Anémie hémolytique et syndrome dysentérique : à propos d`un cas

Rev Med Brux - 2015
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C
AS
CLINIQUE
Anémie hémolytique et syndrome dysentérique :
à propos d’un cas de rectocolite
ulcéro-hémorragique
Hemolytic anemia and dysenteric syndrome : a case of
ulcerative colitis
G. Claes, M. Colard, F.S. Benghiat, M. Maerevoet, B. Bailly et
V. De Wilde
Service d’Hématologie pital Erasme
RESUME
Un homme de 53 ans présente un syndrome
dysentérique depuis une quinzaine de jours. Le
bilan sanguin met en évidence une anémie
molytique à Coombs positif et un syndrome
inflammatoire. Lanémie hémolytique auto-
immune (AHAI) est traitée par corticotrapie. Le
bilan gastroenrologique met en évidence une
rectocolite ulcéro-morragique (RCUH). L’évolu-
tion du patient se complique d’une perforation
digestive spontanée traitée par une procto-
colectomie totale. Au cours de cette oration,
on observe une solution de lAHAI et le patient
est progressivement sevré des corticoïdes.
L’AHAI est une manifestation extradigestive rare
des maladies inflammatoires de lintestin plus
fréquemment rapportée dans la RCUH que dans
la maladie de Crohn. La mise en évidence de cette
étiologie est importante pour la prise en charge
thérapeutique de lAHAI secondaire. Cependant,
le traitement est peu spécifique et basé sur de
faibles niveaux de preuves.
Rev Med Brux 2015 ; 36 : 436-8
ABSTRACT
A 53-years-old man has a dysentery since two
weeks. The blood test shows Coombs-positive
hemolytic anemia and inflammation. Autoimmune
hemolytic anemia (AIHA) is treated with
corticosteroid. A colonoscopy reveals an
ulcerative colitis. The evolution of the patient is
complicated by a spontaneous digestive
perforation treated by total proctocolectomy. After
this intervention, there is a resolution of the AIHA
and the patient is gradually weaned from
corticosteroids. AIHA is a rare extra-intestinal
manifestation of inflammatory bowel disease
essentially ulcerative colitis. Identification of this
cause of secondary AIHA is important for the
therapeutic strategy. However treatment is
nonspecific and based on low levels of evidence.
Rev Med Brux 2015 ; 36 : 436-8
Key words : autoimmune hemolytic anemia,
ulcerative colitis, extra-intestinal manifestation,
treatment
CAS CLINIQUE
Un homme de 53 ans, dorigine libanaise, sans
andent notable, se présente aux urgences pour des
douleurs abdominales crampoïdes, accompages de
plus de 10 épisodes de diarrhées aqueuses par jour,
depuis 15 jours. Il ne signale pas de voyage exotique
cent. A l’examen clinique, le patient est apyrétique,
le, ictérique, tachycarde et déshydraté. L’abdomen
est diffument sensible, sans péritonisme. La biologie
met en évidence une anémie normochrome
normocytaire à 8 g/dl (12-16 g/dl), des globules blancs
élevés à 17.800/mm3 (3.500-11.000/mm3) avec
une formule neutrophilique, une thrombocytose à
629.000/mm3 (150.000-440.000/mm3), un syndrome
inflammatoire avec une CRP à 260 mg/l (0,1-10 mg/l)
et une insuffisance rénale aig morée classife
AKIN 1 (urée/créatinine : 57/1,4 mg/dl et FGR :
51 ml/min.). L’anémie se vèle de type hémolytique.
Les LDH sont élevés à 335 UI/l (N < 214 UI/l) et
lhaptoglobine est anormalement basse à 77 mg/dl
(30-200 mg/dl) compte tenu de l’important syndrome
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inflammatoire. Une biologie réalisée précédemment
montrait déjà l’existence de cette hémolyse. Bien que
les réticulocytes n’aient pas été dos au part, ils
se révèleront élevés à 264/1.000 globules rouges
(7-25/1.000 globules rouges). Il ny a pas de
schistocyte. Le test de Coombs direct polyvalent est
positif (force +++) avec psence d’auto-anticorps de
type IgG. Le Coombs direct C3b/C3d est négatif. Le
scanner abdominal montre une colite diffuse, pas
d’hépato-spnomégalie, ni d’adénopathie. Les hémo-
cultures, les coprocultures et la recherche de sang dans
les selles sont négatives. En résumé, le patient
présente une amie molytique auto-immune (AHAI)
à anticorps chauds de type IgG associée à une colite
d’origine interminée à ce stade.
Vu le caractère auto-immun de l’anémie, un traite-
ment par thylprednisolone à la dose de 1 mg/kg par
jour est bu en association avec une antibiotrapie
par ciprofloxacine 2 x 500 mg ettronidazole 3 x
500 mg par jour, pendant 7 jours, pour une éventuelle
colite infectieuse. A ce stade, il est important de
terminer si l’AHAI est primaire ou secondaire et si
l’on peut l’associer à la colite inflammatoire.
Le bilan étiologique ne met pas en évidence de
cause infectieuse : les sérologies virales, pour le
Campylobacter, Borrelia, Fièvre Q et le Mycoplasme
sont négatives. Les ANCA (Anti Neutrophyl Cytoplasm
Antibodies) sont très faiblement positifs (titration à
1/20). Les ANA (Anti-Nuclear Antibodies) et les ASCA
(Anti-Saccharomyces Cerevisiae Antibodies) sont
gatifs. Après des anamses répées, il apparaît
que le patient a psenté un abcès périanal en 2009 et
quil présente depuis des diarres aqueuses, sans
rectorragie, ni fvre, environ tous les trimestres. Une
colonoscopie met en évidence une muqueuse
hyperhémique, saignant au contact et la présence
d’ulcérations. Les biopsies coliques et rectales lent
une muqueuse focalement ulrée. La lamina propria
est le siège d’un infiltrat lymphoplasmocytaire dense
mêlé de polynucléaires. On visualise des images
d’abcès de cryptes. Il ny a pas de pathogène, ni de
signe de malignité décelé. Lensemble des images
histologiques suggère le diagnostic de rectocolite
ulcéro-hémorragique (RCUH). Le diagnostic de RCUH
en poussée sévère est donc posé. Sous cortico-
thérapie, on observe un tarissement des selles mais il
ny a pas damélioration de lanémie hémolytique.
Malgré le risque transfusionnel, une transfusion de
concentré érythrocytaire savère nécessaire lorsque
l’hémoglobine chute à 4,5 g/dl. La méthylprednisolone
est augmentée à 2 mg/kg par jour avec résolution de
l’hémolyse mais persistance d’une anémie qui est alors
considérée dorigine plurifactorielle (AHAI non
compene, amie inflammatoire et pertes digestives).
Quinze jours plus tard, le patient présente une
perforation colique spontanée et doit subir une
colectomie totale. Lexamen anatomopathologique de
la pièce de colectomie confirme le diagnostic de
rectocolite ulcéro-hémorragique en phase chronique
active. Après cette intervention, on observe une
rémission clinique (absence de symptômes gastro-
intestinaux), et biologique (absence dhémolyse) du
syndrome. La corticotrapie est dès lors diminuée par
palier et ensuite stoppée (figure).
Figure : Evolution dans le temps de lhémoglobine,
lhaptoglobine et les LDH en fonction des traitements
(corticoïdes, transfusions et chirurgie).
DISCUSSION
L’anémie hémolytique auto-immune est causée
par des auto-anticorps dirigés contre les globules
rouges. Elle peut être idiopathique (50 %) ou
secondaire (syndromes lymphoprolifératifs 20 %,
maladies auto-immunes 20 %, infections, dicaments
et tumeurs). Les AHAI sont classifiées selon les
temratures auxquelles les auto-anticorps sont actifs.
On distingue les AHAI à anticorps chauds, froids ou
mixtes. Dans les AHAI à anticorps chauds, le test de
Coombs est habituellement positif pour des anticorps
de type IgG (et parfois de type C3d). Dans les AHAI à
anticorps froids, les auto-anticorps sont le plus souvent
de type IgM et le test de Coombs est positif pour le
C3d (les anticorps de type IgM ne sont pas tectés
par le test de Coombs). Environ 5-10 % des AHAI ont
un test de Coombs gatif. Le traitement de lAHAI
repose sur de faibles niveaux de preuves et s’appuie
sur lexpérience clinique et les avis d’experts plutôt que
sur des études cliniques randomisées.
Le traitement de première ligne de lAHAI à
anticorps chauds repose sur la corticothérapie qui est
efficace dans 70 à 85 % des cas. La dose initialement
recommandée est de 1-1,5 mg/kg/j de prednisone ou
son équivalent en méthylprednisolone. Une réponse
biologique est attendue dans les 3 semaines du début
du traitement. Dans le cas contraire, le traitement est
considéré comme inefficace. Dans les cas sévères
d’amie ou en cas de non-réponse au traitement, les
doses de corticoïdes peuvent être augmentées et
administes en intraveineuse (méthylprednisolone 100-
200 mg/j pendant 10 à 14 jours ou 250-1.000 mg/j
pendant 1 à 3 jours). Cependant, ce type de traitement
repose uniquement sur des avis dexperts ou des cas
rappors1. Quelle que soit la cause de l’AHAI, le degré
danémie dépend de lefficacité de la réponse
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ticulocytaire. Les patients qui présentent une réponse
réticulocytaire insuffisante peuvent nécessiter des
transfusions de globules rouges. Les patients qui ne
pondent pas ou insuffisamment à la corticothérapie
doivent être évalués à la recherche d’une cause sous-
jacente. En effet, les AHAI assoces aux tumeurs ou
tératome ovarien et/ou RCHU sont souvent cortico-
fractaires1.
Les maladies inflammatoires de lintestin
présentent une anémie dans environ 25 % des cas2.
Celle–ci est le plus souvent due à une carence martiale
(70 % des cas) mais peut aussi être secondaire à une
carence en vitamine B12 ou en folates ou à une toxici
dullaire due aux trapies immunosuppressives. Elle
est plus fréquente en cas de maladie active et dans la
maladie de Crohn (27 %) que dans le RCUH (21 %)2.
Lanémie hémolytique auto-immune est une
manifestation extradigestive rare des maladies
inflammatoires de l’intestin survenant selon les ries
dans 0,2 à 1,7 % des cas de RCUH3. Seulement
quelques cas ont é décrits dans la maladie de Crohn4.
La physiopathologie exacte de ce phénomène est
inconnue ; une hypotse serait que le côlon malade
stimule la production d’anticorps anti-érythrocytes5. La
survenue de l’AHAI ne semble pas toujours pendante
de l’activité de la maladie colique3,6,7.
Les modalités thérapeutiques de lAHAI
secondaire à la RCUH sont basées sur des avis
dexperts et des cas rapportés (niveau de preuve
faible5,7). On recommande de buter rapidement
les corticosroïdes (par exemple par Prednisone à
1 mg/kg/j). Le patient est considé comme fractaire
au traitement si l’moglobine n’atteint pas le seuil des
10 g/dl en 3 semaines avec disparition des signes
d’hémolyse. La seconde ligne propoe est alors de
l’azathioprine, si le patient présente également une
poussée de RCUH. En labsence de poussée, les
traitements proposés sont les mêmes que dans l’AIHA
primaire, à savoir une splénectomie, du rituximab ou
un autre immunosuppresseur1,8. Si le patient est non
répondeur, une proctocolectomie totale peut être
cessaire, surtout si la maladie intestinale est sévère
ou localement compliqe comme cétait le cas chez le
malade présenté ci-dessus5.
Notre cas illustre quune colectomie totale pour
recto-colite ulcéro-hémorragique peut guérir des
manifestations extradigestives de la maladie. Par
ailleurs, il souligne limportance de déterminer le
caractère primaire ou secondaire dune anémie
molytique auto-immune.
Conflits d’inrêt : néant
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Correspondance et tirés à part :
G. CLAES
pital Erasme
Service d’Hématologie
Route de Lennik 808
1070 Bruxelles
E-mail : gclaes@ulb.ac.be
Travail ru le 29 avril 2014 ; accepté dans sa version définitive
le 18 novembre 2014.
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