Rev Med Brux - 2015 437
inflammatoire. Une biologie réalisée précédemment
montrait déjà l’existence de cette hémolyse. Bien que
les réticulocytes n’aient pas été dosés au départ, ils
se révèleront élevés à 264/1.000 globules rouges
(7-25/1.000 globules rouges). Il n’y a pas de
schistocyte. Le test de Coombs direct polyvalent est
positif (force +++) avec présence d’auto-anticorps de
type IgG. Le Coombs direct C3b/C3d est négatif. Le
scanner abdominal montre une colite diffuse, pas
d’hépato-splénomégalie, ni d’adénopathie. Les hémo-
cultures, les coprocultures et la recherche de sang dans
les selles sont négatives. En résumé, le patient
présente une anémie hémolytique auto-immune (AHAI)
à anticorps chauds de type IgG associée à une colite
d’origine indéterminée à ce stade.
Vu le caractère auto-immun de l’anémie, un traite-
ment par méthylprednisolone à la dose de 1 mg/kg par
jour est débuté en association avec une antibiothérapie
par ciprofloxacine 2 x 500 mg et métronidazole 3 x
500 mg par jour, pendant 7 jours, pour une éventuelle
colite infectieuse. A ce stade, il est important de
déterminer si l’AHAI est primaire ou secondaire et si
l’on peut l’associer à la colite inflammatoire.
Le bilan étiologique ne met pas en évidence de
cause infectieuse : les sérologies virales, pour le
Campylobacter, Borrelia, Fièvre Q et le Mycoplasme
sont négatives. Les ANCA (Anti Neutrophyl Cytoplasm
Antibodies) sont très faiblement positifs (titration à
1/20). Les ANA (Anti-Nuclear Antibodies) et les ASCA
(Anti-Saccharomyces Cerevisiae Antibodies) sont
négatifs. Après des anamnèses répétées, il apparaît
que le patient a présenté un abcès périanal en 2009 et
qu’il présente depuis des diarrhées aqueuses, sans
rectorragie, ni fièvre, environ tous les trimestres. Une
colonoscopie met en évidence une muqueuse
hyperhémique, saignant au contact et la présence
d’ulcérations. Les biopsies coliques et rectales révèlent
une muqueuse focalement ulcérée. La lamina propria
est le siège d’un infiltrat lymphoplasmocytaire dense
mêlé de polynucléaires. On visualise des images
d’abcès de cryptes. Il n’y a pas de pathogène, ni de
signe de malignité décelé. L’ensemble des images
histologiques suggère le diagnostic de rectocolite
ulcéro-hémorragique (RCUH). Le diagnostic de RCUH
en poussée sévère est donc posé. Sous cortico-
thérapie, on observe un tarissement des selles mais il
n’y a pas d’amélioration de l’anémie hémolytique.
Malgré le risque transfusionnel, une transfusion de
concentré érythrocytaire s’avère nécessaire lorsque
l’hémoglobine chute à 4,5 g/dl. La méthylprednisolone
est augmentée à 2 mg/kg par jour avec résolution de
l’hémolyse mais persistance d’une anémie qui est alors
considérée d’origine plurifactorielle (AHAI non
compensée, anémie inflammatoire et pertes digestives).
Quinze jours plus tard, le patient présente une
perforation colique spontanée et doit subir une
colectomie totale. L’examen anatomopathologique de
la pièce de colectomie confirme le diagnostic de
rectocolite ulcéro-hémorragique en phase chronique
active. Après cette intervention, on observe une
rémission clinique (absence de symptômes gastro-
intestinaux), et biologique (absence d’hémolyse) du
syndrome. La corticothérapie est dès lors diminuée par
palier et ensuite stoppée (figure).
Figure : Evolution dans le temps de l’hémoglobine,
l’haptoglobine et les LDH en fonction des traitements
(corticoïdes, transfusions et chirurgie).
DISCUSSION
L’anémie hémolytique auto-immune est causée
par des auto-anticorps dirigés contre les globules
rouges. Elle peut être idiopathique (50 %) ou
secondaire (syndromes lymphoprolifératifs 20 %,
maladies auto-immunes 20 %, infections, médicaments
et tumeurs). Les AHAI sont classifiées selon les
températures auxquelles les auto-anticorps sont actifs.
On distingue les AHAI à anticorps chauds, froids ou
mixtes. Dans les AHAI à anticorps chauds, le test de
Coombs est habituellement positif pour des anticorps
de type IgG (et parfois de type C3d). Dans les AHAI à
anticorps froids, les auto-anticorps sont le plus souvent
de type IgM et le test de Coombs est positif pour le
C3d (les anticorps de type IgM ne sont pas détectés
par le test de Coombs). Environ 5-10 % des AHAI ont
un test de Coombs négatif. Le traitement de l’AHAI
repose sur de faibles niveaux de preuves et s’appuie
sur l’expérience clinique et les avis d’experts plutôt que
sur des études cliniques randomisées.
Le traitement de première ligne de l’AHAI à
anticorps chauds repose sur la corticothérapie qui est
efficace dans 70 à 85 % des cas. La dose initialement
recommandée est de 1-1,5 mg/kg/j de prednisone ou
son équivalent en méthylprednisolone. Une réponse
biologique est attendue dans les 3 semaines du début
du traitement. Dans le cas contraire, le traitement est
considéré comme inefficace. Dans les cas sévères
d’anémie ou en cas de non-réponse au traitement, les
doses de corticoïdes peuvent être augmentées et
administrées en intraveineuse (méthylprednisolone 100-
200 mg/j pendant 10 à 14 jours ou 250-1.000 mg/j
pendant 1 à 3 jours). Cependant, ce type de traitement
repose uniquement sur des avis d’experts ou des cas
rapportés1. Quelle que soit la cause de l’AHAI, le degré
d’anémie dépend de l’efficacité de la réponse