I. La guerre froide, un monde bipolaire marqué par la confrontation

I. La guerre froide, un monde bipolaire marqué par la confrontation États-
Unis/ URSS : un lieu, une crise, un conflit armé emblématiques
La question de l'avenir de l'Allemagne et de Berlin divise les Alliés. Les Anglo-Saxons ont peur que
des sanctions trop fortes contre l'Allemagne favorisent l'expansion du communisme, ou une nouvelle
montée de l'extrémisme à l'image de ce qui s'est passé après le traité de Versailles. Staline, en
revanche, veut faire payer à l'Allemagne « le prix du sang », et a déjà entamé le rapatriement d'une
partie des usines et machines allemandes en URSS, en compensation des pertes soviétiques.
Finalement, le sort du pays et de la ville est réglé à la conférence de Postdam entre le 17 juillet et le 2
août 1945. L'Allemagne et Berlin sont divisés en quatre zones d'occupation : une zone soviétique à
l'est et trois zones américaine, britannique et française à l'ouest. L'Allemagne occupée est dirigée par
un Conseil de Contrôle Allié (ou quadripartite) également chargé de la reconstruction du pays et de la
dénazification. À l'est, les Soviétiques favorisent la création d'un parti communiste unique, le SED. À
l'ouest, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France travaillent à la reconstruction de leurs zones et
veulent jeter les bases d'une démocratie libérale.
Berlin-Ouest est dans une situation particulièrement tendue car la ville est en plein milieu de la
zone soviétique, ce qui l'isole du reste de l'Allemagne occupée par les puissances occidentales.
• La première crise de Berlin, inévitable, marquera le début de la guerre froide. En 1947, le président
américain Truman lance l'offensive dans un discours au Congrès il expose sa doctrine de
l'endiguement du communisme (ou « containment »). Son idée est de favoriser la reconstruction et
le développement des pays européens durement touchés par la guerre pour éviter que les peuples
dans la misère ne se tournent vers le communisme. Les États-Unis proposent alors à tous les pays
d'Europe le plan Marshall : une aide financière de 12 milliards de dollars qui sera acceptée par les
États voulant se rapprocher des États-Unis et en particulier par l'Allemagne de l'Ouest (qui recevra 4
milliards de dollars).
À Berlin, la situation se dégrade : les Américains et les Britanniques fusionnent leurs zones en janvier
1947 (bizone), puis les Français joignent leur zone aux deux autres en juin (trizone). Le 18 juin, les
Occidentaux annoncent la création du Deutsche Mark, la nouvelle monnaie allemande qui symbolise
de fait l'existence d'un État allemand à l'ouest. Staline ne peut accepter cette situation : il fait
bloquer toutes les voies de transport terrestres vers Berlin-Ouest qui se retrouve totalement isolé du
reste du monde.
Les États-Unis vont alors utiliser un accord signé à la fin de la guerre les autorisant à survoler
l'Allemagne de l'est jusqu'à la ville dans un couloir aérien précis avec des avions désarmés. Ils
mettent en place le plus grand pont aérien de l'histoire. Les Français et les Berlinois ayant réussi à
construire des pistes d'atterrissage, il y a trois « aéroports » dans Berlin-Ouest qui recevront 2,5
millions de tonnes de ravitaillement. Staline cède finalement et lève le blocus le 12 mai 1949 après
11 mois de tension.
La crise de Berlin accélère le processus de mise en place d'une République fédérale allemande
démocratique et intégrée au bloc de l'Ouest (créée le 23 mai 1949, elle prend Bonn pour capitale). En
réaction, Staline accélère la création de la République démocratique allemande le 7 octobre 1949
avec Berlin-Est pour capitale. Pendant toute la guerre froide, Berlin-Est et Berlin-Ouest seront à la
fois le symbole des deux blocs et le reflet des phases de crises et de détente entre les deux grands.
Berlin-Ouest connaît une grande prospérité économique et se reconstruit avec l'aide américaine. La
population de Berlin-Est au contraire vit dans davantage de difficultés sous un régime de type
soviétique. Même après la mort de Staline, les grèves et manifestations des ouvriers du bâtiment du
17 juin 1953 sont réprimées par les chars soviétiques. Cette situation provoque l'exode vers l'Ouest,
par Berlin, de trois millions d'Allemands de l'Est, majoritairement des jeunes gens diplômés. Les
dirigeants est-allemands et soviétiques veulent stopper l'hémorragie.
Comme les pourparlers engagés entre Khrouchtchev et Kennedy n'aboutissent pas, le président
soviétique fait bâtir le mur de Berlin (« mur de la honte » pour les Occidentaux) dans la nuit du 12 au
13 août 1961 : il devient le symbole du « rideau de fer » qui coupe l'Europe en deux et sépare
durablement des familles. Dans Berlin-Est, la population vit dans le monde soviétique sous contrôle
de la police politique est-allemande, la Stasi. Les Berlinois de l'Ouest attendront deux ans la venue du
président Kennedy, en 1963, qui rappellera le soutien du bloc occidental à Berlin-Ouest Ich bin ein
Berliner »).
Entre les années 1960 et les années 1980 la situation se normalise avec la Détente, en particulier à
partir de 1969 lorsque le chancelier ouest-allemand Willy Brandt lance l'ostpolitik pour améliorer les
relations avec la RDA. Mais la situation des Allemands de l'Est n'est pas enviable et beaucoup de ceux
qui tentent de franchir clandestinement le rideau de fer et le mur y laissent leur vie.
Les gouvernements de RDA maintiennent l'ordre avec l'aide des forces du Pacte de Varsovie et des
chars soviétiques. Lorsque Gorbatchev annonce que l'URSS n'interviendra plus dans les pays de l'Est,
avec l'ouverture de la frontière hongroise vers l'Autriche, des milliers d'Allemands de l'Est fuient vers
l'Allemagne de l'Ouest. Le 9 novembre 1989, les manifestations en RDA poussent les autorités à
ouvrir un mur que la foule a déjà commencé à détruire. Avec la chute du mur, c'est le symbole de la
guerre froide qui tombe. L'Allemagne et Berlin seront réunifiés le 3 octobre 1990.
La crise des missiles de Cuba en 1962 : le symbole de l'alternance des phases de tensions et de
détente entre États-Unis et URSS
• La crise des missiles de Cuba est une crise majeure de la guerre froide et marque un pic de tensions
entre les deux superpuissances. Elle intervient pourtant dans une période de changements des
relations entre les États-Unis et l'URSS après la mort de Staline (partisan de la ligne « dure » avec les
États-Unis) en 1953.
Son successeur, Khrouchtchev, est partisan d'une « cœxistence pacifique » avec le bloc de l'Ouest
mais il ne renonce pas pour autant à la logique de la guerre froide. Cuba est en 1962 dans une
situation particulière qui explique l'enjeu qu'elle représente pour les deux grands. Jusqu'en 1959, l'île
était une dictature favorable aux États-Unis. Mais la révolution cubaine menée par Fidel Castro et
Che Guevara triomphe en 1959 et l'ancien dictateur, Batista, est chassé du pouvoir. Le nouveau
gouvernement affiche dès 1960 sont appartenance au camp socialiste et au bloc de l'Est, ce qui n'est
pas acceptable pour les États-Unis et constitue une « brèche » dans la doctrine Monrœ en vigueur
depuis 1823 (président des États-Unis, Monrœ ne veut pas d'intervention des puissances
européennes sur le continent américain ; cette doctrine est complétée en 1904 par Roosevelt qui
justifie, si besoin est, l'intervention des États-Unis dans un pays du continent américain).
Les États-Unis établissent donc un blocus de l'île de Cuba, ils multiplient également les alliances
avec les pays d'Amérique Latine et lancent un programme d'aide économique pour empêcher
l'expansion du communisme sur le continent.
Le régime cubain nationalise les biens des entreprises américaines sur l'île et obtient le soutien de
l'URSS. Les tensions montent avec les États-Unis qui arment des Cubains anticastristes et des
mercenaires pour débarquer sur l'île le 15 avril 1961, dans la Baie des Cochons. C'est un échec
cuisant (les soldats capturés seront rendus aux Américains en 1975 contre des produits alimentaires
et pharmaceutiques).
L'URSS continue d'envoyer des « conseillers militaires » et des armes aux Cubains. Le 14 octobre
1962, des avions espions américains (U2) photographient des rampes de lancement de missiles sur
l'île. Ils apprennent également que des navires soviétiques font route vers Cuba avec des missiles à
bord. Or, Cuba est à portée de tir des grandes villes de la côte est des États-Unis.
La crise éclate entre les États-Unis et l'URSS. Le président John F. Kennedy lance un ultimatum à
Khrouchtchev le 22 octobre 1962, il exige le démantèlement des rampes et le rapatriement des
missiles en URSS. Il utilise une tactique de dissuasion graduée dans ses échanges avec le président
soviétique : sa fermeté l'emporte finalement et Khrouchtchev accepte le 28 octobre de retirer ses
rampes de lancement et ses missiles en échange de la promesse par les États-Unis de ne pas
intervenir à Cuba.
Durant cette crise, et au vu des moyens militaires mobilisés (y compris des troupes en Floride et au
Nicaragua, et des sous-marins dans toute la zone), un conflit majeur et meurtrier entre les deux
puissances nucléaires a été évité de justesse. Le spectre d'une troisième guerre mondiale et la peur
nucléaire sont alors dans tous les esprits. Les conséquences sont importantes : conscientes de la
nécessité de maintenir un « équilibre de la terreur », et de réduire les importantes dépenses
engendrées par la course aux armements, les deux puissances font le choix de la détente et de la «
cœxistence pacifique ». Elles décident d'entretenir davantage de contacts entre elles (installation
d'un télex le « téléphone rouge » entre le Kremlin et la Maison Blanche), mais elles poursuivent la
confrontation dans d'autres lieux et d'autres domaines, de manière plus prudente. C'est ainsi qu'une
compétition effrénée est lancée dans le domaine spatial ou pour l'obtention de médailles aux Jeux
olympiques. Mais cet affrontement indirect se fait aussi par États interposés comme lors de la guerre
du Vietnam.
• La guerre du Vietnam est l'exemple type des conflits « périphériques » de la guerre froide.
Le Vietnam est après l'indépendance de l'Indochine, ancienne colonie française, au terme d'une
violente guerre de décolonisation menée en particulier par le Viêt Minh, une guérilla nationaliste
fondée par le parti communiste indochinois qui a le soutien de la République de Chine populaire et
de l'URSS. Après les accords de Genève en 1954, l'ancienne colonie est divisée en deux États de part
et d'autre du 17e parallèle : le Vietnam du nord communiste (leader : Chi Minh) et le Vietnam du
sud pro-américain (régime autoritaire dirigé par un catholique, Diem).
Chi Minh ne se satisfait pas de cette situation : il veut un Vietnam unifié sous la bannière du
communisme (il a eu une formation à Moscou). Il est donc à l'origine de la création en 1960 d'un «
front de libération nationale du Sud-Vietnam (FNL)» nationaliste et communiste, plus connu sous
le nom de Vietcong. Ce mouvement rencontre un certain succès.
Cette situation n'est pas acceptable pour les États-Unis. L'intervention américaine est motivée par
la peur de la contagion du communisme dans toute l'Asie du sud-est. J.F.Kennedy envoie donc en
1961 plus de 16 000 conseillers militaires américains pour former les troupes du Sud-Vietnam, mais il
refuse prudemment de les engager directement dans la guerre contre le Vietcong. Il est assassiné en
1963.
La même année, un coup d'État militaire renverse Diem remplacé par les généraux Thieu et Ky. En
1964, le président Johnson obtient du Congrès l'autorisation d'engager massivement l'armée
américaine dans la guerre (résolution du Tonkin) : 85 000 GI's sont envoyés en Asie du sud-est. C'est
le début d'une escalade dans l'envoi de matériel et de soldats américains au Vietnam.
La Chine populaire et l'URSS restent prudemment en retrait : elles se contentent de ravitailler la
guérilla Vietcong par la frontière du Laos et la « piste Chi Minh » qui achemine les armes vers le
sud. Johnson fait bombarder cet axe vital en 1965, mais sans succès.
Les Américains s'enlisent dans une guerre terrible, meurtrière et de plus en plus impopulaire au
Vietnam : des milliers de tonnes de bombes, de nouvelles armes chimiques, des bombes au napalm
(incendiaires), des exfoliants, etc. sont lancés sur le Vietnam et touchent durement les populations.
Des massacres de civils ont également lieu presque sous les yeux de la population américaine qui
reçoit par les médias les images de la guerre.
Les mouvements pacifistes se développent et certains dénoncent le fait que ce sont presque
exclusivement de jeunes hommes des catégories les plus pauvres ou de jeunes afro-américains qui
sont envoyés se battre.
Le 31 janvier 1968, le Vietcong lance une vaste offensive militaire le jour de la fête du Têt (nouvel an
vietnamien) et réussit à tenir plus de 100 bases américaines et villes du Sud-Vietnam pendant
plusieurs heures. Cette année là, il y a pourtant plus de 540 000 soldats américains au Vietnam et il
devient clair que cette « sale guerre » n'est pas gagnée. Conscient de la situation, Johnson se
désengage peu à peu et ordonne l'arrêt des bombardements sur le Nord-Vietnam. Le Vietcong
accepte alors de se mettre à la table des négociations à Paris, mais les deux parties peinent à
s'entendre.
En 1969, le FNL se transforme en Gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP) alors que les
Américains transfèrent peu à peu la responsabilité de la guerre aux troupes du Sud-Vietnam et
commencent le rapatriement de leurs troupes. En février 1972, Nixon (nouveau président des États-
Unis) fait un voyage en Chine, puis à Moscou en mai. Le 28 janvier 1973, un cessez-le-feu est ainsi
finalement signé après des pourparlers secrets entre Le Duc Tho et Henry Kissinger, qui auront duré
quatre ans. Les États-Unis retirent leurs troupes du Vietnam (mais laissent pour 5 milliards de
matériel militaire à leurs alliés du sud).
Les accords de Paris signés en 1973 prévoient la formation d'un « conseil national de réconciliation »
avec des membres du GRP, et des élections libres. Mais une guerre civile éclate entre le nord et le
sud. Finalement, le GRP et les nord-Vietnamiens prennent Saïgon en 1975 et réunifient le Vietnam
qui devient un État communiste.
La guerre du Vietnam a affaibli les États-Unis du point de vue des relations internationales (ils ont
montré qu'ils pouvaient être vaincus, ce qui a encouragé les velléités d'indépendance des alliés vis-à-
vis du leadership américain) , mais aussi du point de vue de la politique intérieure (l'opinion publique
vit mal la défaite, les mouvements contestataires se sont renforcés, situation qui va encore empirer
avec le scandale du Watergate et la démission de Nixon). Pourtant, la volonté de paix du président
Carter fera long feu avant un retour des tensions. Finalement, le combat ne cessera qu'avec la chute
d'un des deux grands, faute de combattants.
2. De nouvelles conflictualités depuis 1991 : vers une nouvelle gouvernance
mondiale qui reste à définir
En 1991, l'URSS a éclaté (elle est alors remplacée par la CEI : Communauté de États Indépendants).
Les États-Unis sont la seule superpuissance survivante.
Ils sont de loin la première puissance mondiale avec un énorme potentiel militaire (la question de
l'héritage de l'armement soviétique pose de gros problèmes) : on parle même d'hyper-puissance
américaine. Sous le gouvernement de Georges Bush père, les bases de la politique internationale des
États-Unis sont jetées : ils ont conscience de leur puissance, sont persuadés d'avoir le devoir
d'étendre leur modèle de démocratie libérale et de maintenir la paix et le droit international dans le
monde (« destinée manifeste ») tout en défendant les intérêts de leur pays. Mais en 1991 ils veulent
le faire dans le cadre de l'ONU et en négociant avec les autres États. La guerre du Golfe et l'opération
« tempête du désert » seront le symbole de cette politique.
La guerre du Golfe est déclenchée le 2 août 1990 avec l'invasion du Koweït par l'Irak qui contrôle
alors 20 % des réserves mondiales de pétrole.
Le dictateur irakien Saddam Hussein joue un jeu complexe et risqué. Entre 1980 et 1988, la dictature
irakienne a été le champion d'États pétroliers (« pétromonarchies »), avec le soutien des démocraties
occidentales, en s'opposant à la République islamique iranienne, alors dirigée par des
fondamentalistes religieux après la révolution lancée par l'ayatollah Khomeiny. Mais Saddam Hussein
a également des ambitions expansionnistes : il veut faire de l'Irak l'État le plus puissant de la région
et cherche à obtenir des armes de destructions massives, en particulier l'arme nucléaire (Saddam
Hussein a même fait tester des armes chimiques lors d'une répression contre les Kurdes en 1988). Le
discours du dictateur est de surcroît hostile à Israël. L'Irak inquiète donc les États-Unis mais aussi une
partie de la Ligue des États Arabes ; de plus, en envahissant le Koweït, les troupes de Saddam Hussein
arrivent aux portes de l'Arabie Saoudite, un allié des États-Unis et un important fournisseur de
pétrole.
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