CHÂTEAUVALLON.COM AMPHITHÉÂTRE PROCHAINEMENT COPRODUCTION — GENRE THÉÂTRE — DATE(S) VENDREDI 20 ET SAMEDI 21 JUILLET 2018 — HORAIRE(S) 22H00 — DURÉE 2H — SPECTACLE — LE TRIOMPHE DE L’AMOUR DENIS PODALYDÈS — MENTIONS — Production C.I.C.T. - Théâtre des Bouffes du Nord Coproduction Maison de la culture d’Amiens ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Théâtre de Liège ; Théâtre de Caen ; Théâtre de Nîmes ; Châteauvalon – Scène Nationale ; Opéra Royal / Château de Versailles Spectacles ; Printemps des Comédiens ; Théâtre du Gymnase / Marseille ; Espace Jean Legendre, Théâtre de Compiègne ;Théâtre Le Forum / Fréjus LE TRIOMPHE DE L’AMOUR De Marivaux Mise en scène Denis Podalydès Direction musicale Christophe Coin Scénographie Eric Ruf Costumes Christian Lacroix Lumières Stéphanie Daniel Son Bernard Vallery Avec Hermidas – Edwige Baily Arlequin – Jean-Noël Brouté Musicien – Christophe Coin Hermocrate – Philippe Duclos Léontine – Stéphane Excoffier Phocion – Leslie Menu Dimas – Pascal Rénéric Agis – Thibaut Vinçon Fidèle compagnon de Châteauvallon, Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie Française, a le goût de l’aventure humaine et l’amour des textes (Les méfaits du tabac de Tchekhov et Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier en 2015). Son dernier défi ? Monter la comédie de Marivaux autour du désordre sentimental, tout à la fois conte cruel et fable politique, en faisant triompher l’Amour « au milieu d’un repas, pendant une chorale ou une sonate, au sortir d’un buisson, d’une botte de paille, pendant qu’on coupe ou scie le bois ». Plus encore, en imaginant la princesse Léontine, le philosophe Hermocrate et son valet Arlequin, Agis et Dimas comme « les habitants détraqués d’une communauté dont l’ordre et la paix vont être détruits ». Une relecture singulière qui a attiré de prestigieux compagnons de route : Éric Ruf signe la scénographie, Christian Lacroix les costumes, les acteurs Pascal Rénéric et Philippe Duclos ou encore le violoncelliste Christophe Coin font corps avec la troupe. Dans le jardin du philosophe Hermocrate, — ou plutôt : dans le jardin philosophique d’Hermocrate —, pénètre, sous l’enveloppe masculine de Phocion, la princesse Léonide, accompagnée de Corine, suivante travestie sous le nom d’Hermidas. Jadis, nous raconte-t-elle, son oncle Leonidas destitua, enferma et tua le roi Cléomène, parce que celui-ci avait enlevé sa maîtresse. Il prit la couronne. Il ne sut jamais qu’en prison, Cléomène et sa femme conçurent un fils, le prince Agis. L’enfant fut confié secrètement par une servante au philosophe Hermocrate, qui l’éleva dans la haine de l’usurpateur et meurtrier Leonidas, la haine de sa descendance, la haine de la princesse Léonide. Leonidas est mort aimé du peuple. Son frère lui a succédé. Léonide, sur le point de régner à son tour, héritière d’une vieille haine dont elle se sent injustement l’objet, souffre du poids de cette histoire qui divise en deux son peuple (ceux qui se revendiquent de Cléomène, ceux qui se revendiquent de Léonidas). La princesse veut réconcilier les deux clans, retrouver Agis, s’en faire aimer, l’épouser, restaurer la légitimité et instituer une paix durable dans le royaume. Son projet est politique. Il lui faut avancer masquée. La haine est trop vive et jamais elle ne pourrait s’approcher d’Agis sous son vrai nom. La voilà donc Phocion. Pour parvenir à ses fins, tous les moyens sont bons. Acheter les valets qui la débusquent vite, (deux lascars étranges et vénaux), mentir à pleine bouche, tromper son monde. Elle va séduire, simultanément et dans le même lieu, Agis, le jeune prince, la chaste Léontine, et le philosophe Hermocrate. Pas de quartier. Le jardin philosophique est dévasté. Les trois succombent à la maladie de l’amour, emportés. Chacun veut s’enfuir avec elle, abandonner le hameau paisible et idéal. Phocion triomphe, emmène le Prince et laisse deux victimes, Léontine et son frère Hermocrate, perdus dans le jardin désenchanté. MARIVAUX On a réglé depuis longtemps son compte au Marivaux poudré, badin, marivaudant. Vilar, Planchon, Chereau, Lassalle, Nichet, entre autres, ont porté au jour la cruauté qui régit les rapports humains dans ce théâtre où la langue est à la fois masque et révélateur, épée et bouclier, poison et remède. Le jeu amoureux fait la torture des âmes, et le désir, quand il paraît, n’a de cesse de faire souffrir les corps jusqu’à l’aveu, obtenu par tours et détours, parfois hilarants, parfois tragiques, qui font la comédie. Je suis sensible à l’histoire de l’interprétation de Marivaux, long et difficile cheminement des metteurs en scène et des acteurs pour rendre pleinement justice à ce théâtre brûlant. J’ai joué Marivaux en éprouvant parfois durement les contradictions internes, car il ne s’agit pas de décréter la cruauté de Marivaux, sa force politique, l’acuité de son scalpel; faut-il encore à chaque phrase fouiller le sens, approfondir les réactions, les conséquences physiques et psychiques, détailler infiniment le jeu et lui donner ensuite son mouvement, sa rigueur et sa folie. La théâtralité de Marivaux se conquiert de haute lutte. Il faut des acteurs en travail. Chéreau dans la Dispute, ou dans la Fausse Suivante, que j’ai vue, mettait les acteurs au pied du mur, leur demandait sans cesse de changer d’état, d’oublier ce qui avait précédé, ce qu’ils avaient prévu; il cassait tout, les lignes, les corps; il fallait détaler, revenir, agresser, tomber, s’épuiser, épuiser le partenaire. Je me rappelle Jane Birkin affolée, maltraitée, déchirante. Je me rappelle Didier Sandre animal, Laurence Bourdil Chevalier enfiévré. Une épreuve. RACINE EN TÊTE Marivaux voit jouer les acteurs italiens, mais il a Racine en tête. Il s’essaye à la tragédie. Ça ne marche pas. Les acteurs français empèsent le verbe et tout est mort. Il fourbit de petites comédies fantaisistes, avec des Arlequins et des Colombines. Ça plait. Il continue mais il a Racine en tête, les passions, leur jeu impitoyable, il veut voir ça, mettre ça dans la bouche des acteurs et que ça communique à tout le corps, dans une inconscience joyeuse, ouverte, prête à toutes les folies. Les mots lui viennent aisément, il invente quantité de saillies sans même s’en rendre compte, il poursuit sa traque. Il regarde de tout près comment agit le désir. D’où ça part, d’où ça monte, comment ça vient aux lèvres, comment c’est réprimé, comprimé, comment ça se trahit d’une manière ou d’une autre, comment ça éclate. Il appelle ça le rien, ce petit rien qui fait vaciller le monde. Il regarde ce rien opérer dans la langue elle-même. C’est par là que Marivaux va peu à peu rejoindre Racine, hors l’alexandrin mais dans une langue pas moins travaillée. Dans un certain éclat spirituel, apparemment enjoué, il fait sentir l’effroyable rapacité du coeur. L’homme ou la femme qui aime est un redoutable prédateur, avide du sang aimé. L’amour-propre, la civilisation, les règles sociales, parviennent un tant soit peu à contenir la bête, mais alors celle-ci se cabre, lutte, se débat et c’est le langage qui est le champ de bataille, c’est le langage qui la fait enrager en voulant lui donner forme et vie raisonnable, c’est le langage qui la nourrit et décuple ses forces. L’homme ou la femme qui aime et désire - c’est la même chose chez Marivaux, puisque c’est la naissance du phénomène qui l’intéresse et pas ses conséquences pratiques (les couples légitimes ne lui inspirent théâtralement rien) - se transforme en monstre, et ce faisant, séduit et fait peur, bouleverse, affole, sème le doute, laisse les amants exsangues. Quand à la fin ils se marient, on ne donne pas cher du couple. Marivaux ajoute à Racine un scepticisme. Il n’y a pas d’amour heureux : l’amour-propre, l’orgueil humain, l’inconscient, sont aux commandes du coeur et de l’esprit. Ils sont le coeur et l’esprit. Ils veulent bien jouer la générosité, l’esprit, rire et faire rire, mais que ceci soit payé de la chair de l’autre. On comprend que certains grands personnages de Marivaux, soucieux de paix, de bienveillance, de lettres aussi, renoncent délibérément à l’amour, s’en écartent, fondent une petite société à part de ses dangers et de ses charmes. LES PERSONNAGES DE MARIVAUX Ainsi le merveilleux Lelio de la Surprise de l’amour, qui force le pauvre Arlequin à l’accompagner sur son chemin aride, sans amour et sans joie. Ainsi d’ Hermocrate. Vilar, le premier, fit de lui un honnête homme des Lumières que la puissance du désir faisait basculer dans la déraison. Il n’y voyait pas un jeu plaisant et spirituel, mais une lutte sans merci. Planchon fit de Phocion une libertine avouée, femme libre et sensuelle, Dom Juan travesti subjuguant deux hommes déboussolés et une pauvre bigote d’un autre âge. J’aime la figure du philosophe à l’écart. Hermocrate a constitué une petite société selon ses principes. On y jardine, on y fait de la musique, on y lit, on y boit et mange, mais on n’y aime point. L’ Utopie d’ Hermocrate tient à ce renoncement. L’harmonie règne au prix d’une mutilation. Nous ferons vivre le plus concrètement possible cette petite société. Comme nous ferons vivre le jardin, que je vois plutôt comme un parc dont on arpenterait les paysages et les recoins variés, à l’anglaise, à la française, dégagés ou touffus, etc. Une nature qui se moque des préceptes d’Hermocrate. On représente volontiers Marivaux sous l’angle abstrait, et d’autant plus cette pièce qui met en scène un philosophe. Je voudrais au contraire voir l’ Amour triompher au milieu d’un repas, pendant une chorale ou une sonate, au sortir d’un buisson, d’une botte de paille, pendant qu’on coupe ou scie le bois. Hermocrate, Léontine, Agis, Arlequin, Dimas, mais aussi un musicien, présent en scène, muet (Le violoncelliste Christophe Coin), sont les habitants détraqués de cette communauté dont l’ordre et la paix vont être détruits. Phocion arrive innocemment, c’est à dire sans connaître ou comprendre la loi du lieu. Mais elle ne connaît pas non plus l’amour. Elle le dit elle-même à sa Suivante. Elle vient aimer le Prince Agis sans savoir ce qu’il en est du désir, sans avoir jamais aimé, vierge. Ce n’est pas une libertine avouée. La situation lui en donne les apparences puisqu’elle mène simultanément trois conquêtes amoureuses avec une rare virtuosité. Cette science lui vient peut-être précisément de son innocence et de son ignorance. Et Léontine, Agis et Hermocrate succombent, non parce qu’ils ont affaire à une femme diabolique, mais à l’Ange, à l’Amour en personne, qu’ils avaient cru chasser du jardin une fois pour toutes. Denis Podalydès DENIS PODALYDÈS A la fois acteur de cinéma et de théâtre, Denis Podalydès impose son image malicieuse dans des rôles souvent fantaisistes. Etudiant en lettres, le jeune homme s’inscrit au cours Florent parallèlement à son cursus universitaire avant de réussir le concours d’entrée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. En 1997, son professeur de théâtre Jean-Pierre Miquel, devenu entre-temps directeur de la ComédieFrançaise, le fait jouer sur les planches de la salle Richelieu. Quelques années plus tard, le comédien prometteur obtient une place de Sociétaire au Français et remporte le Molière de la Révélation théâtrale pour son interprétation dans Revizor de Gogol. Au cinéma, l’acteur interprète des personnages burlesques dans les films de son frère réalisateur, Bruno Podalydès. On le retrouve dans les comédies Versailles rive gauche, Dieu seul me voit ou encore Le Mystère de la chambre jaune. Liberté-Oléron le montre en père de famille enthousiaste. L’interprète apparaît fréquemment dans des seconds rôles, notamment Les Ames grises ou Palais royal. D’autres cinéastes tels qu’ Arnaud Desplechin et Bertrand Tavernier l’emploient dans des registres plus sombres voire franchement noirs comme François Dupeyron qui le dirige dans le film La Chambre des officiers. Metteur en scène comblé, l’artiste remporte un second Molière en 2007 pour sa mise en scène de Cyrano au Français. Comique ou touchant, lunaire ou naïf, Denis Podalydès incarne la réussite d’un acteur dans ses choix de rôle autant que dans ses compositions.