Tawfiq Belfadel La Femme chez Maïssa Bey Étude littéraire 2 2 A toutes ces femmes en détresse partout dans le Tout-Monde « À l’heure où des voix nouvelles prennent explicitement les femmes pour cibles, les chargeant avec imprudence de tous les maux de la société, il devient essentiel d’ancrer la question féminine dans la conscience algérienne. » Rachid Mimouni 1 1 Préface de Rachid Mimouni pour Souad Khodja “A comme Algériennes”, éd. ENAL, Alger, 1991, p4. 2 3 42 1 Introduction La littérature algérienne de langue française a une longue histoire qui, contrairement à ce que pensent tant de lecteurs, ne commence pas avec le débarquement de la France. Après une littérature faite par des voyageurs, l’Algérie, pays traversé par de multiples cultures, a vu naître au début du XX siècle une littérature de langue française faite par les enfants qu’elle avait enfantés, et qui, bien qu’ils aient écrit en français, n’ont jamais quitté la réalité algérienne. Cette littérature était pétrie grâce à un long processus, et s’était développée au fur et à mesure en quantité et en qualité, s’adaptant inlassablement sur le plan thématique comme sur le plan esthétique pour donner une voix aux aspirations des Algériens. Dans toutes les littératures, la femme est omniprésente, que ce soit explicitement ou implicitement car la littérature est étroitement liée à la 2 5 société qui la véhicule, car il n’y a pas de textes « qui ne donnent une même vision, une même analyse, en situation, des rapports qui peuvent exister entre hommes et femmes. »2. La femme, dans la littérature algérienne de langue française, est omniprésente dans tous les genres – nouvelle, poèmes, essai, théâtre –, mais surtout dans le roman. Cet intérêt à la condition féminine n’est pas né avec Maissa Bey, Assia Djebar ou Rachid Boudjedra ; c’est une longue histoire. Avant que soit née une littérature féminine, celle faite par les femmes, souvent sur la femme et ses souffrances, c’étaient les écrivains hommes qui parlaient de la femme puisque le nombre d’écrivaines et de leurs productions était très restreint. Jacques Madelain3 montre que les anciennes œuvres, comme celles de Mouloud Feraoun par exemple, évoquaient de manière superficielle la condition féminine et les milieux féminins. Pour lui, il y avait dans ces œuvres-là une pudeur qui serait liée à la réception (le public), mais aussi au fait qu’il y avait d’autres thèmes que les écrivains jugeaient prioritaires. Cependant, « de 1945 à aujourd’hui, cette pudeur s’est considérablement dissipée […] »4 2 Maissa Bey, “L’ombre d’un homme qui marche au soleil. Réflexions sur Albert Camus”, éd. Chevre-Feuille étoilée, Montpellier, réed 2006, p63. 3 Jacques Madelain, “L’errance et l’itinéraire. Lecture du roman maghrébin de langue française.”, éd. Sindbad, coll. Hommes et sociétés, Paris, 1983. 4 Jacques Madelain, “L’errance et l’itinéraire. Lecture du roman 62