nouvelle — de la relativité et d'indéterminisme en sociologie. En 1938, il obtient son doctorat ès-Lettres avec une thèse intitulée Introduction à la philosophie de l'histoire ainsi qu'un essai sur la théorie de l'histoire dans l'Allemagne contemporaine. Mobilisé en septembre 1939 dans un poste météorologique des Ardennes, il décide de gagner l'Angleterre pour s'engager auprès du général de Gaulle. À Londres, il s'engage dans les Forces françaises libres et retrouve Robert Marjolin, qui travaille pour Jean Monnet. Il adopte une opinion paradoxale à propos de Pétain : bien que le choix de celui-ci mise de fait sur la victoire de l'Allemagne nazie, il indique également que la décision a le mérite d'avoir épargné le sang et les camps de travail à des millions de Français ; de plus il n'accorde pas un soutien sans faille à de Gaulle, dont il redoute le césarisme. il devenir rédacteur en chef de la revue La France Libre (Londres), qu'il est en train de créer. Il écrit sous le nom de René Avord. Son premier article s'intitule « Le machiavélisme, doctrine des tyrannies modernes ». En 1943, l'article « L'ombre des Bonaparte », paru dans La France libre, est considéré comme une attaque contre le chef de la France combattante, qui ne se voit pas sans agacement comparé à Badinguet26. Il fait ainsi sa première expérience de l'écriture journalistique qu'il n'abandonnera plus jusqu'à sa mort. Une fois la guerre achevée, il s'installe à Paris et sera professeur à l'École nationale d'administration (1945-1947), Sciences Po (1948 à 1954), à la Sorbonne (1955-1958), directeur d'études à l'École pratique des hautes études de 1960 à 1983 ; professeur au Collège de France titulaire de la chaire « Sociologie de la civilisation moderne » de 1970 à 1978. Pendant trente ans, il est éditorialiste au quotidien Le Figaro. Durant ses dernières années, il travaille à L'Express. Grâce à des compétences et des centres d'intérêt multiples — en économie, sociologie, philosophie, géopolitique — il se distingue et acquiert une grande réputation auprès des intellectuels. Ses convictions libérales et atlantistes lui attirent de nombreuses critiques, venant des partisans de la gauche, comme de ceux de la droite. Il garde néanmoins tout au long de sa vie un ton modéré. Il est un commentateur reconnu de Karl Marx, Carl von Clausewitz, Kojève et Sartre. En tant qu'éditorialiste reconnu, « son œil critique et sa lucidité sur de nombreuses questions […] ont livré des visions plus justes et plus claires des événements, faisant de lui un modèle de ce que voulait son maître Alain quand il disait : “penser, c'est dire non” ». JOURNALISME. À la suite de son expérience de rédaction dans la revue La France libre et Combat, il se lance après guerre dans le journalisme, qu'il ne quittera plus jusqu'en 1983. Cette même année 1945, il fonde avec Sartre la revue Les Temps modernes. De 1946 à 1947, il collabore à Combat, avec Albert Camus. En 1947, en désaccord avec Sartre, Raymond Aron quitte la rédaction des Temps Modernes et rejoint Le Figaro comme éditorialiste, poste qu'il occupe jusqu'en 1977 (le propriétaire était alors Albert Prouvost). Il quitte le journal en 1977 et rejoint le journal L'Express comme président du comité directeur, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1983. De sa vie je retiendrai deux éléments principaux : sa relation avec Jean-Paul Sartre et les commentaires qu’il a fait suite à la fameuse interview de CdG et son commentaire sur Israël. ARON ET SARTRE. Les premiers mots de l’épilogue de ses mémoires sont : « J’ai eu la chance d’avoir pour amis, dans ma jeunesse, trois hommes dont je ne pouvais me dissimuler à moi-même la supériorité : Eric Weil [philosophe français, d’origine allemande, spécialiste de la renaissance], Alexandre Kojève [philos. D’origine russe, spécialiste de Hegel], JeanPaul Sartre. » On a souvent opposé Sartre et Aron. Le premier toujours à la pointe des événements, « progressiste» et inséré dans la « lutte révolutionnaire ». Le second, analysant en retrait le déroulement de l'histoire sans sacrifier aux modes, avec le recul d'un sociologue ou d'un historien qui ne se veut ni doctrinaire, ni moraliste, mais libre et sans lien avec aucune « école de pensée ». Ils se sont connus à l’École Normale, étaient dans la même promotion. Ses camarades sont alors Paul Nizan, Georges Canguilhem et Jean-Paul Sartre. Paul Nizan est plus qu'un camarade pour lui, c'est un véritable ami, au moins pendant ses années à l'École normale supérieure. Il admire aussi bien Paul Nizan que Jean-Paul Sartre pour leur intelligence ; il juge le premier meilleur écrivain. Aron est reçu major à l’agrégation de philosophie er JPS recalé. Ce dernier obtiendra l’agrégation l’année suivante avec une meilleure note qu’Aron. « Toutes les semaines, tous les mois il avait une nouvelle théorie, il me la soumettait et je la discutais; c'était lui qui développait des idées et moi qui les discutais... Il essayait une idée et, quand ça ne marchait pas, je n'accrochais pas, il passait à une autre ; parfois, quand il se sentait trop coincé, il se mettait en colère... » [Mémoires] Après une tentative de collaboration, très vite, ils vont s’écharper sur la place à laisser marxisme pour lequel la fin de l’histoire était écrite et que jamais dans sa carrière malgré les procès politiques, le stalinisme le goulag, JPS n’a remis en cause. Après 1947, ils ne se parleront plus. » Voulez-vous que je vous dise qui est, en réalité, Aron? demanda Sartre à Jean Cau. C'est une supériorité qui tourne à vide et qui ne s'exerce que sur des gens qu'il considère par ailleurs comme des crétins. » Ils ne se reverront physiquement que le 20 juin 1979, au Lutétia, à l’occasion d’une conférence de soutien en faveur des « boat people ». RA saluera à cette occasion JPS avec cette phrase « Bonjour, mon petit camarade », qui était leur blague préférée,« de toute évidence, la poignée de main ne mettait pas fin à trente années de séparation, pas plus à ses yeux qu'aux miens ». ARON ET LE JUDAÏSME (PAGE 699 + 985). Il se qualifie lui-même de juif « déjudaïsé » (non croyant, non pratiquant de culture française sans culture juive) et comme passionnément français. La naissance du nazisme lui fit prendre conscience de sa judéité mais « la naissance de l’état d’Israël ne souleva en moi aucun enthousiasme » (page 701) conscient de la difficulté de l’œuvre et que Israël serait un état militaire. Mais c’est surtout l’allocution du GdG (27/11/67) qui l’a fait bondir. En essayant de faire une modeste exégèse je pense que l’affirmation des identités (corses, bretonnes, catalanes, flamandes, juives), des « peuples », des souverainismes dit-on aujourd’hui, sont porteurs d’idées qui ne rappellent pas de bons souvenirs. L’idée le choque car se sentir appartenant à plusieurs peuples est facteur de divisions au sein de la nation et, si on souhaite être cohérent avec soi-même, vient un moment où il faut choisir (il cite le cas des binationaux franco-anglais qui devaient faire leur service militaire, « juif et français : oui, israélien et français : non », [page 723]) : on n’a qu’une seule patrie. Je pense que pour l’universitaire « à l’égard de l’entendement et de la véritable vertu, aucune nation n’a été faite distincte d’une autre, ainsi il n’y en pas une qui ait été élue de préférence aux autres. Aujourd’hui les Juifs n’ont absolument rien à s’attribuer qui doive les mettre au dessus de toutes les nations. » [Spinoza, TTP, chap. III13]. Rien, ajouterai-je, sinon les malheurs, rien non plus qui doive les mettre au dessous. » [page 722] EN GUISE DE CONCLUSION : L'INFLUENCE D'ARON. Elle est, je pense, assez faible de nos jours, ne serait-ce que parce que la pensée libérale est rétive à toute forme de classification (et nous français avons l’esprit de système) et que nous ne sommes pas libéraux (mais jacobins et centralisateurs). Dans le domaine de la réflexion politique, je ne vois que Nicolas Baverez. De nombreuses figures ont suivi son enseignement : Alain Besançon, Pierre Bourdieu, André Glucksmann, Henry Kissinger. La plupart de ces figures participent ou ont participé à la revue Commentaire, qui peut être qualifiée de revue aronienne. À travers elle, existe ainsi une école de pensée aronienne, d'un libéralisme tempéré, teinté de conservatisme, tourné vers le monde anglo-saxon. ŒUVRES. Raymond Aron a écrit près de cinquante livres, je ne les évoquerai pas tous parce que je ne suis pas un universitaire ni a même de comprendre tout. Je retiendrai ses Mémoires (deux tomes disponibles dans cette même bibliothèque), l’Opium des intellectuels (qui doit être un peu daté), De Gaulle, Israël et les Juifs, Paris, Plon, 1968, Histoire et dialectique de la violence, Penser la guerre, Clausewitz, Les Mémoires n’en sont pas vraiment dans la mesure où de grands pans sont consacrés à l’évocation de ses livres ou des polémiques qu’il a pu entretenir au cours des évènements qu’il a vécus. BIBLIOGRAPHIE. La Sociologie allemande contemporaine, Paris, Alcan, 1935. Introduction à la philosophie de l'histoire. Essai sur les limites de l'objectivité historique, Paris, Gallimard, 1938. Essai sur la théorie de l'histoire dans l'Allemagne contemporaine. La philosophie critique de l'histoire, Paris, Vrin, 1938. L'Homme contre les tyrans, New York, Éditions de la Maison française, 1944. De l'armistice à l'insurrection nationale, Paris, Gallimard, 1945. L'Âge des empires et l'Avenir de la France, Paris, Défense de la France, 1945. Chroniques de guerre. « La France Libre », 1940-1945, Gallimard. Le Grand Schisme, Paris, Gallimard, 1948. Les Guerres en chaîne, Paris, Gallimard, 1951. La Coexistence pacifique. Essai d'analyse, Paris, éditions Monde nouveau, 1953, sous le pseudonyme « François Houtisse », signalé par Boris Souvarine39. L'Opium des intellectuels, Paris, Calmann-Lévy, 1955. Polémiques, Paris, Gallimard, 1955. La Tragédie algérienne, Paris, Plon, 1957. Espoir et peur du siècle. Essais non partisans, Paris, Calmann-Lévy, 1957. L'Algérie et la République, Paris, Plon, 1958. La Société industrielle et la Guerre, suivi d'un Tableau de la diplomatie mondiale en 1958, Paris, Plon, 1959. Immuable et changeante. De la IVe à la Ve République, Paris, Calmann-Lévy, 1959. Dimensions de la conscience historique, Paris, Plon, 1961. Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962. Le Grand Débat. Initiation à la stratégie atomique, Paris, Calmann-Lévy, 1963. Dix-huit leçons sur la société industrielle, Paris, Gallimard, 1963. La Lutte des classes, Paris, Gallimard, 1964. Essai sur les libertés, Paris, Calmann-Lévy, 1965. Démocratie et Totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965. Trois essais sur l'âge industriel, Paris, Plon, 1966. Les Étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1967. De Gaulle, Israël et les Juifs, Paris, Plon, 1968. La Révolution introuvable. Réflexions sur les événements de mai, Paris, Fayard, 1968. Les Désillusions du progrès, Paris, Calmann-Lévy, 1969. D'une sainte famille à l'autre. Essai sur le marxisme imaginaire, Paris, Gallimard, 1969. De la condition historique du sociologue, Paris, 1971. Études politiques, Paris, Gallimard, 1972. République impériale. Les États-unis dans le monde (1945–1972), Paris, Calmann-Lévy, 1973. Histoire et dialectique de la violence, Paris, Gallimard, 1973. Ce livre, qui est un commentaire de la Critique de la raison dialectique de Sartre, fait lui-même l'objet d'une analyse récemment publiée par son ancien éditeur Pierre Verstraeten, professeur à l'ULB : L'Anti-Aron, La différence, 2008. Penser la guerre, Clausewitz, 2 vol., Paris, Gallimard, 1976. Plaidoyer pour l'Europe décadente, Paris, Laffont, 1977. Le Spectateur engagé (entretiens), Paris, Julliard, 1981. Mémoires. 50 ans de réflexion politique, 2 volumes, Paris, Julliard, 1983, 1082 p. Les Dernières Années du siècle, Paris, Julliard, 1984. Le Marxisme de Marx, Paris, Fallois, 2002 (ISBN 2-87706-423-9) et en livre de poche, Paris, 2004 (ISBN 2253-10800-6). Raymond Aron, spectateur engagé. Entretiens avec Raymond Aron. Durée : 2 h 30 - DVD - éditions Montparnasse, 2005. De Giscard à Mitterrand : 1977-1983 (éditoriaux parus dans L'Express), préface de Jean-Claude Casanova, Paris, éditions de Fallois, octobre 2005, 895 p. (ISBN 2-87706-570-7). SITOGRAPHIE. http://raymond-aron.ehess.fr/index.php http://www.wikiberal.org/wiki/Raymond_Aron http://www.contrepoints.org/2015/03/14/201257-pour-ses-110-ans-relisons-raymond-aron http://www.commentaire.fr/ https://www.youtube.com/watch?v=3Yr2hmF-YaQ https://www.youtube.com/watch?v=espudHjpIU4 https://www.youtube.com/watch?v=ou_IEJmTNwQ (RA participe à Apostrophes) (RA participe à Radioscopie) (RA parle de mai 1968) Association France-Israel Son histoire Paradoxe de l'Histoire plein de signification, l'Association France-Israël est l'héritière de l'Association FrancePalestine fondée en 1926 par le Président du Conseil Joseph Paul-Boncourt et le Ministre Justin Godart, sous le haut patronage du Président de la République de l'époque, Monsieur Gaston Doumergue. Vingt quatre personnalités composaient le Bureau, dont Marius Moutet, Édouard Herriot, Paul Painlevé, Jules Cambon, Aristide Briand, Raymond Poincaré, Louis Barthou, Paul Langevin, Maurice Ravel, ... France-Palestine s'est efforcée inlassablement, dans toutes les instances nationales et internationales, de faire connaître les droits imprescriptibles de la nation juive sur son Foyer National. Elle est devenue France-Israël en 1948, à la naissance de l'État d'Israël. De 1948 à 1986, deux associations ont coexisté, présidées par M. Diomède Catroux, ancien ministre, M. Georges Mesmin, député de Paris et président d’honneur, M. Jacques Soustelle, ancien ministre, le Général Pierre Kœnig, Maréchal de France, M. André Monteil, ancien ministre et le Général Jean Lecomte. Le sénateur Pierre Giraud a été le premier président après la fusion des deux associations, l'Ingénieur Général (cr) et président d’honneur Michel Darmon le deuxième, et actuellement Maître Gilles William Goldnadel. Aujourd'hui, France-Israël compte dans ses instances dirigeantes de nombreuses personnalités de la classe politique et de la société civile.