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La Lettre du Gynécologue - n° 290 - mars 2004
l’âge et à la fonction encore mystérieuse, peut être administrée à
l’homme à visée substitutive de façon à restaurer les taux obser-
vés chez l’adulte jeune.
Cette possibilité n’a pas été sans susciter un important engoue-
ment, en particulier aux États-Unis où la DHEA est en vente
libre, et ce malgré les zones d’ombre entourant la participation
possible de cette hormone dans le vieillissement réussi.
Pour le Français âgé, être en bonne santé, c’est avoir plaisir à
vivre avec des logiques d’amélioration dans les habitudes de
vie, dans son environnement, dans le maintien d’activités, dans
une croyance de la médecine et surtout dans sa recherche.
La DHEA est une hormone identifiée dans les années 1930.
Un très grand nombre d’études ont été réalisées chez l’animal
et chez l’homme, à la recherche de son rôle physiologique,
d’éventuelles conséquences d’un déficit et d’éventuels béné-
fices d’une supplémentation.
Chez l’animal, il s’agit surtout d’études des effets de la DHEA
à des doses pharmacologiques.
Chez l’homme, il s’agit soit d’études d’observation ayant
mesuré les concentrations plasmatiques de DHEA dans
diverses populations, soit d’études cliniques utilisant des doses
qualifiées de “substitutives” de DHEA.
La DHEA, forme libre de l’hormone, est produite en faible
quantité, de l’ordre d’environ 4 mg par jour chez l’adulte
jeune. Elle a une demi-vie d’élimination plasmatique estimée à
environ 15 à 30 minutes.
Le SDHEA est sécrété à environ 20 à 25 mg par jour chez l’adulte
jeune, sa demi-vie est estimée à 7 à 10 heures. La transformation
de la DHEA en SDHEA est facilement réalisée, de façon
réversible, avec interconversion entre les deux produits (2).
Chez l’adulte jeune, la concentration de SDHEA plasmatique
est importante. Elle est environ vingt fois plus élevée que celle
du cortisol (1, 2, 3). On ne lui connaît pas, pourtant, de rôle
physiologique en lui-même.
Aucun récepteur spécifique de la DHEA n’a été mis en évidence.
La DHEA est une étape dans la synthèse d’hormones androgé-
niques et estrogéniques dans divers tissus et organes (4, 5).
Il n’existe pas non plus de transporteur spécifique de la
DHEA. Celle-ci est liée principalement à l’albumine plasma-
tique ( 6 ) ; la DHEA peut donc entrer en compétition avec les
autres stéroïdes sur ce site de liaison.
Les concentrations moyennes chez l’homme varient avec l’âge.
La concentration plasmatique de DHEA et de son métabolite, le
SDHEA, est maximale entre 20 et 35 ans, puis elle diminue
ensuite avec l’âge, pour atteindre environ 20% de sa valeur maxi-
male dans la neuvième décennie ( 7 - 1 0 ).
Il faut préciser que la ménopause ne constitue pas un événement
dans le déclin progressif de la DHEA et de son sulfate ( 1 1 ), l e
mécanisme de cette diminution est inconnu.
Chez des sujets en bonne santé, dans une même tranche d’âge,
il existe de grandes variations interindividuelles des concentra-
tions plasmatiques de DHEA dans un rapport de 1 à 20 ( 7 - 1 0 ,
12, 13). Chez les femmes, les concentrations sont en moyenne
inférieures de 10 à 20 % à celles des hommes (14).
Chez un même sujet, l’évolution au cours du temps ne va pas
toujours dans le sens d’une diminution.
Ainsi de nombreuses études ont mesuré les concentrations
plasmatiques de DHEA et de SDHEA dans diverses popula-
tions de malades. L’association d’une concentration plasma-
tique élevée en SDHEA et de sa diminution avec l’âge a laissé
penser que la DHEA aurait une action propre et jouerait un
rôle dans la longévité. Afin d’étayer cette hypothèse, plusieurs
auteurs se sont attachés à rechercher un lien entre le taux de
SDHEA et les phénomènes pathologiques observés au cours
du vieillissement.
De nombreux domaines ont donné lieu à des études d’observa-
tion sans résultat tangible : diabète, obésité, hypertension arté-
rielle et autres facteurs de risque cardiovasculaire, sensation de
bonne santé, neuropsychiatrie (humeur, dépression, démence
dont la maladie d’Alzheimer, schizophrénie), densité osseuse,
pathologies rhumatismales, diverses atteintes du système
immunitaire dont l’infection par le VIH, durée de vie, morta-
lité, etc. (1, 13, 15). En somme, aucune association n’est éta-
blie entre une concentration plasmatique basse de DHEA et
une pathologie particulière.
L’ensemble des données de la littérature et les limites inhé-
rentes au modèle animal ont conduit plusieurs chercheurs à
réaliser des essais thérapeutiques chez l’homme pour mesurer
l’efficacité de la DHEA, notamment celle d’une dose substitu-
tive venant compenser la perte liée à l’âge.
Ainsi, un essai randomisé en double aveugle a inclus 280 hommes
e t femmes, âgés de 60 à 79 ans, qui ont été traités soit par 50 mg
par jour de DHEA par voie orale, soit par un placebo pendant
un an, de mars 1998 à octobre 1999 (l’attribution a été faite au
hasard par tirage au sort). C’est l’étude “DHEâge”, mise en
place sur l’initiative du Pr. Baulieu (responsable du laboratoire
“hormone et génétique” de l’INSERM), et du Pr. Forette
(consultante au service de gériatrie-gérontologie de l’hôpital
Broca-La-Rochefoucault, présidente de l’International
Longevity Center France et directeur à la Fondation nationale
de gérontologie) dont l’hypothèse de recherche était : l’apport
de DHEA sur un an à des sujets âgés, à une dose qui permet de
restaurer des taux de SDHEA de l’ordre de ceux observés chez
l’adulte jeune et qui est bien tolérée, prévient certaines altéra-
tions observées au cours du vieillissement.
L’efficacité de cette prise de DHEA était évaluée sur différents
paramètres : cognitif, psychologique, immunologique, osseux,
métabolique, hormonal, cutané, cardiovasculaire et musculaire.
Les bénéfices attendus de la prise quotidienne de DHEA à 50 mg
sur un an étaient les suivants :
– de meilleures performances intellectuelles et une améliora-
tion de l’état de bien-être ;
– une stimulation du système immunitaire avec son impact sur
le plan infectieux, vaccinal et peut-être carcinologique ;
– une augmentation de la force musculaire et une préservation
de la masse osseuse ;
– un moindre vieillissement vasculaire ;
– un moindre vieillissement cutané.
Les résultats de cette étude ont montré un rétablissement des
taux circulants de SDHEA de l’adulte jeune, une petite aug-
mentation de testostérone et d’estradiol chez les femmes, une
amélioration du métabolisme osseux (mesuré par ostéodensito-
métrie), de la peau (en termes d’hydratation, d’épaisseur épi-
dermique, de production de sébum et de pigmentation) et une
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Y N É C O L O G I E E T S O C I É T É