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MERCREDI 17 OCTOBRE 2012
L’ Actualité
LLee ccoonnfflliitt qquuii sseeccoouuee llaa
ddiirreeccttiioonn llooccaallee dduu
RRNNDD àà uunn ggrraanndd
nombre de cadres et de mili-
tants n’a pas livré tous ses
secrets. L’origine du bras de
fer est à situer dans les lis-
tes de candidatures pour les
prochaines locales.
Etablies selon les contes-
tataires par un groupe d’a-
mis, ces listes ont simple-
ment écarté la totalité des
cadres et membres fonda-
teurs de ce parti. Pour expri-
mer leur refus, les « écartés
» avaient organisé un sit-in
devant le siège du parti le
samedi 6 octobre dernier.
Beaucoup d’encre et de
salive a coulé depuis.
En réaction à un écrit
publié dans un quotidien
arabophone, le groupe des
contestataires a, dans un
communiqué, remis à notre
rédaction, apporté un
démenti catégorique quant à
leur appartenance à un
quelconque mouvement de
redressement.
« Suite à l’élaboration
des listes par le président de
la commission des candida-
tures, nous avons officielle-
ment saisi les instances
nationales pour exprimer
nos réserves. Le problème
reste interne au parti et
notre action ne s’inscrit
dans aucune volonté de dis-
sidence ou une quelconque
remise en cause de la légiti-
mité des instances du parti »
précise le communiqué.
MM. Hocini Soufouane
Issam et Mansouri Ali, les
deux hommes forts du parti,
élus APW lors du dernier
mandat et signataires du
communiqué, refusent tout
amalgame ou interprétation
de l’action du samedi der-
nier.
« Les recommandations
et directives de la direction
nationale sont claires quant
au choix des candidats. Ils
doivent représenter l’en-
semble de la wilaya. Les pos-
tulants doivent aussi justi-
fier d’un niveau intellectuel
à même d’élever celui des
débats au sein des instances
élues. Ces directives n’ont
pas été respectées. Notre
action s’est voulu un acte
pour attirer l’attention sur
ce qui peut être une cause à
un résultat décevant pro-
chainement.
La faiblesse de certains
de nos candidats laisse la
porte grande ouverte aux
concurrents » ajoute le com-
muniqué. « Parce que l’inté-
rêt du parti doit être pre-
mier et non pas dépendre
des ambitions personnelles,
nous avons réagi pour
dénoncer une manœuvre
qui reste un acte individuel
d’un responsable local.
Notre confiance en la direc-
tion nationale demeure
totale », conclut le commu-
niqué. AA..MM..
Auteur d’un livre sur la Fédération de
France, intitulé « 7 années dans le feu de
la guerre », Mohand Akli Benyounès a
bien voulu répondre à nos questions et revenir
sur les événements du 17 Octobre 1961, que
l’Algérie commémore aujourd’hui.
L’Expression :: MM.. BBeennyyoouunnèèss,, vvoouuss êêtteess uunnee
ddeess ffiigguurreess ddee llaa FFééddéérraattiioonn ddee FFrraannccee qquuii oonntt
vvééccuu lleess éévvéénneemmeennttss dduu 1177 OOccttoobbrree 11996611.. QQuu’’eenn
eesstt--iill ddeess pprrééppaarraattiiffss eett ddee ll’’iimmppaacctt ddee cceettttee ddaattee
ssuurr llaa RRéévvoolluuttiioonn aallggéérriieennnnee??
MMoohhaanndd AAkkllii BBeennyyoouunnèèss:: Tout d’abord, le 17
Octobre 1961 n’est pas une date qui est tombée
du ciel. C’est une action de soutien qui s’inscrit
dans le sillage des accords d’Evian et de l’indé-
pendance du pays. A l’époque, la France voulait
renforcer son potentiel de guerre et liquider, en
même temps, le potentiel important de la
Fédération de France composé d’hommes et de
femmes, qui dérangeaient sur son sol. Dès lors, on
a rappelé Maurice Papon, qui était préfet à
Constantine et spécialiste dans les actions répres-
sives. C’est lui qui avait décrété un couvre-feu,
interdisant aux Algériens de sortir entre 20h30 et
5h30 du matin dans la région parisienne. Et les
commerçants algériens devaient aussi, baisser
rideau à partir de 19h30. C’était une mesure dis-
criminatoire et raciste contre les Algériens, au
point où nous étions assignés à résidence dans
nos hôtels et autres lieux de résidence. Partant de
ce fait, l’organisation s’est réunie pour ne pas
laisser passer cette situation inadmissible. On a,
donc, décidé de retenir la date du 17 octobre 1961
comme journée de protestation pacifique, et j’in-
siste sur le mot « pacifique ». Il n’était pas ques-
tion de descendre dans la rue pour attaquer les
Français. La manifestation était réfléchie, enca-
drée et on fouillait même les gens à leur sortie. Ils
n’avaient ni couteaux ni haches. C’était une
action politique pour faire une démonstration de
force et je dirai même de force tranquille, pour
manifester notre soutien à l’indépendance de
l’Algérie et du Gpra, et en même temps, dénoncer
ces mesures racistes et discriminatoires à l’encon-
tre des Algériens.
QQuu’’eenn eesstt--iill ddee ll’’iimmppaacctt ddee llaa mmaanniiffeessttaattiioonn
ssuurr llee ppllaann iinntteerrnnaattiioonnaall??
Effectivement, le mouvement de protestation
pacifique a eu un effet important sur le plan inter-
national. Parce que le mouvement n’a pas eu lieu
à Barbès, comme ils l’ont souhaité, mais à Paris.
Les manifestants ont été orientés vers l’Opéra, les
grands boulevards et les Champs Elysées. C’est là
où on était le plus visible pour la presse étrangère
qui avait rapporté ce qui s’était passé, d’où un
impact international inespéré. Nous avions
répondu à la provocation coloniale par une mar-
che pacifique qui avait fait déboucher la
Révolution algérienne sur l’Indépendance.
LLaa ppoolléémmiiqquuee ddeemmeeuurree qquuaanntt aauu nnoommbbrree ddee
vviiccttiimmeess ddee ccee qquuii sseerraa ccoommmmuunnéémmeenntt aappppeelléé llaa
««bbaattaaiillllee ddee PPaarriiss»»……
Oui, malheureusement on a eu de nombreuses
victimes, parce qu’on n’a pas été de mainmorte
comme on dit. Il y a eu environ 12000 personnes
arrêtées, dont la plupart ont été expulsées vers
l’Algérie, notamment dans des camps de concen-
tration ou dans leurs villages où ils seront assi-
gnés à résidence. Ils devaient pointer régulière-
ment à la SAS (Section administrative spéciali-
sée). Il y a eu environ 1500 personnes emprison-
nées sur place. Beaucoup sont restés dans les cen-
tres de tri en région parisienne, à l’image des cen-
tres de tri de Vincennes, Coubertin. Il y a eu aussi
environ 2400 blessés et 400 morts jetés dans la
Seine. En dehors de la région parisienne, il y a eu
aussi des manifestations pacifiques à partir du 20
octobre 1961 en province. Hommes, femmes et
enfants ont pris part à ces manifestations devant
les prisons, scandant des slogans : « Vive l’indé-
pendance de l’Algérie », « A bas le couvre-feu »,
« Vive le FLN », (FLN de l’époque de la Guerre de
Libération, pas celui post-indépendance »… A
cette époque, j’étais responsable de la « wilaya »
de Lyon, le soir du 17 octobre, je suis allé dans
l’est de la France, à Metz, Fedbac et autres gran-
des villes comme Lyon et Marseille, et dans le
nord de la France aussi. Après le 17 octobre à
Paris, le relais a été pris à partir du 20 octobre
dans d’autres « wilayas ». Ce sont d’autres villes
de province qui ont manifesté pour l’indépen-
dance de l’Algérie après le mouvement de protes-
tation de Paris. Il ne faut pas qu’on raconte des
salades sur l’histoire du pays. Il faut dire la
réalité. Ou on sait, ou on ne sait pas. Je le dis
parce qu’il y a beaucoup de « Zoros », qui se pren-
nent pour des héros de la Révolution. La
Révolution algérienne était démocratique et col-
lective.
OOnn ppaarrllee aauussssii ddee 8800 %% dduu bbuuddggeett ddee llaa
RRéévvoolluuttiioonn qquuii oonntt ééttéé aassssuurrééss ppaarr llaa FFééddéérraattiioonn
ddee FFrraannccee……
Exactement. Personnellement, je peux en
témoigner. Le 1er séminaire sur l’écriture de l’his-
toire à été fait sous l’ère du défunt président
Chadli Bendjedid, le 1er novembre 1981, au Club
des pins, à qui je rends hommage à cette occasion.
A l’époque, j’ai eu l’insigne honneur a partici-
per en tant que membre du bureau à ces travaux
pour représenter la Fédération de France. La
Fédération de France, à l’époque, dépendait du
Gpra. Entre-temps, Bentobal a été ministre de
l’Intérieur et supervisait la Fédération de France.
Donc, c’était lui qui recevait les rapports orga-
niques et financiers. Il a déclaré textuellement
que 80% du budget du Gpra venaient de la
Fédération de France du FLN. Je dis bien le Gpra
et non pas le FLN. C’est une déclaration que l’on
peut retrouver sur la presse nationale, et qui a été
rapportée lors du dernier séminaire sur l’écriture
de l’Histoire, le 1er novembre 1981. Ce budget
était assuré par les dons et les cotisations men-
suelles de la Fédération de France qui s’élevaient
à environ 1 milliard de Francs par mois. C’était
une véritable administration qui suivait les coti-
sations et les collectes réalisées parce qu’on appe-
lait les « porteurs de valises ». Chacun avait ses
responsabilités et des tâches bien claires et des
comptes à rendre à tous les niveaux.
Franchement, l’organisation de l’administration
était un trésor de guerre.
PPeeuutt--oonn ccoonnnnaaîîttrree lleess mmeemmbbrreess ddee llaa ddiirreeccttiioonn
ddee llaa FFééddéérraattiioonn ddee FFrraannccee àà ll’’ééppooqquuee??
Il y avait Kaddour Ladlani Amar qui était
chargé de l’organique, Ali Haroun, chargé des
avocats et de la presse. Il y avait également Rabah
Bouaziz, responsable de l’OS, Abdelkrim Souissi,
chargé des finances et de la section université
(SU), ainsi que Omar Boudaoud, coordinateur du
comité.
CCiinnqquuaannttee aannss aapprrèèss ll’’iinnddééppeennddaannccee,, yy aa--tt--iill
ééggaalliittéé ddeess ddrrooiittss eennttrree ttoouuss lleess mmoouuddjjaahhiiddiinnee,, àà
ssaavvooiirr eennttrree cceeuuxx ddee ll’’OONNMM eett ddee llaa FFééddéérraattiioonn ddee
FFrraannccee??
Evidemment, il y’avait une égalité totale entre
tous les moudjahidine de la Révolution.
Auparavant, on n’existait pas franchement. Mais
depuis que je suis à la tête de l’association de la
Fédération de France, et ce, depuis 2004, les cho-
ses ont beaucoup changé. Nous sommes exacte-
ment à égalité avec nos amis de l’intérieur. Il n’y
a aucune discrimination entre les moudjahidine
de la Révolution algérienne de 1954-1962. Ceux
qui ont un problème avec la Fédération de France
sont les bienvenus, et je m’engage personnelle-
ment à résoudre leur problème. AA.. CC..
MOHAND AKLI BENYOUNÈS, SÉNATEUR ET COORDINATEUR DE L’EX-FF DU FLN, À L’EXPRESSION
««8800 %% ddeess ccoottiissaattiioonnss pprroovveennaaiieenntt ddee llaa FFééddéérraattiioonn ddee FFrraannccee»»
EENNTTRREETTIIEENNRRÉÉAALLIISSÉÉPPAARR
AAMMAARRCCHHEEKKAARR
EVÉNEMENTS DU 17 OCTOBRE 1961 À PARIS
LLeess vviiccttiimmeess aatttteennddeenntt ttoouujjoouurrss uunnee rrééppaarraattiioonn
LLAA DDAATTEE du 17 Octobre 1961 est sortie du silence mais il reste à passer au stade de la reconnaissance
par les autorités politiques.
LLee 1177 ooccttoobbrree 11996611 àà PPaarriiss,, llaa
ffoolliiee mmeeuurrttrriièèrree ddee llaa FFrraannccee,,
eexx--ppuuiissssaannccee ccoolloonniiaallee,, ss’’eesstt
exprimée contre des Algériens.
30 000 Algériens manifestaient
contre le couvre-feu décrété par le
préfet de police, Maurice Papon, a
déclaré Mohammed Méchatti, mem-
bre du groupe des 22 et responsable
de la Fédération de France. La police
se livrait à une répression sanglante
et brutale dont le nombre de victi-
mes est estimé à des centaines de
vies. En effet, des hommes, des fem-
mes et des enfants effrayés, humi-
liés, jetés simplement dans la Seine
et laissés pour noyés. Les cadavres
seront, pour certains, retrouvés flot-
tant dans la Seine, d’autres complè-
tement ensevelis. Tandis que
d’autres avaient subi le parcage bes-
tial au Palais des sports, des tortures
sadiques des supplétifs harkis dans
les caves de la Goutte d’or, des des-
centes provocatrices dans les bidon-
villes de la banlieue. C’est dire à l’é-
vidence que entre les massacres du 8
Mai 1945 et les morts du métro
Charonne (8 février 1962), la jour-
née sanglante du 17 Octobre 1961
figure en bonne place dans la volu-
mineuse liste des atrocités meurtriè-
res commises par la France durant
la longue nuit coloniale. Pourtant,
aucune reconnaissance ni réparation
officielles depuis lors n’ont été attri-
buées aux victimes de 17 Octobre 61
à Paris. Les témoignages sont encore
vivaces dans la mémoire collective.
Ainsi, des historiens, (Benjamin
Stora Jean-Luc Einaudi, Jean-Paul
Brunet), des photographes, des
romanciers (Meurtres pour mémoire
de Didier Daeninckx), ont, chacun
de son côté, plongé dans les bas-
fonds de la Seine et fouillé dans les
bidonvilles de la banlieue et dépous-
siéré les caves de la Goutte d’or pour
déterrer et faire parler des centaines
de morts engloutis par l’oubli. Plus
magistral était néanmoins le poème
de Kateb Yacine : « La Gueule du
loup », mis en chanson par Les Têtes
raides en 1998, qui immortalise les
victimes des événements du 17
Octobre 1961 à Paris. « Peuple fran-
çais, tu as tout vu. Oui, tout vu de tes
propres yeux. Tu as vu notre sang
couler. Tu as vu la police assommer
les manifestants. Et les jeter dans la
Seine. La Seine rougissante. N’a pas
cessé les jours suivants. De vomir à
la face », avait écrit Yacine à la
mémoire des victimes. Cela en plus
des cinéastes qui ont foncièrement
contribué à la mise en lumière de l’é-
vénement puisqu’on recense une
vingtaine de films qui lui sont consa-
crés, dont le plus récent, la fiction de
Rachid Bouchareb, Hors la loi
(2010). S’ajoutant à cette œuvre
capitale, le film documentaire : « Ici
on noie les Algériens », réalisé en
2011 par Yasmina Adi, une œuvre
remarquable, qui en actualise dou-
loureusement la portée , les témoins
d’aujourd’hui, dont les veuves des
victimes, attendent toujours la
reconnaissance officielle du préju-
dice qui leur a été infligé. KK.. LL..--CC..
AABBDDEENNOOUURRMMEERRZZOOUUKK
BOUIRA
NNii ddiissssiiddeennccee,,
nnii rreeddrreesssseemmeenntt
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30 000 Algériens manifestaient contre le couvre-feu décrété par Maurice Papon