L’exécution des décisions e n matière pénaLe e n europe : d u visibLe à LinvisibLe
LE TEMPS ET LES HOMMES
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L’exécution des décisions e n matière pénaLe e n europe : d u visibLe à LinvisibLe
PROPOS LIMINAIRES
Les exigences européennes
et leur application
Rob Allen,
directeur du Centre international des études
pénitentiaires (ICPS), King’s College, Londres - Royaume-Uni
Merci de votre invitation à cette importante conférence. Cest un grand honneur pour
moi et pour le King’s College de Londres, qui accueille le Centre international des
études pénitentiaires (ICPS).
Nous sommes ts heureux de linitiative du gouvernement français, qui a fait de la
réforme pénitentiaire une priorité durant la présidence française de lUnion euro-
péenne, non seulement en France mais dans le monde entier. J’ai eu la chance dêtre
invité par lambassade fraaise en quateur pour intervenir lors dune conférence
sur les droits de l’homme et la prison, en septembre dernier. Les réformes qui sont en
cours dans ce petit pays d’Amérique du Sud (la création d’un ministère de la justice, la
limitation de la durée des détentions préventives, la possibilité de liberté conditionnelle
pour les petits délinquants, la création d’institutions réservées aux mineurs hors du
système pénitentiaire et le développement dun système de libération anticipée pour
bonne conduite) sont des réformes que nous pouvons soutenir et dont nous pouvons
aussi nous inspirer.
L’ICPS a été créé en 1997 par mon prédécesseur, le professeur Andrew Coyle, qui en
fut le directeur. Notre mission est double. Premièrement, accroître les connaissances
sur lutilisation et la pratique de lemprisonnement dans le monde. Deuxièmement,
mettre en œuvre des projets concrets en partenariat avec les systèmes pénitentiaires des
différents pays, pour les aider à améliorer la façon dont ils respectent les instruments
internationaux des droits de l’homme. Bien que notre centre soit sità Londres, nous
navons pas pour objectif dexporter un modèle pénitentiaire britannique. D’ailleurs,
certains aspects cents de la politique pénale en Angleterre vont à lencontre des
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exigences internationales. À titre dexemple, les performances culturelles de détenus
auxquelles nous avons eu le privige dassister lors de ce colloque ne risquent pas
dexister en Angleterre, où le ministère de la Justice considère que ce genre d’activité
ne peut avoir lieu que si elle est acceptable pour le public, évaluant souvent lopinion
publique selon les attitudes reflétées par les journaux populaires. Le ministère de la
Justice a également décidé que les linquants condamnés à des travaux dintérêt
général devaient porter des tements permettant de les distinguer des autres, pour
que le public ait, une fois encore, plus conance dans le système pénal. Jespère que le
Comité du Conseil de l’Europe qui rédige actuellement les règles sur les services de
probation s’exprimera sur la pertinence de ce type de stigmatisation.
Tout ce que nous faisons est basé sur les lois et les normes internationales. Nos textes
fondamentaux, qui sont utilis pour former le personnel et guider les réformes, tentent
de rendre ces normes adaptées et pratiques pour tous ceux qui s’attèlent à une tâche
exigeante : travailler dans le système pénitentiaire et pénal.
Je voudrais aborder le sujet des normes qui régissent ladministration des prisons en
Europe. Certaines dentre elles proviennent de l’Union européenne : la décision récente
demandant aux États membres de travailler sur la reconnaissance mutuelle des mesures
sur la détention préventive et la surveillance communautaire, les propositions concer-
nant le transfert des prisonniers de nationalité étrangère et la réflexion limitée sur
lharmonisation des peines. Mais comme l’a déclaré la Commission en réponse à une
résolution du Parlement européen en début dannée, au sujet des femmes incarcérées,
ce qui concerne les conditions d’incarcération est principalement de la responsabilité
des États membres.
Cela ne signie pas que les États membres peuvent faire ce qu’ils veulent dans ce
domaine. La famille élargie du Conseil de l’Europe a veloppé un ensemble dinstru-
ments que les administrations pénitentiaires doivent prendre en compte : la Convention
et la Cour européennes des droits de l’homme, les règles pénitentiaires européennes,
le Comité pour la prévention de la torture et 20 recommandations ainsi que 14 réso-
lutions dans le secteur pénitentiaire prises par les ministres au cours des 30 dernières
anes. Par ailleurs, dautres organismes euroens ont émis desclarations norma-
tives. Le mois dernier, à Kiev, le projet Santé en prison de l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) a fait une déclaration sur la santé des femmes en prison, après la
déclaration de lannée précédente sur la sanmentale, qui indiquait que « à défaut
dune action urgente et complète, les prisons deviendront bientôt les asiles du XIXe siècle,
remplis de ceux qui ont le plus besoin de traitements et de soins, mais qui sont détenus dans
des lieux inadaptés ». L’OMS a fait des propositions concrètes importantes afin que les
pays introduisent des programmes de déjudiciarisation, des procédures d’accueil dans
les prisons visant à évaluer la vulnérabilité, des systèmes de planification des soins et
le nombre approprié dagents correctement formés pour mettre en place ces mesures.
Même si lon peut être tenté de penser que ces avertissements sont destinés à certaines
des démocraties les plus récentes du continent européen, ils sont tout aussi pertinents
dans certains des pays membres plus établis du Conseil, entre autres au Royaume-
Uni.
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Cette intervention ne peut pas psenter le large éventail des règles existantes, alors je
vais simplement aborder deux sujets. Premièrement, l’utilisation de lemprisonnement
et deuxièmement, la pratique de lemprisonnement. Sur lutilisation de la prison, nous
savons tous quil existe des variations importantes en Europe et qu’elles ne sont pas
systématiquement liées au taux de criminalité. À l’Est, la Russie, avec 900 000 pri-
sonniers (629 pour 100 000 habitants), incarcère 14 fois plus ses citoyens que ne le
fait l’Islande.
Le Conseil de l’Europe a son mot à dire sur lutilisation de la prison. Sa Recomman-
dation R(99)22 de 1999 concerne le surpeuplement des prisons et linflation carcérale.
Elle indique que, sur le plan de lore, lextension du parc pénitentiaire doit être
exceptionnelle. Nous devrions plutôt envisager de distribuer les capacités de manière
plus rationnelle : les institutions permettant une semi-liberté, les prisons ouvertes, les
permissions et les activités à lextérieur.
Sur le plan de la demande, la Recommandation invite à décriminaliser les comporte-
ments, à velopper des alternatives aux poursuites judiciaires et à la tention pré-
ventive, à prononcer plus de condamnations à des travaux dintérêt général, à éviter les
longues peines de prison, à utiliser plus souvent la liberté conditionnelle et la libération
anticipée, en résumé, un ensemble de politiques qui tient compte de la capacité.
D’autres recommandations récentes, du même type que la Recommandation
Rec(2006)13 de 2006 sur la détention provisoire, soulignent que les détentions pro-
visoires devraient être utilisées uniquement lorsque cela savère strictement nécessaire,
et les règles de 2008 pour les mineurs soulignent que la privation de liberté dun
mineur doit être une mesure de dernier recours, impoe pendant la plus courte
période possible.
Avons-nous respecté ces exigences ? Au Royaume-Uni, depuis 1997, nous avons créé
plus dun millier de nouvelles infractions passibles demprisonnement. En termes de
population carcérale, de nombreux pays dEurope occidentale ont vu augmenter de
manière souvent très importante leur population carcérale. Il existe néanmoins une
divergence dans les toutes dernières années. Les Pays-Bas et lAllemagne présentent
une diminution de leur population pénale. Le Royaume-Uni et l’Espagne sont eux en
augmentation, ainsi que la France. Nombre de nos pays connaissent une compétition
politique visant à paraître le plus répressif. Ceci a des conséquences évidentes sur la
surpopulation carcérale. Certains choisissent à présent une voie différente – comme le
Portugal et la Roumanie et je suggérerais que nous tentions d’imposer cette solution
alternative à nos dirigeants européens.
Cette solution ne signifie pas labsence totale de mesures concernant les dizaines de
milliers de personnes qui entrent et sortent de prison pendant de courtes périodes
chaque année. En plus des diverses sanctions communautaires, nous avons besoin que
les systèmes de santé, déducation et daide sociale jouent leur le. En Angleterre, nous
avons 83 000 prisonniers : environ la moitdes hommes et deux tiers des femmes
ont consommé des drogues dures pendant la période précédant leur emprisonnement.
Pourtant, nous n’avons qu’un peu plus de 2 000 lits de sintoxication dans tout le
pays. velopper une infrastructure alternative à lexrieur de la prison doit être
une priorité pour ces groupes et les autres groupes vulnérables que nous rencontrons
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dans nos prisons. En Scandinavie, par exemple, il y a généralement beaucoup plus
doffres en matière de désintoxication et de santé mentale dans la communauté quau
Royaume-Uni.
Il est également étrange, je trouve, que dans toute l’Europe, nous ayons une telle
variation de l’âge auquel les enfants peuvent être poursuivis, reconnus coupables et
condamnés à une peine, et des possibilités pour les jeunes adultes dêtre traités de
manière à prendre en compte leurs besoins en matière de développement. LAngleterre
et le Pays de Galles sont de particulièrement mauvais élèves, et leur système judiciaire
pour les jeunes a récemment été ouvertement condamné par le Commissaire européen
aux droits de lhomme ainsi que par le Comité des Nations unies sur les droits de
lenfant. Les nouvelles institutions hybrides que vous avez développées en France, qui
visent à combiner l’expertise et les ressources de l’environnement carcéral à lapproche
de protection sociale, éveillent un fort intérêt. À linverse, les propositions faites ici
en France dabaisser lâge de la responsabilité pénale ne vont pas dans le sens des lois
internationales.
Concernant la pratique de lemprisonnement, les variations sont énormes. Au
Royaume-Uni, le parc pénitentiaire actuel compte entre autres une prison construite
en 1809 pour la tention des prisonniers fraais des guerres napoléoniennes ; la
prison de Pentonville construite en 1842 et qui est devenue un modèle dans le monde
entier ; un établissement ressemblant à un grand manoir – c’est lune de nos prisons
ouvertes pour les femmes qui contraste avec laspect de forteresse de la prison de
Leicester et lefficacité moderne de celle de Belmarsh. velopper des exigences qui
s’appliquent dans tous ces types d’établissements est à lévidence un énorme défi.
Je ne peux pas résumer les gles pénitentiaires européennes qui tentent justement
de le faire, mais je souhaite mentionner quatre principes clés qui les sous-tendent. Le
premier est la normalisation, lidée selon laquelle les détenus devraient, autant que
faire se peut, pouvoir mener une vie aussi normale que possible, et perdre unique-
ment les droits qui font nécessairement partie de lemprisonnement. De nombreux
pays ont mis en place des initiatives bien intentionnées pour créer des gimes plus
positifs en prison, en proposant de plus en plus de programmes psychologiques, de
formation ou d’éducation. Mais comme le dit le gouverneur de la prison de Ringe, au
Danemark : « Nous n’avons pas de cours de cuisine, ils la font tous les jours. » La norma-
lisation devrait être lobjectif, autant que possible, pour que les détenus apprennent à
être responsables.
Le deuxième principe concerne les cas dans lesquels des interventions dexperts sont
nécessaires pour gler les nombreux problèmes personnels et sociaux des détenus,
interventions qui, pour être adaptées, doivent être fournies non pas par le système
pénitentiaire lui-même, mais par les services de santé, d’éducation et de protection
sociale de la communauté. Il peut y avoir un réel danger à ce que les prisons cherchent
à créer un système parallèle de sintoxication, de soins aux malades mentaux et
déducation. Pourquoi ? Parce que cela peut mettre en jeu la position de la prison en
tant que mesure de dernier recours, et encourager les juges et la population à penser
que l’expérience carcérale fait du bien aux prisonniers. Cela peut également encourager
les ministères et directions principalement concernés à penser, dans un sens, que les
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