Bulles Spéculatives – Prophylaxie et thérapeutique – MOKHFI ET

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Bulles Spéculatives : Prophylaxie et thérapeutique
A. MOKHEFI∗
M.AMRANI*
Résumé:
La crise financière actuelle est la première crise due aux limites du nouveau modèle
bancaire. Elle est la conséquence d'une crise très localisée, survenue sur un segment mineur du
marché du crédit immobilier américain .Cette crise a été provoquée par le refus des
établissements de crédit de croire à la réalité de la bulle spéculative immobilière, et à leur
recherche de l'extension de leurs activités de prêt, fort rentables, sans considération de la
solvabilité des emprunteurs.
L’éclatement d’une bulle spéculative c’est-à-dire l’effondrement des cours boursiers dans
un secteur donné conduit les entreprises concernées à trouver un mode de financement adapté à
cette conjoncture. Minsky distingue, notamment dans le cas de bulles de crédit, trois structures
de financement des firmes possibles selon leur aversion au risque. Il y a le hedge finance (dette
couverte par des revenus), spéculative finance (des revenus couvrent les intérêts mais pas le
capital à rembourser), et Ponzi finance (couverture des engagements par la dette).Ce dernier
mène à la plus grande fragilité financière.
Et d’autre part, l'évaluation du montant des bulles est souvent difficile a réaliser. La bulle
immobilière américaine, à son paroxysme de 2006, est chiffrée par certains experts de
l'urbanisme et de l'immobilier à 4 000 milliards de dollars soit un montant voisin évoqué pour la
bulle immobilière européenne. Une partie porte sur une bulle purement financière susceptible de
s'effondrer en quelques mois. Une autre disparaîtra plus lentement avec les migrations, les
mutations économiques ou les assouplissements réglementaires. Par ailleurs, de nombreuses
valeurs boursières ou monétaires sont en partie adossées à des actifs et créances immobiliers.
Ceux-ci, une fois titrisés, figurent indirectement dans de nombreux portefeuilles eux-mêmes
titrisés ou dans les actifs de sociétés cotées en bourse. Certains auteurs estiment le cumul des
valorisations participant de la bulle financière de 2008 à cinquante fois le PIB mondial.
Bien que le phénomène de bulle financière soit connu et identifié depuis plusieurs siècles
par les économistes, il a fallu attendre les années quatre-vingt pour que des modèles
mathématiques en donnent une formulation précise. Le but de cette communication est de
présenter brièvement les principaux modèles décrivant ou expliquant la formation des bulles.
D’une manière générale, l’existence d’une bulle, définie comme un écart important et persistant
du prix d’un actif par rapport à sa valeur fondamentale, repose sur le fait que le prix des actifs
financiers dépend largement des anticipations de prix futurs, ce qui engendre des possibilités
d’équilibres multiples. Deux types de modèles sont distingués à savoir: les bulles « rationnelles »
et les bulles « irrationnelles ».
Mots clés : bulle spéculative –
∗
modèles - crise financière.
Maître assistant, Université de Mostaganem, Faculté de Droit et des sciences commerciales, Département sciences
commerciales.
* Maître assistant, Université de Mostaganem, Faculté de Droit et des sciences commerciales, Département sciences
de gestion.
Introduction :
La mondialisation et son cortège de déréglementation a donné naissance à un vaste
marché international de capitaux. Les agents économiques se rencontrent sur les marchés
financiers pour assurer le financement de l’économie réelle. Tandis que les uns apportent des
capitaux en échange de plus-values potentielles, les autres les reçoivent pour répondre à leurs
besoins financiers.
Cette connexion entre sphère réelle et monétaire devrait donc se traduire par une même
évolution des deux sphères. En effet; la valeur boursière d’une entreprise est censée traduire ses
performances. Il n’y aurait donc aucune raison pour qu’une évolution des cours lui soit favorable
dés lors que ses résultats économiques révèlent sa mauvaise posture.
Nonobstant cette analyse a priori, force est de constater les spéculations massives et
récurrentes. Ce sont surtout les krachs retentissants dont elles sont accompagnées qui inquiètent,
or dans le même temps, l’économie réelle semble stable.
Effectivement; les taux de croissances sont réguliers et l’inflation reste modérée dans les
pays de la zone euro.
Cette instabilité des marchés concomitante d’une économie réelle stable a bien eu lieu en
1987 et 1998 en France. La réalité des faits contredit ainsi l’analyse a priori d’une évolution
parallèle des deux sphères.
Pour autant; la bourse ne peut cependant durablement prospérer dans une économie réelle
en panne et inversement; la situation sur les marchés financiers finira par peser sur la conjoncture
économique.
Dés lors, l’analyse des causes et des effets de cette relation complexe est nécessaire.
Deux thèses s'affrontent. La première invoque la déconnexion des sphères financières et
réelles pour expliquer la coexistence d’une volatilité des marchés et d’une stabilité de
l’économie. Cependant, en dépit de cette déconnexion, les marchés volatiles seraient néfastes. La
seconde plaide en faveur d’un lien entre économie réelle et économie financière. Cette seconde
thèse assure que l’économie réelle bénéficie des conséquences positives grâce aux marchés
volatiles.
La question de la connexion / déconnexion entre la sphère financière et sphère réelle de
l’économie est pourtant une question récurrente, que se posent les économistes, les dirigeants
politiques, les dirigeants d’entreprises, les salariés…..
Ainsi, l’épisode actuel le montre clairement et cruellement. Les erreurs de choix et de
comportements des agents sur les marchés financiers et les déséquilibres financiers associés ont
eu des conséquences majeures sur les acteurs et leurs opérations dans l’économie réelles.
Les faillites bancaires, les défaillances successives d’organismes de crédit, les
licenciements, les ménages devenus insolvables (en cessation de paiement), sont les premières
preuves indiscutables de l’interdépendance entre les sphères réelles et financières de l’économie.
Toutes les crises financières; qu’il s’agisse d’une crise de change, d’une crise bancaire,
d’une crise de dette, d’une crise boursière, sont susceptibles de provoquer une récession, voire
une dépression dans la sphère réelle.
Alors; sommes nous au sein d’une crise économique internationale profonde? Ou bien;
nous trouvons nous dans une phase de transition entre deux équilibres par définition instables ?
Pour répondre à cette question, ou au moins tenter d’y apporter quelques réponses, on
peut commencer par se demander pourquoi les crises financières suscitent toujours tant de
craintes, éveillent tant de passions, ouvrent tant débats?
Tout simplement parce que les crises financières ont (toujours et forcément) des effets
réels! Si tel n’était pas le cas; le sujet serait probablement moins étudié et chacun d’entre nous
s'interrogerait moins sur les effets (réels) potentiels de ces crises qualifiés de financiers
1- Les fondements théoriques des bulles spéculatives :
Les gains de certains opérateurs sur le marché financier surprennent lorsqu’on les corrèle
avec l’évolution de la croissance entreprenariale. Les actifs financiers étant censés refléter la
valorisation de l’entreprise, cette très grande volatilité semble incongrue. L’aspect spéculatif de
ces échanges financiers est indéniable. La similitude des comportements spéculatifs peut
conduire à des bulles spéculatives sans précédent. L’implosion et les conséquences induites par
ces dernières ont été désastreuses pour certains secteurs notamment à partir des années 80.
C’est d’ailleurs à compter de cette date que les premières théories sont apparues. La bulle
spéculative se définit comme une surestimation d’un actif par rapport à sa valeur fondamentale.
Cette dernière étant le reflet d’une carte d’identité de l’entreprise, regroupant tous les éléments
décisifs tels que le chiffre d’affaires, le résultat, dette, trésorerie…
Le concept d’asymétrie d’information a longtemps été la solution explicative rêvée. Il est
vrai que les distorsions liées à une information incomplète joue dans le cadre d’un simple marché
haussier. Cependant la bulle spéculative est contre intuitive dans le sens ou elle ne répond pas à
des logiques habituelles de valorisation économique.
Un éclaircissement est nécessaire quand à l’amalgame que l’on peut trouver entre bulle
spéculative et crise financière. Une bulle spéculative ne détient pas en elle même les
caractéristiques d’une crise financière généralisée. Ce n’est qu’éventuellement la corrélation des
marchés ou l’importance du secteur victime de la bulle qui expliquerait le passage à une crise
financière. Ainsi pourrait-on apposer l’étiquette « micro » pour la bulle spéculative, et« macro »
pour la crise financière. De plus la bulle spéculative dans son concept même est difficilement
théorisable. Tous les économistes conçoivent la possibilité de surévaluation inopportune d’un
actif mais ne la considère pas tous comme une bulle spéculative au sens propre.
La bulle fait appel à des variables difficilement mesurables telles que le hasard, les
mimétismes, ou encore ce que Diamond (1965) nommera les croyances auto réalisatrices.
Il n’en reste pas moins qu’il est nécessaire de tenter une théorisation voire une
modélisation de la bulle spéculative pour prévenir son explosion et par voie de conséquences la
chute brutale des marchés financiers (ie krach). Attention cependant à ne pas tomber dans une
spirale où la bulle spéculative serait le nom donné à n’importe quelle croissance financière
accompagnant l’évolution d’actifs.
Les fondements théoriques (I) doivent donc être appliqués via un cas majeur de bulle
spéculative, en l’occurrence la bulle Internet (II A). Il apparaît également nécessaire de ne pas
catapulter toute surévaluation de « pricing » comme une bulle spéculative. C’est probablement
avec cette idée en tête que le cas Immobilier (II B) doit être abordé et testé.
*Détection des bulles spéculatives:
Plus ludique qu’une simple « transcription » de manuels scolaires ou qu’une liste
exhaustive de définitions, les fondements théoriques de la bulle spéculative sont ici présentés
sous forme de questions/réponses. Ces mêmes questions que tout étudiant, s’intéressant au sujet,
est en droit de se poser. Nous avons ainsi tenté d’y répondre avec le plus justesse possible.
*Qu'est-ce qu'une bulle spéculative ?
Une bulle spéculative, aussi appelée « bulle boursière » ou « bulle financière», est une
hausse des prix très excessive sur un marché d'actifs financiers (actions, obligations, taux de
change), de l'immobilier, des matières premières, etc. Les logiques habituelles de valorisation
économique des actifs ne s'appliquent plus, et c'est par cette rupture de logique qu'une bulle
diffère d'un simple marché haussier.
Il s'agit d'un écart durable entre la valeur fondamentale d'un actif et le cours boursier
constaté.
La valeur fondamentale d'un actif dépend de la « santé » de l'entreprise- le chiffre
d'affaire, le PER (Price Earning Ratio), la trésorerie- ainsi que des fondamentaux économiques
(croissance, ...) dont elle suit l'évolution. Il peut exister un écart entre cette valeur et celle que
l’on constate car cette dernière résulte des anticipations non observables des agents.
*Quelle est la cause d'apparition de la bulle?
Une bulle est due souvent à une combinaison de différents facteurs comme:
- De fondamentaux économiques apparaissant, à tort ou à raison, favorables et
durables, et qui constituent en quelque sorte la base du mouvement ;
- De mimétismes euphoriques collectifs (en voyant les autres acheter et gagner de
l'argent, grâce à la hausse des cours, on veut participer soi-même à la fête) ;
- Et parfois de véritables mythes (le mythe du golden boy ou la facilité qu'il y aurait à
gagner de l'argent en spéculant sans relâche, dans les années 1980 ou bien la nouvelle
économie dans la deuxième moitié des années 1990) qu'on évoque dans un climat de
rumeurs. Il y a bulle à partir du moment où le raisonnement d'arbitrage entre les différents
actifs ne s'applique plus et où la logique de formation des prix devient essentiellement auto
référentielle: un prix démesurément élevé aujourd'hui se justifie uniquement par
la croyance qu'il sera plus élevé demain, alors que la comparaison avec les prix d'autres
actifs ne peut le justifier. Ce genre de comportement plus ou moins irrationnel des marchés,
créant des anomalies de prix, fait partie des phénomènes qu'étudie la finance
comportementale.
*Comment est-il possible de détecter une bulle spéculative ?
Bien que la présence de bulles spéculatives ne soit détectée en général qu'après leur
effondrement, il existe toutefois, et c'est ce que certains économistes ont cherché a démontré, des
facteurs révélateurs de la volatilité sur les marchés, de l'instabilité crée par la spéculation et de
surcroît, de l'apparition d'une bulle spéculative.
*Avons-nous des exemples de bulles spéculatives ?
Les exemples sont nombreux et nous pourrions passer en revue tous les cas de bulles
spéculatives depuis le 17ème siècle avec l’épisode de la «tulipomanie » jusqu'à la bulle Internet
(que nous aborderons plus longuement par la suite) en passant par le krach boursier de1929.
Toutefois nous ne choisirons que d’observer la bulle du dollar à partir de 1980.
2 - Les différents types de bulles :
D’une manière générale, une bulle spéculative se définit comme un écart important et
persistant du prix d’un actif par rapport à sa valeur fondamentale. Cette définition implique qu’il
existe un modèle permettant de déterminer le prix fondamental d’un actif, même si celui-ci n’est
généralement pas observable. La formation d’une bulle repose sur le fait que des anticipations
auto-réalisatrices peuvent conduire les prix d’un actif à s’éloigner de leurs valeurs
fondamentales, sans que cette divergence soit directement détectable. Les exemples historiques
de bulles spéculatives les plus connus concernent les bules de tulipes en Hollande entre 1634 et
1637, les actions de la Compagnie des Indes en France en 1720 (Garber, 2000). Plus récemment,
l’appréciation du dollar entre 1982 et 1985 (Frankel et Froot, 1986) ou la montée des prix sur les
actions de la nouvelle économie à la fin des années 1990 (Bond et Cummins, 2000), suivie de
leur effondrement en 2000, sont souvent considérées comme des exemples de bulles financières.
Par ailleurs, la littérature économique propose de nombreux modèles théoriques de bulles
spéculatives. L’objet de cet article n’est pas d’en faire une synthèse exhaustive mais plutôt de
fournir une vue d’ensemble sur les différents types. Une façon de classer ces modèles consiste à
se référer à l’hypothèse de rationalité des agents : il existe des bulles « rationnelles » et des bulles
« irrationnelles ».
2-1-Bulles rationnelles:
2-1-1-Définition:
Des bulles peuvent apparaître sur les marchés financiers même si les agents ont un
comportement rationnel. Ces bulles se forment alors en raison de l’indétermination des prix qui
peut résulter des anticipations rationnelles. En effet, le prix d’un actif dépend des anticipations
que forment les opérateurs sur son niveau futur. Pour comprendre intuitivement le phénomène de
bulle rationnelle, on peut considérer que les opérateurs sont disposés à acheter un actif à un prix
supérieur à sa valeur fondamentale dès lors qu’ils s’attendent à pouvoir le revendre plus cher
dans le futur.
Leur demande alimente alors la montée des cours. Même si les opérateurs de marché
avaient conscience de son existence, la bulle ne serait pas nécessairement un obstacle à leur
demande dans la mesure où leur horizon temporel est plus court que le délai dans lequel ils
prévoient son éclatement. En réalité, les opérateurs n’ont généralement pas conscience de
l’existence des bulles, puisqu’elles dépendent du prix fondamental de l’actif qui, lui-même,
contient des anticipations, par nature non observables.
Dans le cadre de l’hypothèse d’anticipations rationnelles, le prix d’une action, par
exemple, est égal à son prix anticipé pour la période suivante plus le dividende anticipé pour
cette période, le tout étant actualisé. D’un point de vue mathématique, il s’agit d’une équation
différentielle stochastique où le prix présent dépend du prix futur anticipé. Or cette équation
admet une infinité de solutions.
Généralement, on utilise la solution dite fondamentale dans laquelle le cours de l’action
est égal à la valeur actualisée de l’ensemble des dividendes futurs attendus. Cette solution est
obtenue en ajoutant une condition supplémentaire imposant que les dividendes actualisés
convergent vers zéro lorsque l’horizon temporel tend vers l’infini.
Cependant d’autres solutions sont possibles : le prix peut contenir un terme de bulle en
plus de sa valeur fondamentale. Pour être compatible avec des anticipations rationnelles, cet
élément doit remplir certaines conditions ; en particulier, sa valeur anticipée doit augmenter pour
chaque période à un taux égal au taux d’intérêt.
2-1-2-Différents types de bulles rationnelles:
A- Les modèles de première génération:
Les premiers modèles considèrent les bulles rationnelles comme un phénomène exogène
par rapport aux valeurs fondamentales. Par hypothèse, les agents sont neutres face aux risques,
leurs anticipations sont rationnelles et le marché est efficient en termes d’information. Dans ces
modèles, les bulles se caractérisent uniquement par leurs propriétés statistiques. Un terme de
« bulle », dont la croissance attendue est égale au taux d’intérêt requis sur les actifs (1+r), peut
être ajouté au prix de l’actif sans contredire l’hypothèse de rationalité. Dès lors, l’existence de la
bulle se fonde sur la conviction auto-réalisatrice que le prix de l’actif va augmenter à chaque
période à ce taux. Dans ce contexte, le prix effectif peut dévier de façon durable par rapport à sa
valeur fondamentale.
Les bulles rationnelles sont théoriquement concevables dans un cadre déterministe.
Dans les premiers modèles, les bulles traduisent l’existence d’équilibres multiples sur les
marchés. Le prix d’un actif est élevé aujourd’hui parce que les opérateurs de marché estiment
qu’il le sera dans le futur. Ces anticipations entraînent une croissance continue du prix. Les
bulles résultant de ces modèles n’éclatent jamais.
Flood et Garber (1980) ont introduit une bulle relative au niveau des prix dans un modèle
monétaire fondé sur des anticipations rationnelles. Toutefois, leurs tests empiriques n’ont pas
conclu à l’existence d’une bulle de ce type durant la période d’hyperinflation qu’a connu
l’Allemagne, dans les années vingt. Tirole (1985) a introduit un actif financier avec bulle
déterministe dans un modèle à générations imbriquées et montré que l’équilibre général était
compatible avec la présence de bulles. Dans son modèle, les bulles peuvent même jouer un rôle
positif dans la mesure où elles permettent un transfert de richesse des générations futures au
profit des générations présentes (comme une dette publique constamment renouvelée).
Cependant, les bulles déterministes sont très peu probables dans la réalité, du moins sur
une longue période, car elles augmenteraient de façon continue pour atteindre des proportions
extravagantes. Les bulles sont donc, plus vraisemblablement, de nature stochastique. Dans les
modèles de Blanchard (1979) et Blanchard et Watson (1982), un terme de bulle stochastique
s’ajoute au prix fondamental.
Ainsi, à chaque période, soit la bulle augmente à un rythme constant (1+r) / p, avec une
probabilité p, soit elle se dégonfle brutalement et retombe à zéro, avec une probabilité (1- p). La
croissance espérée à chaque période est donc toujours égale au taux d’intérêt (1+r). Lorsque la
bulle gonfle, son taux de progression supérieur compense exactement le risque de dégonflement
soudain. Ainsi une fois que la bulle existe, elle a une croissance exponentielle mais elle risque
d’éclater d’une période à l’autre.
Les bulles rationnelles sur les cours des actions ne peuvent être que positives ; En effet, si
elles étaient négatives, du fait de leur comportement explosif, elles pourraient rendre négatif le
prix de l’actif, ce qui est à l’évidence impossible (Diba et Grossman1987, 1988).
Dans cette première génération de modèles, une fois qu’elles ont éclaté, les bulles ne
peuvent se reconstituer. Ceci tient au fait que la croissance attendue de la bulle doit être à tout
moment constante (et égale au taux d’intérêt) : si la bulle éclate à un moment donné, elle reste
nulle ensuite. Par conséquent, les modèles de ce type n'expliquent pas la formation des bulles.
Ces bulles rationnelles peuvent uniquement exister si elles sont présentes à la première séance de
cotation. Elles gonflent puis s’effondrent et disparaissent. Cette caractéristique constitue
manifestement un défaut majeur (Diba et Grossman, 1988). D’autres modèles ont apporté une
amélioration sur ce point en permettant aux bulles de rester positives après avoir éclaté.
B- Les bulles rationnelles de deuxième génération:
Le résultat principal de cette famille de modèles consiste à représenter des bulles qui ne
divergent pas systématiquement, comme c’était le cas avec les précédentes.
Ainsi, les prix des actifs peuvent augmenter ou diminuer sous l’effet des bulles
spéculatives, ce qui correspond mieux au comportement observé des prix d'actifs. Evans (1991) a
introduit des bulles pouvant éclater brutalement de façon périodique. Dans son modèle, la bulle
ne se dégonfle pas complètement, dans le sens où elle ne devient pas nulle. Soit elle s’accroît de
façon régulière, soit elle se dégonfle brutalement en conservant une valeur positive et continue
ensuite d’augmenter au même rythme. Les bulles présentent différents régimes. Durant la
première phase, la bulle augmente à un taux moyen constant jusqu’à ce qu’elle atteigne une
valeur donnée. Lorsque cette valeur est dépassée, la bulle entre dans une seconde phase.
Elle possède alors une probabilité constante de se dégonfler brutalement à chaque
période. Par conséquent, à chaque période, soit elle augmente à un rythme moyen, plus rapide
que durant la première phase, soit elle se dégonfle brutalement pour revenir à une valeur
moyenne positive et le processus recommence. Ainsi, les bulles se dégonflent de façon
périodique et sont toujours strictement positives.
Elles peuvent se former et se développer plus ou moins rapidement, en fonction des
valeurs des paramètres. Ces bulles sont difficilement détectables avec les tests économétriques
habituels.
Une autre forme de bulle rationnelle est dite « intrinsèque ». Il s’agit d’une bulle
stochastique qui dépend des valeurs fondamentales de façon non linéaire. Froot et Obstfeld
(1991) ont développé un modèle de ce type pour le marché des actions. À l’instar de n’importe
quelle autre bulle rationnelle, les bulles intrinsèques se fondent sur des anticipations autoréalisatrices. Le prix est toujours une solution de l’équation différentielle stochastique l’égalisant
avec le prix anticipé actualisé de la période suivante et le dividende actualisé de cette période.
Ainsi, comme dans les modèles précédents, le terme de bulle est construit pour avoir un taux de
croissance anticipé égal à chaque période au taux d’intérêt (1+r). Mais ici la bulle dépend des
dividendes versés, qui sont censés suivre une martingale géométrique. En général, ces bulles
intrinsèques ne divergent pas et leur propension à éclater n’est pas aussi élevée que celle des
bulles précédentes parce que l’évolution des dividendes peut fluctuer. Lorsque la valeur
fondamentale varie, le prix de l’actif sur-réagit en fonction de la bulle qui amplifie le
mouvement. Ces bulles peuvent entraîner des divergences importantes et persistantes mais
peuvent aussi rester stables à certaines périodes.
Ces modèles permettent d’expliquer la forte volatilité des cours des actions par rapport
aux dividendes, qui avait été observée notamment par Shiller (1981). Cette volatilité élevée
semble en effet peu compatible avec l’hypothèse selon laquelle les cours des actions sont égaux à
leur valeur fondamentale, à savoir les dividendes futurs attendus actualisés. Driffill et Sola
(1998) ont élaboré un modèle semblable à celui de Froot et Obstfeld, en posant comme
hypothèse supplémentaire que la croissance des dividendes présente des modifications de
régime: une situation de faible variance et une situation de variance élevée. L’introduction d’une
modification de régime améliore considérablement l’explication du cours des actions et réduit
largement la nécessité d’une explication en termes de bulles.
2-2. Les bulles « irrationnelles »:
Alors que les modèles de bulles rationnelles supposent l’existence de bulles sans chercher
à les expliquer, les modèles de bulles irrationnelles se concentrent sur l’aspect micro économique
du phénomène. Ces modèles rejettent l’hypothèse de rationalité dans les anticipations des
investisseurs et remettent en cause la notion de symétrie de l’information. Deux raisons
expliquent une telle modification des hypothèses : d’une part, les comportements de spéculation
sont vraisemblablement hétérogènes, d’autre part, les équilibres sont multiples, et il est
impossible pour les investisseurs formulant des anticipations rationnelles de favoriser le succès
d’une solution plutôt que d’une autre.
*L’existence d’investisseurs non rationnels (noise traders):
Des modèles ont été développés pour expliquer le fait que la volatilité des cours des
actions soit plus élevée dans la réalité que celle prévue par les fondamentaux : Ces modèles
partent de l’hypothèse que les investisseurs ont des anticipations hétérogènes, ainsi il y aurait
différents types d’investisseurs, tels que les noise traders, qui ne sont pas rationnels et réagissent
aux « bruits », et les investisseurs avisés, qui s’appuieraient sur les fondamentaux. L’interaction
entre ces deux types d’opérateurs est intéressante dans la mesure où elle permet de comprendre
comment peuvent se former des divergences dans le cours des actifs par rapport à leurs valeurs
fondamentales. Ces modèles expliquent également, dans une certaine mesure, la forte volatilité
observée sur les cours des actions. Les investisseurs non rationnels peuvent avoir recours à
plusieurs stratégies comme l’extrapolation des tendances antérieures, l’analyse technique ou le
chartisme. Ces comportements sont très fréquents dans la réalité des marchés financiers.
L’extrapolation des tendances antérieures est aussi qualifiée de positive feedback trading.
Cette stratégie consiste à acheter des actions en période de hausse des cours et à les vendre en
période de baisse. Naturellement, ces opérateurs ont tendance à amplifier les variations des cours
et créer ainsi des bulles financières.
L’offre et la demande des opérateurs varient en fonction d’anticipations qui ne sont pas
nécessairement fondées sur des informations, mais sur des « pseudo signaux». Au niveau agrégé,
si leurs stratégies fondées sur les bruits ou « pseudo signaux» sont corrélées entre elles, il peut en
résulter d’importants mouvements sur les prix des actifs. En effet, comme les erreurs de
jugement ont tendance à être les mêmes, car les mêmes stratégies sont utilisées, elles
s’additionnent au lieu de se compenser comme ce serait le cas si elles étaient aléatoires. Ces
investisseurs peuvent aussi accorder trop d’importance aux informations nouvelles et pas assez
aux fondamentaux, ce qui peut les amener à sur réagir à l’information (Tversky et Kahneman,
1982).
Des éléments empiriques sont fournis, notamment, par Frankel et Froot (1987), qui ont
analysé les prévisions de taux de change établies par les opérateurs et montré que celles-ci
reposaient largement sur des tendances antérieures.
Shleifer et Summers (1990) ont effectué des expériences psychologiques afin de mieux
comprendre le caractère irrationnel des comportements : leurs résultats montrent que la plupart
des personnes ont tendance à ne pas utiliser les informations dont elles disposent pour répondre
aux questions qui leur sont posées, mais plutôt à se fier aux réponses données par les autres. Le
mimétisme comme le comportement moutonnier seraient, en fait, des traits caractéristiques du
comportement humain. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ce type de conduite sur les
marchés financiers.
Or, si ce comportement est attendu de la part des autres investisseurs, il peut devenir
rationnel de l’adopter aussi. Les travaux de Keynes sur la spéculation faisaient déjà état de ce
problème.
La présence et la survie d’investisseurs non rationnels sur les marchés financiers est un
phénomène qui doit retenir l’attention. Dans ce type de modèles, ces investisseurs restent sur le
marché et ne disparaissent pas, malgré leur stratégie manifestement inappropriée. Une
explication peut être due au fait qu’ils prennent davantage de risques que les investisseurs avisés,
sans nécessairement en être conscients, et peuvent donc obtenir des rendements plus élevés. Une
autre explication plus convaincante est fournie par Shiller (1989), pour qui les opérateurs
rationnels peuvent ne pas être en mesure de dominer le marché. Tant que les noise traders
accroissent leurs gains, de plus en plus d’investisseurs tendent à les imiter sans chercher à
connaître la véritable raison de leur succès. Ce phénomène de mimétisme touche un volume
croissant de fonds sur le marché, ce qui exerce une influence croissante sur l’offre et la demande
et donc sur la formation des prix. Les noise traders peuvent ainsi influencer le marché et la
présence d’investisseurs rationnels ne suffit pas à les éliminer. Lorsqu’ils y jouent un rôle
dominant, les investisseurs rationnels peuvent être incités à ajuster leur comportement pour en
tenir compte.
*Les conséquences de cette présence:
L’offre et la demande effectuées sur les marchés par les noise traders peut entraîner une
déconnexion importante et durable entre les prix du marché et le prix découlant des
fondamentaux et donc la formation d’une bulle spéculative. En conséquence, les cours des actifs
peuvent s’éloigner de leur valeur fondamentale.
Une autre conséquence réside dans le fait que ces investisseurs peuvent accentuer la
volatilité des cours des actions au-delà du niveau normalement induit par les dividendes futurs et
les taux d’actualisation, dans la mesure où ils influent sur la variance des cours effectifs des
actions mais pas sur celle des dividendes futurs (Shiller, 1989).
Frankel et Froot (1986) ont proposé un modèle de bulles irrationnelles sur les taux de
change afin d’analyser la forte appréciation du dollar au début des années quatre-vingt. Ils
distinguent trois types d’agents : les fondamentalistes, dont les anticipations s’appuient sur les
fondamentaux et sont rationnelles ; les chartistes, qui utilisent des modèles auto régressifs et
extrapolent les tendances antérieures, et les gestionnaires de portefeuille, dont les anticipations
reposent sur une moyenne pondérée des prédictions des fondamentalistes et des chartistes. Leur
modèle explique le fait que le dollar ait continué de s’apprécier au début des années quatre-vingt,
alors que l’orientation des données économiques fondamentales n’était apparemment pas
favorable. Une bulle spéculative se serait formée sur le dollar durant cette période.
De Long, Shleifer, Summers et Waldmann (1990) ont utilisé un modèle à générations
imbriquées comprenant deux types d’actifs, l’un sans risque et l’autre assimilé à une action.
Deux catégories d’investisseurs sont distinguées : des investisseurs rationnels, dont les
anticipations sont fondées sur les valeurs fondamentales, et des investisseurs non rationnels, dont
les anticipations sur les prix sont systématiquement biaisées à la hausse. Comme ce biais est une
variable aléatoire, leur comportement introduit un risque sur le marché. Comme le biais est
positif en espérance, ils ont aussi tendance à provoquer une montée des prix sur les actifs à
risques. L’interaction entre eux et les investisseurs rationnels entraîne ainsi une variation des
cours des actions qui ne résulte pas uniquement des valeurs fondamentales.
Dans ce contexte, où le biais sur les anticipations de prix des noise traders est aléatoire,
on peut expliquer les divergences importantes et persistantes des cours des actions par rapport à
leurs valeurs fondamentales. Le cours de l’action peut suivre en alternance des phases
ascendantes et descendantes, résultant des phénomènes de modes dans l’opinion de ces
investisseurs. Une autre source d’écart persistant peut provenir du fait que la variance du biais
sur les prix qu’ils anticipent varie avec le temps, comme dans les modèles de type ARCH ou
GARCH.
2-2-1 – La bulle Internet:
*Définition :
La bulle Internet est une bulle spéculative, qui a affecté les «valeurs technologiques».
C’est-à-dire celles des secteurs liés à l’informatique et aux télécommunications, sur les marchés
boursiers à la fin des années 1990. Son apogée a eu lieu en mars 2000, et sa chute s’est étalée sur
2 ans.
Pour pouvoir comprendre comment et pourquoi cela s’est produit il nous faut tout
d’abord mettre en avant le contexte économique de l’époque que les économistes aiment à
appeler « La nouvelle économie », expliquer ses fondements et ses répercussions sur le monde
financier. Puis, cela nous amènera à mettre en exergue la naissance des entreprises liées à cette
bulle Internet que l’on appelle les Start up : Ceci nous permettra par la suite d’expliquer
comment la bulle spéculative s’est formée et pourquoi.
Enfin, cette analyse tentera de justifier la chute plus ou moins lente de cette bulle.
*Causes de la bulle Internet : contexte:
Ce terme de « nouvelle économie » définit aux Etats-Unis la croissance tirée par les
nouvelles technologies ainsi qu’une situation de plein emploi de l’économie. La technologie, et
notamment Internet, vient alors totalement bouleverser le processus de production habituel des
entreprises. En effet qu’il s’agisse de vendre, d’acheter, de produire ou bien encore de distribuer,
chaque fonction du processus de production est atteinte. A tout moment un nouveau concurrent
peut venir bouleverser la chaîne de valeur en se positionnant sur le marché en tant que nouvel
intermédiaire. On passe alors d’un marketing de masse à un marketing personnalisé : Autrement
dit à travers le développement d’Internet, les entreprises peuvent, par exemple, développer des
stratégies marketing permettant de toucher les besoins particuliers des consommateurs d’un
même pays.
La concurrence devient alors « glocale » : à la fois globale et locale. Chaque entreprise
peut alors s’adresser au monde en s’adaptant localement à chaque marché.
Au niveau structurel, cette nouvelle économie se caractérise par ce que l’on appelle
l’économie de l’immatériel : Chaque information distribuée par le réseau, réduit le coût de
production à un simple coût de recherche. La chaîne des intermédiaires traditionnels est
également remplacée par un site qui permet l’accès à toute l’information disponible, mais aussi
le développement de l’achat aux enchères dans tous les domaines, la réduction des stocks car la
production est lancée en temps réel à la demande du client.
Internet a alors permis une diffusion de l’information, un accès à celle-ci beaucoup plus
rapide et moins coûteux. Bien qu’Internet soit l’élément majeur des innovations qui ont marqué
le XXème siècle, il rentre en compte dans ce que l’on appelle les nouvelles technologies de
l’information et de la communication (NTIC). Les NTIC vont venir bouleverser en profondeur
nos sociétés. En effet le rapprochement puis la fusion de l’informatique et des
télécommunications, les développements d’Internet ont déclenché un essor sans précédent des
différentes formes de communications et une mutation de l’accès au savoir. Tout ceci ayant été
de pair avec une accélération sans précédent du rythme des innovations et de leur temps de
diffusion ainsi qu’une diminution continue des coûts.
Ce développement des NTIC va façonner profondément :
•
•
L’ensemble des activités économiques : création et développement de nouvelles activités
de « la nouvelle économie », mais aussi transformation des activités traditionnelles tant
au niveau de l’organisation interne des entreprises que dans les relations avec ses
fournisseurs et ses clients.
La société toute entière à tous les niveaux : politique, culturel, social. Et ceci par les
possibilités multiples de mise en réseau et d’accès à l’information et au savoir. Le
contexte ainsi défini par cette « nouvelle économie » va se révéler propice à la création de
nouvelles sociétés qui se développent rapidement et vendent au monde entier : les Startup ;
•
•
La Start-up ou « jeune pousse » qui est une entreprise en phase de construction qui ne
s’est pas encore lancée sur le marché commercial (ou seulement à titre expérimental).
Elle est en phase plus ou moins longue de développement d’un produit, d’une idée, d’une
étude de marché, etc ;
La recherche de partenaires professionnels, techniques ou d’échecs décuplés par rapport à
des entreprises traditionnelles.
En effet ces nouvelles entreprises vont bénéficier des avantages de la « nouvelle
économie » ainsi que des possibilités accrues de développement que permettent les NTIC. Les
Start-up vont alors bénéficier d’un engouement sans précédent pour les nouvelles technologies,
ce qui va conduire à ce que l’on appellera par la suite « la Bulle Internet»
2-2-2- bulles immobilières:
*Bulle immobilière : sa relation avec la crise actuelle:
La crise financière actuelle est la première crise due aux limites du nouveau modèle
bancaire. Elle est la conséquence d'une crise très localisée, survenue sur un segment mineur du
marché du crédit immobilier américain. Cette crise a été provoquée par le refus des
établissements de crédit de croire à la réalité de la bulle immobilière, et à leur recherche de
l'extension de leurs activités de prêt, fort rentables, sans considération de la solvabilité des
emprunteurs.
Cette dernière caractéristique , inconcevable selon le modèle bancaire traditionnel, a été
rendu possible par l'existence d'une demande importante de titres financiers, adossés aux
créances immobilières accordés à l'origine par les banques (titrisation); ces dernières ont cru
alors pouvoir négliger l'examen de la solvabilité de leurs emprunteurs, puisque les défauts de
paiement étaient supportés par les investisseurs finaux des marchés de titrisation et ces
investisseurs, séduits par le rendement important de ces titres, ne se sont pas inquiétés de la
mauvaise qualité de l'information qu'ils recevaient sur les risques attachés à ces titres .
Lorsque la hausse des taux d'intérêt américain n'a plus permis aux ménages les moins
aisés de faire face à leurs charges de remboursement, les titres émis par des entités de titrisation
indépendantes des banques se sont effondrés, entraînant la vente forcée des logements et
accélérant encore leur dévalorisation. Dans un premier temps, l'illusion que les conséquences de
cette crise immobilières pourraient être supportées par les seuls investisseurs finaux des marchés
de titrisation, a dominé. Mais il est vite apparu que les établissements à l'origine des crédits
subprime ne pouvaient s'exonérer de ces pertes. A ce stade, l'opinion dominante était encore que
l'on n'était pas en présence d'une crise majeure, mais d'une crise qui resterait localisée, touchant
surtout les banques américaines, et qu'elle pourrait être aisément surmontée.
2-2-3-Quelles sont les conséquences de l’éclatement d’une bulle spéculative?
L’éclatement d’une bulle spéculative c’est-à-dire l’effondrement des cours boursiers dans
un secteur donné conduit les entreprises concernées à trouver un mode de financement adapté à
cette conjoncture. Minsky distingue, notamment dans le cas de bulles de crédit, trois structures
de financement des firmes possibles selon leur aversion au risque. Il y a le hedge finance (dette
couverte par des revenus), spéculative finance (des revenus couvrent les intérêts mais pas le
capital à rembourser), et Ponzi finance (couverture des engagements par la dette).Ce dernier
mène à la plus grande fragilité financière.
Le passage de hedge à speculative s'explique par les opportunités de profit qui naissent en
période d’euphorie. En effet après une récession, les firmes perdent leur financement et
choisissent le hedge qui est le plus fiable. Puis en période de forte croissance économique et dans
la perspective d'une forte rentabilité, les firmes pensent qu'elles peuvent se permettre de procéder
a un financement spéculatif. Dans ce cas elles savent que leurs profits ne pourront pas couvrir
tout le temps le capital à rembourser. Cependant les firmes pensent que les profits augmenteront
et que leurs emprunts seront remboursés sans aucun mal. Bien que les prêteurs sachent que les
firmes n'offrent aucune vraie garantie de remboursement, ceux ci croient en la potentialité de
bénéfices de ces firmes.
On passe alors à la structure Ponzi c'est-à-dire que les emprunteurs sont obligés de céder
des actifs pour solder leur dette, ce qui provoque une baisse du prix de ces actifs et l'inversion
des anticipations. C'est la situation étudiée par Fisher sous le terme de debt-deflation.
3- Relation entre bulle réelle et bulle financière: déconnexion:
Dit autrement, il y a interaction forte entre la sphère financière ou ce qu'on appelle bulle
financière et la sphère réelle (bulle réelle). L'enjeu réside alors dans le sens des rapports de
détermination existant entre celles-ci. Car, si on ne peut qu'être d'accord avec l'affirmation selon
laquelle «pour se mettre au service du développement de la sphère réelle et pour garantir son
développement, le système bancaire et financier doit conjuguer stabilité et flexibilité» (ClémentPitiot H.1994), pour autant, il reste à justifier cette subordination du second au premier et à
démontrer que les éléments de détermination de la contrainte financière sont uniquement
extérieurs à la sphère réelle et non interne. Autrement dit, la contrainte de rentabilité pesant sur la
sphère réelle ne participe-t-elle pas au développement de la sphère financière et à son autonomie
croissante vis-à-vis du réel ?
La réponse à cette question est déterminante :
Dans un cas, on fait l'hypothèse qu'il y a problème de régulation de la sphère financière
par rapport à la sphère réelle et que les difficultés de la seconde sont le produit d'une inadaptation
de la première.
Les crises financières ont néanmoins une origine réelle. En 1929, la déconnexion entre la
sphère financière et le ralentissement économique dans la sphère réelle (repérable par la chute du
nombre de véhicules produits) a été la cause essentielle du krach.
Pour expliquer cette déconnexion, plusieurs facteurs imputables aux acteurs peuvent être
invoqués. Tout d'abord, l'avidité ne tient pas compte des données fondamentales de l'économie
réelle puisqu'il s'agit d'empocher une plus-value à court terme. Le principe même de la
spéculation tient peu compte des effets réels. Ensuite, la crainte générée par la spéculation
entraine des comportements moutonniers. Enfin, l'interprétation des informations économiques
apparaît lacunaire voire irrationnelle. L'incompétence en matière d'analyse économique explique
aussi cette déconnexion, et donc, des Phases d'euphorie et de dépression se succèdent.
D'autres éléments confirment et aggravent les évolutions divergentes entre économie
réelle et marchés financiers. En premier lieu, l'importance des flux capitaux est sans commune
mesure avec les échanges de l'économie réelle. Ces derniers sont cent fois moindres que les flux
transitant par les marchés financiers. En second lieu, les marchés dérivés sur lesquels des
intermédiaires financiers interviennent, évoluent en fonction des marchés financiers. Ils assurent
à ces intermédiaires une rente d'autant plus lucrative que l'amplitude des variations de cours est
importante.
4- Impact de la présence de bulles sur le marché financier et sur
l’apparition des crises :
*Les raisons de la formation d’une bulle financière: sachant que :
- L’inflation et les anticipations selon la théorie classique de william Fisher : les
rendements réels des actions et les taux d’inflation observés anticipés et non anticipés sont
indépendants étant donné que les rendements nominaux des actions varient au même rythme que
le niveau de l’inflation ;
- Les taux d’intérêts actuels et anticipés : le dégonflement d’une bulle conduit
traditionnellement à une politique de baisse du taux d’intérêt. Ce qui est susceptible de favoriser
l’investissement c’est à dire réduire le coût du crédit et accroître la proportion à consommer des
ménages ;
- Le mimétisme comportemental : C’est un comportement qui consiste à ce que des
investisseurs suivent d’autres investisseurs qu’ils pensent être mieux informés qu’eux, ce qui
entraîne qu’un grand nombre d’opérateurs va prendre simultanément des décisions similaires. Ce
mimétisme a lieu :
•
•
Si les investisseurs sont mal ou pas du tout informés : ces derniers vont se rencontrer et se
copier sans se baser sur la valeur fondamentale de l’actif, d'où une déviation durable des
prix de leurs vraies valeurs ;
Si les investisseurs observent leurs propre informations, et se base sur le comportement
des investisseurs précédents, les petits intervenants se guident sur les choix de gros
opérateurs qu’ils supposent être mieux informés qu’eux.
Tous les facteurs, cités tout au long de cette partie, ont une conséquence commune : ils
encouragent un comportement et des réactions homogènes, au détriment de la diversité
indispensable au bon fonctionnement des marchés financiers.
Les marchés financiers reflètent les tendances fondamentales de l’économie réelle et
permettent d’en prévoir les retournements. L’indétermination de court terme des marchés est le
fondement même de leur efficience. Le principe même de la spéculation assure l’efficience des
marchés.
Les marchés financiers doivent faire face au problème difficile de l’incertitude. Pour ce
faire des anticipations sont nécessaires. Même en suivant de très prés les indicateurs de
l’économie réelle, il faut aussi tenir compte des réactions des autres acteurs. Ces interactions sont
donc complexes.
La réactivité des opérateurs financiers confère à l’économie financière un temps de
réponse plus rapide que celui de l’économie réelle.
Au cours de ces dix dernières années nous avons connu plusieurs crises financières et des
phénomènes de contagion, tels que la crise mexicaine en 1994-1995, la bulle des valeurs
technologiques qui a éclaté en 2000, ou plus récemment, les crises financières en Argentine, en
Turquie et surtout aux Etats unies d’Amérique avec le phénomène de boule de neige.
Selon les études récentes les épisodes survenus récemment ont semblé durer moins
longtemps, mais leur degré de gravité a sans doute été supérieur.
La dynamique de libéralisation financière a accentué la fragilité des marchés financiers,
et accentué l’afflux de l’épargne étrangère, en établissant un climat de confiance de l’ouverture,
garantissant ainsi la liberté complète des mouvements de capitaux.
Le niveau sans précédent des afflux de capitaux privés montre l’intégration de plus en
plus poussée de nombreux marchés de capitaux émergents dans le système financier mondial.
Les observateurs, en termes de rendement et de volatilité, nous permettent de mettre en
évidence un parallèle entre, d’une part le fait que sur une longue période, les cours des marchés
émergents pris dans leur ensemble, ont progressé plus rapidement en moyenne que ceux des
marchés des pays industrialisés. Et d’autre part, la volatilité des valeurs financières est une
caractéristique majeure de ces marchés boursiers émergents. Ces marchés sont les plus touchés
par les crises et leur degré de propagation se montre très élevé, c'est-à-dire, la crise au sein de ces
pays se généralise très vite; cette crise est en général due aux phénomènes de gonflement et
d’éclatement des bulles financières qui a des effets néfastes sur l’économie réelle. Ainsi :
- Primo, les crises financières affectent la solvabilité des établissements financiers qui
ont alimenté la hausse.
- Secundo, leur capacité à financer d’autres agents est limitée.
- Tertio, une prise en charge publique des pertes intervenues résulte souvent des crises
financières.
Conclusion :
La théorie des bulles spéculatives reste une théorie inachevée. Les études qui ont été
menées laissent encore la question de la théorie de la bulle spéculative ouverte.
Effectivement, à ce jour, la reconnaissance d’une bulle spéculative ne peut s’effectuer
qu’après son éclatement, voire longtemps après. Certains chercheurs restent même sceptiques
quant à la caractérisation d’évènements spéculatifs en tant que bulles spéculatives.
D’un point de vue pratique, les tests économétriques ainsi que les modélisations ne sont
pas toujours valables, et parfois même réfutés. Il est donc difficile de pouvoir détecter une bulle
d’un point de vue quantitatif.
Par ailleurs, étant donné que la formation des bulles spéculatives repose sur des
déterminants dont les facteurs principaux sont les humains, la théorie n’est pas à l’abri des biais
comportementaux.
Ainsi, la bulle Internet en est un parfait exemple. Les anticipations des agents ayant été à
l’origine de son développement, la surévaluation excessive des cours boursiers qui en a résulté a
conduit à la chute quasi inévitable de la bulle. Les valorisations boursières du moment sont alors
apparues disproportionnées par rapport aux résultats affichés par les entreprises et notamment
ceux des start-up.
Malgré la constatation avérée de bulle pour le marché NTIC, ce n’est pas toujours le cas
de tout marché haussier. C’est en ça que l’exemple de la « simili bulle immobilière » a tenté
d’être abordé et détaillé dans ce dossier. Les fondamentaux immobiliers sont viables et la
surévaluation des prix peut donc être explicable. Le risque invoqué est celui d’un long
réajustement de « pricing ». La fin en krach, synonyme d’éclatement de bulle spéculative, ne
semble donc pas être une hypothèse valide.
La raison essentielle de différenciation entre ces deux exemples tient à leurs
caractéristiques sur le marché des actifs. En effet si bulle il y a, elle sera amenée à toucher des
secteurs pour lesquels nos connaissances sont restreintes. C’est le cas par exemple du marché de
la fibre optique pour lequel les investisseurs potentiels portent déjà un intérêt conséquent. Et ce,
sans forcément savoir quelle sera la véritable utilité et/ou utilisation de cette nouvelle
technologie. Ainsi si les fibres optiques viennent à s’implanter dans notre quotidien, il est
possible qu’un engouement pour cette technologie se produise. Néanmoins on se trouve
actuellement dans une période où la possibilité d’une formation de bulle spéculative s’amenuise.
Enfin, malgré la théorie selon laquelle les agents n’apprendraient pas de leurs erreurs, il
n’empêche que l’on peut observer une évolution dans leur comportement spéculatif. Ils tiennent,
dorénavant compte de l’évolution historique du secteur et également des éventuelles bulles
empiriques. Les bruits de couloir, rumeurs, ainsi que les différents vecteurs de communication
contribuent à la circulation de l’information. L’asymétrie d’information ainsi que les éventuels
bruits blancs (erreurs) incorporés aux modélisations tendent à être réduits : il y a de plus en plus
de transparence des marchés.
Bien que le trend réducteur de bulle ait été énoncé précédemment, d’autres mesures de
type encadrement financier et/ou micro économique peuvent être introduites. En effet, on assiste
de plus en plus à un contrôle des valeurs avant leur entrée en bourse. Ceci tenant à un plus fort
contrôle des autorités financières. Parallèlement à cela, le développement de nouveaux marchés
type Alternext avec un assouplissement de la lourdeur réglementaire pour des entreprises
naissantes. Certaines mesures ayant été diminuées permettant ainsi à de nombreuses entreprises
viables de pouvoir prétendre au financement par actions.
Bibliographie
Ouvrage:
• DE BOISSIEU, « Les systèmes financiers »;
• Didier CORNUEL, « L’hypothèse de bulle immobilière », OFCE, 1999;
• Jacques NINET (IAE), « Les déterminants récurrents de la formation des bulles financières »,
juillet 2003;
• Javier SANTISO et Tarek ISSAOUI, « L’empire de la finance: Ethique et marchés financiers »,
version préliminaire, Projet, n° 257, mars 1999, pp. 61-70;
• MINSKY, « La théorie du displacement »;
• Nassim TALEB, « Le hasard sauvage », 2006;
• Robert SHILLER, « La théorie de la rétroaction »;
• SILBER, « Financial innovation »: Ed. Lexington Books, 1975;
• Xavier TIMBEAU, « L’immobilier, pilier de la croissance ou épée de Damoclès ? », OFCE,
2006.
Revues:
Libaert Thierry, La communication de crise, Editions Dunot –2ème édition, 2005 ;
Reveret Régis, Moreau Jean-Nicolas, Les médias et la communication de crise, Edition
Economica, 2007 ;
Gabey Michèle, La nouvelle communication de crise – Concepts et outils, Editions Stratégies,
2001 ;
Gabey Michèle, Communiquer dans un monde en crise – Images, représentations et médias,
Editions l'Harmattan, 2005 ;
Moine Jean-François, Colombo Josette, Communiquer en situation de crise – avec l'autre, avec
l'équipe, avec l'environnement, ESF éditeur, 2002 ;
Libaert Thierry, La communication de crise : l'ère de la maturité ? Perceptions, magazine de la
communication de crise et sensible, Novembre 2007, n◦15, p31 ;
Ulrich HEGE, « L’évaluation et le financement des start-up Internet », revue économique –
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Jean-Claude TRICHET « Asset price bubbles: implications for monetary, regulatory and
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Dean BAKER, « Le prix de la bulle spéculative »: CEPR (Center for Economic and Policy
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Mc CARTHY J. et R.W.PEACH, « Are home prices the next bubbles ? »: Federal Reserve
Bank of NewYork,2004;
Revue : Problèmes Economiques datée du mercredi 23 juin 2004 bimensuel n°2.854.
Articles:
• Article : « Le secteur des services de télécommunications surfe-t-il de bulle en bulle ? » ;
• « Que reste-t-il de la bulle Internet ? » William Emmanuel au 01/10/2004 extrait du site 01.net ;
• Meta Bourse : Crise boursière 2000-2003, « l’éclatement de la bulle des valeurs Internet et
technologiques ».
Documents d’études:
• Jean-Pierre GALAVIELLE, « Y a-t-il une théorie des marchés financiers ? », Décembre 2003 ;
• Michel AGLIETTA et Antoine REBERIOUX, « Dérives du capitalisme financier », 2004 ;
• Cours de Christian BORDES, 2007, Macroéconomie globale: “Les marches financiers,
les variations de cours des actions et les bulles”.
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