
5
aux toilettes, etc. Ces gestes sont intégrés à part entière dans le processus de traitement.
On surveille l'hydratation et les mictions, on stimule le patient, on l'accompagne, on
adapte le matériel et les locaux aux patients âgés (rampes dans les couloirs, salles de
séjour aménagées, matériel prévu pour soins plus lourds, etc). On observe, on note, on
discute en équipe.
Fondamentalement, dans cette gestuelle à première vue insignifiante, se
constituent des savoirs. Enormément de «coups de patte», de savoir-faire apparaissent
avec le temps et l'expérience, témoignant d'une forte capacité d'invention et de
créativité. Derrière ces tours de main répétés tels que la manutention, le traitement des
plaies, se cachent bel et bien de véritables savoirs ou actes raisonnés sous-tendant ces
savoir-faire. Ainsi, à force de les avoir côtoyés, le personnel soignant apprend à
anticiper les escarres, les problèmes de constipation ou de déshydratation pouvant
entraîner des conséquences graves chez le patient d'âge avancé. Toute une connaissance
du patient âgé s'élabore. Des compétences insoupçonnées sont mobilisées, des trucs et
des «ficelles» s'échangent sans cesse. Du «métier» s'élabore progressivement.
V. UN PROBLEME DE RECONNAISSANCE
De là à faire des professionnels gériatriques de véritables experts, il n'y aurait
qu'un pas... Pourtant, une question d'importance se doit d'être soulevée. Ces savoirs ne
sont guère reconnus par une institution hospitalière valorisant les savoirs techniques et
académiques officiels. L'hôpital est peu enclin à reconnaître des savoirs non formalisés,
intuitifs. Or, là réside sans doute bien le vrai défi de la gériatrie : celui de l'acquisition
d'une reconnaissance sociale et institutionnelle de son action. Mais force est de
constater qu'elle demeure peu valorisée et généralement méconnue. Ici, un bref recul
théorique s'avère nécessaire.
Si l'on suit les enseignements que nous livre la tradition sociologique
interactionniste américaine11, il y aurait lieu de ne pas s'intéresser au travail uniquement
en termes de pouvoir, de division du travail, de rapports de production, d'efficacité, de
structure mais de relever la nature même des tâches accomplies. Et en cette matière, on
observera que le travail de soins révèle de multiples facettes. Il peut ainsi apparaître
tantôt comme un body work, tantôt comme un sentimental work, tantôt comme un
comfort work ou encore comme un dirty work 12 livrant quotidiennement le soignant
aux blessures et aux souillures d'autrui. A ce propos, on soulignera qu'en gériatrie, le
travail est particulièrement lourd et astreignant. De surcroît, les professionnels sont
souvent dépréciés, identifiés et s'identifiant eux-mêmes à un «dépôtoir» où sont placés
tous les patients que ne souhaitent plus traiter les autres services de l'hôpital.
Mais après avoir insisté sur la nature même des tâches et rappelé combien elles
peuvent parfois paraître pénibles pour le personnel soignant, un retour à la question de