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ELEMENTS DE REPONSE :
La référence à la fable de La Fontaine est évidente, et vous ne pouvez lire ce texte que dans ce cadre : si vous ne le
faisiez Pas, cette histoire paraîtrait assez gratuite, sa langue étrange (avec des formes vieillies, comme la finale du
verbe en « ois ou l'orthographe de août en « oût »), et sa signification (éloge humoristique de la dépense et critique
de la thésaurisation) resterait perceptible mais n'aurait pas le relief qu'elle prend dans cette opposition terme à
terme avec le texte de La Fontaine.
Nous avons là un phénomène d'intertextualité très marqué. Le plaisir de lecture tient souvent, mais vous êtes juge
de votre propre plaisir, à la reconnaissance du texte source et à l'identification des transformations qui en sont
faites. Un jeu s'instaure, pour le lecteur qui connaît la suite de la fable de La Fontaine (quelle chute possible,
comment récupérer tous les éléments, comment adapter à une autre époque, quelles significations nouvelles lui
donner ?) et sa lecture est largement influencée par cette comparaison du texte source et du texte de Françoise
Sagan.
Le procédé très précis consiste à reprendre les mêmes personnages, la même relation conflictuelle, les mêmes
objets (vermisseaux, grain...), et surtout les mêmes mots ou expressions qui les désignent. Elle consiste
parallèlement à inverser la saison (été et non hiver), à transformer certains caractérisants (« prêteuse » devient «
gourmande », « emprunteuse » devient « amasseuse ») et à changer l'époque de référence (les soldes et le stock
sont bien sûr très modernes) ce qui modifie le rapport de forces entre les personnages. La signification se
transforme aussi mais de manière plus nuancée qu'il n'y paraît. Avec Françoise Sagan il y a manifestement une
critique de la thésaurisation. Pour autant, la fable de La Fontaine ne renvoyait pas spécialement une image positive
de la fourmi. Elle suggérait que la thésaurisation est cousine de l'avarice et qu'elle conduit à une certaine
méchanceté. La signification ne se retourne pas exactement, d'un texte à l'autre. Et la lecture du second oblige à un
retour critique, et à un débat, sur le sens du premier. Ce qui souligne bien que la lecture des textes, dans leurs
relations croisées, conduit à une interprétation plus ouverte et souvent plus fine de leurs significations.