Cours de MM. Bassoni et Fleury,
enseignants à l'EJCM
Pris en note par Romain Fonsegrives, pour toute correction ou question :
1
Décembre
10
Économie de l'Information
et des Médias
Introduction
Définition du mot média
!On désigne par le terme média tout moyen de communication, naturel ou
technique, qui permet la transmission d'un message. Dérivant du latin medium, le mot a
été francisé pour devenir media, terme reconnu par l'Académie Française en 1973. En
Français, la notion de média est polysémique et recouvre trois réalités complémentaires et
distinctes :
Un moyen dʼexpression : un outil – journal –, une technique – numérique.
Un intermédiaire : lʼorganisation socio-économique que le média incarne une
entreprise, une organisation, une association, etc.
Un usage ou une finalité : le média se définit par rapport à une production de sens.
!Le mot média est nécessairement enraciné dans une société humaine qui partage
des référents culturels.
Les médias comme organisation
!Un média est une entreprise qui a une fonction de production qui se caractérise par
une technologie, ainsi qu'une contrainte de coûts et de ressources. La problématique
de ce cours reposera sur les caractéristiques économiques des médias : en quoi peuvent-
elle interférer avec le message diffusé ?
Théorie des médias
!Francis BALLE esquisse une typologie des médias. Pour lui, les médias se
classent en trois grandes familles :
Les médias autonomes : ils ne sont rattachés à aucun réseau et se suffisent à eux
mêmes – journal papier, cd, vinyle.
Les médias de diffusion : ils fonctionnent avec un émetteur pour une infinité de
récepteurs ; la relation de communication est à sens unique de lʼémetteur au récepteur
la télévision hertzienne.
Les médias de communication : ils établissent une relation en boucle entre émetteur
et récepteur – téléphone, Internet.
!Dans ce cours, nous considérerons de façon indifférenciée ces trois familles de
médias.
Par ailleurs, il existe trois niveaux selon lesquels un économiste peut envisager une
situation :
Échelle micro-économique : réflexion économique appliquée à ce quʼon appelle les
agents économiques individuels comme les très petites entreprises TPE –, les
citoyens, etc.
Échelle méso-économique : réflexion qui porte sur les agents économiques
influents. Ceux-ci pèsent sur leur environnement immédiat, à lʼinstar des entreprises qui
ont un pouvoir de marché comme Microsoft, Google, etc.
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Échelle macro-économique : réflexion globale, analyse du système que forme les
agents individuels. Économie vue comme un circuit.
!Notre cadrage sera micro et méso-économique. Autrement dit, on cherchera à
comprendre les médias en s'intéressant aux actions chaque entreprise elle-même, perdue
dans un océan d'acteurs approche micro-économique – ; mais on envisagera également
les médias en les situant dans leur branche ou secteur d'activité, en définissant leur
marché et leurs concurrents approche méso-économique, qui constitue un intermédiaire
entre l'infiniment petit et l'infiniment grand.
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Chapitre 1: Structures de marché et stratégies des
acteurs
I - La matrice de STACKELBERG : application aux marchés médiatiques
!STACKELBERG est un économiste allemand du milieu du XXème siècle qui
analysait les configurations de marché. À partir du concept de marché, il cherche à
définir des grandes familles de marché. Pour cela, il a besoin dʼoutils pour les classer,
dʼoù cette matrice appliquée aux médias.
1
Petit nombre
Infinité
1
Monopole bilatéral
Monopsone
contrarié
Monopsone pur
Petit Nombre
Monopole contrarié
Oligopole bilatéral
Oligopsone pur
Infinité
Monopole pur
Oligopole pur
Concurrence
atomistique
Chaque case sera révélatrice dʼune configuration de marché particulière. Chaque case
sera implique une stratégie particulière. Chaque marché dissimule des modèles.
a / La concurrence atomistique
"Elle existe lorsque les marchés sur lesquels un grand nombre dʼoffreurs font face
à un grand nombre de demandeurs. Sur ce genre de marchés, la loi de lʼoffre et la
demande s'applique au sens strict cf Adam SMITH et sa main invisible: aucun acteur
nʼa de pouvoir de marché, il n'existe pas dʼinfluence individuelle, cʼest le marché qui fixe
le prix de manière exogène. Les agents sont donc tous, sans exception, price-takers.
!Quelques exemples de marchés atomistiques :
Marché des devises et des changes : le plus gros marché atomistique au monde, avec
une circulation de 3000 milliards de dollars/jour.
Marché boursier.
Marché des annonces publicitaires : un grand nombre dʼannonceurs confrontés à un
grand nombre de récepteurs ; une situation qui s'est encore accentuée depuis l'avènement
d'Internet. Lʼe-publicité accroît lʼatomicité du marché des annonces publicitaires.
b / Le monopole pur
!Un seul offreur fait face à un grand nombre de demandeurs. Cet offreur fait
office de price-maker sur le marché : son offre est sans alternative car les demandeurs
sont captifs. Lʼoffreur est ici en capacité dʼabuser de son pouvoir de faire le prix.
!Historiquement, le monopole pur a été prohibé à lʼexception des monopoles
légaux. En France, la distribution des médicaments est attribuée aux pharmaciens par les
autorités sanitaires. De même, la distribution de tabac, est le monopole des buralistes.
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Ces monopoles sont encadrés par la puissance publique et lʼoffreur est dans ce cas sous
tutelle de l'État. Cf monopole de radiodiffusion sur les ondes hertziennes par l'ORTF
jusqu'à son éclatement en 1974.
c / Le monopsone pur
!Un demandeur unique fait face à un grand nombre dʼoffreurs. Sur ce marché, le
demandeur est le price-maker, puisqu'il est seul. Ex : à l'époque de l'ORTF, le marché du
documentaire était un monopsone pur car l'organisme était le seul demandeur de
productions télévisuelles.
!Aujourdʼhui, il existe des situations de quasi monopsones purs : cf Google hors
Chine – et ses 85% de parts de marché.
d / Le monopole bilatéral
!Il s'agit d'un marché très spécial dit "de gré à gré" : deux acteurs se font face et
fixent le prix au terme d'une négociation. Il n'y a donc ni price-maker, ni price-taker sur ce
genre de marché.
!Exemple concret : en matière d'art, le marché des dations. Sur le plan juridique, la
dation en paiement, c'est le fait de se libérer d'une dette par une prestation ou un bien
différent de celui initialement dû. Cf le cas de la dation Picasso : lorsque le peintre meurt
dans les années 1970, les héritiers sont à la tête d'une énorme fortune en termes
d'oeuvres d'art mais font face à un problème de liquidités pour payer leurs droits de
succession. LʼÉtat leur demande alors de se constituer en association afin de négocier sur
cette question de la dette fiscale. Cette négociation se fait pour deux raisons : lʼassociation
veut rétrocéder certaines des oeuvres dʼart pour sʼacquitter de la dette fiscale mais le
marché de lʼart a des prix très volatils. LʼÉtat et lʼassociation doivent alors se mettre
dʼaccord pour évaluer les oeuvres dʼart. Il sʼagit bien là dʼune négociation pure.
Parenthèse sur la loi de l'offre et de la demande et les marchés de luxe.
!
!Sur un marché classiqueatomistique –, si lʼoffre est supérieure à la demande, le
prix va baisser pour répondre à lʼécart offre-demande. Cette baisse de prix est sensée
avoir un effet régulateur. Le prix conçu comme un révélateur de déséquilibre mais aussi un
correcteur de déséquilibre. Lʼoffre est positivement liée au prix. Plus le prix augmente, plus
la demande est découragée.
!Cependant, il existe des marchés sur lesquels la demande est atypique et la loi
de lʼoffre et la demande ne fonctionne pas. Les biens de luxe par exemple, sont des biens
dont la demande est positivement liée au prix : la hausse du prix est alors un argument de
consommation. On équilibre en créant de la rareté qui entretient le désir dʼacquisition. Le
marché de l'art est donc un pseudo-marché où règne la négociation pure.
e / L'oligopole pur
Un petit nombre d'offreurs fait face à un grand nombre de demandeurs. Cette
configuration de marché est pour nous la plus importante à étudier car la plupart des
marchés des médias sont des oligopoles purs : téléphonie mobile, jeux vidéo, production
musicale, grands labels, etc. L'oligopole pur fera l'objet du grand II.
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