Cass. com. 18 janv. 2011

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Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du 18 janvier 2011
N° de pourvoi: 10-11941
Publié au bulletin
Rejet
Mme Favre, président
Mme Bregeon, conseiller apporteur
M. Le Mesle (premier avocat général), avocat général
SCP Monod et Colin, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 7 décembre 2009), que M. X... détenait des actions
de la société Holding Hofider et de la société anonyme Norauto ainsi que des parts du
fonds commun de placement d’entreprise Noraction ; que, le 31 janvier 2006,
l’administration fiscale lui a notifié des propositions de rectification au titre de l’impôt de
solidarité sur la fortune (ISF), pour les années 2003, 2004 et 2005, en réintégrant les parts
du fonds commun de placement qui ne figuraient pas dans les déclarations souscrites ;
que l’intéressé a accepté ce redressement à hauteur des parts du fonds commun de
placement ne correspondant pas à des actions de la société Norauto, estimant que les
titres de cette dernière, détenus soit directement soit par l’intermédiaire du fonds commun
de placement, constituaient un bien professionnel unique bénéficiant de l’exonération
prévue par l’article 885 O bis du code général des impôts ; qu’après avis de mise en
recouvrement et rejet de sa réclamation, M. X... a saisi le tribunal de grande instance afin
d’obtenir le dégrèvement partiel des impositions mises à sa charge ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit
ou sur option, sont considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire
remplit plusieurs conditions et notamment s’il justifie d’une détention directe des titres en
cause ou par l’intermédiaire d’une société interposée ; que le fonds commun de placement
n’ayant pas la personnalité morale les porteurs de parts, copropriétaires de l’actif du fonds,
sont donc directement copropriétaires des actions qui le composent ; qu’en décidant,
cependant, en l’espèce, que la détention, par M. X..., des actions Norauto via le FCPE
Noraction ne constituait pas la détention directe des titres, la cour d’appel a violé les
articles 885 E et 885 O bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à
l’espèce ;
2°/ que les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit
ou sur option, sont considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire
remplit les conditions suivantes, à savoir, premièrement soit être gérant d’une société à
responsabilité limitée ou d’une société en commandite par actions, soit associé en nom
d’une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de
surveillance ou membre du directoire d’une société par actions et, deuxièmement, détenir
25 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la
société ; que la loi qui prévoit que, pour que le bien puisse être qualifié de bien
professionnel, son propriétaire doit détenir 25 % des droits de vote attachés à ce bien
n’impose pas qu’il exerce effectivement ce droit ; qu’en retenant pour refuser l’exonération
fondée sur l’article 885 O bis du code général des impôts que les droits de vote attachés
aux actions Norauto sont exercés non par M. X..., détenteur de parts du FCPE Noraction
composé des actions Norauto, mais par le conseil de surveillance du fonds, la cour
d’appel qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, à savoir l’exercice du droit
de vote par les détenteurs d’actions eux-mêmes, a violé les articles 885 E et 885 O bis du
code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
3°/ que le conseil de surveillance du fonds commun de placement d’entreprise, composé
de salariés représentant les porteurs de parts et eux-même porteurs de parts, exerce les
droits de vote attachés aux valeurs comprises dans le fonds ; qu’il s’ensuit que le conseil
de surveillance du FCPE exerce le droit de vote en qualité de mandataire des salariés,
porteurs de parts ; qu’en retenant pour refuser l’exonération fondée sur l’article 885 O bis
du code général des impôts que les droits de vote attachés aux actions Norauto sont
exercés non par M. X... et Mme Y..., détenteurs de parts du FCPE Noraction composé des
actions Norauto, mais par le conseil de surveillance du fonds, la cour d’appel a violé
l’article L. 214-39 du code monétaire et financier, ensemble l’article 885 O bis du code
général des impôts, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
Mais attendu que l’arrêt retient que le fonds commun de placement, n’ayant pas la
personnalité morale, ne pouvait être considéré comme une société interposée au sens de
l’article 885 O bis du code général des impôts et que, dans le cadre de celui-ci, M. X... ne
détenait pas des actions de la société Norauto mais des parts de ce fonds ; que de ces
seuls motifs, la cour d’appel a exactement déduit que les parts de ce fonds ne pouvaient
bénéficier de l’exonération de l’assiette de l’ISF prévue par le susdit article 885 O bis ; que
le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’autre grief ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer au directeur général des
finances publiques la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et
économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier
deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. Eric X... de sa demande tendant
au dégrèvement partiel à hauteur des sommes de de 28.038 € pour l’année 2003, 30.566
€ pour l’année 2004 et 32.571 € pour l’année 2005, mises en recouvrement au titre de
l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;
AUX MOTIFS QUE selon l’article 885 E du code général des impôts l’assiette de l’impôt
de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de
l’ensemble des biens, droits et valeurs appartenant aux personnes visées à l’article 885 A
; que les exonérations sont strictement énumérées aux articles 885 H et suivants du
même code ; que l’article 885 I quater en vigueur depuis la loi du 30 décembre 2005 est
venue instaurer une exonération à l’ISF pour les parts du FCPE à concurrence de la
fraction de la valeur de ces parts représentatives des titres de la société dans laquelle le
redevable exerce son activité principale ; que ce texte n’a aucun caractère rétroactif et
pour la période considérée (années 2003, 2004 et 2005) M. X... fonde sa demande
d’exonération sur les dispositions de l’article 885 O bis selon lesquelles les parts et actions
de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés sont légalement considérées comme des
biens professionnels si leur propriétaire remplit plusieurs conditions et notamment s’il
justifie d’une détention directe des titres en cause ou par le biais d’une société interposée ;
qu’il y a donc lieu de rechercher si la détention des actions NORAUTO via le FCPE
NORACTION constitue une détention directe des titres en cause ou une détention par le
biais d’une société interposée, les autres conditions posées par l’article L. 885 O bis ne
faisant pas débats ; que l’article L. 214-24 du code monétaire et financier dispose que le
fonds commun de placement est constitué à l’initiative conjointe d’une société de gestion
de portefeuille chargée de sa gestion et d’une personne morale dépositaire des actifs du
fonds ; que selon l’article L. 214-20, le fonds commun de placement, qui n’a pas la
personnalité morale, est une copropriété d’instruments financiers et de dépôts dont les
parts sont émises et rachetées à la demande des porteurs à la valeur liquidative ; que le
FCP n’ayant pas la personnalité morale, il ne peut être considéré comme une société
interposée au sens de l’article 885 O bis du code général des impôts ; que contrairement à
ce qui est soutenu par l’appelant, il n’en résulte pas pour autant qu’il serait le détenteur
direct des actions de la société NORAUTO placées dans le fonds ; que le premier juge a
pertinemment relevé que les porteurs détiennent des parts du FCP qui ont une valeur
nominale propre et non directement la propriété des actions qui le composent, et que c’est
à bon droit qu’il a ajouté que, sur le plan des principes, il faut distinguer l’instrument
financier qu’est un FCP constitué uniquement de parts indivises, d’un bien professionnel
que peut constituer une action de société détenue directement ; que dans le cadre du
FCPE M. X... ne détient pas les actions de la société NORAUTO mais des parts du fonds ;
qu’en ce sens, il convient d’ailleurs d’observer que l’article L.214-22 du code monétaire et
financier dispose que les porteurs ne peuvent provoquer le partage du fonds ; qu’en outre
selon l’article L. 214-40 du même code, le droit de vote attaché aux actions comprises
dans le FCPE est exercé par le conseil de surveillance du fonds ; que le règlement du
fonds peut, certes, prévoir que les droits de vote seront exercés individuellement par les
porteurs de parts lorsque le conseil de surveillance comprend des représentants de
l’entreprise mais qu’en l’espèce il n’est pas démontré ni même soutenu qu’une telle
disposition soit prévue dans le règlement du FCPE NORACTION et que M. X...
exerceraient le droit de vote attaché aux actions NORAUTO composantes dudit FCPE ;
que c’est à juste titre que l’administration fiscale a refusé l’exonération fondée sur l’article
885 O bis du code général des impôts ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt
sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont considérées comme des biens
professionnels si leur propriétaire remplit plusieurs conditions et notamment s’il justifie
d’une détention directe des titres en cause ou par l’intermédiaire d’une société interposée ;
que le fonds commun de placement n’ayant pas la personnalité morale les porteurs de
parts, copropriétaires de l’actif du fonds, sont donc directement copropriétaires des actions
qui le composent ; qu’en décidant, cependant, en l’espèce, que la détention, par M. X...,
des actions NORAUTO via le FCPE NORACTION ne constituait pas la détention directe
des titres, la cour d’appel a violé les articles 885 E et 885 O bis du code général des
impôts, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
ALORS, DE DEUXIEME PART et en tout état de cause, QUE le fonds commun de
placement est constitué à l’initiative conjointe d’une société de gestion de portefeuille
chargée de sa gestion et d’une personne morale dépositaire des actifs du fonds ; que la
société de gestion de portefeuille agit au nom et pour le compte des porteurs de parts,
copropriétaires du fonds, de sorte que ces derniers exercent directement, en qualité de
mandants, les droits sur le FCPE et les actions qui le composent ; qu’en décidant
cependant en l’espèce, que la détention, par M. X... des actions NORAUTO via le FCPE
NORACTION ne constituait pas la détention directe des titres, la cour d’appel a violé les
articles 885 E et 885 O bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à
l’espèce, ensemble l’article 1984 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt
sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont considérées comme des biens
professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes, à savoir, premièrement
soit être gérant d’une SARL ou d’une société en commandite par actions, soit associé en
nom d’une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de
surveillance ou membre du directoire d’une société par actions et, deuxièmement, détenir
25% au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la
société ; que la loi qui prévoit que, pour que le bien puisse être qualifié de bien
professionnel, son propriétaire doit détenir 25% des droits de vote attachés à ce bien
n’impose pas qu’il exerce effectivement ce droit ; qu’en retenant pour refuser l’exonération
fondée sur l’article 885 O bis du code général des impôts que les droits de vote attachés
aux actions NORAUTO sont exercés non par M. X..., détenteur de parts du FCPE
NORACTION composé des actions NORAUTO, mais par le conseil de surveillance du
fonds, la cour d’appel qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, à savoir
l’exercice du droit de vote par les détenteurs d’actions eux-mêmes, a violé les articles 885
E et 885 O bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
ALORS DE QUATRIEME PART et en tout état de cause, QUE le conseil de surveillance
du fonds commun de placement d’entreprise, composé de salariés représentant les
porteurs de parts et eux-même porteurs de parts, exerce les droits de vote attachés aux
valeurs comprises dans le fonds ; qu’il s’ensuit que le conseil de surveillance du FCPE
exerce le droit de vote en qualité de mandataire des salariés, porteurs de parts ; qu’en
retenant pour refuser l’exonération fondée sur l’article 885 O bisdu code général des
impôts que les droits de vote attachés aux actions NORAUTO sont exercés non par M.
X... et Mme Y..., détenteurs de parts du FCPE NORACTION composé des actions
NORAUTO, mais par le conseil de surveillance du fonds, la cour d’appel a violé l’article L.
214-39 du code monétaire et financier, ensemble l’article 885 O bis du code général des
impôts, dans leur rédaction applicable à l’espèce.
Publication :
Décision attaquée : Cour d’appel de Douai du 7 décembre 2009
Titrages et résumés : IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Assiette Exclusion - Biens professionnels - Qualification - Parts de fonds commun de placement
d’entreprise (non)
Le contribuable, qui détient des parts de fonds commun de placement d’entreprise
dépositaire d’actions de la société dans laquelle il exerce son activité principale, ne détient
pas d’actions de cette société, et le fonds commun de placement, n’ayant pas la
personnalité morale, ne peut être considéré comme une société interposée au sens de
l’article 885 O bis du code général des impôts.
En conséquence, ce contribuable ne peut bénéficier, au titre de cette détention, de
l’exonération de l’assiette de l’impôt sur la fortune prévue par ce texte
Textes appliqués :
· article 885 O bis du code général des impôts
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