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Face à ces situations, les réactions diffèrent en fonction de l’âge et du caractère des en-
fants : au début, on observe aussi en général chez le frère ou la sœur des symptômes de
réaction extrême au stress. Par la suite, il y a des enfants qui fonctionnent sans se
plaindre, acceptent d’être pris en charge par des étrangers et apprennent le renoncement,
s’émancipent avant l’âge.
D’autres réagissent souvent de manière agressive, insultent les parents et se plaignent
haut et fort d’injustices ou tourmentent l’enfant malade. D’autres encore vont se manifes-
ter par des défaillances scolaires et un manque de concentration. Certains se plaignent
subitement de douleurs, souffrent d’insomnie, régressent dans leur développement et dans
leur comportement. Il y a des enfants qui se tournent manifestement vers l’extérieur, dé-
sertent le pratiquement le foyer familial et passent le plus clair de leur temps chez leurs
copains. D’autres vont s’enfermer dans leur chambre et s’isoler. Alors que les plus jeunes
ont tendance à se révolter contre les changements, les plus âgés se montreront souvent
« raisonnables » et s’accommodent de la nouvelle situation. Les plus jeunes de la fratrie
souffrent plutôt plus, ces changements dans le quotidien familial sont en règle générale
plus graves pour eux.
Assistance
La fratrie a besoin de personnes qui leur consacrent du temps, parlent avec eux,
s’enquièrent de leurs peurs et de leurs peines. Au début, les parents ne sont souvent pas
assez à l’écoute. Ils sont débordés, préoccupés par les graves problèmes de l’enfant ma-
lade, ce qui leur prend beaucoup de temps, et bien souvent d’ailleurs ils ne sont même pas
là. Ils désirent souvent aussi épargner les autres frères et sœurs, ne leur disent pas toute
la vérité. C’est là que les médecins et psychologues jouent un rôle important. Ils peuvent
démontrer aux parents pourquoi la franchise est importante, que les enfants peuvent
mieux s’accommoder de cette nouvelle situation menaçante s’ils comprennent ce qui se
passe avec leur frère ou leur sœur, pourquoi il/elle est tombé/e malade, comment se dé-
roule le traitement. Les professionnels doivent eux aussi informer eux-mêmes le frère ou la
sœur, s’enquérir de ses sentiments et en tenir compte, lui démontrer que tout ce qu’il/elle
vit est « normal » dans une telle situation. Ils peuvent offrir de l’espoir et aider le frère/la
sœur à parler à ses parents de ses propres besoins, à négocier des petites choses qui lui
donneront l’impression d’être malgré tout encore important(e) pour ses parents. C’est sou-
vent des petits riens qui donnent cette impression aux enfants : la maman qui téléphone
chaque soir depuis l’hôpital, la certitude que maman a toujours du temps le samedi après-
midi, que l’enfant malade soit à l’hôpital ou à la maison, parce que c’est au tour de papa
de s’en occuper, un déjeuner au McDo avec le père pendant que la mère et l’enfant ma-
lade sont à l’hôpital, dormir dans le lit de maman ou encore conclure un arrangement selon
lequel la mère rentre dormir à la maison toutes les trois nuits et se fait remplacer à
l’hôpital.
Il est important que l’un des deux parents continue de prendre part au quotidien de la fra-
trie bien portante. Il ne faudrait pas déléguer la réunion de parents d’élèves, le match de
foot, les spectacles de l’école ou le carnaval à des amis ou parents.
Les visites à l’hôpital sont elles aussi importantes : la fratrie bien portante a souvent
l’impression que la mère et le patient passent du bon temps à l’hôpital – ils parlent de la
visite d’un clown et rentrent souvent chargés de cadeaux et de choses qu’ils ont fabriquées
eux-mêmes. Y aller une fois et voir ce qu’il s’y passe d’autre, depuis le doigt qu’on pique
jusqu’à la chimiothérapie, aide à se faire une idée plus réaliste de la situation.
Il serait également bénéfique de faciliter l’échange avec d’autres frères et sœurs d’enfants
malades, que ce soit dans le cadre d’une activité organisée (rencontre entre frères et
sœurs, vacances familiales, manifestations de l’aide aux enfants cancéreux, etc.), de ma-
nière informelle entre les familles qui font connaissance à l’hôpital ou virtuellement p.ex.
sur le site oncokid, ou encore à l’aide de livres d’images et d’histoires.
Conséquences
Dans l’idéal, les frères et sœurs ressortent grandis d’une telle crise, sensibilité accrue, plus
de compassion envers autrui, plus grande maturité psychologique. S’ils ne réussissent par
contre pas à surmonter la crise, il peut en résulter dépressions, sentiments de culpabilité,
peurs et insécurité. Des études prouvent que de nombreuses fratries montrent dans la
phase aiguë des symptômes de SSPT aigu (syndrome de stress post-traumatique), mais à
l’âge adulte heureusement, seul un faible pourcentage présente des troubles psychiques.