N°21 décembre 2013 Contenu 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. Editorial La fratrie d’enfants cancéreux : perspective d’une spécialiste La fratrie d’enfants cancéreux : perspective d’une proche Séquelles psycho-sociales après un cancer chez l’enfant – une étude à long terme du Registre Suisse du cancer de l’Enfant Nouvelle formation continue en psycho-oncologie - Interview avec F. Stiefel Symposium national de psycho-oncologie à l’occasion du 10ème anniversaire de la SSPO – rétrospective Note du comité Formations continues et manifestations Adresses de contact 1. Editorial Brigitte Leuthold Kradolfer, Assistante sociale HES , membre du comité SSPO ; Diana Zwahlen, Dr phil., Psychologue FSP , membre du comité SSPO Chère lectrice, cher lecteur, La présente newsletter contient de nombreuses informations qui, nous l’espérons, sauront retenir tout votre intérêt. Ce numéro met en lumière la situation des frères et sœurs d’enfants cancéreux sous deux angles : d’une part professionnel avec le rapport de Madame Stucki et d’autre part personnel avec le texte de Deborah B., sœur d’un patient. Elisabeth Stucki, psychologue en psychothérapie à l’hôpital de l’Ile de Berne, explique ce que le cancer d’un enfant peut déclencher et occasionner chez les frères et sœurs. Ceux-ci ont décrit leurs sentiments dans une brochure de la Fondation Allemande du Cancer de l’Enfant. Une fillette de 13 ans a intitulé sa photo, sur laquelle on ne voit qu’une surface entièrement bleue, « Seule ». Elle écrit : «de par la maladie de ma sœur, je me suis sentie souvent négligée, non seulement par mes parents, mais aussi par tout le reste de la famille. C’est ce que je veux exprimer avec cette photo ». Deborah B. est la sœur d’un patient. Son jeune frère a eu une leucémie à l’âge de cinq ans et demi. Deborah avait alors huit ans. Dans un devoir de diplôme en 2012, elle a choisi de raconter comment elle a appris la maladie de son frère, quels furent ses sentiments, ce qui l’a aidée et, avec le recul, ce qu’elle aurait souhaité. Nous lui sommes très reconnaissants de s’être replongée dans ses souvenirs et de livrer un résumé de son histoire aux lecteurs de cette newsletter. Nous restons sur ce thème avec l’article de Corina Rüegg et son groupe de chercheurs sur les maladies cancéreuses de l’enfant. Ce travail scientifique traite des séquelles dont peuvent souffrir les enfants ayant eu un cancer. A l’occasion de son 10ème anniversaire, la SSPO a attribué pour la première fois un prix scientifique, qui revint à Corina Rüegg. Nous profitons de cette occasion pour adresser nos plus sincères félicitations à Madame Rüegg et la remercions de nous avoir résumé son travail de recherche. En 2014, des cours de „formation continue interprofessionnelle en psycho-oncologie“ seront dispensés pour la première fois en Suisse Romande. Fritz Stiefel nous en dit plus dans une interview. Nous vous souhaitons d’heureuses fêtes de l’Avent. 2. La fratrie d’enfants cancéreux : perspective d’une spécialiste Elisabeth Stucki, lic. phil., psycho-oncologue, clinique de pédiatrie, hôpital de l’Ile, Berne Lorsqu’un enfant est atteint du cancer, c’est toute la famille qui est touchée. Ses frères et sœurs en souffrent de diverses façons. Les spécialistes reconnaissent de plus en plus ce fait et il existe également des études sur ce sujet. Le vécu Ce que les frères et sœurs d’un enfant gravement malade ressentent d’abord et avant tout, c’est un sentiment de perte et une menace. Eux aussi perdent pied, leur propre vie n’est tout à coup plus sûre, ils ne se sentent plus invulnérables et la famille n’est plus le refuge indestructible qu’ils croyaient. Tout à fait concrètement, le frère ou la sœur perd en même temps la présence et la protection de ses parents. D’un jour à l’autre, les parents passent le plus clair de leur temps à la clinique et confient les frères et sœurs aux voisins, aux grands-parents ou à des amis. Les enfants n’ont alors plus accès à leurs hobbies, à leurs cours ou à toute activité extra-scolaire spontanée. Personne n’a le temps de les accompagner au judo, la petite voisine qui vient jouer trouve porte close, l’invitation d’anniversaire tombe à l’eau à cause d’un séjour à l’hôpital. Ce qui disparaît aussi, c’est l’attention et le soutien qu’ils recevaient au quotidien dans leurs moments de joie ou de peine. Le but décisif au match de foot, le devoir de maths raté, la dispute avec la meilleure amie, plus rien ne trouve grâce aux yeux des parents. Cette perte est liée à la peur, peur pour le frère ou la sœur malade, peur pour sa propre vie et sa propre santé, mais aussi peur d’être abandonné « pour toujours » par les parents, et pour finir peur aussi pour les parents qui souffrent de cette situation, qui sont peut-être même à bout de forces. Les enfants plus âgés se retrouvent également avec plus de responsabilités : d’un jour à l’autre, l’enfant bien portant doit s’occuper lui-même de tâches qui incombaient jusqu’alors à ses parents. Bien souvent, si l’enfant malade est à la maison, on demande au frère ou à la sœur bien portant de participer aux soins. Tous les enfants vivent également un sentiment de jalousie et d’envie : l’enfant malade a tout-à-coup le droit de faire beaucoup de choses qui étaient interdites à tous, on lui permet de regarder dès le matin des dessins animés, il a le droit de s’allonger sur le sofa et manger des chips au lieu de partager le menu familial à table, il peut laisser sa chambre en désordre, et c’est souvent lui qui décide du programme du week-end. Sans compter les montagnes de cadeaux, toutes les visites, les bons vœux et tout le courrier. A cela s’ajoutent peut-être aussi la honte et le sentiment de culpabilité. L’enfant bien portant a honte de ses sentiments négatifs, de sa colère, de sa jalousie. D’ailleurs on n’arrête pas de lui dire comme il a de la chance d’être en bonne santé. S’il est encore à l’âge de croire aux contes de fées, il peut avoir l’impression d’avoir « créé » la maladie par jalousie envers son frère ou sa sœur parce qu’il lui a voulu du mal. Il est bien possible aussi qu’il ait honte de l’apparence physique de son frère ou de sa sœur malade, avec sa tête chauve, les tuyaux et pansements, le visage gonflé par les médicaments, ou encore parce que son papa pleure devant des étrangers et que sa maman oublie pour la 3ème fois de donner l’argent pour le voyage de l’école. 2 Face à ces situations, les réactions diffèrent en fonction de l’âge et du caractère des enfants : au début, on observe aussi en général chez le frère ou la sœur des symptômes de réaction extrême au stress. Par la suite, il y a des enfants qui fonctionnent sans se plaindre, acceptent d’être pris en charge par des étrangers et apprennent le renoncement, s’émancipent avant l’âge. D’autres réagissent souvent de manière agressive, insultent les parents et se plaignent haut et fort d’injustices ou tourmentent l’enfant malade. D’autres encore vont se manifester par des défaillances scolaires et un manque de concentration. Certains se plaignent subitement de douleurs, souffrent d’insomnie, régressent dans leur développement et dans leur comportement. Il y a des enfants qui se tournent manifestement vers l’extérieur, désertent le pratiquement le foyer familial et passent le plus clair de leur temps chez leurs copains. D’autres vont s’enfermer dans leur chambre et s’isoler. Alors que les plus jeunes ont tendance à se révolter contre les changements, les plus âgés se montreront souvent « raisonnables » et s’accommodent de la nouvelle situation. Les plus jeunes de la fratrie souffrent plutôt plus, ces changements dans le quotidien familial sont en règle générale plus graves pour eux. Assistance La fratrie a besoin de personnes qui leur consacrent du temps, parlent avec eux, s’enquièrent de leurs peurs et de leurs peines. Au début, les parents ne sont souvent pas assez à l’écoute. Ils sont débordés, préoccupés par les graves problèmes de l’enfant malade, ce qui leur prend beaucoup de temps, et bien souvent d’ailleurs ils ne sont même pas là. Ils désirent souvent aussi épargner les autres frères et sœurs, ne leur disent pas toute la vérité. C’est là que les médecins et psychologues jouent un rôle important. Ils peuvent démontrer aux parents pourquoi la franchise est importante, que les enfants peuvent mieux s’accommoder de cette nouvelle situation menaçante s’ils comprennent ce qui se passe avec leur frère ou leur sœur, pourquoi il/elle est tombé/e malade, comment se déroule le traitement. Les professionnels doivent eux aussi informer eux-mêmes le frère ou la sœur, s’enquérir de ses sentiments et en tenir compte, lui démontrer que tout ce qu’il/elle vit est « normal » dans une telle situation. Ils peuvent offrir de l’espoir et aider le frère/la sœur à parler à ses parents de ses propres besoins, à négocier des petites choses qui lui donneront l’impression d’être malgré tout encore important(e) pour ses parents. C’est souvent des petits riens qui donnent cette impression aux enfants : la maman qui téléphone chaque soir depuis l’hôpital, la certitude que maman a toujours du temps le samedi aprèsmidi, que l’enfant malade soit à l’hôpital ou à la maison, parce que c’est au tour de papa de s’en occuper, un déjeuner au McDo avec le père pendant que la mère et l’enfant malade sont à l’hôpital, dormir dans le lit de maman ou encore conclure un arrangement selon lequel la mère rentre dormir à la maison toutes les trois nuits et se fait remplacer à l’hôpital. Il est important que l’un des deux parents continue de prendre part au quotidien de la fratrie bien portante. Il ne faudrait pas déléguer la réunion de parents d’élèves, le match de foot, les spectacles de l’école ou le carnaval à des amis ou parents. Les visites à l’hôpital sont elles aussi importantes : la fratrie bien portante a souvent l’impression que la mère et le patient passent du bon temps à l’hôpital – ils parlent de la visite d’un clown et rentrent souvent chargés de cadeaux et de choses qu’ils ont fabriquées eux-mêmes. Y aller une fois et voir ce qu’il s’y passe d’autre, depuis le doigt qu’on pique jusqu’à la chimiothérapie, aide à se faire une idée plus réaliste de la situation. Il serait également bénéfique de faciliter l’échange avec d’autres frères et sœurs d’enfants malades, que ce soit dans le cadre d’une activité organisée (rencontre entre frères et sœurs, vacances familiales, manifestations de l’aide aux enfants cancéreux, etc.), de manière informelle entre les familles qui font connaissance à l’hôpital ou virtuellement p.ex. sur le site oncokid, ou encore à l’aide de livres d’images et d’histoires. Conséquences Dans l’idéal, les frères et sœurs ressortent grandis d’une telle crise, sensibilité accrue, plus de compassion envers autrui, plus grande maturité psychologique. S’ils ne réussissent par contre pas à surmonter la crise, il peut en résulter dépressions, sentiments de culpabilité, peurs et insécurité. Des études prouvent que de nombreuses fratries montrent dans la phase aiguë des symptômes de SSPT aigu (syndrome de stress post-traumatique), mais à l’âge adulte heureusement, seul un faible pourcentage présente des troubles psychiques. 3 Les enfants qui présentent le plus de risques sont ceux qui sont plus jeunes que l’enfant malade et les frères et sœurs de patients que le cancer a laissés handicapé ou qui a entraîné des séquelles durables. Le risque est bien entendu encore plus grand si la famille avait déjà des problèmes d’ordre psycho-social avant le début de la maladie. Ouvrages sur ce sujet : Littérature spécialisée - - - AlderferMA, Long KA, Lown EA, Marsland AL, Ostrowski NL, Hock JM, Ewing LJ (2010): Psychosocial adjustment of siblings of children with cancer: a systematic review. In: Psychooncology Aug:19(8): 789805. Buchbinder D et. al. (2011): Psychological outcomes of siblings of cancer survivors: a report from the Childhood Cancer Survey Study. In: Psychooncology 20: 1259-1268. DiGallo A, Gwerder Ch, Amler F, Bürgi D (2003): Geschwister krebskranker Kinder – die Integration der Krankheitserfahrung in die persönliche Lebensgeschichte. In: Praxis Kinderpsychol. Kinderpsychiatr. 52: 141-155. Kaplan LM, Kaal KJ, Bradley L, Alderfer MA (2013): cancer related traumatic stress reactions in siblings of children with cancer. In: Fam.Syst.Health Jun; 31 (2): 205-17. Long KA, Marsland AL, Alderfer MA (2013). Cumulative family risk predicts sibling adjustment to childhood cancer. In: Cancer Jul1; 119 (13): 2503-10. Prchal A, Landolt MA (2009): Psychological interventions with siblings of pediatric cancer patients: a systematic review. In: Psycho-Oncology Dec., 18(12): 1241-51. Prchal A, Graf A, Bergstraesser E, Landolt MA (2012): A two-session psychological intervention for siblings of pediatric cancer patients: a randomized controlled pilot trial. In: Child Adolesc. Psychiatriy Ment Health Jan 11;6(1):3. Pour les familles concernées - (K)eine Zeit für Erdbeeren: Geschwister krebskranker Kinder teilen sich mit. Deutsche Kinderkrebsstiftung. www.kinderkebsstiftung.de Waldorf S, Friedrich C.: Ich will auch Geschenke! Hilfen für Geschwister. Deutsche Kinderkrebsstiftung. www.kinderkebsstiftung.de 3. La fratrie d’enfants cancéreux – perspective d’une proche Deborah B., 17 ans, soeur d‘un frère touché Dans le cadre de mon diplôme de fin de scolarité au printemps 2012, j’avais un travail à rédiger. Ce fut pour moi une évidence de m’attaquer à un sujet totalement inconnu jusqu’alors : la fratrie d’enfants cancéreux. Mon histoire démarre en Janvier 2004. A l’âge de cinq ans et demi, on décela chez mon frère une leucémie (ALL). Comme pour la plupart des enfants de mon âge (8 ans à l’époque), le cancer était une maladie que l’on associait immédiatement à la mort et je pensais donc naturellement que mon frère allait obligatoirement mourir. Au cours d’une discussion avec mes parents, ceux-ci m’expliquèrent que ce n’était pas du tout le cas, que beaucoup d’enfants survivaient. La peur du futur restait cependant omniprésente. De penser que cela peut arriver, que l’on a tout à coup un frère de moins, n’est pas agréable, très angoissant et l’on se demande immédiatement pourquoi cela doit m’arriver à moi en particulier, qu’est ce que cela signifie. La plus angoissée de tous était la sœur jumelle de mon frère. Avant qu’il ne tombe malade, ils étaient inséparables. Elle souffrait beaucoup de leur séparation, demandait souvent à l’époque de pouvoir être près de lui. Il m’arrivait souvent d’aller chercher ma sœur au jardin d’enfants et d’aller déjeuner chez des amis. Elle s’enfuyait à plusieurs reprises et lorsqu’on l’avait retrouvée, elle expliquait qu’elle voulait aller chez notre frère. Il était alors très difficile d’expliquer la situation à une enfant de cinq ans sans l’effrayer inutilement. Ces situations étaient pour moi souvent très au-dessus de mes forces. D’un instant à l’autre, il me fallait endosser une très grande responsabilité et, de peur de devenir une charge supplémentaire pour mes parents, je ne me confiais pas du tout à eux. Je trouvais qu’ils avaient assez à faire avec ma sœur en devant être là pour elle. Le mois qui suivit le diagnostic, je ne vis plus du tout mon frère. Et à la suite de ce mois, on n’avait le droit de le voir que sous des conditions spéciales. Lors de ma première visite, je reconnus à peine mon frère. J’avais devant moi un garçon relié de tous côtés à des câbles et appareils de surveillance, les joues rougies et gonflées par la cortisone. Cette vision et cette ambiance furent très éprouvantes pour moi. Mais j’étais simplement heureuse de pouvoir revoir mon frère. 4 En 2009 mon frère fut déclaré guéri (non cancéreux). Aujourd’hui il va très bien et nous sommes heureux d’être ensemble. Au cours de cette année et des suivantes, j’ai pu participer à divers camps et manifestations de l’Aide aux Enfants Cancéreux ou même en partager parfois la responsabilité. J’ai pu rencontrer beaucoup de gens et partager mon histoire avec eux, ce qui m’a grandement aidée à l’assimiler. Par la suite, c’est moi qui ai pu consoler, comprendre les autres frères et sœurs et leur apporter ainsi un peu d’aide. C’était et cela reste pour moi une très belle expérience, pouvoir simplement être là pour eux, les écouter ou entreprendre quelque chose avec eux. De ces rencontres sont nées des amitiés qui perdurent encore à ce jour, ce dont je suis particulièrement heureuse et fière. Je n’ai malheureusement pas bénéficié des possibilités qui existent aujourd’hui. De nos jours heureusement, on se préoccupe plus de la fratrie. Cela est tellement important de lui permettre de s’exprimer et de lui offrir un soutien. Il y a beaucoup de frères et sœurs dont les résultats scolaires chutent, pour des raisons de stress psychique la plupart du temps, ou du manque d’attention involontaire des parents. De nombreux enfants m’ont raconté qu’ils avaient surtout peur de perdre leur frère/sœur ou qu’il/elle subisse une rechute. La question est alors de savoir comment l’on peut venir en aide à ces fratries de la meilleure façon possible. Il n’est pas bon de les plaindre de manière exagérée, il faudrait entreprendre quelque chose avec eux pour leur changer les idées pendant quelques heures. L’information est d’une importance essentielle ; il faut informer les frères et sœurs et il faut répondre à leurs questions. En tant que frère ou sœur, on ne veut pas être seulement ménagé, mais on veut savoir la vérité. Les parents devraient également se demander comment accorder du temps à la fratrie uniquement. Il faudrait à tout prix informer les amis de la fratrie, qui à leur tour devraient être là pour elle. Je suis très heureuse d’avoir pu, grâce à mon travail, faire revivre une partie de mon passé, car il est important de pouvoir parler de ces évènements et non pas les jeter aux oubliettes. J’espère ainsi avoir pu faire bouger un peu les choses, afin que tous les frères et sœurs qui se trouvent confrontés à de telles expériences s’en sortent plus facilement que moi. 4. Séquelles psycho-sociales après un cancer chez l’enfant – une étude à long terme du Registre Suisse du Cancer de l’Enfant Corina S. Rueeg & Micòl E. Gianinazzi, Institut de médicine sociale et préventive, Université de Berne Gisela Michel, Seminar Health Scineces and Health Policy, Université de Lucerne Le cancer chez l’enfant Les maladies oncologiques sont rares chez l’enfant et l’adolescent. Moins d’ 1 % de toutes les maladies cancéreuses se déclare avant la 21ème année ; en Suisse, cela représente environ 300 nouveaux cas par an [1]. Cependant, le cancer est, après les accidents, la deuxième cause de mortalité chez l’enfant. Grâce aux progrès diagnostiques et thérapeutiques, on guérit plus de 80 % des enfants. Toutefois, différentes études à long terme montrent qu’environ deux tiers des enfants guéris développent des séquelles physiques et psychiques. [2]. Séquelles psycho-sociales suite au cancer chez l’enfant Malgré les réussites thérapeutiques, le diagnostic du cancer représente une menace potentielle et peut entraîner toute une série de problèmes psychiques. Ceci vaut non seulement lors de la phase aiguë de la maladie, mais également de nombreuses années plus tard. L’expérience traumatisante de la maladie, mais aussi la peur de séquelles ou encore de problèmes physiques déjà présents peuvent représenter une lourde charge psychique et diminuer la qualité de vie. 5 Jusqu’alors, la recherche s’est focalisée principalement sur les séquelles physiques. Dans le cadre de la Swiss Childhood Cancer Survivor Study (SCCSS), le Registre Suisse du Cancer de l’Enfant (SKKR) a également mené, ces dernières années, des recherches intensives sur les séquelles psycho-sociales. Swiss Childhood Cancer Survivor Study La SCCSS est une étude de la SKKR et du Groupe d’Oncologie Pédiatrique Suisse (SPOG) rattachée à l’Institut de Médecine Sociale et Préventive de l’Université de Berne. Elle explore les séquelles du cancer chez l’enfant et leurs facteurs de risques. Déroulement de l’étude L’étude a porté sur tous les enfants suisses de 0 à 15 ans qui sont tombés malades entre 1976 et 2005 et ont survécu au moins 5 ans (« Survivors »/survivants) (Tableau 1)[3]. Entre 2007 et 2011 la clinique où ils avaient été soignés leur a adressé une lettre explicative suivie d’un questionnaire „Baseline“ détaillé en allemand, français ou italien. Ce dernier regroupait les domaines suivants : qualité de vie, santé physique et comportement en matière de santé, médicaments et visites médicales, santé psychique, expériences avec le cancer et facteurs sociodémographiques. Nous avons envoyé ce questionnaire également à un panel de frères et soeurs. Environ 3 ans plus tard, tous les survivants de plus de 18 ans et ayant répondu au questionnaire „Baseline“ reçurent un questionnaire „Follow-up“, portant cette fois-ci sur le suivi médical et la santé psychique. Les informations détaillées sur la maladie oncologique dont ils avaient souffert furent extraites du Registre Suisse du Cancer de l’Enfant. Stade de l’étude 3377 enfants ayant jadis souffert d’un cancer répondaient aux critères de sélection pour le questionnaire „Baseline“. 2962 d’entre eux ont pu être contactés et 2192 ont rempli le questionnaire (74% ; 1274 adultes, 458 adolescents et 460 enfants). Par ailleurs, 827 frères et soeurs ont retourné le questionnaire (54% des personnes interrogées). En ce qui concerne l’étude „Follow-up“, 754 survivants répondaient aux critères de sélection. On a écrit à 720 d’entre eux (95%) et 324 (45%) ont retourné le questionnaire. Saisie du stress psychique et de la qualité de vie On a effectué la saisie du stress psychique [4] au moyen du „Brief Symptom Inventory“ (BSI). Cet instrument mesure le stress psychique dans les domaines suivants : somatisation, manies, manque d’assurance dans les contacts sociaux, dépression, angoisses, agressivité, phobies, paranoïa, psychopathie et donne une valeur globale du stress. Pour les survivants adolescents et dans le questionnaire „Follow-up“, on a utilisé une version courte (BSI-18) [5] qui couvre les 3 domaines somatisation, dépression et angoisses et forme une valeur globale du stress. A partir d’un certain Cut-off on peut parler d’un stress psychique notable, qui demanderait une enquête clinique. En ce qui concerne la qualité de vie, on s’est servi du SF-36 pour effectuer la saisie de 4 domaines physiques (capacité motrice, apparence physique, douleurs physiques, vitalité) et de 4 domaines psycho-sociaux (perception générale de la santé, du fonctionnement social, du rôle émotionnel, du bien-être psychique). On peut ensuite réduire ces domaines à deux et obtenir un score total, un physique et un psychosocial. Santé psycho-sociale d’enfants guéris du cancer Nous avons analysé le questionnaire „Baseline“ d’environ 1500 survivants adolescents et adultes et de 700 frères et soeurs. Leur âge moyen était de 25 ans, 53 % de sexe masculin (on a analysé les données des frères et soeurs en fonction de l’âge et du sexe du survivant). L’âge moyen lors du diagnostic était de 7,6 ans et environ 17 ans s’étaient écoulés depuis. On a de plus exploité les données du questionnaire „Follow-up“ pour analyser la santé psychique sur le long terme. La plupart des enfants guéris du cancer vont bien Il est heureux de constater que la plupart des anciens patients vont bien. 8 à 17 % des survivants adultes, selon le domaine examiné, souffrent d’un stress psychique de niveau clinique. L’agressivité (16,9 %), le manque d’assurance dans les contacts sociaux (16,5 %), la psychopathie (15,6 %) et la dépression (13,4 %) sont les troubles les plus souvent mentionnés. En tout, 24,6 % des survivants font état de stress psychique de niveau clinique, en comparaison avec les 10 % de la population générale auxquels on pourrait s’attendre avec le BSI (tableau 2). 6 Le même scénario se présente pour les survivants adolescents. Selon le domaine analysé, 17 à 19 % des femmes et 5-12 % des hommes font état de stress psychique de niveau clinique [7]. Les femmes sont plus touchées par la somatisation, les hommes par la dépression. La qualité de vie subjective des survivants et de leur fratrie est comparable [8], sauf pour ce qui concerne la capacité motrice (marcher, monter les escaliers, porter quelque chose, s’habiller ou se laver) l’apparence physique (réduction de contacts sociaux due à des problèmes physiques), la perception générale de la santé et le résultat total physique, où les survivants témoignent d’une moins bonne qualité de vie. Même les survivants ayant subi une récidive après une leucémie présentent une qualité de vie comparable à celle de la population générale [9]. Il y a cependant des groupes à risques plus élevés Malgré ces résultats réjouissants, différentes analyses font également état de groupes présentant un risque élevé de problèmes psycho-sociaux par la suite. Ainsi, des survivants souffrant par exemple de troubles chroniques tels que diminution de la vision, problèmes acoustiques, neurologiques, musculaires et du squelette, surpoids, digestifs ou encore de mémoire, souffrent d’une qualité de vie réduite dans tous les domaines [8]. Les survivants avec séquelles souffrent également plus souvent de troubles psychiques [6, 7]. En particulier, les survivants ayant eu une tumeur cérébrale, osseuse ou oculaire (rétinoblastome) et ceux ayant été traités par irradiation cranio-spinale ou ayant subi une greffe de moelle osseuse souffrent souvent de séquelles et de troubles psychosociaux plus importants [6-8]. L’analyse longitudinale des questionnaires „Baseline“ et „Follow-up“ montre que le stress psychique ne diminue pas avec le temps, mais au contraire a tendance à augmenter. De plus, il y a plus de survivants souffrant de stress psychique de niveau clinique [10]. Comment ces résultats aident-ils les personnes concernées ? Malgré les succès enregistrés par les traitements du cancer chez l’enfant, il existe des groupes de patients présentant un risque accru de troubles psychiques et de moindre qualité de vie. Pour eux, il faudrait mettre en place un suivi médical régulier qui décèlerait et réduirait à temps séquelles et problèmes psycho-sociaux. A l’heure actuelle, ce n’est malheureusement pas ou peu systématique. La SCCSS révèle que seulement 34 % des survivants adolescents ou adultes souffrant de troubles psychiques ont consulté un psychologue ou un psychiatre au cours de l’an passé [11]. Pour améliorer la prise en charge de ces survivants, il faudrait mettre en place sur le territoire suisse un suivi médical systématique adapté aux risques que courent les patients. Un tel suivi médical permettrait de déceler à temps les séquelles et de les traiter, et ainsi d’améliorer la qualité de vie. Les résultats présentés et d’autres projets de recherche de la SKKR (comme p.ex. le suivi médical et la transition) concourent concrètement à élaborer pour la Suisse un modèle de suivi médical à l’échelon national. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. Mitter, V., et al., Swiss Childhood Cancer Registry - Annual Report 2011/2012, 2013, University of Bern, Institute of Social and Preventive Medicine: Bern. Oeffinger, K.C., et al., Chronic health conditions in adult survivors of childhood cancer. N Engl J Med, 2006. 355(15): p. 1572-82. Kuehni, C.E., et al., Cohort profile: The Swiss Childhood Cancer Survivor Study. Int J Epidemiol, 2012. 41(6): p. 1553-1564. Derogatis, L.R., Brief symptom inventory (BSI), administration, scoring, and procedures manual (third ed.). 1993, Minneapolis National Computer Services,. Derogatis, L.R., BSI-18 Administration, Scoring, and Procedures Manual. 2000, Minneapolis, MN: National Computer Services. Michel, G., et al., Psychological distress in adult survivors of childhood cancer: the Swiss Childhood Cancer Survivor Study. J Clin Oncol, 2010. 28(10): p. 1740-48. Gianinazzi, M.E., et al., Adolescent survivors of childhood cancer: are they vulnerable for psychological distress? Psychooncology, 2013: p. doi:10.1002/pon.3249. Rueegg, C.S., et al., Health-related quality of life in survivors of childhood cancer: the role of chronic health problems. J Cancer Surviv, 2013. Essig, S., et al., Follow-up programs for childhood cancer survivors in europe: a questionnaire survey. PLoS One, 2012. 7(12): p. e53201. Michel, G., et al., Psychische Belastung im Verlaufe der Zeit bei ehemaligen Kinderkrebspatiente, präsentiert an der Schweizer Fachtagung Psychookonologie 2013: St. Gallen, Schweiz. Gianinazzi, M.E., et al., Psychological care in adult survivors of childhood cancer and siblings: the Swiss Childhood Cancer Survivor Study. Supportive Care in Cancer, accepted. 7 Tableau 1: Déroulement de l’étude de la Swiss Childhood Cancer Survivor Study Registre Suisse du Cancer de Swiss Childhood Cancer Survivor l’Enfant Study (SCCSS) Schweizer Kinderkrebsregister Childhood Cancer FollowCritères de sélection : Questionnaire Baseline (SKKR) up (CCFU) Enfants et adolescents maQuestionnaire Follow-up du Critères de sélection : lades du cancer en Suisse Age lors du diagnostic : 0-20 ans Habitant ou étant soigné en Suisse Codification du diagnostic selon ICCC-3 ≥5 ans après le diagnostic Diagnostic entre 1976-2005 Habitant en Suisse lors du diagnostic Domaines saisis : Qualité de vie, séquelles médicales, troubles psychiques, comportement santé, fertilité, données sociodémographiques. SCCSS Critères de sélection : Participation au Baseline SCCSS Diagnostic en 1990 ou ultérieur Age au moment de l’étude + de 18 ans Erhobene Bereiche: Lebensqualität, psychische Probleme, Nachsorge. ICCC-3: International Classification of Childhood Cancer - Third edition Tableau 2: Nombre relatif de survivants adultes avec problèmes psychiques [6] Problèmes psychiques évalués T≥63 sur au moins deux échelles ou valeur totale de stress du Brief Symptom Inventory (BSI) 8 5. Nouvelle formation continue en psycho-oncologie Prof. Friedrich Stiefel, Chef de Service, PLI, DP-CHUV, FBM UNIL Interview: Ligue suisse contre le cancer Suite au succès rencontré en Suisse alémanique par la formation continue interprofesionnelle en psycho-oncologie proposée depuis plusieurs années par la Ligue contre le cancer et la Société Suisse de Psycho-Oncologie, une offre analogue est mise en place pour les francophones. Cette nouvelle formation vise à contribuer à l'amélioration de la compréhension de l'impact psychosocial du cancer chez les spécialistes et au développement de leur aptitude à l'interaction et la communication avec les patients et leurs familles. Les explications du Prof. Friedrich Stiefel, Directeur académique, Président du Comité directeur et Président du Comité scientifique. Une formation continue – Certificate of Advanced Studies (CAS) – en psycho-oncologie a été mise sur pied en Suisse romande : à quel(s) besoin(s) répond-elle ? Prof. Friedrich Stiefel: La psycho-oncologie se développe de manière constante sur le plan clinique et n’est plus limitée aux centres académiques. Le fait de former des cliniciens et de leur permettre, d’une part, de développer leurs connaissances et aptitudes à soutenir les patients atteints de cancer et, d’autre part, de surmonter leurs difficultés aura un effet certain sur les patients et sur les équipes dans lesquelles les cliniciens formés travaillent ou travailleront. Fruit d’une collaboration entre la Ligue suisse contre le cancer, la Société Suisse de Psycho-Oncologie (SSPO), le CHUV et l’Université de Lausanne, cette formation reflète également une volonté grandissante d’intégrer les aspects psychiques dans la prise en charge oncologique et de reconnaître la psycho-oncologie comme élément constitutif du dispositif de soins. Cette formation continue s’adresse aux médecins, aux psychologues, aux infirmiers et aux travailleurs sociaux : comment satisfaire les attentes de ces différents groupes cibles ? Nous considérons qu’une formation interdisciplinaire donne lieu à de riches débats et discussions, contribue à une meilleure compréhension mutuelle des différents rôles qu’occupent ces professionnels dans une équipe et stimule le partage des savoirs, le savoir-être et le savoir-faire. Il est possible que certains aspects de la formation revêtent des significations différentes pour les corps professionnels concernés, mais la formation a été conçue de manière à ce que les thématiques enseignées soient pertinentes pour l’ensemble des corps professionnels ciblés. Attendu que le nombre de places sera limité, nous allons essayer d’inclure surtout des participants susceptibles de progresser dans le champ de la psycho-oncologie et en mesure de transmettre leurs savoirs aux équipes. Cette formation interdisciplinaire se base sur le principe que la psycho-oncologie a un rôle à jouer aussi bien dans les soins infirmiers, dans la prise en charge médicale, dans l’accompagnement social que dans les approches psychologiques dispensées en oncologie. A l’issue de la formation, les participants obtiennent-ils un titre et/ou des crédits ? En termes de cursus, la formation continue comprend six modules de formation (par exemple, maladie et société, dimensions psychiques), représentant 150 heures d’enseignement, un cours interactif de « construction relationnelle avec le patient », des supervisions individuelles et en groupe ainsi que la rédaction d’un mémoire. Les participants qui auront suivi l’ensemble du programme obtiendront treize crédits ECTS. Le cursus de formation permet en outre l’obtention du titre de conseiller ou psychothérapeute en psycho-oncologie – Société Suisse de Psycho-Oncologie (SSPO). Il est par ailleurs reconnu par un certain nombre de sociétés médicales – Société Suisse de Médecine Générale (SSMG), Société Suisse d’Oncologie Médicale (SSOM), etc. – et fait encore l’objet de demandes de reconnaissance auprès d’autres sociétés – Fédération Suisse des Psychologues (FSP), Académie Suisse pour la Médecine Psychosomatique et Psychosociale (ASMPP). 9 La formation continue en psycho-oncologie romande a été conçue sur des bases différentes de la formation alémanique. Quelles sont les principales différences entre ces deux formations ? Nous mettons beaucoup l’accent sur les aspects sociétaux de la maladie cancéreuse (image du patient atteint de cancer véhiculée dans le discours social, aspects historiques et sociologiques de la maladie, etc.) ainsi que sur les approches psychothérapeutiques. Nous essayons en outre d’introduire des éléments autoréflexifs dans la formation et accordons moins de place aux connaissances oncologiques de base. Enfin, en termes pédagogiques, la formation s’appuie sur une approche dynamique de co-construction entre les participants visant à mobiliser les savoirs. Certificate of Advanced Studies (CAS) psycho-oncologie Public concerné Professionnels* – médecins, psychologues, infirmiers, assistants sociaux – impliqués dans la prise en charge de patients souffrant de maladies cancéreuses Durée Ce CAS représente 32 jours de formation répartis entre avril 2014 et décembre 2016. Lieu Lausanne Inscription Auprès de la Formation Continue UNIL-EPFL. Admission sur dossier et entretien. Joindre au bulletin d’inscription : une lettre de motivation, un CV Bulletin d’inscription : www.formation-continue-unil-epfl.ch Finance d’inscription CHF 9500.Délai d’inscription 15 janvier 2014. Places limitées Renseignements [email protected] Web : http://www.formation-continue-unil-epfl.ch/psycho-oncologie-cas 6. Symposium national de psycho-oncologie à l’occasion du 10ème anniversaire de la SSPO – rétrospective Ursula Rohrer, psychologue assistante ; Diana Zwahlen, Dr phil., psycho-oncologue, oncologie / psychosomatique, hôpital universitaire de Bâle, membre du comité SSPO «La psycho-oncologie a-t-elle changé l’oncologie ? Rétrospective, perspectives et points de vue» 30 ans de psycho-oncologie en Suisse, dix ans de Société Suisse de Psycho-Oncologie : la SSPO a profité de cette occasion, dans le cadre d’un congrès national, pour faire le point, mais aussi pour approfondir les différents sujets et définir les étapes à franchir pour développer une psycho-oncologie de qualité. En voici un résumé. La Société Suisse de Psycho-Oncologie (SSPO) avait convié en Juin à St. Gall à un congrès de jubilé de deux jours, qui remporta un vif succès. 220 participantes et participants s’étaient réunis à l’Hôtel Einstein pour assister aux nombreuses conférences et ateliers reprenant les thèmes actuels de psycho-oncologie. Des conférenciers en provenance de Suisse, d’Allemagne et d’Autriche ont enrichi le programme de leur présence. 10 C’est un grand succès, pour la modeste SSPO d’autrefois, d’avoir réussi à organiser aujourd’hui un congrès de cette envergure, souligna avec plaisir Dr. Brigitta Wössmer, présidente de la SSPO, dans son discours de bienvenue aux membres de la Société, actuellement au nombre de 200. « Nous ne devons cependant pas nous reposer sur nos lauriers » continua-t-elle. Après l’établissement réussi de la formation continue interprofessionnelle en psycho-oncologie, il faut maintenant garantir la mise en œuvre de directives nationales en psycho-oncologie et le financement des prestations psycho-oncologiques. Brigitta Wössmer anticipa la question directrice du congrès en y répondant par : oui, la psychooncologie a changé l’oncologie – en bien. Elargissement des centres d’intérêt : de la durée de vie à la qualité de vie Le Pr Thomas Cerny, président de la fondation de la recherche suisse contre le cancer, a lui aussi appelé les participants à revenir à l’époque pionnière de l’oncologie, lorsque le cancer était une stigmatisation sociale et que le président Nixon mobilisait pour la « War on Cancer ». C’est le grand mérite de la psycho-oncologie si aujourd’hui l’on ne s’attache plus seulement à la durée de vie des patients cancéreux, mais aussi à leur qualité de vie. Après ce passionnant retour en arrière, le Pr Anja Mehnert, chef de la section oncologie psycho-sociale à la clinique universitaire de Leipzig, se concentra sur le présent. Elle mentionna le manque de temps croissant des médecins et la surcharge de travail du personnel soignant. Il y a un vrai hiatus entre la médecine de plus en plus technologique et le besoin qu’ont les patients de soutien humanitaire. « On n’a pas le temps d’écouter » souligna la psychologue qui rappela que les besoins en soutien non satisfaits entraînaient plus de symptômes, plus de consultations et plus de comportements dangereux pour la santé. En psycho-oncologie, l’on s’oriente selon les besoins des patients. Car « en fin de vie, ce ne sont plus nous les experts, mais bien le patient, qui devient notre professeur le plus important ». L’après-midi fut consacré à différents ateliers. Les participants ont ainsi pu approfondir les sujets tels que la pleine conscience, la médecine complémentaire, la manière d’aborder les modèles de dysfonctionnement familial ou encore les questions sur l’acceptation de la maladie en oncologie. Au cours du symposium « groupes spéciaux », le Dr. Stefan Essig, de l’Institut de médecine préventive et sociale à l’université de Berne, et le Pr Alexander Kiss, médecin-chef en psychosomatique à l’hôpital universitaire de Bâle, ont offert un aperçu intéressant du travail avec des adolescents et des difficultés de communication entre les jeunes et les médecins et soignants. La conférence d’Elisabeth Andritsch, de la clinique universitaire de Graz, portait principalement sur les enfants de parents cancéreux. Le Pr ém Christoph Hürny de la clinique gériatrique de St. Gall parla des aspects psychosociaux chez les personnes âgées souffrant du cancer. Il rappela que ce groupe important de patients n’est pas toujours en mesure de suivre le rythme du milieu médical et qu’il a besoin de plus de respect envers ses besoins spécifiques. Parlant de dépressions, il nous fit réfléchir sur le fait que celles-ci se manifestent souvent chez les personnes âgées par des symptômes physiques. La présidence de la SSPO à Judith Alder, le prix de la recherche à Corina Rüegg C’est la première fois qu’un symposium scientifique avait lieu pendant un congrès de la SSPO. Six jeunes scientifiques présentèrent leurs travaux de recherche devant un jury professionnel composé de trois membres. Au cours de la soirée de gala, on remit à Corina Rüegg, étudiante PhD à l’Institut de médecine sociale et préventive de Berne, le prix de la recherche doté de 1 500 Francs pour son travail sur l’importance de problèmes chroniques de santé pour la qualité de vie de jeunes adultes ayant souffert de cancer pendant leur enfance. (Titre de la présentation : Health Related Quality of Life in Survivors of Childhood Cancer: The Role of Chronic Health Problems). Un autre temps fort du congrès, l’assemblée générale de la SSPO. La présidente Brigitta Wössmer, qui a dirigé la Société avec discernement et engagement pendant les 10 premières années, transmit les rênes à Judith Alder, PD Dr. phil., élue nouvelle présidente à l’unanimité. Le Pr ém Christoph Hürny a été nommé membre d’honneur de la SSPO en remerciement de ces nombreux services rendus à la SSPO. 11 La psycho-oncologie soutient la préparation à une situation palliative Le deuxième jour du congrès offrait également un large programme. Entre autres, Christoph Rieder, psychologue en chef de la clinique bernoise Montana, a parlé des besoins des patientes et patients, vus sous l’angle de la réadaptation stationnaire. Le Dr. Roland Kunz, médecin chef des soins palliatifs à l’hôpital d’Affoltern, parla du passage aux soins palliatifs, souvent difficile pour les patients. Il introduisit la notion de prise en charge psycho-palliative, qui représente un accompagnement global du patient et de sa famille. Selon lui, la tâche de la psycho-oncologie consiste en particulier à préparer le patient à sa nouvelle situation, à temps et hors de l’ « agitation médicale », et à encourager son autodétermination. Au cours d’un atelier portant sur ce même thème, il fut possible de discuter des différents aspects. Le Pr Martin Fey, chef du service d’oncologie, hôpital de l’Ile de Berne, se pencha sur le travail interdisciplinaire. Outre l’accompagnement psycho-oncologique des patients cancéreux, il souligna également l’importance de l’accompagnement de l’équipe médicale et soignante et leur formation en communication. Il lui semble indispensable que la psycho-oncologie soit diffusée dans l’équipe en tant que partie intégrante de l’oncologie. Dans son bilan, il mentionna qu’il ne suffisait pas de s’arrêter uniquement au rapport revenusdépenses. Des équipes stables s’avèrent souvent aussi utiles. Le comportement envers des patients gravement malades est un devoir social En fin de congrès, les spécialistes en psycho-oncologie et en oncologie portèrent un regard sur l’avenir de cette jeune discipline. Brigitte Baschung, directrice suppléante de la Ligue Suisse contre le Cancer, nomma les objectifs de la SSPO qui lui tiennent le plus à cœur, à savoir la reconnaissance académique de la formation continue interdisciplinaire et son étendue à la Suisse romande et au Tessin, l’élaboration de directives nationales, l’encouragement de la recherche et une politique de santé novatrice. Le Dr. Mark Häfner, oncologue à l’hôpital de Bülach, parla du problème de succession, de la garantie et de la répartition des offres ambulatoires, pendant que Dr. Sandra Sieber, psycho-oncologue au centre hospitalier du Haut Valais, osait regarder dans une boule de cristal. Elle y vit des oncologues et des psycho-oncologues travaillant en étroite collaboration, des procédés de screening fonctionnant bien et une garantie de financement pour les prestations psycho-oncologiques. Le dernier mot du congrès revint au Prof. Fritz Stiefel, chef du service de psychiatrie de liaison du CHUV, Lausanne. Il appela les participants du congrès à ne pas se satisfaire d’un statu quo, mais de considérer le comportement envers la maladie et envers les patients gravement malades comme un devoir social. 7. Note du comité Brigitte Leuthold Kradolfer, Assistante sociale HES, membre du comité SSPO En Juin dernier au cours des fêtes du Jubilé à St Gall, Brigitta Wössmer et Liselotte Dietrich ont donné leur démission du comité, où elles siégeaient depuis la fondation de la Société en 2003. Brigitta Wössmer a endossé la présidence de la SSPO en 2006 et en a défendu les intérêts avec beaucoup d’enthousiasme, de discernement, d’imagination, de motivation et d’ouverture d’esprit. Elle a réussi, avec humour et esprit d’entreprise, à rallier des personnes influentes à la cause de la SSPO et à implanter la société dans les milieux professionnels. En tant que présidente de la SSPO, elle a joué un rôle déterminant dans le développement de la psycho-oncologie en Suisse, rôle qu’elle va heureusement poursuivre dans le cadre d’autres fonctions. L’action de Liselotte Dietrich pour la SSPO se décrit par ces mots : créativité, bon sens, humour, ténacité, efficacité et spontanéité. On l’a toujours vue heureuse de s’engager pour les intérêts de la SSPO, qu’elle a représentée et défendue dans de nombreux projets importants. Le comité remercie Brigitta et Liselotte et formule, pour l’avenir professionnel et privé de chacune, ses vœux les plus sincères. 12 Judith Alder, qui siège au comité depuis 2011, est maintenant présidente. Deux nouveaux membres ont été élus en remplacement de Liselotte Dietrich. Il s’agit de Christine Morgenthaler et Patrick Nemeshazy, qui se présentent dans la newsletter. Le comité se réjouit de s’atteler avec eux aux tâches et objectifs de la SSPO. Le secrétariat de la SSPO a également subi un changement. Après 4 ans, Claudia Bigler a décidé de quitter la Ligue Suisse contre le Cancer et par conséquent son travail à la SSPO. Elle a dirigé le secrétariat avec beaucoup d’engagement, d’esprit d’initiative, de clairvoyance et de plaisir et a apporté au comité une aide considérable. Nous lui souhaitons bonne chance dans ses nouvelles fonctions et la remercions par de vifs applaudissements. Claudia Neri succède à Claudia Bigler. Nous lui souhaitons la bienvenue et nous réjouissons de cette nouvelle collaboration. Présentation Christine Morgenthaler Christine Morgenthaler, infirmière spécialisée en oncologie, Hôpital de l’Ile à Berne, membre du comité SSPO Je vis à Berne depuis toujours. J’ai accompli ma formation d’infirmière en 2005 et l’ai achevée en oncologie à l’hôpital de l’Ile à Berne. Après ma formation, j’ai travaillé 3 ans à cet hôpital au service de soins stationnaires en médecine et radio-oncologie. Puis je suis passée au service ambulatoire en oncologie. Plus tard, j’ai travaillé pendant 2 ans en chirurgie cardio-vasculaire à la clinique Hirslanden de Berne. Je suis finalement revenue en oncologie à l’hôpital de l’Ile, où je travaille encore à ce jour. Actuellement, je travaille de 20 à 40 % pour les soins infirmiers dans tous les services oncologiques de l’hôpital. Pour les 60-80 % restants, je représente le service de prestation de soins, dans lequel je m’occupe du personnel en oncologie et dirige une petite équipe ; je sers également de coordinatrice entre l’ambulatoire et le stationnaire en oncologie. Je m’y occupe des entrées, urgences, planning et coordination, je sers de lien entre les oncologues et le personnel soignant et veille à ce que tout se déroule selon le planning. J’éprouve beaucoup de plaisir à faire ce travail, ce n’est bien sûr pas toujours facile de tout gérer en même temps, mais c’est justement ce côté qui est intéressant. Il est important pour moi de continuer à travailler pour les soins, cela me permet de rester à niveau et d’appliquer la psycho-oncologie. Pourquoi l’oncologie ? Très tôt j’ai été fascinée par ce domaine. Les soins en oncologie sont à mes yeux très délicats. L’oncologie offre une gamme très variée de soins, en ce sens que l’on n’est « pas seulement » occupé à mettre sous perfusion en chimiothérapie ; en oncologie, la personne à qui l’on dispense des soins est au centre de nos préoccupations. Ce n’est pas seulement le patient cancéreux qu’il faut prendre en charge, mais tout son entourage. C’est ce qui m’a décidée à suivre une formation continue interdisciplinaire en psychooncologie, afin de mieux aider le patient cancéreux et son entourage. Pendant les soins, pris par le travail quotidien, il arrive encore trop souvent que le personnel soignant se retrouve dans un entretien psycho-oncologique sans vraiment s’en rendre compte, et que ses réactions ne soient donc pas très professionnelles. Cette formation m’a en particulier aidée en communication ; l’interdisciplinaire m’a paru très enrichissant. Le cancer s’adresse à tous les groupes professionnels, que ce soit l’oncologue, l’assistante sociale, l’aumônier, pour n’en citer que quelques uns. Il s’agit d’une collaboration interdisciplinaire passionnante dont je profite énormément. Pourquoi au comité ? On m’a demandé si je pourrais m’imaginer siéger au comité. Je n’ai guère hésité et ai vite accepté. Pour l’instant, je suis un membre de comité encore tout nouveau, je prends mes repères, mais il est clair pour moi que j’aimerais contribuer à ce que la psycho-oncologie et le conseil psycho-oncologique soient pleinement reconnus par le système de santé et l’oncologie. En tant que membre du comité de la SSPO, je représente le domaine des soins. Je veux tout faire pour introduire la psycho-oncologie dans les soins et encourager la collaboration interdisciplinaire. 13 Nous devons tous nous unir pour accomplir de grandes choses. Je me réjouis à l’avance de vivre une collaboration interdisciplinaire enrichissante, passionnante, où l’humour aura également sa place et où l’échange d’idées sera permanent entre nous. Présentation Patrick Nemeshazy Dr. med. Patrick Nemeshazy, médecin-chef, policlinique sociopsychiatrique ambulatoire, hôpital de Thoune, membre du comité SSPO Ma fascination pour la psychiatrie date de l’époque de mes études. Après un an en médecine interne à l’hôpital de Tafers, puis quelques mois en psychiatrie, c’est dans ce domaine que j’ai décidé de me spécialiser. Après mon internat, j’ai commencé à travailler comme médecin adjoint aux soins intensifs du centre psychiatrique de Münsingen, puis en ambulatoire aux services psychiatriques de Thoune. Au bout d’un mois seulement, le médecin chef me demanda si cela m’intéresserait de faire, avec la psychologue en chef, une formation continue interdisciplinaire en psychooncologie. J’ai immédiatement accepté, car ce domaine n’a cessé de m’attirer pendant toutes mes études de médecine. La clientèle à laquelle le psychiatre est confronté en psycho-oncologie est bien différente de celle que l’on rencontre habituellement en psychiatrie. Il s’agit souvent de personnes présentant de nombreuses ressources, chez lesquelles la moindre intervention portera ses fruits. La confrontation avec le thème de la mort prend ici une tout autre valeur que d’ordinaire en psychiatrie. Mais c’est justement ce thème qui transforme la personne concernée et lui permet de continuer à se développer durablement. J’ai éprouvé beaucoup de satisfaction à mettre en place, avec la psychologue en chef, un service de consultation psycho-oncologique à Thoune. Nous avons réussi à éveiller l’intérêt des médecins internes et des psychologues pour cette discipline. Grâce à ce biais nous avons atteint des patients qui n’auraient jamais consulté en psychiatrie et nous avons pu les aider. 8. Formations continues et manifestations 11ème symposium national de psycho-oncologie - préavis «Dédramatiser la peur» Le 11ème congrès de psycho-oncologie se tiendra le 10 Avril 2014 à Olten. Selon la tradition, cette journée débutera par l’assemblée de la Section FSP et l’assemblée générale de la SSPO. Le congrès, avec conférences et ateliers, est consacré au thème de la peur. Ce thème sera abordé sous différents aspects spécifiques professionnels, on élaborera des conditions de développement et de moyens de maîtriser la peur. Les deux conférences principales « Malade du cancer – malade de peur ? » et «Peur de la récidive» sont les points forts du programme le matin. Les ateliers de l’après-midi se basent sur ces conférences et dispenseront, lors de différents settings de traitement et au moyen de toutes sortes de techniques et d’approches, des connaissances sur l’art et la manière de gérer la peur. La conférence « Une approche créative de la gestion de la peur en psychooncologie » clôturera le congrès. La relation, l’espoir et la compétence sont des moyens pour faire face à la peur. Le congrès, auquel participeront des spécialistes d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, aimerait transmettre connaissances et compétences sur ce sujet, mais également permettre à chacun d’élargir son propre réseau et d’échanger entre collègues. Vous trouverez plus d’informations sur notre site www.psycho-oncologie.ch. Prochainement, nous vous adresserons par courrier postal la version définitive du programme avec le talon d’inscription. Nous serons heureux de vous accueillir à Olten en avril 2014 ! 14 2ème journée des réseaux de l’association „chronischkrank.ch“ Le 13 Mars 2014 aura lieu à Bad Zurzach la deuxième journée des réseaux de l’association « chronischkrank.ch ». Cette journée s’adresse aux praticiens et chercheurs de tous les groupes professionnels travaillant avec des personnes malades chroniques ou avec leur entourage. Cette manifestation met l’accent sur la santé psychique et apporte un éclairage aussi bien sur les aspects de la comorbidité que sur les principaux facteurs de résilience relatifs au maintien du bien-être psychique. Pour plus d’informations, veuillez consulter le site www.chronischkrank.ch. 9. Adresses de contact Claudia Neri Secrétariat SSPO c/o Ligue suisse contre le cancer Effingerstrasse 40, Case postale 8219 3001 Berne [email protected] Brigitte Leuthold Kradolfer Krebsliga Ostschweiz Grünaustrasse 24 9470 Buchs [email protected] 15