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L’exécution des décisions e n matière pénaLe e n europe : d u visibLe à L’invisibLe
LES TEMPS ET LES HOMMES : PROPOS LIMINAIRES 1
dans nos prisons. En Scandinavie, par exemple, il y a généralement beaucoup plus
d’offres en matière de désintoxication et de santé mentale dans la communauté qu’au
Royaume-Uni.
Il est également étrange, je trouve, que dans toute l’Europe, nous ayons une telle
variation de l’âge auquel les enfants peuvent être poursuivis, reconnus coupables et
condamnés à une peine, et des possibilités pour les jeunes adultes d’être traités de
manière à prendre en compte leurs besoins en matière de développement. L’Angleterre
et le Pays de Galles sont de particulièrement mauvais élèves, et leur système judiciaire
pour les jeunes a récemment été ouvertement condamné par le Commissaire européen
aux droits de l’homme ainsi que par le Comité des Nations unies sur les droits de
l’enfant. Les nouvelles institutions hybrides que vous avez développées en France, qui
visent à combiner l’expertise et les ressources de l’environnement carcéral à l’approche
de protection sociale, éveillent un fort intérêt. À l’inverse, les propositions faites ici
en France d’abaisser l’âge de la responsabilité pénale ne vont pas dans le sens des lois
internationales.
Concernant la pratique de l’emprisonnement, les variations sont énormes. Au
Royaume-Uni, le parc pénitentiaire actuel compte entre autres une prison construite
en 1809 pour la détention des prisonniers français des guerres napoléoniennes ; la
prison de Pentonville construite en 1842 et qui est devenue un modèle dans le monde
entier ; un établissement ressemblant à un grand manoir – c’est l’une de nos prisons
ouvertes pour les femmes – qui contraste avec l’aspect de forteresse de la prison de
Leicester et l’efficacité moderne de celle de Belmarsh. Développer des exigences qui
s’appliquent dans tous ces types d’établissements est à l’évidence un énorme défi.
Je ne peux pas résumer les règles pénitentiaires européennes qui tentent justement
de le faire, mais je souhaite mentionner quatre principes clés qui les sous-tendent. Le
premier est la normalisation, l’idée selon laquelle les détenus devraient, autant que
faire se peut, pouvoir mener une vie aussi normale que possible, et perdre unique-
ment les droits qui font nécessairement partie de l’emprisonnement. De nombreux
pays ont mis en place des initiatives bien intentionnées pour créer des régimes plus
positifs en prison, en proposant de plus en plus de programmes psychologiques, de
formation ou d’éducation. Mais comme le dit le gouverneur de la prison de Ringe, au
Danemark : « Nous n’avons pas de cours de cuisine, ils la font tous les jours. » La norma-
lisation devrait être l’objectif, autant que possible, pour que les détenus apprennent à
être responsables.
Le deuxième principe concerne les cas dans lesquels des interventions d’experts sont
nécessaires pour régler les nombreux problèmes personnels et sociaux des détenus,
interventions qui, pour être adaptées, doivent être fournies non pas par le système
pénitentiaire lui-même, mais par les services de santé, d’éducation et de protection
sociale de la communauté. Il peut y avoir un réel danger à ce que les prisons cherchent
à créer un système parallèle de désintoxication, de soins aux malades mentaux et
d’éducation. Pourquoi ? Parce que cela peut mettre en jeu la position de la prison en
tant que mesure de dernier recours, et encourager les juges et la population à penser
que l’expérience carcérale fait du bien aux prisonniers. Cela peut également encourager
les ministères et directions principalement concernés à penser, dans un sens, que les