Exercice - Français 2016 Entraînement : analyse d'une production d'élève Voici un texte. Lisez-le et demandez-vous comment il fait sens pour vous, quelles sont les modalités précises qui vous permettent d'en comprendre la portée, et éventuellement d'y trouver un certain plaisir. La Fourmi, ayant stocké tout l'hiver se trouva fort encombrée quand le soleil fut venu : Qui lui prendrait les morceaux de mouches ou de vermisseaux ? Elle tenta de démarcher chez la Cigale sa voisine, La poussant à acheter quelque grain pour subsister jusqu'à la saison prochaine. « Vous me paierez, lui dit-elle, après l'oût, foi d'animal, intérêt et principal . » La cigale n'est pas gourmande : c'est là son moindre défaut. « Que faisiez-vous au temps froid ? dit-elle à cette amasseuse. -Nuit et jour à tout venant, je stockois, ne vous déplaise. -Vous stockiez ?j'en suis fort aise : eh bien ! soldez maintenant. » Ce texte est extrait d'un petit album dont les illustrations renforcent l'aspect humoristique (voir l'illustration de la page 15, ci-contre). Si l'on ajoute que Françoise Sagan est l'auteure du texte et qu'elle serait plus cigale que fourmi, le sel de l'histoire est plus évident. Source : Françoise Sagan, La Fourmi et la cigale, Editions Safrat, Lire c'est partir, 1998. 1 Copyright – Tous droits réservés © Mélodie VERGES https://mamanfuturemaitresse.wordpress.com Exercice - Français 2016 ELEMENTS DE REPONSE : La référence à la fable de La Fontaine est évidente, et vous ne pouvez lire ce texte que dans ce cadre : si vous ne le faisiez Pas, cette histoire paraîtrait assez gratuite, sa langue étrange (avec des formes vieillies, comme la finale du verbe en « ois ou l'orthographe de août en « oût »), et sa signification (éloge humoristique de la dépense et critique de la thésaurisation) resterait perceptible mais n'aurait pas le relief qu'elle prend dans cette opposition terme à terme avec le texte de La Fontaine. Nous avons là un phénomène d'intertextualité très marqué. Le plaisir de lecture tient souvent, mais vous êtes juge de votre propre plaisir, à la reconnaissance du texte source et à l'identification des transformations qui en sont faites. Un jeu s'instaure, pour le lecteur qui connaît la suite de la fable de La Fontaine (quelle chute possible, comment récupérer tous les éléments, comment adapter à une autre époque, quelles significations nouvelles lui donner ?) et sa lecture est largement influencée par cette comparaison du texte source et du texte de Françoise Sagan. Le procédé très précis consiste à reprendre les mêmes personnages, la même relation conflictuelle, les mêmes objets (vermisseaux, grain...), et surtout les mêmes mots ou expressions qui les désignent. Elle consiste parallèlement à inverser la saison (été et non hiver), à transformer certains caractérisants (« prêteuse » devient « gourmande », « emprunteuse » devient « amasseuse ») et à changer l'époque de référence (les soldes et le stock sont bien sûr très modernes) ce qui modifie le rapport de forces entre les personnages. La signification se transforme aussi mais de manière plus nuancée qu'il n'y paraît. Avec Françoise Sagan il y a manifestement une critique de la thésaurisation. Pour autant, la fable de La Fontaine ne renvoyait pas spécialement une image positive de la fourmi. Elle suggérait que la thésaurisation est cousine de l'avarice et qu'elle conduit à une certaine méchanceté. La signification ne se retourne pas exactement, d'un texte à l'autre. Et la lecture du second oblige à un retour critique, et à un débat, sur le sens du premier. Ce qui souligne bien que la lecture des textes, dans leurs relations croisées, conduit à une interprétation plus ouverte et souvent plus fine de leurs significations. 2 Copyright – Tous droits réservés © Mélodie VERGES https://mamanfuturemaitresse.wordpress.com