Discours de Madame George PAU-LANGEVIN, Ministre des outre

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Discours de Madame George PAU-LANGEVIN,
Ministre des outre-mer
Clôture Journée mondiale de l’océan
Lundi 8 juin 2015
France Télévisions
Monsieur le Président directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d’être parmi vous à l’occasion de cette journée mondiale des
Océans et je salue Rémy Pflimlin d’avoir pris la mesure de cet événement et d’avoir
organisé échanges et discussions sur ce thème aujourd’hui.
Les océans jouent un rôle primordial dans la lutte contre les effets du changement
climatique. Non seulement parce qu’ils abritent en leur sein une part majeure de la
biodiversité mondiale, parce qu’ils sont la source première de notre vie commune,
mais également parce qu’ils produisent la majeure partie de l’oxygène que nous
respirons.
Il existe une maxime de Francis Bacon que je garde en moi comme un précieux legs
de sagesse des temps anciens à notre monde contemporain. Je fais référence non au
Francis Bacon peintre irlandais des magnifiques Etudes pour une crucifixion ou des
Etudes pour une corrida, mais au philosophe anglais du XVIIème siècle, au pionnier
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de la pensée scientifique moderne. Voici ce qu’écrivait Francis Bacon il y a de cela
près de trois siècles : « Celui qui n’appliquera pas de nouveaux remèdes doit
s’attendre à de nouveaux maux ; car le temps est le plus grand des innovateurs. »
Longtemps, le monde du progrès s’est couché de bonne heure sans se préoccuper des
conséquences écologiques qu’il trouverait à son réveil.
Notre monde d’aujourd’hui est précisément ce monde du lendemain. Ce monde
soumis aux conséquences de ce qu’a pu produire le génie de l’homme, mais
également, comme disaient les Grecs, son hubris, son orgueil infini. Notre monde
commence déjà à payer le prix d’un développement économique sans mesure et
d’une foi aveugle dans le progrès technique et scientifique. Notre monde est déjà
confronté aux conséquences que peut avoir toute action humaine lorsqu’elle ne
s’adosse pas à une éthique de la responsabilité et à une vigilance inquiète quant à
l’impact que peut avoir toute action présente sur les générations à venir.
Il fut une époque, pas si lointaine, où le temps était à « refaire le monde ».
Le temps est aujourd’hui venu d’empêcher que notre monde ne se défasse.
Nul ne peut, dans le monde contemporain, s’estimer indifférent au sort de notre
planète. Nul ne peut se considérer comme le seul spectateur de la catastrophe
environnementale, humaine et morale qui risque de s’accomplir si nous n’y prenons
garde.
Dans notre monde contemporain, chaque être humain est interpellé individuellement.
Soit nous nous comportons en responsabilité, soit nous nous faisons complices du
désastre qui nous menace.
Il est décisif que chacun se sente en responsabilité face à la situation qui nous occupe.
Les risques écologiques que nous rencontrons collectivement ne doivent pas être
imputés à un coupable anonyme. Au choix : « la mondialisation », le « capitalisme »,
l’ « économie de marché », ou je ne sais quelles autres abstractions encore.
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Invoquer la responsabilité collective est toujours une bien piètre manière de se
défausser de sa responsabilité individuelle.
Chacun doit prendre la mesure de ce que son comportement individuel a un impact
direct sur ces questions, sur leur aggravation, ou au contraire sur les solutions en
mesure d’y apporter.
Responsabilité individuelle de chacun de nos concitoyens. Responsabilité
individuelle de chaque responsable politique qui est en mesure d’agir sur le cours des
événements. Responsabilité personnelle, si j’ose m’exprimer ainsi, de la France ellemême.
Blâmer les pays émergents, blâmer les pays en voie de développement, ou blâmer les
grandes puissances, ce que nous savons faire, pour mieux nous défausser des
responsabilités qui sont les nôtres, n’est rien moins que de nous exonérer de nos
fautes en agitant celles des autres. C’est reprendre la célèbre formule de cours de
récréation : « C’est lui qui a commencé. »
Je tiens à saluer tous ceux qui ont, avant tout le monde et contre l’opinion commune,
alerté sur les risques que notre monde faisait encourir à notre planète, le risque que
nous faisions encourir à nos enfants et aux générations à venir. Etre porteur de vérité
dans une époque qui n’en veut rien savoir est toujours une responsabilité aussi lourde
que coûteuse.
Je sais que certains de ceux-là sont présents aujourd’hui parmi nous. Que chacun en
soit remercié et salué.
Ces hommes et ces femmes nous ont obligés à voir la vérité en face : nous avons
dépassé les limites de ce que notre planète peut supporter. Cela veut-il dire comme le
caricaturent certains que le progrès est condamné, que notre qualité de vie deviendra
bientôt un lointain souvenir ? Certainement pas.
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La responsabilité politique pour les temps à venir n’est pas de nous infliger une vie
de pénurie. Ces annonces de débâcles, nous le savons, ne sont que les pourvoyeuses
de bonnes raisons de ne pas agir.
L’enjeu, tout au contraire, est de créer les conditions de la croissance de demain.
L’inventivité, la recherche, l’innovation sont d’immenses sources d’espoir. Ce n’est
jamais la technologie en elle-même qui est condamnable, mais l’utilisation qu’en font
les hommes. Il nous faut pour cela réorienter notre approche économique,
technologique et environnementale.
Notre pays, cette Journée est aussi là pour nous le rappeler, a le devoir de faire face à
ses responsabilités.
La France possède la seconde surface mondiale, sur quatre océans, et le premier
linéaire européen maritime avec 18.000. km. L’économie maritime représente par
ailleurs 900.000 emplois, notre pays compte plus de 550 ports, plus de 350 millions
de tonnes de marchandises et plus de 55.000 km2 de récifs coralliens et de lagons.
C’est en majeure partie grâce à nos Outre-mer que la France possède le second
domaine maritime mondial. C’est là une grande chance et une grande richesse, mais
également une grande responsabilité pour notre pays : celle, tout en développant la
croissance de la France, de protéger nos éco-systèmes marins.
En tant que ministre des Outre-mer, ma responsabilité est d’agir en vue de concilier
le développement économique et social de ces territoires et la préservation de leur
environnement. Nos territoires ultramarins concentrent un patrimoine naturel
exceptionnel, et représentent près de 80% de la biodiversité nationale.
Le Gouvernement s’est résolument engagé dans la transition écologique et
énergétique. Les Outre-mer ont pour vocation d’être en pointe de cette mutation.
Nombreuses sont les initiatives de protection de l’environnement marin d’ores et déjà
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en place et qui seront renforcées dans le cadre du projet de loi relatif à la biodiversité
porté par la Ministre de l’Ecologie.
Protéger nos ressources liées à la mer ce ne doit pas, et ce ne sera pas neutraliser ces
ressources ou les mettre sous cloche.
Il s’agit au contraire de réorienter notre modèle économique vers le développement
durable. Nombreuses sont les opportunités d’une exploitation des richesses marines
respectueuses de l’environnement, que cela soit en matière d’éco-tourisme, de pêche
et d’aquaculture durable, d’énergies marines dont les bio-carburants à base d’algues,
comme de recherche médicale et cosmétique.
Il est de notre intérêt comme de notre responsabilité à tous, de promouvoir le
développement d’activités maritimes durables, d’élaborer et de mettre en œuvre ce
que l’on appelle la « croissance bleue ».
Les entreprises françaises et ultra-marines sont très dynamiques en la matière. La
tâche du ministère des Outre-mer consiste à encourager et à soutenir ces initiatives.
C’est dans cette perspective, par exemple, que nous avons mis en place le crédit
d’impôt recherche renforcé à 50% dans les outre-mer. Ce crédit permet, par exemple,
le développement à La Réunion de start-up visant à valoriser les micro-algues par la
biotechnologie en vue de produire de l’énergie, du carburant ou de les exploiter à des
fins alimentaires restées encore inédites.
Le soutien apporté par le Gouvernement aux Outre-mer en matière de croissance
bleue vise à faire des Outre-mer la vitrine de l’excellence française en vue de
remporter des marchés sur la scène internationale, tant en matière environnementale
qu’industrielle.
Notre objectif est tout à la fois d’assurer l’autonomie énergétique de nos territoires
d’Outre-mer tout en renforçant nos entreprises et en développant notre économie.
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Permettez-moi de vous donner quelques exemples concrets de perspectives qui
s’offrent à nous en matière d’énergie marine.
A La Réunion, un projet pilote de centrale houlomotrice vise à produire des énergies
renouvelables en tirant avantage de la houle et des courants. A la Martinique, le
projet d’énergie thermique des mers « NEMO » utilise la différence de température
entre les eaux froides des grands fonds et l’eau de surface pour produire de
l’électricité. En Polynésie, le projet SWAC a vu le jour à Bora Bora et permet de
climatiser des bâtiments grâce à l’eau froide prélevée en profondeur.
Nos entreprises possèdent un savoir-faire reconnu internationalement. Les projets les
plus innovants sont portés par des entreprises françaises, tels qu’EDF, Engie, Akuo
Energy, DCNS, Technip ou Eramet.
Ces projets visent à atteindre l’objectif d’autonomie énergétique des territoires
d’Outre-mer.
Le concept de « croissance bleue » vise à faire reconnaître que les mers et les océans
sont des moteurs de l’économie, et offrent un potentiel considérable en matière
d’innovation et de croissance. L’économie bleue représente plus de cinq millions
d’emplois et près de 500 milliards de valeur ajoutée chaque année.
L’aquaculture, le tourisme côtier, les biotechnologies marines, les énergies marines
renouvelables ou l’exploitation des grands fonds marins sont des secteurs porteurs et
prometteurs. Le Premier ministre en décembre dernier a donné comme défi à notre
pays d’être au rendez-vous de la croissance bleue. Les Outre-mer, qui représentent
près de 97% de notre domaine maritime, constituent un réservoir décisif de
croissance bleue, mais également de développement économique pour notre pays
dans son ensemble.
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Ceux qui nous imposent des fausses alternatives ne doivent pas être écoutés. Il ne
s’agit pas de devoir choisir entre la prospérité et la préservation de nos océans et de
notre planète. Il s’agit tout au contraire de permettre à l’innovation, à l’inventivité et
à l’intelligence de nos chercheurs, de nos entrepreneurs et des décideurs que nous
sommes, de penser notre développement économique à l’aune de nos responsabilités
environnementales ,et du monde que nous voulons laisser à nos enfants.
Non seulement tout modèle de croissance excessive est condamné, mais c’est
également la paix dans notre monde qui est en danger si nous ne faisons rien. Le péril
environnemental, c’est la menace de conflits meurtriers pour accéder à l’eau ou à la
nourriture. Le péril environnemental, ce sont des centaines de millions de réfugiés
climatiques, c’est une démultiplication des sécheresses, des tsunamis, des cyclones,
des inondations et des sécheresses, des maladies et des épidémies.
Nos enfants n’ont pas à payer pour notre égoïsme. Nous ne pouvons laisser les
générations futures être les débiteurs des inconséquences de notre présent.
La protection des océans, et par extension la protection de l’environnement, c’est
pour nous ,prendre à bras le corps, la cause des générations futures.
Le souci écologique est un acte de solidarité du présent envers l’avenir. Notre souci
éthique et humaniste nous intime de ne pas tenir pour nuls, ceux qui ne sont pas
encore advenus.
La responsabilité qui nous incombe est une responsabilité envers les générations qui
viendront après nous. Elle est également une responsabilité envers le monde luimême.
La question qui se pose à nous aujourd’hui est autant celle de savoir quel monde nous
allons laisser à nos enfants que celle, tout aussi impérieuse, de savoir quels enfant
nous allons laisser à notre monde ?
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Comment exiger des générations futures qu’elles soient à leur tour les gardiens du
monde si nous nous comportons comme si nous voulions emporter avec nous notre
planète, dans notre tombeau ?
La « morale minimale » et la « décence commune », comme disait Orwell, requièrent
de la sagesse et de l’humilité. Celle qui consiste à ne pas vouloir que notre monde
meure avec nous.
Merci à vous de contribuer à ce travail de lucidité, de vigilance et de solidarité à
l’égard de ceux qui viendront après nous.
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