DOSSIER - Elunet

publicité
8 PAGES
Dossier
magazine
de Valenton
l
a
p
i
c
i
n
u
m
n
o
i
t
d’informa
• 214
2
6
9
1
4
5
9
1
E
I
R
É
G
L
A
’
D
E
LA GUERR
1954-1962 : 2 800 JOURS VERS L’INDÉPENDANCE
CHRONOLOGIE D’UNE INDÉPENDANCE
LA FRANCE TORTURÉE PAR SA MÉMOIRE
DOSSIER
magazine municipal d’informations de Valenton • 214
1954-1962 : 2 800 jours vers l’ind
Le budget de
fonctionIl y a
cinquante ans, la
signature des
accords d’Évian
mettait un terme à
la guerre d’Algérie.
Une guerre
d’indépendance
dont la durée, le
bilan humain et
économique sont de
la responsabilité
des gouvernements
français successifs
de l’époque. Ceux de
René Coty, du
général De Gaulle
en passant par celui
de Guy Mollet, tous
se sont obstinés à
vouloir garder
l’illusion d’un
empire colonial où
le pétrole valait
plus cher que les
vies humaines.
Retour sur les
origines de ce
sanglant conflit.
Le Cessez-le-feu a été proclamé le 19 mars 1962, mettant un terme à 8 années de guerre et 132 années de colonisation.
u nom du Gouvernement provisoire de la
République algérienne, mandaté par le Conseil
national de la révolution algérienne, je proclame le Cessez-le-feu, sur tout le territoire algérien à partir du 19 mars 1962 à douze heures. J’ordonne, au nom
du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GRPA), à toutes les forces combattantes de l’Armée de libération nationale l’arrêt des opérations militaires et des actions armées sur l’ensemble du territoire
algérien.»
Cette déclaration de Benyoucef Ben Khedda, président
du GPRA émise sur les antennes de Radio Tunis, met officiellement fin à huit années de guerre et à 132 années
de colonisation. Le 5 juillet 1962, l’Algérie est officiellement indépendante.
Durant 132 ans, l’Algérie fut en effet une terre coloniale : l’Algérie française. L’écrasante majorité de ses habitants, de religion musulmane, plus de 8,5 millions, était
face à 950 000 Français, dans une situation criante d’infériorité économique, sociale et culturelle. Certains,
encore aujourd’hui, prétendent pourtant que la France
a fait œuvre positive en terre algérienne.
«A
Durant 132 ans, l’Algérie fut une terre colonisée.
En 1952, elle comptait 8,5 millions d’Algériens
et 950 000 Européens.
En 2005, des députés UMP ont ainsi tenté de faire voter
une loi qui devait préciser que «les programmes scolaires
reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence
française outre-mer, notamment en Afrique du Nord
(…)». Cette loi inique a soulevé à juste titre l’opposition
d’historiens, d’enseignants, mais aussi de tous ceux et
toutes celles que révolte le silence fait sur les massacres qui ont jalonné l’histoire de la conquête et de la
domination coloniales.
La majorité de la population algérienne était loin en
effet de bénéficier des «bienfaits de la colonisation» et
du niveau de vie des colons. La question scolaire, par
exemple, le montre bien. Outre le fait que les enfants
algériens devaient apprendre que leurs ancêtres étaient
les Gaulois, sur une population de 1 250 000 enfants de
six à quatorze ans, moins de 100 000 étaient scolarisés.
Dans le même temps, 96 % des enfants d’origine européenne vont à l’école. Les Algériens sont employés «bon
marché» à la construction des infrastructures routières
et ferroviaires et dans les coopératives agricoles, propriétés des colons. Ces derniers ne sont toutefois pas tous
de riches propriétaires. Nombreux sont ceux aussi qui
occupent des postes d’artisans, de commerçants ou
d’ouvriers.
Les différences de salaires sont criantes entre les «indigènes» et les Européens. De très nombreuses professions leur sont interdites d’accès, dont toutes celles de
la fonction publique ainsi que la reconnaissance du sta-
DOSSIER
magazine municipal d’informations de Valenton • 214
dépendance
tut de citoyen. Le droit de vote n’est accordé qu’à
quelques milliers de musulmans fortunés et…conciliants !
Les campagnes sont dans un état de très grande misère.
Entre 1946 et 1954, le taux de mortalité enfantine n’y
chute d’ailleurs que de 10 %. Et l’Algérie c’est aussi des
milliers d’hommes qui viendront se battre et mourir sur
le sol français durant les deux guerres mondiales.
Mais si certains historiens considèrent, à juste titre,
que la guerre d’Algérie a commencé à partir de 1830, au
moment où la France conquiert par la force le territoire algérien, d’autres avancent que les massacres de
Sétif et Guelma, en mai et juin 1945, marquent le véritable début de l’engagement du peuple algérien pour la
conquête de son indépendance.
Le massacre de Sétif
Le 8 mai 1945, en France, on fête la fin de Seconde
Guerre mondiale. Ce jour-là, les Algériens, eux aussi,
fêtent la chute du nazisme. Mais dans le même temps,
ils affirment leur opposition à la présence coloniale
française. Sur certaines de leurs banderoles on peut
lire : «À bas le fascisme et le colonialisme».
Dans la ville de Sétif, la police tire alors sur les manifestants et en tue des centaines. Le soulèvement gagne
d’autres villes. Les autorités politiques et militaires
françaises se lancent alors dans une véritable guerre de
représailles provoquant la mort de 10 000 à 15 000 personnes en quelques semaines.
À Guelma, ce sont les civils européens qui conduisent
le massacre de 2 000 Algériens. Le nationalisme algérien,
qui était alors encore très faible, chemine parmi la
population algérienne. L’aspiration à l’indépendance
marque des points. D’autant que dans le même temps,
d’autres nations ont acquis leur indépendance (la Syrie
et le Liban en 1946).
Dans d’autres pays, c’est la guerre, comme en Indochine, à qui la France s’obstine à refuser aussi l’indépendance. Cette guerre dure de 1946 à 1954 et s’achève
par une défaite cuisante de la France à Diên Biên Phu.
En Algérie, ceux qui militent pour l’indépendance ne peuvent ignorer cette défaite, qui prouve qu’ils ont une
chance de vaincre la puissance coloniale. Ces derniers
appartiennent à une organisation, alors inconnue, le
FLN, le Front de Libération Nationale. Six hommes,
dont les noms sont encore aujourd’hui très peu connus
en France, dirigent cette organisation : Krim Belkacem, Mostefa Boulaïd, Larbi Ben M’Hidi, Rabah Bitat,
Mohamed Boudiaf et Didouche Mourad. Le chef est
alors Mostefa Boulaïd, meunier de profession. Arrêté
en 1955, jugé et condamné à mort, il s’échappera de sa
prison, avant d’être tué au combat en mars 1956.
La Toussaint rouge
La population algérienne était loin de bénéficier du niveau de vie des colons. Sur une population
de 1 250 000 enfants de six à quatorze ans, moins de 100 000 étaient scolarisés.
férentes villes des Aurès et de Kabylie contre des postes de polices et des casernes, symboles de la présence
coloniale française. Cette première insurrection cause
la mort de sept personnes. Les actions commises cette
nuit-là, baptisée «Toussaint rouge», indiquent clairement
qu’il s’agit d’une action concertée, organisée par un
même groupe d’hommes.
En France, c’est Pierre Mendès France qui dirige le
gouvernement et le problème algérien n’est nullement
à l’ordre du jour. La flambée de violence du 1er novembre est perçue comme un léger incendie. «L’Algérie,
c’est la France. L’Algérie restera la France», déclare
précisément François Mitterrand, qui sera ministre de
l’Intérieur puis ministre de la Justice et veut néanmoins
abattre la rébellion.
Il croit alors à l’exemplarité de la peine capitale. La
«veuve» (la guillotine) entre en scène en Algérie. Quand
il quitte le gouvernement en mai 1957, 45 militants
algériens ont été condamnés à mort et guillotinés, au
terme de procédures de «pouvoirs spéciaux», décidées
par le gouvernement socialiste dirigé par Guy Mollet.
Mais, même si le gouvernement continue de prétendre
que ces actes de soulèvement sont sans conséquences,
il envoie néanmoins des renforts militaires en Algérie.
Toutefois, personne ne comprend qu’une nouvelle guerre
vient de commencer. Et personne ne peut imaginer
alors que l’Algérie sera indépendante 2 800 jours plus
tard. ■
Le 1er novembre 1954, 30 attentats sont commis dans dif21
Le 1er novembre
1954, des
attentats sont
commis dans
différentes
villes. La guerre
d’Algérie vient
de commencer !
DOSSIER
magazine municipal d’informations de Valenton • 214
Chronologie d’une indépendance
1954
1er novembre :
proclamation du Front de
libération nationale
(FLN). Une vague
d'attentats contre les
Français en Algérie
marque le début de la
guerre.
Décembre : création du
Mouvement nationaliste
algérien (MNA) de
Messali Hadj. Les
membres du Mouvement
pour le triomphe des
libertés démocratiques
(MTLD) sont arrêtés.
1955
31 mars : l'état d'urgence
est proclamé dans les
Aurès et la Grande
Kabylie et la censure est
instaurée.
16 mai : les effectifs de
l'armée française en
Algérie sont portés de
50 000 à 100 000 hommes.
20 août : le soulèvement
d’Algériens dans le
Philippevillois est
sévèrement réprimé,
faisant une centaine de
morts.
30 août : en raison de
l'extension de la rébellion
armée, l'état d'urgence
est proclamé dans
l'ensemble de l'Algérie.
11 septembre : à Paris,
première manifestation
des appelés du
contingent qui refusent
de partir en Algérie.
1956
6 février : Guy Mollet,
président du Conseil, est
accueilli à Alger par les
manifestations d'hostilité
des Européens. Il déclare
que «la France doit rester
en Algérie et elle y
restera».
11 mars : l'Assemblée
nationale vote les
pouvoirs spéciaux au
gouvernement Guy
Mollet.
11 avril : le service
militaire est porté de 18 à
27 mois, 70 000
«disponibles» du
contingent de 1953 sont
rappelés.
19 mai : l'Union générale
des étudiants musulmans
d'Algérie invite les
étudiants et les
intellectuels à rejoindre
le FLN et l'Armée de
libération nationale
(ALN).
5 juillet : grève générale
des Algériens, en France
et dans le département
d'Alger.
Septembre : les effectifs
militaires sont portés à
600 000 hommes en
Algérie.
22 octobre :
détournement par les
autorités françaises d'un
DC-3 de Royal Air Maroc
qui transporte plusieurs
dirigeants du FLN, dont
Ben Bella, de Rabat à
Tunis.
1er-14 décembre : le
général Raoul Salan est
nommé commandant en
chef en Algérie.
5 décembre : le
gouvernement français
dissout les conseils
généraux et les
municipalités en Algérie.
Alger. Plus de 30 morts et
une centaine de blessés.
Fin février : de nombreux
dirigeants du FLN sont
arrêtés.
26 février : le quotidien
L'Humanité publie la
lettre d'un soldat français
qui dénonce l'utilisation
de la torture par l'armée
française en Algérie. Un
mois plus tard, le général
Jacques de La
Bollandière demandera à
être relevé de son
commandement en
Algérie pour protester
contre la torture.
Mars : Larbi Ben M’Hidi,
à l'origine de la création
du FLN, est assassiné par
les parachutistes du
colonel Bigeard, après
avoir été torturé.
1958
Janvier-mai : bataille du
barrage de l'estConstantinois.
7 janvier : début de
l'exploitation du pétrole
saharien.
8 février : le groupement
aérien de Constantine
1957
décide, avec l'accord du
7 janvier : la 10e division
général Salan, le
de parachutistes du
bombardement de
général Massu est
Sakhiet-Sidi-Youssef.
chargée du maintien de
L'opération fait 70 morts,
l'ordre à Alger. Début de
dont 21 enfants d'une
la bataille d’Alger.
école.
Janvier/février :
13 mai : prise du
recrudescence d'attentats gouvernement général
par les Européens d’Alger.
à la bombe contre des
Un Comité de salut public
civils et des militaires à
est créé sous la
présidence du général
Massu, et on fait appel au
général de Gaulle.
14 mai : Salan crie «Vive
de Gaulle» à Alger. De
Gaulle se déclare prêt à
assumer les pouvoirs de
la République.
28 mai : grande
manifestation pour la
défense de la République
à Paris, de la place de la
Nation à la place de la
République.
1er juin : l'Assemblée
nationale investit De
Gaulle par 339 voix
contre 224.
4 juin : dans un discours
à Alger, De Gaulle déclare
aux Européens «Je vous
ai compris».
19 septembre : formation
du Gouvernement
provisoire de la
République algérienne
(GPRA). Ferhat Abbas est
le premier président du
GPR.
28 septembre : la
nouvelle Constitution est
approuvée par
référendum (79% de oui
en métropole, 95% en
Algérie). Naissance de la
Ve République le
5 octobre.
3 octobre : De Gaulle
annonce à Constantine
un plan de
développement en 5 ans
pour l’Algérie.
23 octobre : dans une
conférence de presse, De
Gaulle propose au FLN la
paix des braves.
21 décembre : De Gaulle
est élu président de la
République.
1959
Fin juillet : début des
opérations «Jumelles» en
Grande Kabylie. De très
nombreux villages sont
bombardés.
27-31 août : première
tournée des «popotes» de
De Gaulle en Algérie.
«Moi vivant, jamais le
drapeau du FLN ne
flottera sur l'Algérie».
Début septembre : début
des opérations «Pierres
précieuses» en Petite
Kabylie.
28 septembre : le GPRA
refuse la proposition de
De Gaulle. Il exige
l'indépendance totale
avant toute discussion.
28 novembre : Ben Bella
et les dirigeants arrêtés
en 1956 sont désignés
comme négociateurs par
le FLN.
1960
19 janvier : le général
Massu est muté en
métropole pour avoir
critiqué la politique du
général De Gaulle.
24 janvier : début de la
semaine des barricades à
Alger. 22 morts et
150 blessés le premier
jour.
13 février : explosion de
DOSSIER
magazine municipal d’informations de Valenton • 214
Première image à
l’arrivée en Algérie pour
les appelés : la baie
d’Alger.
la première bombe
atomique française dans
le Sahara algérien.
3-5 mars : De Gaulle en
Algérie insiste sur la
nécessité d'une victoire
complète et sur le droit
de la France à rester en
Algérie, mais parle d'une
«Algérie algérienne liée à
la France». Il renouvelle
l'offre de négociations.
25-29 juin : entretiens de
Melun avec les émissaires
du GPRA. Les
négociations échouent
quand le GPRA se rend
compte qu'il s'agit de
discuter d'un cessez-lefeu.
6 septembre : publication
du «Manifeste des 121»
sur le droit à
l'insoumission en Algérie.
Octobre : rafles et
bastonnades d'Algériens à
Paris et en banlieue.
9 - 12 décembre : dernier
voyage de De Gaulle en
Algérie. Manifestations
populaires violentes à
Alger, pour le soutien au
FLN, au GPRA et à
l'indépendance de
l'Algérie.
20 décembre : les Nations
Unies reconnaissent à
l'Algérie le droit à
l'autodétermination.
1961
8 janvier : par
référendum, les Français
se prononcent à 75% pour
le droit à
l'autodétermination du
peuple algérien.
Fin janvier : création de
l'Organisation armée
secrète (OAS)
rassemblant des
activistes d’extrême
droite européens contre
l'indépendance de
l'Algérie.
20 février : rencontre
entre Georges Pompidou
et le FLN en Suisse.
26 avril : échec du putsch
tenté par les généraux :
Challe, Jouhaud, Zeller et
Salan.
20 mai-13 juin : premiers
entretiens d'Evian.
14 juillet : recrudescence
des attentats de l'OAS.
20 juillet : nouveaux
entretiens entre la
France et le FLN au
château de Lugrin. Les
discussions achoppent
sur la question du
Sahara.
5 août : nombreux
attentats du FLN et de
l'OAS en Algérie.
6 octobre : instauration
d'un couvre-feu à Paris et
en région parisienne pour
les seuls Algériens, de 20
h 30 à 5 h 30 du matin.
17 octobre :
manifestations pacifiques
plusieurs dizaines de
milliers d'Algériens dans
les rues de Paris. La
répression policière fait
des dizaines de morts, des
centaines de blessés et
plus de 10 000
arrestations. Des corps
sont jetés dans la Seine.
19 décembre : la CGT, la
CFDT, l'UNEF, le PSU et
le PCF organisent en
France des
manifestations en faveur
de la négociation avec
l'Algérie et contre l'OAS.
1962
Janvier : attentats à Alger
et en métropole commis
par l'OAS et les anti-OAS.
8 février : manifestation,
à l'appel des syndicats et
de partis politiques,
contre les exactions de
l'OAS et pour la paix en
Algérie. Violente réaction
policière : 8 morts et plus
de cent blessés au métro
Charonne.
7 mars : ouvertures des
négociations d'Evian.
16 mars : signature des
accords d'Evian. Il ne
s'agit pas d'un traité
entre deux États, mais
d'un programme commun
proposé à la ratification
par référendum (le 8 avril
1962 en France et le
1er juillet 1962 en
Algérie).
19 mars : annonce
officielle du Cessez-le-feu
en Algérie.
23 mars : insurrection et
siège de Bab-el-Oued.
26 mars : à Alger, les
troupes françaises
ouvrent le feu sur une
foule d'Européens qui
manifestent contre les
accords d'Evian et font 46
morts et 200 blessés.
8 avril : référendum en
métropole. 90,7% des
votants approuvent les
accords d'Evian.
1er juillet : référendum
d'autodétermination en
Algérie. L'indépendance
est approuvée par 99,72 %
des votants.
3 juillet : De Gaulle
reconnaît l'indépendance
de l'Algérie.
5 juillet : proclamation de
l'indépendance nationale
de l’Algérie. ■
CAMPS DE REGROUPEMENT ET CAMPS
D’INTERNEMENT
Les camps de regroupements sont des lieux où les populations
algériennes de certaines régions sont déplacées pour les soustraire à
l’influence du FLN et laisser place nette à l’armée.
Plus d’un million de personnes ont ainsi été éloignées à des centaines
de kilomètres de leur village d’origine. Ces villages furent d’ailleurs
pour la plupart bombardés par l’aviation française. Compte tenu des
conditions de vies pitoyables (faim, soif, exiguïté, conditions
d’hygiène…) dans ces camps, des révoltes eurent lieu. Elles furent
violemment réprimées et causèrent la mort de centaines d’Algériens.
Les camps d’internement sont créés, quant à eux, pour enfermer les
Algériens jugés dangereux. Des dizaines de milliers de Musulmans se
trouvent ainsi placés dans des camps sans jugement où ils sont parfois
torturés. Certains de ces camps étaient même installés en France, dans
l’Ain, l’Aveyron, le Gard et dans la Marne. Enfin, une loi votée en 1956
permet de condamner à mort les membres du FLN pris les armes à la
main, sans enquête judiciaire préalable.
23
DOSSIER
magazine municipal d’informations de Valenton • 214
Ils racontent…
Sylvaine Galéa, conseillère municipale
«Le Cessez-le-feu: un grand moment de joie!»
Au moment de la guerre
d’Algérie, la maison était
très agitée. Mes parents
étaient militants pacifistes
et je me souviens très bien
du début de la guerre, en
1956 : j’avais 9 ans. Mes
parents manifestaient pour
empêcher que les trains où
se trouvaient les
«rappelés» ne partent: ils
se couchaient sur les rails!
Mais cette ambiance
militante m’a toujours paru
naturelle. Un matin je suis
arrivée à l’école sans avoir
fait mes devoirs, parce que
j’avais appris la veille que
mon oncle partait pour
faire la guerre en Algérie. Il
avait 20 ans et ne voulait
pas y aller. Lorsque je l’ai
expliqué à l’institutrice, elle
m’a répliqué «il n’y a pas de
guerre !». J’ai protesté : ce
fut mon premier acte de
rébellion.
Le 17 octobre 1961, je
faisais de l’aviron du côté
du pont de Neuilly quand je
Claude Routier, président du comité
local de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie
«Cette guerre, une idiotie… »
L’unité dans laquelle se trouvait Claude Routier.
J’avais accompli mes 18 mois
de service militaire quand
j’ai été rappelé pour
l’Algérie. C’était en 1956, je
venais juste d’obtenir un
travail, un appartement. J’en
ai eu gros sur le cœur. Je ne
savais pas pour combien de
temps je partais. Là-bas,
j’étais caporal-chef, chargé
de la liaison radio. J’étais
détaché avec sept hommes
sous ma responsabilité. À 24
ans, ce n’était pas évident.
Nous devions surveiller des
fermes, de jour ou de nuit.
Puis, je donnais un rapport
par radio. Je suis resté ainsi
huit mois dans la région de
Constantine. Le plus dur,
c’était la censure : par
exemple, notre courrier était
ouvert, contrôlé. Et puis, il
était difficile de
communiquer avec les
habitants même si parfois ils
nous invitaient à prendre le
thé. Je me souviens d’un très
beau pays où les gens
vivaient une grande misère.
À mon retour, je suis allé
rendre mon paquetage à la
gendarmerie de VilleneuveSaint-Georges. Je n’avais
plus rien. Alors, comme
beaucoup de compagnons
de troupe, je me suis jeté
dans la vie, dans le boulot…
On avait l’impression de
revenir dans l’indifférence
générale. Alors que ça nous
avait retiré plusieurs années
de notre vie. Cette
guerre, c’était vraiment
une idiotie.
me suis aperçue que des
gens tombaient du pont :
en réalité, il s’agissait de
manifestants qui étaient
jetés par-dessus bord. Le
moniteur nous a
immédiatement fait rentrer
chez nous. Il m’a ramenée
en voiture en passant par le
bois de Boulogne. Je me
souviens avoir vu des corps
pendus aux arbres, j’avais
alors 14 ans et cela m’a
beaucoup marquée. Le 19
mars 1962, à l’annonce du
Cessez-le-feu, ce fut un
grand moment de joie à la
maison : nous avons fêté
l’événement !
UNE GUERRE
SANS NOM
Il aura fallu attendre la loi du 18 octobre
1999 pour que le terme «guerre d’Algérie»
remplace officiellement celui «d’opérations
de maintien de l’ordre». Ce fut une grande
satisfaction pour le front uni des
associations d’anciens combattants, qui
avaient depuis longtemps revendiqué la
reconnaissance a posteriori de cette guerre
et la qualité de «combattant» pour ceux
qui l’avaient faite.
Ainsi, la guerre d’Algérie rejoignait les
deux guerres mondiales parmi les guerres
françaises du 20e siècle, et ses anciens
combattants étaient reconnus comme étant
la «troisième génération du feu», qui est
aujourd’hui la plus nombreuse.
Cette guerre d’Algérie se distingue aussi
par le fait qu’il n’y a pas eu de mobilisation
générale, mais utilisation de la
conscription et de l’allongement de la
durée du service pour compléter les
effectifs de l’armée de métier. La durée du
service militaire fut en effet portée de 18 à
24 mois, puis… 27. Certains appelés ont
même effectué un service de 30 mois.
DOSSIER
magazine municipal d’informations de Valenton • 214
Ceux qui
LE PRIX DE LA DÉCOLONISATION
Les statistiques officielles des autorités militaires françaises et
celles des autorités algériennes divergent sur le bilan humain de
cette tragédie. Les historiens s’accordent sur la violence de cette
guerre qui, d’après eux, fit :
Plus de 143 000 victimes dans les rangs du FLN.
350 000 à 400 000 tués parmi la population civile
algérienne.
4 500 morts parmi les populations de souche européenne.
Dans les rangs de l’armée française, les pertes ont été
soigneusement comptabilisées de 1954 à 1962 : 24 000 morts et
65 000 blessés.
Le plus grand facteur d’incertitude pour le bilan d’ensemble est le
nombre des «harkis», supplétifs, soldats ou civils «français
musulmans» victimes de représailles après le Cessez-le-feu.
L’estimation citée dans des documents officiels fait état de plus de
10 000 harkis qui auraient été exécutés ou assassinés entre
mars et novembre 1962.
Gérard Rauline, ancien combattant
«J’avais 20 ans… »
J’avais 20 ans quand j’ai été
appelé en Algérie. J’ai été
incorporé le 1er mai 1960.
Après mes classes à Melun,
je suis parti à Beni-Ounif
dans la zone saharienne où
j’ai été placé au poste de
chef cuisinier dans le
régiment d’artillerie de
marine. Avec ce travail et
les patrouilles, les gardes
de nuit, les alertes… j'étais
quasiment mobilisé 24
heures sur 24.
Je me souviens que peu de
temps après mon arrivée,
un obus de mortier est
tombé dans la cour du
poste de commandement.
Ça nous avait
impressionnés mais on
n’avait pas peur, on ne se
rendait pas bien compte. On
pouvait rester plusieurs
semaines sans qu’il ne se
passe rien : on faisait des
parties de poker, on mettait
en jeu nos cigarettes…
Lorsqu’il y avait une
attaque importante, la
légion prenait le relais. J’ai
vécu des moments durs :
mon copain de chambrée
s’est fait tuer une nuit.
Parler de la guerre
d’Algérie, c’est encore
remuer ces mauvais
souvenirs. L’important pour
moi, c’est de continuer à
honorer la mémoire de ceux
qui sont allés là-bas, et
qui y ont laissé leur vie.
Un convoi à Beni-Ounif dans la zone saharienne.
25
dirent NON!
Les rappelés de 1955 et 1956, se croyant libérés de leurs
obligations militaires, provoquèrent immédiatement de
nombreuses manifestations, soutenues par une partie de la
population.
Les plus spectaculaires furent, d’abord, le 11 septembre
1955, le refus d’embarquement de 600 rappelés de l’armée
de l’air à la gare de Lyon à Paris, et le 8 octobre 1955, celui de
soldats du 406e régiment d’artillerie antiaérienne, à la
caserne Richepanse de Rouen. Une deuxième vague se développa pendant trois mois à la suite des rappels d’avril et mai
1956.
La manifestation du 18 mai 1956 à Grenoble fut l’une des
plus violentes (une cinquantaine de blessés, autant d’arrestations), De plus importantes en réunirent plusieurs milliers,
avec la participation d’ouvriers en grève de solidarité, par
exemple à Saint-Nazaire à Firminy et à Marseille.
Il y eut au total près de 12 000 actes d’insoumissions parmi
les appelés : refus de se présenter le jour de l’appel, refus de
porter l’uniforme, refus d’obéissance, du port des armes, et
désertions. Tous ces soldats ont été jugés et condamnés à des
peines allant du versement dans un bataillon disciplinaire, à
un mois ou plusieurs mois de prison, voire même pour
quelques-uns la peine de mort. Certains sont restés incarcérés jusqu’en décembre 1963 et n’ont été amnistiés qu’à la fin
de l’année 1966. Ils étaient dans leur grande majorité issus
de famille de communistes ou de chrétiens.
L'historique de l'emblème
national algérien
En 1934, la première
conception de l'emblème
national portait les trois
couleurs actuelles «rouge,
vert et blanc». Le blanc
symbolisait l'Algérie, le vert la Tunisie et
le rouge Marrakech (Maroc).
Cet emblème est apparu à Paris en 1935
à l'occasion de la célébration de la fête
nationale française. Sa conception
actuelle a été élaborée en avril 1945 par
un comité tripartite installé par le comité
directeur du Parti du Peuple Algérien
(PPA). Le drapeau fut adopté en février
1947 par le Mouvement pour le triomphe
des libertés démocratiques (MTLD) et le
Front de libération nationale (FLN) qui en
firent, à partir du 1er Novembre 1954, un
symbole de la lutte pour la libération de
l'Algérie. Il fut adopté comme emblème
national par le Gouvernement provisoire
de la République algérienne (GPRA) au
lendemain du Cessez-le-feu, en mars
1962.
DOSSIER
magazine municipal d’informations de Valenton • 214
La France torturée
par sa mémoire
Près de cinquante ans après la signature des accords d'Évian et la fin de la guerre d'Algérie, la question de la torture
«généralisée et institutionnalisée» - selon les propres termes du général Massu - pratiquée par l'armée coloniale, huit
ans durant, divise toujours l'opinion publique et la classe politique française.
Cinquante ans après la signature des accords d’Evian,
la question de la torture pratiquée en Algérie divise encore
la classe politique.
Une commémoration façon UMP
Commémorer cette date historique du 19 mars 1962 n'est pas
seulement un devoir de mémoire. Ce devoir s'impose, mais il doit
surtout être un point d'appui essentiel pour comprendre l'histoire de
l'Algérie et de la France depuis un demi-siècle, l'évolution des
relations entre nos deux peuples et le rôle qu'ils pourraient jouer dans
l'avenir et consolider l’amitié entre les peuples de France et d’Algérie.
Pourtant, du côté du gouvernement on semble vouloir mettre de
l’huile sur le feu. D’abord, Alain Juppé, ministre des Affaires
étrangères dicte aux autorités algériennes «d’envisager la célébration
du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie dans un esprit de
modération, en essayant d’éviter les extrémismes de tous bords».
Ensuite, le gouvernement UMP cautionne l’inauguration de stèles à
la mémoire des assassins de l’OAS et le projet d’un Musée de la
France en Algérie à Montpellier. Mais ce n’est pas tout, il annonce le
transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides et décore
d’anciens putschistes comme Denoix de Saint-Marc. Des élus de
droite tentent même de remettre en cause la date du 19 mars 1962 et
réclament la réhabilitation du colonialisme.
Décidément, à droite comme à l’extrême droite, on aime raviver les
haines plutôt que d’encourager la Paix entre les peuples. Le tout, pas
uniquement sur fond électoraliste mais…par nature ! C’est pourquoi
la présence du plus grand nombre de Valentonnais et Valentonnaises
au monument aux morts le 19 mars, journée du recueillement et du
souvenir, est importante. Elle servira la cause de la Paix.
Dossier réalisé par Christian Leduey
l y a un peu plus de dix ans, l’appel des douze, signé
par des personnalités françaises, demandait au président Jacques Chirac et au premier ministre Lionel
Jospin de reconnaître et de condamner la pratique de la
torture pendant la guerre d’Algérie.
Le fait qu’elle ait été ou pas utilisée ne suscita pas de
débat, le nombre de témoignages, tant du côté des victimes que des bourreaux étant suffisamment important.
Car la pratique de la torture, de la corvée de bois, des
exécutions sommaires, des rafles de «suspects», de viols
a, en Algérie, atteint des proportions effrayantes.
Selon des estimations sérieuses, plus de 500 000
Algériennes et Algériens, Arabes, Kabyles, Européens,
sont passés entre les mains des «bourreaux».
L’existence, la connaissance et la non-condamnation de
ces pratiques conduiront d’ailleurs à des désertions et
des suicides dans l’armée, à des démissions parmi les
hauts fonctionnaires. Ce sera le cas de Paul Teitgen,
secrétaire général de la préfecture d’Alger, qui constate
la «disparition» de 3026 personnes. En 1958, la publication du livre La Question d’Henry Alleg, lui aussi victime
de la torture, fait l’effet d’une bombe.
François Mauriac, éminent écrivain français l’aborde
aussi dans les colonnes du magazine l’Express. Des appelés de retour d’Algérie ou en permission, bouleversés
parce qu’ils ont vu, témoignent. Mais alors que l’État s’obstine à refuser d’opter pour le «devoir de mémoire», à
reconnaître la «torture d'État» pratiquée en Algérie, et à
la condamner par une «déclaration publique», l’actualité nous apprend que cette pratique a débouché sur ce
qu’il convient d’appeler «l’école française de la torture».
Des «élèves» de diverses juntes militaires d’Amérique du
sud mais aussi des États-Unis sont venus à Alger observer les méthodes de la guerre contre-révolutionnaire. Et
sûrement que ce mal court encore en Afghanistan… ? ■
I
Valenton se souvient…
Lundi 19 mars, rendez-vous à 10h30 devant le
monument aux morts, rue du Colonel-Fabien pour la
commémoration du 50e anniversaire du Cessez-le-feu en
Algérie.
Dimanche 25 mars, rendez-vous à 15h30, salle Odetteet-Gilbert-Prinçay, pour la projection du film «Ici, on
noie les Algériens». Elle sera suivie d’un débat avec
Henri Alleg, historien, ainsi que Désirée et Alain
Frappier, scénariste et illustrateur de la bande dessinée
«Dans l’ombre de Charonne».
27
Téléchargement