Résumé
Le cancer de la prostate, troisième cause de mortalité par cancer chez l’homme en
Europe, est dépendant des androgènes dans les premiers stades de la maladie. Cependant,
après une première phase de la maladie sensible à la privation en androgènes circulants, il se
produit un échappement thérapeutique conduisant à un cancer androgéno-réfractaire. Cette
progression du cancer vers l’androgéno-indépendance s’accompagne d’une augmentation du
nombre de cellules neuroendocrines, cellules surexprimant des canaux calciques voltage-
dépendants de type T (canaux T), Cav3.2. Il a été établi que la surexpression de ces canaux
favorisait la sécrétion de phosphatase acide prostatique et d’autres facteurs mitogènes
potentiellement responsables de la prolifération des cellules avoisinantes. De plus,
l’expression de ces canaux est augmentée dans le tissu cancéreux prostatique par rapport au
tissu hyperplasique. S’il a été montré que ces canaux T sont constitués d’une sous-unité pore
Cav3.2, la structure multimérique des canaux T reste peu connue à l’heure actuelle. Ces sous-
unités pores pourraient s’associer à des sous-unités accessoires (α2δ, β, γ) comme cela a été
décrit pour d’autres canaux calciques voltage-dépendants.
Afin de déterminer l’importance de ces canaux T et de comprendre leur
fonctionnement et leur régulation dans la cancérogenèse prostatique, ce travail avait pour
objectif de déterminer les protéines avec lesquelles ces canaux interagissent et leur(s) rôle(s)
physiopathologique(s).Nous montrons tout d’abord que les canaux Cav3.2 sont couplés à des
canaux potassiques calcium-dépendants à grande conductance (canaux BK) dans les cellules
cancéreuses prostatiques et que ces deux familles de canaux interviennent dans la
prolifération cellulaire. Nous mettons d’autre part en évidence l’expression d’une sous-unité
accessoire du type α2δ2 des canaux calciques voltage-dépendants dans les lignées et tissus
prostatiques. Selon une hypothèse récente, le gène CACNA2D2 codant pour la sous-unité
α2δ2 pourrait être un gène suppresseur de tumeur. Nous avons donc étudié son implication
dans la cancérogenèse prostatique. Contre toute attente, nous montrons qu’α2δ2 est exprimée
plus fréquemment dans les tissus cancéreux prostatiques par rapport aux tissus sains, et que
son expression augmente avec le grade du cancer. De plus, par des études in vitro et in vivo,
nous mettons en évidence son rôle promoteur de la croissance tumorale et de l’angiogenèse.
Grâce aux techniques d’immunofluorescence, d’immunoprécipitation et d’électrophysiologie,
nous montrons d’autre part que Cav3.2 et la sous-unité α2δ2 peuvent s’associer dans un même
complexe protéique et qu’α2δ2 est capable de moduler l’activité de ce canal. Cependant, nos
travaux suggèrent également que le rôle de cette sous-unité dans la prolifération prostatique
pourrait être indépendant de son association avec Cav3.2.
En conclusion, ce travail amène à une meilleure compréhension de l’implication des
canaux calciques de type T et de ses protéines associées dans le cancer de la prostate.
Thèse de Marine Warnier, Lille 1, 2013
© 2014 Tous droits réservés.