UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE INSTITUT D`URBANISME

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UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
INSTITUT
D'URBANISME
DE GRENOBLE
Contextualisation
et
pertinence
d'une
recherche‐action
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme
en
Colombie
Master
2
"Sciences
du
Territoire"
Spécialité
Urbanisme,
Habitat
et
Coopération
Internationale
Septembre
2011
Jégouzo
Jérémy
Sous
la
direction
de
:
Emmanuel
Matteudi
Responsable
d’apprentissage
:
Jean
François
Parent
2
AUTEUR
TITRE
Jégouzo
Contextualisation
et
pertinence
d'une
recherche‐action
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme
en
Colombie
DIRECTEUR
DE
Emmanuel
Matteudi
MEMOIRE
COLLATION
MOTS‐CLES
Jérémy
UPMF,
IUG
Nb.
De
pages
Nb
annexes
Nb
de
référ.
Bibliographiques
126
4
35
Recherche‐action
;
Habitat
populaire
;
Territoire
d’action
;
Processus
de
production
de
la
ville
;
Transformation
;
Volonté
politique
;
Crise
de
la
ville
;
Développement
urbain.
TERMES
GEOGRAPHIQUES
RESUME
Usme
;
Bogotá
;
Colombie
La
majorité
des
villes
du
monde
traverse
aujourd’hui
une
situation
de
«
crise
»
car
elles
ne
parviennent
plus
à
offrir
à
une
grande
partie
de
leur
population
les
conditions
nécessaires
à
un
réel
habité
(accès
au
travail,
à
un
cadre
de
vie
de
qualité,
etc.).
Les
réponses
face
à
cette
«
crise
»
semblent
aujourd’hui
insuffisantes
car
elles
s’appuient
souvent
sur
des
problèmes
sectorisés
(transport,
logement,
etc.).
Partant
de
ce
constat,
un
certain
nombre
d’acteurs
de
la
ville
(élus,
urbanistes,
architectes,
etc.)
se
sont
réunis
en
2008
et
ont
fondé
le
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire
(LIHP).
Le
LIHP
cherche
les
moyens
de
dépasser
cette
«
crise
»
à
partir
de
la
réalité
en
tentant
d’aborder
le
problème
différemment.
Il
travaille
donc
avec
plusieurs
territoires
d’action
dont
celui
d’Usme,
au
sud
de
Bogotá
en
Colombie.
Ce
territoire
majoritairement
rural
est
aujourd’hui
confronté
au
développement
urbain
de
Bogotá
qui
n’offre
pas
les
conditions
favorables
à
l’émancipation
sociale
de
la
population
d’Usme.
Cette
situation
entraine
un
certain
nombre
de
problèmes
qu’il
s’agit
de
dépasser
afin
d’offrir
à
ce
territoire
un
habitat
de
meilleure
qualité.
Ce
territoire
concentre
un
grand
nombre
d’enjeux
contemporains
liés
au
développement
des
villes
(politique,
social,
écologique,
culturel,
etc.).
Il
représente
donc
une
opportunité
unique
de
transformer
une
situation
problématique
et
offre
la
perspective
de
trouver
des
solutions
riches
de
par
ces
enjeux.
C’est
le
travail
entrepris
par
le
LIHP
avec
plusieurs
partenaires
colombiens
(habitants,
universités,
aménageurs
urbains,
etc.).
Cet
ensemble
d’acteurs
se
donne
aujourd’hui
les
moyens
de
dépasser
cette
situation
collectivement
à
travers
une
démarche
dite
de
recherche‐action.
Le
processus
engagé
à
Usme
a
donc
pour
intérêt
d’agir
tout
en
réfléchissant
sur
l’action
menée.
Cependant,
la
démarche
engagée
par
le
LIHP
n’en
est
encore
qu’à
ses
débuts,
il
est
donc
essentiel
d’étudier
comment
une
telle
démarche
peut
engager
un
processus
d’habitat
populaire.
Processus,
qui
permettra
d’influencer
la
transformation
du
système
actuel
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá,
tout
en
offrant
à
terme,
un
habitat
de
qualité
et
un
accès
à
la
ville
à
la
population
d’Usme.
3
UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
INSTITUT
D'URBANISME
DE GRENOBLE
Contextualisation
et
pertinence
d'une
recherche‐action
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme
en
Colombie
Master
2
"Sciences
du
Territoire"
Spécialité
Urbanisme,
Habitat
et
Coopération
Internationale
Septembre
2011
Jégouzo
Jérémy
Sous
la
direction
de
:
Emmanuel
Matteudi
Responsable
d’apprentissage
:
Jean
François
Parent
4
5
Remerciements
Pour
commencer,
je
tiens
à
saluer
ma
collègue
de
travail,
Vanessa
Becciu,
pour
la
patience
dont
elle
a
fait
preuve
tout
au
long
de
notre
expérience
au
sein
du
LIHP.
Ensuite,
tous
les
membres
du
Comité
Scientifique
à
commencer
par
Jean
François
Parent
qui
m’a
suivi
et
conseillé
tout
au
long
de
mon
apprentissage.
De
même,
je
remercie
Jean
Pierre
Bouanha,
Pascal
Acot,
Jean
Foucambert,
Christian
Pédelahore,
Gerald
Souillac
et
Yves
Parent
ainsi
que
tous
les
membres
du
groupe
de
Los
Diez
pour
les
échanges
très
enrichissants
que
nous
avons
pu
avoir
lors
des
Comités
Scientifiques
et
autres
réunions.
Je
ne
peux
que
souligner
l’accueil
de
nos
collègues
colombiens
lors
de
notre
mission
à
Bogotá.
Je
commencerais
par
Giovanny
Salcedo
qui
m’a
accompagné
tout
au
long
de
la
mission
pour
la
mettre
sur
de
bons
rails.
Ainsi
qu’aux
autres
étudiants
de
l’Universités
Nationale
de
Colombie,
Johan
Avendaño,
Aureliano
Camacho,
Eloisa
Vargas
et
Gabriela
Perez
qui
m’ont
fait
connaître
leur
ville,
de
jour
comme
de
nuit.
Merci
aux
professeurs
de
l’Universités
Nationale
de
Colombie
et
de
la
Santo
Tomas,
Luis
Carlos
Jimenez
Reyes,
Virgilio
Becerra,
Andrés
Salcedo,
Adriana
Parias
et
Angelica
Mendoza
pour
leur
participation
à
la
démarche
menée
à
Usme.
Je
remercie
également
les
membres
des
communautés
d’Usme,
parmi
lesquels
Javier
Reyes,
Jaime
Beltrán,
Argenis
Hernandez
et
Morris
Hector
Vasquez
pour
nous
avoir
fait
découvrir
leur
territoire
avec
passion
et
engagement.
Je
salue
Emmanuel
Matteudi
pour
ses
conseils
qui
m’ont
guidé
pour
la
rédaction
de
ce
mémoire.
Enfin,
un
grand
merci
à
Georgia
pour
la
relecture…
6
Avant
propos
Partageant
le
constat
que
la
«
crise
»1
de
la
ville
à
l’échelle
mondiale
est
intrinsèquement
liée
à
celle
de
l’habitat
populaire2,
différentes
personnalités
(élus,
urbanistes,
architectes,
habitants,
chercheurs,
etc.)
se
sont
rencontrées
en
octobre
2008
à
Medellin
(Colombie)
afin
d’engager
une
action
commune.
Après
quatre
journées
d’échanges
d’expériences,
de
réflexions
et
de
questionnements
mutuels,
il
a
été
décidé
collectivement
de
la
création
du
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire
(LIHP).
Le
LIHP
s’est
donc
constitué
juridiquement
en
2009
en
tant
qu’association
française
à
but
non
lucratif
de
loi
1901.
Il
est
désormais
constitué
d’un
Comité
Scientifique
(CS)
et
d’un
Conseil
d’Administration
(CA)
et
son
siège
est
situé
à
Saint‐Denis.
A
travers
sa
charte
fondatrice,
produit
de
ces
journées
de
travail,
le
LIHP
se
donne
pour
objectif
de
«
rechercher
les
conditions
et
les
moyens
de
concevoir
et
de
mettre
en
œuvre
un
aménagement
urbain
et
une
architecture
capable
de
répondre
aux
besoins
de
la
majorité
de
la
population.
»3
Pour
parvenir
à
cela,
le
LIHP
se
veut
être
l’outil
d’une
démarche
de
transformation
du
système
de
production
de
l’habitat
populaire.
Dans
le
cadre
de
mon
Master
professionnel
Urbanisme,
Habitat
et
Coopération
Internationale,
j’ai
réalisé
un
apprentissage
d’une
durée
de
neuf
mois
au
sein
du
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire.
Les
apprentissages
étant
généralement
d’une
durée
de
douze
mois,
il
est
à
noter
ici
que
ma
mission
au
sein
du
LIHP
s’est
déroulée
dans
un
temps
plus
restreint.
Un
autre
élément
indispensable
à
la
compréhension
du
travail
mené
ici,
est,
que
ce
mémoire
viendra
en
continuité
avec
celui
de
Vanessa
Becciu
et
cherchera
à
être
complémentaire
avec
celui‐ci.
Etant
donné
que
nous
avons
travaillé
ensemble
durant
ces
neuf
mois,
nos
mémoires
bien
que
différents
ont
pour
objectifs
de
construire
et
d’approfondir
la
démarche
du
LIHP,
l’un
s’alimentant
de
la
réalité
du
terrain,
l’autre
s’appuyant
sur
la
situation
idéologique
du
LIHP
dans
le
champ
de
l’urbain.
Ma
mission
principale
a
été
de
travailler
au
sein
du
territoire
d’action4
Usme
situé
au
sud
de
Bogotá
en
Colombie.5
Cette
mission
s’est
déroulée
en
quatre
grandes
étapes
complémentaires
et
constitutives
d’une
seule
et
même
démarche
de
recherche‐action.6
La
première
étape
a
été
de
mobiliser
un
certain
nombre
d’acteurs
autour
du
territoire
d’action
Usme.
Parallèlement
à
cela,
un
document
de
travail
a
été
élaboré
collectivement
par
le
comité
scientifique
1
Nous
entendons
ici
la
notion
de
crise
comme
une
situation
problématique
à
dépasser
Nous
entendons
ici
la
notion
d’habitat
populaire
comme
un
processus
d’élaboration
d’un
habitat
de
qualité
réalisé
par
et
pour
tous
3
Texte
fondateur
du
LIHP,
2008
4
Nous
entendons
ici
la
notion
de
territoire
d’action
comme
un
territoire
sur
lequel
est
engagé
un
processus
d’habitat
populaire
5
Voir
l’annexe
4,
page
3
du
document
6
Nous
entendons
ici
la
recherche‐action
comme
un
processus
visant
à
transformer
la
réalité
en
la
rendant
intelligible
à
tous
2
7
relatant
de
l’état
actuel
du
territoire
d’Usme.
Ce
document
étant
amené
à
évoluer
toute
au
long
de
l’action
du
LIHP
à
Usme.
La
deuxième
grande
étape,
que
l’on
pourrait
considérer
comme
le
cœur
de
la
mission,
fut
un
séjour
de
cinq
semaines
à
Bogotá
pour
concrétiser
cette
mobilisation
en
constituant
un
groupe
de
travail.
Une
fois
ce
groupe
constitué,
il
a
été
possible
de
travailler
collectivement
sur
les
spécificités
et
les
problématiques
du
territoire
d’Usme
en
approfondissant
le
document
de
travail
réalisé
en
amont.
La
troisième
étape
a
été
celle
du
suivi
de
la
mobilisation
du
groupe
de
travail
suite
à
la
mission.
Grâce
aux
journées
de
travail
effectuées
en
Colombie
et
aux
informations
récoltées,
nous
avons
pu
retravailler
et
approfondir
le
document
de
travail.
Une
dernière
étape,
toute
aussi
importante,
a
été
la
rédaction
de
ce
mémoire
qui
permet
de
faire
un
bilan
de
l’action
menée
toute
au
long
de
la
mission.
Ce
travail
constitue
donc
une
sorte
de
document
analytique
de
la
démarche
du
LIHP
au
sein
du
territoire
d’action
Usme.
Toutes
ces
phases
de
travail
ne
sont
pas
indépendantes
les
unes
des
autres
car
elles
ne
prennent
réellement
de
sens
pour
le
LIHP
que
lorsqu’elles
sont
considérées
dans
leur
ensemble.
Cependant,
chaque
étape
participe
à
la
construction
d’une
seule
et
même
démarche
dite
de
recherche‐action.
Nous
comprendrons
dans
ce
mémoire
que
cette
démarche
ne
propose
pas
de
modèles
ou
de
solutions
pratiques
à
appliquer.
Ce
serait
donc
une
erreur
de
ne
pas
rappeler
ici
que
ce
mémoire
n’a
rien
d’un
document
de
démonstration
d’une
méthodologie,
c’est
avant
tout
un
élément
qui
participe
à
la
construction
d’une
démarche,
d’un
processus
innovateur
dans
le
domaine
de
l’urbain
et
qu’à
cette
fin,
il
doit
apporter
des
éléments
de
réflexion
et
des
pistes
d’amélioration
d’une
démarche
qui
n’en
est
qu’à
ses
débuts.
Bien
que
ce
mémoire
ne
constitue
en
rien
une
finalité,
il
tentera
néanmoins
de
formaliser
certains
aspects
de
la
démarche
qui
semblent
pertinents
au
regard
des
résultats
obtenus
au
sein
du
territoire
d’action.
Il
est
également
important
de
noter
ici
qu’il
n’y
a
eu
aucun
commanditaire
pour
le
travail
réalisé
à
Usme.
Etant
donné
que
le
LIHP
est
en
construction,
il
doit
s’ouvrir
des
portes
et
gagner
sa
place
dans
le
monde
de
l’action
et
de
la
recherche
urbaine.
C’est
donc
le
LIHP
qui
s’est
résolu
à
intervenir
à
Usme,
considérant
ce
territoire
comme
une
opportunité
de
par
sa
complexité,
riche
d’enjeux
et
porteuse
de
solutions
créatrices.
C’est
la
«
crise
»
présente
sur
ce
territoire
ainsi
que
son
devenir
qui
constituent
la
volonté
du
LIHP
d’engager
un
processus
d’habitat
populaire
à
Usme
et
c’est
à
cette
fin
que
le
LIHP
a
impulsé
la
constitution
d’un
groupe
de
travail
binational
constitué
de
différentes
personnalités.
8
Sommaire
Introduction
Partie
I
–
Pourquoi
le
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire
?
Chapitre
1.
Quelques
aspects
de
«
la
crise
de
la
ville
»
Chapitre
2.
Quand
la
réponse
pose
problème
Chapitre
3.
Face
à
cette
«
crise
»
:
Les
propositions
du
LIHP
Partie
II
–
Démarche
engagée
sur
le
territoire
d'action
Usme
Chapitre
1.
Pourquoi
ce
territoire
d'action
?
Chapitre
2.
Première
approche
du
territoire
d'action
Chapitre
3.
Mission
en
Colombie,
au
cœur
de
la
recherche‐action
Chapitre
4.
Poursuite
du
travail
après
la
mission
Partie
III
–
Retour
sur
la
démarche
et
mise
en
perspective
Chapitre
1.
Bilan
de
la
démarche
entreprise
Chapitre
2.
Perspectives
et
propositions
pour
la
démarche
du
LIHP
à
Usme
Conclusion
9
12
12
23
34
47
47
52
53
64
66
66
77
93
9
Introduction
Le
monde
est
aujourd’hui
devenu
majoritairement
urbain.
Le
processus
d’urbanisation
rapide
engagé
il
y
a
maintenant
plus
de
150
ans
expose
aujourd’hui
l’humanité
à
un
défi
considérable
:
offrir
de
la
ville
au
million
d’être
humain
qui
arrive
chaque
semaine
dans
les
centres
urbains
du
monde.
Défi
qui
dépasse
aujourd’hui
largement
la
capacité
d’organisation
de
l’Homme.
Les
villes
du
monde
sont
en
effet
arrivées
à
un
moment
crucial
de
leur
histoire
:
Soit
elles
arrivent
à
offrir
des
conditions
de
vie
permettant
l’émancipation
de
l’Homme,
soit
l’humanité
restera
engluée
dans
une
précarité
quotidienne.
Les
processus
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
actuels
ne
permettent
pas
de
répondre
à
ce
défi.
Le
monde
de
la
recherche
urbaine
et
les
«
faiseurs
de
ville
»7
s’accordent
désormais
à
dire
qu’il
y
a
une
véritable
«
crise
de
la
ville
».
Selon
les
chercheurs
et
les
points
de
vue,
il
semblerait
que
cette
crise
ait
pour
origine
nombre
de
facteurs
qu’ils
soient
internes
ou
externes
à
la
ville.
Cependant
et
bien
que
cette
notion
de
«
crise
»
semble
toujours
être
en
construction,
certaines
familles
d’acteurs
semblent
d’ores
et
déjà
s’attacher
à
trouver
le
ou
les
remède(s)
à
cette
«
crise
».
Mais
de
quel(s)
remède(s)
parle‐t‐on
?
L’action
semble
être
l’élément
indispensable
à
la
construction
de
réponses
encore
faut‐il
que
cette
action
soit
justifiée.
Et
pour
être
justifiée,
elle
doit
s’attacher
à
répondre
aux
bons
problèmes.
Cependant,
les
réponses
offertes
par
le
domaine
scientifique
sont
nombreuses
et
parfois
établies
sur
des
problèmes
qui
paraissent
être
mal
cernés
ou
dont
l’appréhension
semble
reposer
sur
des
éléments
toujours
en
débat.
Il
en
va
que
la
réponse
à
un
problème
mal
posé
s’en
trouve
automatiquement
limitée.
Ainsi,
certaines
personnalités
de
«
l’action
urbaine
»,
tels
que
les
animateurs
de
politiques
publiques
qu’elles
soient
sociales
ou
à
visée
purement
urbanistique
mais
aussi
les
architectes
et
les
urbanistes,
se
retrouvent
dans
l’impasse.
Pour
faire
émerger
des
solutions,
un
travail
est
nécessaire
et
ce
travail
ne
doit
en
aucun
cas
reposer
sur
des
éléments
dits
acquits
et
dont
la
rigueur
scientifique
semble
avoir
de
plus
en
plus
de
mal
à
s’affranchir.
Ainsi
le
domaine
scientifique
agit
aujourd’hui
dans
un
cadre
qui
lui
est
imposé,
un
chercheur
ne
peut
que
difficilement
sortir
de
son
rôle
d’aide
à
la
décision
voir
d’accompagnateur
à
certaines
occasions.
Bien
sûr,
la
critique
de
l’ordre
établi
est
toujours
facile.
D’un
certain
point
de
vue,
on
pourrait
même
la
qualifier
d’évidente
lorsque
l’on
voit
l’état
des
villes
à
travers
le
monde.
Mais
cette
critique
est
valable
et
justifiable
seulement
si
des
propositions
concrètes
sont
faites
face
à
cette
situation.
C’est
de
ce
constat
qu’est
né
le
LIHP.
Il
affirme
son
souhait
de
voir
la
recherche
et
l’action
urbaine
se
faire
de
manière
commune
et
concrète
afin
de
ne
pas
disperser
les
efforts.
Mais
ce
double
processus
doit
avoir
7
Allusion
au
livre
Thierry
Paquot,
«
les
faiseurs
de
ville,
1850‐1950
»,
Broché,
2010,
510
p
10
un
objectif
unique,
celui
d’offrir
un
habitat
de
qualité
à
tous.
C’est
ce
qu’affirme
le
LIHP
en
prenant
le
point
de
vue
de
l’habitat
populaire
qui
doit
passer
au
dessus
de
tout
autre
intérêt.
Celui‐ci
représente
un
engagement
politique
fort,
celui
de
ne
pas
accepter
de
voir
la
situation
actuelle
perdurer.
Mais
pour
engager
une
telle
action
et
parvenir
à
l’élaboration
d’un
habitat
populaire,
il
est
indispensable
de
chercher
les
solutions
au
sein
d’un
territoire8
permettant
de
porter
la
réflexion
à
partir
du
terrain
ou
plus
exactement
du
lieu.
En
ce
sens
le
LIHP
ne
souhaite
pas
être
déconnecté
des
réalités
de
celui‐ci
mais
souhaite
au
contraire
s'y
confronter.
Le
LIHP
a
donc
entrepris
une
démarche
au
sein
du
territoire
d’Usme,
en
Colombie.
Situé
à
la
périphérie
sud
de
la
métropole
de
Bogotá,
ce
territoire
majoritairement
rural
est
à
un
moment
crucial
de
son
histoire.
La
ville
de
Bogotá,
à
travers
son
entreprise
d’aménagement
urbain
Metrovivienda9
et
avec
l’aide
de
promoteurs
privés,
souhaite
y
construire
53
000
logements
sur
938
hectares
en
l’espace
de
20
ans.10
Mais
le
processus
d’élaboration
de
ce
projet
n’intègre
pas
la
population,
omet
les
spécificités
du
lieu
et
propose
un
habitat
de
faible
qualité,
de
fait
que
ce
territoire
traverse
aujourd’hui
une
situation
problématique.
Dans
ce
contexte,
le
LIHP
a
entrepris
une
démarche
visant
à
transformer
le
processus
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
avec
plusieurs
acteurs
colombiens
tels
que
des
chercheurs,
habitants
et
Metrovivienda.
A
travers
ce
territoire,
le
LIHP
doit
trouver
sa
propre
ligne
porteuse
d'innovation.
La
recherche‐action
est
donc
à
ses
yeux,
la
seule
démarche
possible
pour
s'adapter
aux
difficultés
du
terrain
car
elle
dispose
d'une
certaine
flexibilité
tout
en
offrant
la
possibilité
de
sortir
des
sentiers
battus
par
son
ouverture
à
l'expérimentation.
Cette
démarche
est
d’ailleurs
reconnue
pour
sa
capacité
à
transformer
une
situation
problématique.
N’est‐elle
donc
pas
appropriée
pour
ce
territoire
?
Le
mouvement
et
l'action
semblent
être
les
seuls
moyens
de
pouvoir
agir
face
à
cette
situation,
mais
comment
les
définir?
L'expérimentation
urbaine
souhaitée
par
le
LIHP
ne
peut
se
définir
qu’à
travers
la
conception
d’un
«
objet
»
architectural
ou
urbain
de
qualité.
L’expérimentation
est
d’autant
plus
importante
dans
les
modes
d’élaboration
qui
amènent
à
cette
qualité.
Mais
comment
entreprendre
une
telle
démarche
?
Par
où
commencer
?
Sur
quel
territoire
d'action
?
Des
réponses
ont
été
apportées
à
ces
questions
mais
sont‐elles
réellement
pertinentes
au
regard
des
résultats
obtenus
à
Usme?
Ce
mémoire
a
pour
objectif
d'éclaircir
ces
points
sombres,
d’exposer
en
détail
la
démarche
entreprise,
de
soulever
ses
potentialités
et
sa
pertinence
mais
aussi
ses
difficultés
et
ses
limites.
Un
travail
objectif
en
soit
mais
qui
n’est
en
rien
évident
car
il
participe
de
l’autocritique
d’une
démarche
à
laquelle
j’ai
moi‐même
oeuvré
durant
ces
neuf
derniers
mois.
Pour
offrir
une
visibilité
plus
grande
au
travail
qui
va
suivre,
nous
pouvons
simplifier
l’objet
principal
de
ce
mémoire
qui
est
de
montrer
en
8
Nous
entendons
ici
territoire
comme
un
espace
animé
par
l’action
humaine,
dans
ses
dimensions
culturelles,
sociales,
politiques,
etc.
Voir
l’annexe
4,
page
8
du
document
et
le
site
internet
:
http://www.metrovivienda.gov.co/
10
Voir
l’annexe
4,
page
8,
9
et
10
du
document
9
11
quoi
la
démarche
de
recherche‐action
du
LIHP
engagée
au
sein
du
territoire
d’action
Usme
en
Colombie
contribue
à
répondre
à
la
«
crise
»
de
ce
territoire
et
de
manière
générale
à
la
«
crise
de
la
ville
»?
Nous
examinerons
si
cette
démarche
est
innovante
dans
les
champs
de
l’action
et
de
la
recherche
urbaine
et
si
elle
contribue
à
l’expérimentation
urbaine
à
travers
la
transformation
du
mode
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá.
Etant
donné
l’avancement
de
la
démarche
au
sein
du
territoire
d’action,
il
semble
prématuré
de
traiter
en
profondeur
le
point
de
vue
politique
du
LIHP
ici,
d’autant
plus
qu’il
est
difficile
d’aborder
la
démarche
de
ce
dernier
dans
sa
globalité
dans
un
simple
mémoire.
L’objet
central
de
ce
mémoire
sera
donc
d’approfondir
la
démarche
de
recherche‐action.
Il
ne
sera
pas
question
ici
de
défendre
le
LIHP
en
tant
que
tel
mais
de
montrer
en
quoi
sa
critique
et
ses
propositions
d’action
par
rapport
à
la
situation
actuelle
sont
pertinentes
ou
non.
Toute
démarche
est
critiquable
et
celle
portée
par
le
LIHP
n’est
en
rien
épargnée.
Etant
donné
que
cette
démarche
dite
de
recherche‐action
est
ouverte
et
évolutive,
la
critique
ici
ne
peut
être
que
constructive.
Afin
d’exposer
ces
quelques
éléments,
cet
exercice
sera
développé
en
trois
temps.
Le
premier
aura
pour
objectif
d’exposer
l’origine
de
la
constitution
du
LIHP
ainsi
que
son
projet
(1).
Nous
parlerons
ici
de
la
«
crise
de
la
ville
»,
de
l’impuissance
des
acteurs
et
chercheurs
face
à
celle‐ci
et
des
propositions
du
LIHP
pour
la
dépasser.
Ensuite,
il
s’agira
de
détailler
la
démarche
entreprise
au
sein
du
territoire
d’action
Usme
afin
de
dégager
les
éléments
qui
la
différencient
de
la
recherche
et
de
l’action
urbaine
en
général
(2).
Enfin,
dans
un
dernier
temps,
la
démarche
sera
analysée
et
évaluée
en
fonction
des
enjeux
et
objectifs
étudiés
en
première
partie
afin
de
dégager
des
propositions
d’action
et
de
suivit
pour
la
démarche
engagée
à
Usme
(3).
12
Partie
I
–
Pourquoi
le
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire
?
Cette
partie
a
pour
objectif
d’exposer
les
éléments
qui
justifient
la
création
du
LIHP.
En
d’autres
termes,
pourquoi
le
LIHP
existe
?
Elle
devra
donc
pour
cela
dans
un
premier
temps
synthétiser
les
éléments
qui
nous
permettent
d’affirmer
que
la
ville
est
en
«
crise
»
à
une
échelle
mondiale
(1).
Dans
un
deuxième
temps,
nous
montrerons
en
quoi
les
réponses
actuelles
face
à
cette
«
crise
»
sont
limitées
et
que
les
véritables
«
faiseurs
de
ville
»
ne
disposent
plus
des
moyens
et
des
outils
pour
«
faire
ville
»
(2).
Enfin,
la
dernière
partie
montrera
comment
le
LIHP
se
positionne
par
rapport
à
cette
«
crise
»
et
esquissera
ses
propositions
pour
dépasser
la
situation
actuelle
(3).
Chapitre
1.
Quelques
aspects
de
«
la
crise
de
la
ville
»
1.1
Un
fait
:
La
ville
concentre
l’avenir
de
la
civilisation
humaine
Bien
que
ce
ne
soit
pas
l’objet
principal
de
ce
mémoire,
il
est
important
de
rappeler
brièvement
l’état
actuel
du
monde
urbain
afin
de
saisir
globalement
le
contexte
dans
lequel
le
LIHP
porte
son
action.
1.1.1
Une
croissance
démographique
toujours
au
rendez‐vous
La
question
démographique
est
fondamentale
pour
l’avenir
des
villes,
et
un
léger
rappel
de
quelques
chiffres
nous
permettra
de
saisir
le
travail
qui
nous
attend.
Alors
que
les
prévisions
ont
longtemps
tablé
sur
une
stabilisation
de
la
population
mondiale
autour
de
neuf
milliards
d’individus
en
2050,
un
récent
rapport
de
l’ONU11
pose
le
constat
que
la
transition
démographique
pourrait
être
plus
lente
que
prévu
dans
certains
pays,
ainsi,
la
population
mondiale
atteindrait
les
9,3
milliards
d’individus
en
2050
et
10
milliards
en
2100.
Loin
d’ici
l’idée
d’entretenir
la
pensée
malthusienne
mais
ces
chiffres
nous
laissent
prendre
la
dimension
de
la
tâche,
il
nous
faudra
accueillir
pas
moins
de
2,3
milliards
d’êtres
humains
dans
les
villes
en
moins
de
40
ans
!
Dans
son
ouvrage
Shadow
Cities,
Robert
Neuwirth
montre
que
pour
contenir
la
proportion
d’habitat
informel
actuelle,
les
«
villes
du
monde
devraient
construire
chaque
année
35
millions
de
maisons
[…]
soit
4000
maisons
à
l’heure
ou
une
à
la
seconde.
»12
Le
monde
urbain
nous
attend
et
nous
ne
sommes
malheureusement
pas
prêts
à
l’inventer,
mais
plus
à
le
subir.
Si
l’on
prend
le
seul
cas
de
Bogotá,
la
croissance
démographique
est
due
à
un
solde
naturel
toujours
important
notamment
dans
les
zones
périphériques
populaires
mais
aussi
à
l’arrivée
massive
de
11
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=25156&Cr=population&Cr1
NEUWIRTH
Robert,
Shadow
Cities,
Routledge,
New
York,
2006,
352
p
12
13
population
fuyant
la
«
violence
»
toujours
présente
dans
les
campagnes
colombiennes.13
D’une
métropole
de
plus
de
8
millions
d’habitants
aujourd’hui,
Bogotá
devrait
atteindre
les
10
millions
d’habitants
d’ici
2050.
Sachant
que
le
déficit
actuel
qualitatif
et
quantitatif
en
logement
est
estimé
à
300
000,
si
l’on
considère
de
façon
généreuse
qu’un
logement
peut
accueillir
en
moyenne
trois
personnes,
ce
n’est
pas
moins
de
970
000
logements
qu’il
faudrait
construire
ou
réhabiliter
d’ici
40
ans
pour
loger
dans
de
bonnes
conditions
toute
la
population
de
Bogotá,
soit
24
000
par
an
!
Aussi,
nous
remarquerons
dans
ce
mémoire
que
produire
des
logements
ne
suffit
pas
à
créer
de
la
ville,
c’est
dire
l’ampleur
de
la
tâche…
1.1.2
L’urbanisation
du
monde
Le
processus
d’urbanisation
constitue
le
fait
majeur
en
ce
début
du
XXIème.
Il
est
considéré
par
nombre
de
penseurs
comme
«
la
plus
grande
et
la
plus
rapide
transformation
sociale
dans
l’histoire
de
l’humanité
»14
car
à
l’heure
actuelle,
la
population
des
villes
du
monde
augmente
d’un
million
de
personnes
par
semaine.
Pour
Paul
Valéry,
les
villes
attirent
les
réfugiés
des
campagnes
car
elles
sont
«
des
immenses
maisons
de
jeux,
des
lieux
où
on
a
l’impression
(parfois
l’illusion)
d’augmenter
ses
chances
à
la
loterie
de
la
vie,
où
l’on
vient
dans
l’espoir
de
décrocher
un
emploi
pour
ses
enfants
sinon
pour
soi‐même,
de
se
trouver
plus
près
d’un
hôpital
et
de
l’école,
de
participer,
s’il
y
a
lieu,
à
la
distribution
du
pain
et
au
spectacle.
»15
En
d’autres
termes,
la
ville
représente
l’espoir
d’accéder
à
une
certaine
humanité.
Depuis
maintenant
quelques
années
la
ville
apparaît
comme
le
centre
des
grands
enjeux
contemporains
de
l'humanité
et
de
son
développement.
En
2007‐2008,
pour
la
première
fois
de
l’histoire
humaine,
la
part
de
la
population
mondiale
urbaine
a
dépassé
celle
de
la
population
vivant
dans
les
zones
rurales.
Désormais,
plus
de
3,3
milliards
de
personnes
habitent
en
ville
et
selon
les
prévisions
de
l’Organisation
des
Nations
Unies
(ONU),
le
taux
d’urbanisation
mondial
va
s’accroitre
considérablement
au
cours
des
prochaines
décennies,
atteignant
60%
en
2030
et
70%
en
2050.16
Déjà
en
1968,
l’historien
Lewis
Mumford
avançait
que
le
monde
entier
était
«
devenu
une
ville»17
.
En
d’autres
termes,
si
l’Homme
doit
penser
son
avenir,
il
doit
d’abord
penser
la
ville,
lieu
où
se
joue
son
avenir.
13
Lire
à
ce
sujet,
Perte
de
lieux,
dénuement
et
urbanisation
:
les
desplazados
de
Colombie
de
Michel
Agier,
(Autrepart,
N°
14,
2000)
et
Populations
déplacées
en
Colombie
et
insertion
urbaines
de
Donny
Meertens,
(Les
annales
de
la
recherches
urbaines,
N°
91,
2001)
14
SACHS
Ignacy
(ss
la
dir.),
Quelles
villes,
pour
quel
développement
?,
PUF,
1996,
p
4
15
Op.
Cit.
16
UN,
World
urbanization
prospects.
The
2007
revision
population
data
base,
New
York,
2008,
p
11
17
MUMFORD
Lewis,
La
cité
à
travers
l’histoire,
Seuil,
1964,
p
11
14
1.2
Une
«
crise
»
mondiale
Nous
nous
attacherons
ici
à
exposer
certains
aspects
de
la
«
crise
de
la
ville
»
mais
qui
ne
prétendent
pas
recouvrir
l’étendue
du
phénomène
qui
marque
par
sa
diversité
et
sa
complexité.
1.2.1
Le
bidonville,
expression
totale
d’une
faillite
humaine
Plus
d'un
milliard
de
personnes
vivent
aujourd'hui
dans
les
bidonvilles18
du
«
Sud
»19
dans
une
extrême
précarité,
«
exclues
de
la
croissance
économique
mondiale,
chassées
des
campagnes
par
la
misère
et
des
villes
par
la
machine
impitoyable
de
la
rénovation
urbaine,
elles
vivent
dans
un
monde
urbain
désurbanisé,
instable
et
explosif.
»20
C’est
le
constat
que
tire
Mike
Davis
dans
son
ouvrage
«
Le
pire
des
mondes
possibles
».
D'après
les
chiffres
de
la
cellule
Habitat
de
l'ONU,
la
population
des
bidonvilles
croit
actuellement
au
rythme
de
25
millions
de
nouveaux
résidents
par
an
et
ce
processus
est
manifestement
irréversible.
A
ce
rythme,
prêt
de
deux
milliards
d'êtres
humains
vivront
dans
des
bidonvilles
en
2030
soit
un
quart
de
l’humanité.
Figure
1
:
«
Bidonville
»
d’Usme
au
sud
de
Bogotá,
Colombie
Source
:
Pierre
Trovel,
2009
Une
littérature
abondante
existe
à
ce
sujet,
Jean
François
Tribillon
et
Gustave
Massiah
prévenaient
déjà
en
1988
dans
leur
livre
«
Ville
en
Développement
»21
de
l’afflux
massif
de
populations
rurales
vers
les
grands
centres
urbains
en
montrant
l’impuissance
des
politiques
urbaines
face
au
phénomène.
Dans
la
même
lignée,
Alain
Durand
Lasserve,
approfondissait
la
question
de
la
difficulté
d’insertion
des
populations
pauvres
rurales
dans
ces
mêmes
villes
dans
son
ouvrage
«
L'exclusion
des
pauvres
des
18
Voir
la
définition
communément
admise
dans
le
lexique
Il
est
important
de
rappeler
ici
que
les
«
bidonvilles
»
constituent
6%
des
habitations
dans
les
«
pays
du
nord
»
selon
l’ONU‐
Habitat
20
DAVIS
Mike,
Le
pire
des
mondes
possibles,
La
Découverte,
Paris,
2006,
250
p
21
TRIBILLON
Jean‐François,
MASSIAH
Gustave,
Villes
en
développement,
La
découverte,
janvier
1988,
320
p
19
15
villes
du
tiers
monde
»
de
1987.22
Donc
bien
avant
Mike
Davis,
ce
fait
urbain
avait
été
saisi
par
de
nombreuses
personnalités
mais
la
gravité
du
ton
employée
par
celui‐ci
a
servi
d’électrochoc
à
une
communauté
internationale
jusqu’alors
peu
active
dans
le
domaine
du
développement
urbain.
La
communauté
scientifique
semble
aujourd’hui
avertie,
celle
de
l’international
aussi
mais
y
a‐t‐il
pour
autant
une
action
suffisante
face
à
cette
situation
?
La
vision
de
cet
auteur
désormais
mondialement
connu
reste
un
point
de
vue.
De
nombreuses
autres
personnalités
voient
à
travers
le
bidonville
un
processus
qui
participe
à
la
création
d’une
nouvelle
urbanité
tel
que
Marc
Gossé,
mais
il
serait
inutile
de
se
s’initier
dans
ce
débat
ici
car
la
bataille
est
bien
trop
rude
et
complexe
pour
en
relater
les
moindres
détails.
Cependant,
on
peut
toute
fois
modérer
la
situation
car
face
à
la
«
planète
bidonville
»
apposée
par
Mike
Davis,
il
est
à
souligner
que
de
nombreuses
agglomérations
ont
réussi,
au
cours
des
vingt
dernières
années,
à
contenir
leur
taille
et
à
ralentir
la
croissance
de
la
population
qui
y
vit,
nous
approfondirons
ce
point
dans
une
prochaine
partie
avec
l’exemple
du
Mexique.
Nous
pouvons
cependant
donner
ici
quelques
chiffres
pour
éclaircir
la
situation.
Selon
l’ONU‐Habitat,
la
proportion
de
la
population
des
bidonvilles
(par
rapport
à
la
proportion
de
la
population
urbaine
totale
des
pays
en
voie
de
développement)
est
passée
de
46%
en
1990
à
33%
en
2010,
alors
qu’en
valeur
absolue,
pour
cette
même
période,
le
nombre
d’habitants
des
bidonvilles
passait
de
650
à
830
millions.23
Bien
que
le
«
bidonville
»,
aussi
large
soit
sa
définition,
reste
au
centre
des
préoccupations
internationales
et
des
débats
scientifiques,
il
ne
représente
pas
le
seul
problème
de
la
ville
en
ce
début
du
XXIème
siècle
et
n’est
finalement
qu’une
représentation
physique
d’un
problème
historique
qu’est
la
répartition
des
richesses.
D’autant
plus
qu’un
bidonville
se
définit
avant
tout
par
ses
critères
physiques
et
qu’une
fois
connecté
au
réseau
d’eau
potable
ou
d’assainissement,
il
peut
ne
plus
être
considéré
comme
bidonville.
Mais
le
ménage
y
résidant
aura
t’il
pour
autant
un
cadre
de
vie
décent
et
accès
à
une
réelle
urbanité
?
Rien
n’est
moins
sûr.
Les
efforts
qui
sont
opérés
à
travers
le
monde
sont
significatifs
mais
l’on
doit
être
vigilant
face
à
l’approche
purement
quantitative.
Nous
comprendrons
d’ailleurs
dans
une
prochaine
partie
que
celle‐ci
ne
porte
pas
dans
ses
priorités
la
notion
«
d’habité
»24.
22
DURAND‐LASSERVE
Alain,
L’exclusion
des
pauvres
dans
les
villes
du
tiers‐monde,
1986,
198
p
Le
paradoxe
des
bidonvilles,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
60
24
Nous
entendons
ici
la
notion
d’habité
comme
la
manière
de
construire
et
de
penser
son
rapport
au
monde
à
travers
son
habitat
23
16
1.2.2
Du
phénomène
de
gentrification
à
la
périphérisation
des
classes
populaires
Le
terme
plus
généralement
employé
est
celui
de
ségrégation
socio‐spatiale
qui
est
désormais
reconnue
comme
un
processus
dominant
en
ce
début
de
millénaire.25
En
effet,
depuis
1991
et
le
livre
fondateur
de
Saskia
Sassen,
«
La
ville
globale
:
New
York,
Londres,
Tokyo
»26,
certains
auteurs
tel
que
Manuel
Castells
ou
David
Harvey
fondateurs
de
la
géographie
radicale
parlent
des
villes
duales
qui
rassemblent
des
espaces
très
riches
mais
également
très
pauvres.
Depuis
peu,
le
terme
plus
incisif
de
ville
fragmentée
est
défendu
par
Fred
Scholz
et
Peter
James
Taylor
évoquant
l’exacerbation
des
différences
de
«
standing
»
entre
les
zones
d’habitat
par
la
mondialisation
des
villes.
Il
n’empêche
que
la
gentrification,
définie
par
Anne
Clerval
comme
«
une
dynamique
internationale
de
colonisation
des
centres‐villes
par
les
classes
moyennes
et
supérieures
»27,
participe
largement
de
la
ségrégation
socio‐spatiale.
Ce
phénomène
touche
frontalement
une
grande
majorité
des
moyennes
et
grandes
villes
du
monde28
comme
par
exemple
la
ville
de
Paris.29
Celui‐ci
est
porté
principalement
par
un
marché
immobilier
et
foncier
néo‐libéral
devenu
aux
yeux
des
investisseurs
une
valeur
refuge
face
aux
aléas
du
marché
financier.
Mais
ce
phénomène
est
également
conforté
par
des
politiques
urbaines
souhaitant
attirer
des
cadres
supérieurs
dans
leurs
centres
urbains.
La
ville
de
Grenoble
peut
être
prise
comme
exemple.
L’éco‐quartier
de
la
Caserne
de
Bonne
participe
largement
de
ce
processus
bien
qu’il
se
cache
derrière
le
chiffre
de
35%
de
logements
sociaux.
En
vérité,
ces
derniers
sont
en
théorie
accessibles
à
70%
des
ménages
vivant
en
France.
Comment
peut‐on
alors
savoir
si
ces
logements
sociaux
logent
des
classes
populaires
ou
des
classes
moyennes
voir
moyennes
supérieures
?
D’autant
plus
que
sur
les
500
000
logements
sociaux
prévus
par
le
Plan
de
cohésion
sociale
du
gouvernement
français
entre
2005
et
2010,
un
tiers
relevait
du
logement
dit
«
intermédiaire
»,
c’est
à
dire
inaccessible
aux
plus
pauvres.30
L’éco‐quartier
qui
représente
l’expression
ultime
de
l’urbanisme
en
France
et
en
Europe
participe
largement
d’un
phénomène
qui
n’a
rien
de
durable.
Ce
processus
induit
forcément
d’autres
phénomènes
parmi
lesquels
la
périphérisation
des
classes
populaires
même
si
celle‐ci
s’est
complexifiée
car
les
inégalités
ne
passent
plus
nécessairement
entre
un
centre
et
sa
périphérie,
mais
entre
des
«
maillons
urbains
sur‐équipés
technologiquement
et
informatiquement,
et
entre
des
zones
d’habitat
médiocre
pour
les
classes
moyennes
et
des
zones
quelques
fois
25
CHOLLET
Mona,
Utopies
dévoyées,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
4
26
SASSEN
Saskia,
La
Ville
globale.
New
York,
Londres,
Tokyo,
Descartes,
1996,
530
p
27
CLERVAL
Anne,
Logement
social
à
la
parisienne,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
45
28
Lire
à
ce
sujet,
CRIEKINGEN
Mathieu,
Comment
la
gentrification
est
devenue,
de
phénomène
marginal,
un
projet
politique
global,
Agone
N°38‐39:
Villes
&
résistances
sociales,
2008
29
Voir
l’annexe
1,
p
104
30
BOUILLON
Florence,
Le
squat,
un
lieu
de
résistance,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
64
17
catastrophique
de
pauvreté.»31
Henri
Lefebvre
rappelle
qu’à
une
époque,
le
centre
des
villes
était
actif
et
productif
donc
populaire32,
mais
l’Histoire
les
a
transformé
et
continue
de
les
transformer
en
centres
de
décisions
et
de
services
accompagnés
par
un
embourgeoisement
sans
précédent.
Bien
que
ce
constat
soit
tiré
du
seul
cas
français,
il
s’est
appliqué
et
s’applique
toujours
à
nombre
de
pays
à
travers
le
monde.
Face
à
cette
situation,
ne
peut‐on
pas
envisager
de
rendre
ces
centres
à
nouveau
productifs
?
De
replacer
l’habitat
populaire
au
cœur
de
l’activité
urbaine
?
1.2.3
Des
habitants
toujours
oubliés
La
question
de
l’appropriation
citoyenne
et
des
conditions
de
production
des
espaces
urbains
est
considérée
par
nombre
d’auteurs
comme
fondamentale
mais
elle
reste
entière
et
représente
aujourd’hui
un
défi
majeur
de
ce
siècle.
Il
faudra
pourtant
passer
nécessairement
par
une
maîtrise
collective
de
la
production
de
l'espace
bâti
si
l’on
souhaite
arriver
à
produire
un
habitat
de
qualité
élaboré
par
et
pour
tous.
L’émergence
des
démarches
dites
participatives33
ne
change
pas
fondamentalement
la
donne.
Bien
que
les
habitants
puissent
proposer
certaines
choses,
elles
sont
souvent
limitées
pour
des
raisons
financières
et
la
décision
finale
revient
dans
la
majorité
des
cas
à
l’élu
ou
au
technicien.
Nous
prendrons
comme
exemple
le
cas
d’Usme
dans
la
deuxième
partie
de
ce
mémoire
qui
illustre
bien
les
limites
de
ce
type
de
démarche.
D’ailleurs,
de
vives
critiques
existent
à
ce
sujet,
par
exemple,
Marc
Gossé
constate
que
«
la
participation
emploie
volontiers
la
démagogie
et
la
manipulation
pour
faire
avaliser
des
politiques
et
des
solutions
inappropriées
»
et
assure
que
«
le
fait
que
les
habitants
les
choisissent
n'y
change
rien.
»34
Comment
dépasser
ce
stade
de
la
simple
participation
qui
n’est
d’ailleurs
souvent
possible
qu’avec
une
forte
volonté
politique
?
Pourtant,
en
1961,
Lewis
Mumford
avertissait
déjà
de
l’importance
de
rendre
au
peuple
la
conception
de
leur
habitat.
«
Un
lieu
d’habitation
quelconque
doit
être
conçu,
à
sa
petite
échelle,
à
l’image
du
monde.
La
cité
ne
devra
plus
être
une
matérialisation
du
caprice
d’un
tout
puissant
prince,
mais
l’expression
de
la
volonté
commune
de
ses
citoyens,
cherchant
à
perfectionner
leurs
connaissances,
à
se
gouverner
eux‐mêmes,
à
tenir
leur
place
dans
le
monde.
»35
Bien
sûr,
il
existe
des
exemples
où
la
population
a
pu
participer
à
la
conception
de
son
habitat,
mais
comment
pourrait‐on
affirmer
que
ces
démarches
soient
aujourd’hui
la
règle
?
L’Homme
a
toujours
créé
son
habitat
en
fonction
de
31
GUATTARI
Felix,
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
5
LEFEBVRE
Henri,
Le
droit
à
la
ville,
Anthropos,
Paris,
1968
33
Nous
pouvons
l’entendre
comme
une
démarche
qui
donne
au
citoyen
un
rôle
dans
les
décisions
publiques
34
GOSSE
Marc,
Le
bidonville
:
phénomène
naturel,
œuvre
ou
processus
?,
in
DE
FILIPPI,
Francesca
;
Slum[e]scape,
Alinea,
Firenze,
2009,
pp.
11‐13
35
MUMFORD
Lewis,
La
cité
à
travers
l’histoire,
Seuil,
1961,
p
13
32
18
l’environnement
qui
l’entourait,
que
ce
soit
des
yourtes
de
Mongolie
ou
des
maisons
resserrées
et
incrustées
dans
le
sol
de
l’île
D’Hoëdic
en
Bretagne
conçues
pour
mettre
à
l’abri
du
vent.
Le
simple
fait
de
devoir
s’adapter
à
leur
environnement
obligeait
l’Homme
à
penser
cet
environnement
et
l’habitat
qui
y
répondait
le
mieux.
Aujourd’hui,
l’habitant
a
perdu
son
pouvoir
de
créer
son
habitat,
ce
qui
l’empêche
de
penser
son
rapport
à
l’environnement
et
sa
place
dans
le
monde.
1.3
Une
production
urbaine
en
difficulté
?
La
production
de
la
ville
actuelle
ne
répond
pas
aux
attentes
de
la
population
en
matière
de
qualité
urbaine.
Même
si
cette
production
est
bien
plus
complexe
que
ce
qui
va
être
exposé
ici,
nous
verrons
trois
facteurs
majeurs
qui
la
conditionnent,
à
savoir,
l’urgence,
la
quantité
et
la
reproductibilité.
1.3.1
L’approche
urgentiste
et
quantitative
de
l’urbanisation
Sans
rentrer
ici
dans
la
notion
de
durabilité
au
sens
du
développement
durable,
il
est
nécessaire
de
poser
ici
le
sacrifice
que
peut
représenter
la
construction
de
la
qualité.
Pourquoi
toujours
vouloir
apprécier
la
vue
de
l'édifice
auquel
nous
avons
apporté
notre
propre
pierre
?
Si
l'on
met
la
notion
de
temporalité
au
centre
de
la
critique
de
la
production
actuelle
de
la
ville,
l'on
ne
peut
que
juger
normal
la
médiocrité
de
cette
production
étant
donné
sa
rapidité
que
se
soit
en
terme
de
réflexion
ou
de
conception.
Sans
parler
nécessairement
de
Rome,
les
villes
du
monde
offrant
une
urbanité
et
un
habité
de
qualité
ne
se
sont
pas
construites
en
un
jour.
Comme
le
signal
Marc
Gossé,
«
l'urgence
mise
en
avant
dans
les
objectifs
du
millénaire
ou
d'autres
sommets
internationaux,
est
non
seulement
illusoire
mais
un
alibi
politique
pour
n'offrir
aux
pauvres
que
des
«
solutions
»
de
seconde
zone
et
de
qualité
architecturale
scandaleuse.
»36
«
Partout
le
discours
de
l’urgence
impose
ses
(non‐)
règles
:
dans
l’humanitaire,
le
social,
la
santé,
le
logement,
etc.
»37
Or
il
faut
beaucoup
de
temps
pour
que
la
ville
se
constitue,
se
modèle
et
se
transforme
pour
accueillir
dans
les
meilleures
conditions
les
populations
qui
viennent
y
vivre.
Face
à
la
croissance
exponentielle
des
bidonvilles,
la
construction
de
nouveaux
logements
se
fait
trop
vite.
Cette
rapidité
entraine
nombre
de
malfaçons
dans
la
construction
et
dysfonctionnements
dans
l’aménagement
urbain
qui
entrainent
un
coût
à
long
terme
beaucoup
plus
important
pour
la
collectivité.
On
voit
alors
apparaître
dans
certaines
périphéries
de
grandes
villes,
des
étendues
de
«
blocs
»
de
logements
construits
à
la
chaine.
Si
l’on
prend
par
exemple
le
cas
du
Mexique
où
il
m’est
36
GOSSE
Marc,
Op.
Cit.
pp.
11‐13
PAQUOT
Thierry,
L’architecte,
l’urbaniste
et
le
citoyen,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
26
37
19
arrivé
de
dormir
dans
un
de
ces
«
blocs
»
de
logements
à
Cancun.
Un
an
après
la
fin
des
constructions,
deux
maisons
sur
trois
étaient
encore
inhabitées,
les
mauvaises
herbes
commençaient
sérieusement
à
percer
le
bitume
pourtant
fraichement
coulé.
Et
pour
être
franc,
vivre
dans
ces
boites
connectées
aux
réseaux
d’électricité,
d’eau
potable
et
d’assainissement
ou
vivre
dans
un
habitat
précaire
construit
par
mes
propres
mains
et
inséré
dans
un
tissu
organique
où
la
solidarité
sert
de
ciment
aux
fabrications
fragiles,
je
ne
saurais
que
choisir.
Bien
sûr,
tout
est
question
de
nuance,
d’acceptation,
de
résignation
parfois.
Ainsi,
le
Mexique
a
vu
ses
bidonvilles
reculer
drastiquement
ces
deux
dernières
décennies
mais
à
quel
prix
?
Une
simple
plongée
dans
le
logiciel
google
earth
nous
laisse
découvrir
l’étendue
de
ces
«
blocs
»
de
logements
dans
les
périphéries
des
grandes
villes
mexicaines
qui
participent
largement
à
la
déterritorialisation
des
personnes
qui
y
vivent.
Entre
le
bidonville
et
ces
«
blocs
»
de
logements,
l’habitant
aux
revenus
modestes
choisit
souvent
de
s’endetter
et
de
s’adapter
à
un
modèle
urbain
largement
inspiré
du
modèle
consumériste
américain.
Bien
que
cet
exemple
soit
critiquable,
il
nous
montre
que
les
moyens
financiers
et
techniques
existent
mais
ne
sont
pas
nécessairement
utilisés
à
bon
escient.
Figure
2
:
Colonias
à
Tijuana,
Mexique
Source
:
http://aplicaciones.colef.mx:8080/Acervofoto/main.php?g2_itemId
De
même,
si
l’on
prend
l’exemple
de
Bogotá,
les
logements
produits
par
le
secteur
privé
avec
l’aide
de
l’entreprise
Metrovivienda38
sont
du
même
niveau
que
ceux
réalisés
au
Mexique
durant
ces
vingt
dernières
années,
bien
que
le
directeur
de
Metrovivienda
nous
ait
affirmé
ne
pas
avoir
reproduit
les
mêmes
erreurs.39
Pourtant,
on
observe
un
manque
cruel
d’activités
et
de
loisirs
dans
ces
cités
dortoirs,
peut
être
un
effort
supplémentaire
a
été
porté
sur
les
équipements
publics
mais
selon
les
étudiants
de
l’Université
Nationale
de
Colombie,
les
premiers
blocs
réalisés
au
début
des
années
2000
constituent
d’ores
et
déjà
de
véritables
ghettos
où
l’ennui
et
l’inactivité
viennent
s’ajouter
à
la
précarité
sociale
des
nouveaux
résidents.
38
Aménageur
urbain
du
District
Capital
de
Bogotá
Réunion
à
Metrovivienda
le
mardi
10
mai
2011,
résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
39
20
Figure
3
:
Ciudadela
El
Recreo
à
Bogotá,
Colombie
Source
:
http://www.restrepoyuribe.com/servicios_f1.htm
La
conclusion
qui
peut
en
être
tirée
est
que
l’ONU‐Habitat
et
la
communauté
internationale
travaillant
sur
la
ville
de
manière
générale
ne
doivent
pas
se
satisfaire
des
quelques
reculs
de
bidonvilles
dans
certains
pays
mais
doivent
au
contraire
rester
attentives
aux
modes
de
production
qui
l’éliminent
et
le
remplacent
de
manière
parfois
brutale.40
Il
n’est
pas
inutile
de
rappeler
ici
que
la
ville
se
construit
avec
le
temps.
Pour
Luis
Moya,
il
est
essentiel
de
poursuivre
un
objectif
général
mais
il
faut
également
mettre
en
place
des
objectifs
partiels
qui
vont
évoluer
tout
au
long
du
travail,
et
qui,
pour
être
atteint,
doivent
être
traités
par
étapes
successives.
Ainsi,
avant
de
se
lancer
dans
une
nouvelle
étape,
la
précédente
doit
être
analysée
de
manière
critique.
De
plus,
faire
ville
impose
tellement
de
facteurs
qu’aucun
urbaniste
ou
architecte
ne
peut
assurer
si
son
projet
donnera
forme
à
un
réel
habité.
La
finalité
est
toujours
imprévisible
et
face
à
cela,
«
seuls
les
essais
et
les
erreurs
offrent
une
stratégie
qui
assure
les
résultats
à
long
terme.»41
Ce
qui
importe
en
soit,
ce
n’est
pas
le
but
mais
le
chemin
parcouru
d’autant
plus
que
la
ville
est
en
perpétuelle
construction
et
déconstruction.
L’Homme
doit
faire
face
à
des
urgences
mais
doit‐il
pour
autant
agir
instinctivement
par
la
construction
de
logements
en
quantité
mais
dépourvus
de
toutes
qualités?
Il
peut
paraître
facile
de
critiquer
ces
initiatives
car
on
ne
pourrait
se
mettre
à
la
place
d’une
personne
devant
marcher
plusieurs
centaines
de
mètres
afin
d’obtenir
sa
ration
d’eau
potable
quotidienne.
L’urgence
impose
l’action,
mais
cette
action
ne
peut‐elle
pas
être
à
la
hauteur
des
nécessités
?
L’Homme,
à
travers
ses
choix
politiques,
a
toujours
réussi
(ou
pas)
à
parvenir
à
ses
fins,
il
paraît
donc
prioritaire
de
remettre
la
volonté
politique
au
centre
de
l’action
car
elle
seule
pourra
s’affranchir
de
l’emprise
économique
qui
conditionne
largement
la
construction
de
ces
logements.
40
Lire
à
ce
sujet,
TALERCIO
Patrick,
Un
déguerpissement
exemplaire
à
Ouaga
(Burkina
Faso),
Agone
N°38‐39
:
Villes
&
résistances
sociales,
2008
41
MOYA
Luis,
Vitesse
et
lenteur
dans
la
construction
de
la
ville,
Urbanisme,
N°
377,
mars‐avril
2011
21
Ceux‐ci
étant
produits
par
des
promoteurs
immobiliers
qui
n’ont
d’autre
but
que
de
tirer
un
bénéfice
immédiat
de
ces
constructions.
1.3.2
Standardisation
de
la
production
urbaine
et
faillite
architecturale
Alors
que
nous
avions
assisté
à
une
véritable
prolifération
des
modèles
de
ville
depuis
le
XVIème
siècle,
la
différence
de
ces
villes
tend
aujourd’hui
à
s’estomper.42
Cette
uniformisation
s’explique
par
la
globalisation
des
modes
de
production
de
la
ville,
portée
«
par
l’internationalisation
des
économies
du
bâtiment
et
travaux
publics
(BTP),
des
matériaux,
la
mondialisation
des
modes
de
financement,
des
services
et
des
réseaux
(routes,
câbles,
eau…).
»43
Felix
Guattari
fait
d’ailleurs
le
triste
constat
que
plus
le
réseau
de
villes
«
se
planétarise,
plus
il
se
digitalise,
se
standardise,
s’uniformise.»44
Si
ce
constat
s’avère
juste,
on
peut
légitimement
se
demander
jusqu’où
nos
villes
vont
se
standardiser,
s’uniformiser
?
Comment
l’humanité
s’adapterait
à
l’uniformisation
de
son
habitat
?
Est‐ce
le
simple
cours
de
l’histoire
ou
une
fatalité
que
personne
n’ose
affronter
?
Il
serait
faux
d’insinuer
qu’il
existe
une
«
pensée
unique
»
en
architecture
et
en
urbanisme,
mais
on
peut
cependant
affirmer
qu’un
certain
nombre
de
principes,
procédures,
ou
projets
viennent
se
greffer
sur
d’autres
conceptions
en
les
subordonnants
progressivement.
Un
simple
regard
d’ensemble
sur
l’architecture
proposée
par
les
éco‐quartiers
européens
montre
à
quel
point
la
diversité
est
devenue
imperceptible.
Un
éco‐quartier
allemand
ne
peut
en
effet
se
différencier
aisément
d’un
autre
anglais,
norvégien
ou
français
puisque
les
référentiels
portés
par
le
concept
de
développement
durable
sont
devenus
les
mêmes
pour
tous
les
pays,
(matériaux
semblables
et
souvent
colorés,
suppression
de
la
voiture
et
prolifération
des
pistes
cyclables,
toiture
terrasse
ou
végétalisée,
isolation
extérieur,
panneau
solaire,
etc.).
Cette
architecture
ou
urbanisme
«
passe‐partout
»,
impulsé
par
l’échange
des
bonnes
pratiques
urbaines
soutenu
par
l’union
européenne
ne
tient
plus
compte
du
territoire
et
de
ses
habitants.
Bien
qu’il
ne
s’agisse
pas
ici
de
critiquer
tous
ces
référentiels
qui
répondent
en
partie
à
des
enjeux
contemporains
de
nos
villes,
ne
doit‐on
pas
favoriser
l’adaptation
de
ceux‐ci
aux
savoirs
faires
locaux
et
aux
modes
de
vie,
encore
différents
(peut‐on
espérer)
des
territoires
culturels?
42
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
4
PAQUOT
Thierry,
L’architecte,
l’urbaniste
et
le
citoyen,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
28
44
GUATTARI
Felix,
Op.
Cit.,
p
5
43
22
Figure
4
:
Comparaison
d’éco‐quartiers
européens.
De
gauche
à
droite
:
Kronsberg
à
Hanovre,
Allemagne.
Source
:
http://www.ps‐chevilly.org/spip.php?article142
Bonne
à
Grenoble,
France.
Source
:
http://www.habitat‐eco‐responsable.fr/2009/11/ecoquartier‐palmares‐2009/
Eva‐Lanxmeer
à
Culemborg,
Pays‐Bas.
Source
:
http://ecoquartier.midiblogs.com/les‐ecoquartiers‐en‐europe/
On
constate
ici
que
la
standardisation
ne
touche
pas
uniquement
les
classes
populaires
mais
aussi
les
classes
plus
aisées
même
si
un
éco‐quartier
offre
une
qualité
de
vie
bien
supérieure
aux
blocs
de
logements
construits
à
Mexico.
On
pourrait
donc
émettre
l’hypothèse
que
la
standardisation
n’est
pas
qu’une
volonté
de
vouloir
«
faire
moins
bien
»
mais
semble
au
contraire
s’imposer
dans
l’inconscient
des
modes
de
production
de
la
ville.
D’un
autre
côté,
les
grands
cabinets
d’architecture
cherchent
la
rentabilité
de
leurs
produits
en
les
vendant
à
la
puissance
économique.
Ainsi,
voit‐on
apparaitre
«
une
architecture
monumentale,
souvent
clinquante,
qui
vise
à
l’exploit
technique,
au
jamais‐vu
(la
plus
haute
tour,
la
plus
grande
portée,
le
bâtiment
le
plus
dématérialisé,
le
matériau
le
plus
inédit,
etc.)
»45
souvent
expression
d’un
capitalisme
ne
sachant
plus
quoi
faire
de
son
argent.46
L’urbanisation
actuelle
à
tendance
«
à
transformer
les
territoires
et
les
paysages
en
les
homogénéisant
par
types.
»47
On
peut
ainsi
acquérir
un
paysage
autoroutier,
un
site
balnéaire
ou
un
centre
commercial
en
les
choisissant
parmi
quelques
modèles.
De
même
en
architecture,
pour
un
musée,
un
aéroport,
un
hôpital,
une
tour
de
bureaux,
un
hôtel
de
luxe,
etc.
En
bref,
l’urbanisme
et
l’architecture
façonnent
des
modèles
qui
s’exportent
et
se
copient
sans
se
soucier
réellement
de
la
spécificité
des
lieux.
Le
phénomène
d’urbanisation
n’est
plus
un
problème
parmi
d’autres,
«
il
est
le
problème
numéro
un,
le
problème
carrefour
des
enjeux
économiques
sociaux,
idéologiques
et
culturels.
La
ville
produit
le
destin
de
l’humanité,
ses
promotions
comme
ses
ségrégations,
la
formation
de
ses
élites,
l’avenir
de
45
PAQUOT
Thierry,
L’architecte,
l’urbaniste
et
le
citoyen,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
28
46
Lire
à
ce
sujet,
http://www.rue89.com/2011/08/05/une‐tour‐dun‐kilometre‐en‐arabie‐saoudite‐pour‐quoi‐faire‐216615
47
PAQUOT
Thierry,
Op.
Cit.,
p
29
23
l’innovation
sociale,
de
la
création
dans
tous
les
domaines.
»48
Le
drame
urbain
qui
se
profile
à
l’horizon
«
n’est
qu’un
aspect
d’une
crise
beaucoup
plus
fondamentale
mettant
en
cause
l’avenir
de
l’espèce
humaine
sur
cette
planète.
»49
Le
processus
d’urbanisation
qu’il
soit
incontrôlé
ou
contrôlé
a
réduit
les
qualités
de
la
ville
jusqu’à
produire
des
étendues
urbaines
n’offrant
pas
de
réel
habité
à
la
majorité
de
la
population
mondiale.
Déjà
en
1989,
Henry
Lefebvre
avertissait
que
«
l’urbain
conçu
et
vécu
comme
pratique
sociale
est
en
voie
de
détérioration
et
peut‐être
de
disparition.
»50
Face
à
ce
constat,
des
réponses
ont
été
apportées
mais
elles
restent
insuffisantes
et
participent
même,
à
certaines
occasions,
à
l’approfondissement
de
la
«
crise
de
la
ville».
Chapitre
2.
Quand
la
réponse
pose
problème
Face
à
cette
réalité,
des
réponses
s’imposent
mais
de
quelles
réponses
parle‐t‐on
?
Les
effets
de
l’urbanisation
sont
tellement
complexes
et
diverses
que
les
acteurs
qui
font
la
ville
ou
les
chercheurs
qui
l’étudient
ne
savent
plus
«
où
donner
de
la
tête
»
pour
accompagner
ce
processus
structurel
mondial.
2.1
Les
«
faiseurs
de
ville
»
aux
abois
L’urbanisation
du
monde
pose
bien
des
soucis
aux
acteurs
qui
doivent
la
contenir,
l’accompagner
ou
l’améliorer.
D’un
côté,
la
communauté
internationale
qui
après
avoir
changé
récemment
de
paradigme,
a
bien
du
mal
à
agir
sur
les
effets
les
plus
marquants
de
l’urbanisation
et
de
l’autre,
les
architectes
et
urbanistes
qui
ne
peuvent
malheureusement
plus
agir
sur
la
«
crise
de
la
ville
»
et
tendent
même
à
y
participer.
2.1.1
L’impuissance
de
la
communauté
internationale
La
communauté
internationale
qui
a
longtemps
considéré
le
processus
d’urbanisation
comme
négatif,
soutenait
majoritairement
des
programmes
de
développement
ruraux
pour
le
contrer
mais
voyant
ses
politiques
échouées
face
à
ce
processus
structurel,
elle
s’est
résolue
à
l’accompagner
depuis
peu
et
le
perçoit
désormais
de
façon
plus
positive.51
Ses
programmes
de
développement
se
tournent
donc
de
plus
en
plus
vers
l’urbain
qui
concentre
désormais
une
grande
part
de
la
pauvreté
mondiale.
Si
l’on
prend
l’unique
problème
des
«
bidonvilles
»,
les
Nations
Unies
proclamaient
1987
comme
«
l’année
internationale
du
logement
des
sans‐abri
»
et
appelaient
à
une
mobilisation
pour
un
habitat
48
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
11
GUATTARI
Felix
:
Op.
Cit.,
p
9
50
LEFEBVRE
Henri,
Métamorphoses
planétaires,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
21
51
PAULAIS
Thierry,
Le
défi
des
villes
en
crise.
Document
disponible
sur
internet,
documentation
de
l’AFD
49
24
pour
tous
en
l’an
2000.52
A
la
lecture
du
pire
des
mondes
possibles
de
Mike
Davis,
le
constat
semble
s’être
aggravé
après
le
passage
du
millénaire.
Son
ouvrage
met
d’ailleurs
en
avant
les
responsabilités
de
la
Banque
mondiale
ou
même
des
ONG
qui
ont
pris
selon
lui
le
relais
des
Etats
impuissants
en
ne
faisant
qu'accroître
la
dépendance
face
aux
donateurs
et
en
entretenant
le
clientélisme.
Face
au
développement
exponentiel
de
l’habitat
informel,
l’expertise
internationale
s’est
largement
développée
et
spécialisée
dans
ce
domaine
à
partir
des
années
70.
Mais
la
question
est
de
savoir
si
les
institutions
internationales
qui
portent
majoritairement
cette
expertise
ont
les
capacités
de
répondre
face
à
l’ampleur
du
phénomène
?
La
question
semble
d’autant
plus
pertinente
lorsque
l’on
sait
que
celles‐ci
excellent
lorsqu’il
s’agit
d’orienter
les
actions
par
de
grandes
stratégies
et
buttent
quand
l’heure
de
la
pratique
a
sonné.
De
manière
schématique,
l’action
des
agences
spécialisées
dans
l’amélioration
de
l’habitat
informel
se
résume
à
la
proposition
de
programmes
d’actions
stratégiques
ciblant
les
besoins
et
les
problèmes
d’une
zone
identifiée.
Ces
agences
ne
font
donc
pas
ou
très
peu
d’opérationnel
mais
servent,
dans
la
majorité
des
cas,
d’aide
à
la
prise
de
décision,
l’opérationnel
étant
laissé
aux
gouvernements
et
acteurs
locaux.
D’autres
actions
peuvent
être
mises
en
place
à
l’image
des
programmes
expérimentaux
d’échange
de
«
bonnes
pratiques
»
tels
que
Cities
alliance,
le
programme
de
gestion
urbaine,
programme
des
villes
durables,
meilleures
pratiques
et
leadership
local53,
mais
là
aussi,
l’expérimentation
a
ses
limites.
Ce
type
de
programmes
favorise
essentiellement
la
production
d’études
et
l’échange
d’expériences
qui
ont
déjà
été
réalisées
en
espérant
que
celles‐ci
fonctionnent
sur
d’autres
territoires.
Par
conséquent,
ce
type
de
procédures
ne
favorise
ni
l’innovation
dans
les
modes
d’élaboration
ni
la
création
architecturale
et
urbaine.
L’approche
est
ici
trop
souvent
systématique
et
ne
prend
pas
assez
en
compte
les
spécificités
du
lieu.
Marc
Gossé
souligne
d’ailleurs
que
tant
que
les
bailleurs
de
fonds
qui
soutiennent
ces
programmes
n’auront
pas
accepté
«
de
prendre
en
compte
la
dimension
architecturale
du
développement
urbain
et
sa
conception
en
termes
spatiaux
et
culturels,
ils
ne
pourront
apporter
de
réponse
pertinente
à
la
question
de
la
gestion
urbaine.
»54
Ces
programmes
tentent
pourtant
de
répondre
pour
la
majorité
d’entre
eux
aux
Objectifs
du
Millénaire55
mais
là
aussi
Thierry
Paulais
nous
rappelle
que
«
le
traitement
superficiel
de
ces
questions
par
l’initiative
des
Objectifs
du
Millénaire
montre
que
la
communauté
internationale
n’a
pas
encore
52
GOSSE
Marc,
La
crise
mondiale
de
l’urbanisme,
quels
modèles
urbains
?,
Les
annales
de
la
recherche
urbaine,
N°
86,
Développement
et
coopération,
juin
2000,
p
87
53
MOGONDIN
Maxime,
Essai
de
compréhension
socio‐spatial
des
formes
de
l’habitat
informel,
2010‐2011,
p
12
54
GOSSE
Marc,
Op.
Cit.,
p
91
55
Voir
à
ce
sujet,
http://www.un.org/fr/millenniumgoals/
25
pleinement
intégré
l’importance
cruciale
de
ces
questions
»
et
que
«
l’accroissement
de
cette
aide
pour
le
développement
urbain
n’est
pas
acquis.
»56
On
constate
ici
que
la
communauté
internationale
se
préoccupe
majoritairement
de
l’amélioration
progressive
des
«
bidonvilles
»,
mais
se
préoccupe
t‐elle
de
la
standardisation
de
l’architecture
?
De
la
prédominance
des
marchés
fonciers
et
immobiliers
dans
la
production
des
villes
?
Il
serait
intéressant
d’ouvrir
d’autres
questionnements
que
celui
du
«
bidonville
»
qui
malgré
son
caractère
visuel
marquant,
n’est
pas
l’unique
problème
des
villes
du
monde
aujourd’hui,
il
est
au
contraire,
la
résultante
de
processus
de
production
de
la
ville
qu’il
faut
transformer.
Pour
résumer,
une
seule
et
unique
approche
générale
ne
saurait
répondre
à
cette
crise.
Dans
un
contexte
de
mondialisation,
il
faut
multiplier
les
initiatives
à
travers
le
monde
afin
de
chercher
des
solutions
qui
émergeraient
de
la
complexité
des
situations.
Travailler
à
partir
de
la
réalité
d’un
quartier
ou
d’un
territoire
en
prenant
en
compte
les
spécificités
du
lieu
semble
être
la
meilleure
approche
que
l’on
puisse
avoir
pour
que
l’action
menée
soit
efficace
et
partagée
de
tous.
2.1.2
L’échec
de
l’urbanisme
et
de
l’architecture
L’urbanisme
et
l’architecture
éprouvent
aujourd’hui
des
difficultés
à
s’imposer
dans
les
modes
de
production
de
la
ville.
L’architecte
et
l’urbaniste
se
trouvent
pris
entre
les
marchés
foncier
et
immobilier
contrôlés
par
les
propriétaires
et
les
promoteurs
immobiliers
d’un
côté
et
la
rigidité
de
l’administration
technocratique
de
l’autre.
Ils
sont
impuissants
dans
le
lieu
de
concentration
de
tous
les
pouvoir
et
cela
pourrait
avoir
de
graves
conséquences
sur
l’évolution
de
la
ville
elle
même.
Pour
autant,
l’architecte
et
l’urbaniste,
en
représentant
les
cultures
à
travers
leur
travail
ne
pourraient‐ils
pas
(re)constituer
un
socle
du
développement
de
l’humanité
?
Car
l’urbanisme,
lorsqu’il
a
été
pensé
portait
d’autres
espérances.
Ildefonso
Cerdá
dans
sa
théorie
générale
de
l’urbanisation
de
1867
lui
prédisait
un
bel
avenir
en
le
définissant
comme
«
une
nouvelle
science
qui
étudie
l’ensemble
des
principes,
doctrines
et
règles
qu’il
faut
appliquer
pour
que
les
constructions
et
leur
groupement,
loin
de
[…]
corrompre
les
facultés
[…]
de
l’homme
social,
contribuent
à
favoriser
son
développement
ainsi
qu’à
accroître
le
bien‐être
individuel
et
le
bonheur
public.
»57
De
même,
Camillo
Sitte
dans
son
ouvrage
«
L’art
de
bâtir
les
villes,
selon
ses
fondements
artistiques
»
de
1889
défendait
l’idée
qu’un
«
plan
d’urbanisme
qui
produit
un
effet
esthétique
est
lui
56
PAULAIS
Thierry,
Le
défi
des
villes
en
crise.
Document
disponible
sur
internet,
documentation
de
l’AFD
Dossier
«
L’urbaniste
et
l’architecte
»,
Urbanisme,
N°
293,
Paris,
1997
57
26
aussi
une
œuvre
d’art,
et
non
une
simple
affaire
administrative.
»58
Mais
dès
les
années
1960,
la
formation
des
urbanistes
ainsi
que
leur
rôle
et
leur
manière
de
travailler
sont
remis
en
cause.
Ainsi
le
plan
unique
élaboré
par
une
agence
unique
est
critiqué
pour
sa
rigidité
et
son
incapacité
à
identifier
les
valeurs
des
différents
groupes
communautaires.
La
distance
entre
architecte,
urbaniste
et
population
est
souvent
critiquée
car
les
outils
de
représentation
et
d’appropriation
de
l’espace
utilisés
par
ceux‐ci,
«
le
plan,
la
maquette,
l’élévation,
le
zonage,
ne
laissent
aucune
place
[…]
aux
populations
sur
le
terrain.
»59
C’est
ainsi
que
s’opère
une
«
division
du
travail
de
production
de
l’espace
»60,
qui
dépossède
les
populations
de
la
construction
et
de
l’aménagement
de
leur
cadre
de
vie.
Pour
sortir
de
cette
impasse,
Thierry
Paquot
affirme
qu’il
faudra
nécessairement
démocratiser
la
réflexion
sur
l’architecture
et
l’urbanisme,
et
sortir
de
leur
isolement
les
différents
acteurs
des
«
métiers
de
la
ville
»
alors
que
Felix
Guattari
propose
que
les
architectes
et
urbanistes
deviennent
des
artistes
«
polysémiques
et
polyphoniques
»61
pour
travailler
une
matière
humaine
et
sociale
qui
n’est
pas
universelle
et
qui
évolue
de
plus
en
plus
vite.
L’urbanisme
d’aujourd’hui
est
en
effet
bien
loin
des
espérances
de
Cerdá
ou
de
Sitte.
Il
suffit
de
regarder
la
«
définition
officielle
»
de
l’urbanisme
dans
le
dictionnaire
de
l’architecture
et
de
l’urbanisme
de
Pierre
Merlin
et
Françoise
Choay
pour
s’en
apercevoir.
Celui‐ci
est
définit
comme
une
«
action
de
disposer
les
hommes
et
les
choses
dans
l’espace
avec
ordre.
»62
A
travers
ces
mots,
on
peut
à
juste
titre
se
demander
si
l’urbaniste
dispose
des
moyens
voir
même
de
la
volonté
de
faire
la
ville,
action
qui
va
bien
au
delà
du
simple
fait
de
«
mettre
de
l’ordre
»
?
Cependant,
cette
définition
n’est
pas
de
l’avis
de
tout
le
monde,
ainsi,
pour
Max
Querrien,
«le
but
de
l’urbanisme
est
d’offrir
un
cadre
de
vie
acceptable
pour
l’habitation,
les
activités
et
le
loisir
»63
mais
il
reconnaît
que
pris
dans
la
spirale
du
marché
foncier
et
les
rouages
technocratiques,
il
apparaît
souvent
aux
yeux
de
la
population
comme
un
«
aseptiseur
»
remettant
les
choses
à
leur
place.
Henry
Lefebvre
est
d’ailleurs
très
critique
vis
à
vis
de
la
discipline
qui,
selon
lui,
«
malgré
quelques
efforts
méritoires,
58
Dossier
«
L’urbaniste
et
l’architecte
»,
Urbanisme,
N°
293,
Paris,
1997
EUGENE
Benoit,
La
parabole
de
Gino,
Ville
et
résistances
sociales,
Edition
Agone,
N°
38‐39,
2008,
p
10‐11
60
PAQUOT
Thierry,
L’architecte,
l’urbaniste
et
le
citoyen,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
26
61
On
peut
l’entendre
ici
dans
leur
capacité
à
maitriser
de
nombreux
domaines
en
utilisant
plusieurs
langages
62
MELIN
Pierre
(dir.)
et
CHOAY
Françoise
(dir.),
Dictionnaire
de
l'urbanisme
et
de
l'aménagement,
Paris,
PUF,
2000
63
QUERRIEN
Max,
La
propriété
du
sol,
une
aberration,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
6
59
27
n’a
pas
accédé
au
statut
d’une
pensée
de
la
ville.
Et
même,
l’urbanisme
s’est
peu
à
peu
rétréci
jusqu’à
devenir
une
sorte
de
catéchisme
pour
technocrates.
»64
La
volonté
politique
pour
soutenir
ces
disciplines
est
fondamentale
si
l’on
ne
veut
pas
voir
des
erreurs
se
(re)produire
comme
celle
du
couple
voiture‐hypermarché
qui
a
«
structuré
l’espace
bien
plus
sûrement
que
les
élus
ou
les
urbanistes.
»65
Elle
est
également
indispensable
face
aux
nouveaux
«
faiseurs
de
ville
»
que
sont
les
propriétaires
fonciers
et
les
promoteurs
immobiliers.
Cette
volonté
est
de
toute
façon
sous
jacente
à
l’architecture
et
à
l’urbanisme
car
«
elles
ne
sont
pas
des
activités
économiques
comme
les
autres,
mais
des
pratiques
éminemment
politiques.
»66
Mais
pour
être
efficientes,
ces
disciplines
doivent
être
articulées
avec
une
politique
de
la
ville
adaptée.
Celle‐ci
est
en
effet
trop
peu
souvent
intégrée
à
l’acte
de
bâtir
une
ville
alors
que
le
travail,
la
ségrégation
sociale
ou
encore
l’éducation
«
participent
directement
à
l’élaboration
de
n’importe
quel
projet
d’architecture,
à
n’importe
quelle
décision
urbanistique.
»67
La
politique
de
la
ville,
au
lieu
de
segmenter
les
actions
qui
concourent
d’une
manière
ou
d’une
autre
à
la
création
de
la
ville,
devrait
au
contraire
favoriser
le
dialogue
face
à
l’isolement
des
acteurs.
Bien
que
l’architecte
et
l’urbaniste
ne
soient
pas
les
seuls
responsables
de
la
situation,
il
n’en
reste
pas
moins
qu’ils
ont
eux
aussi
leur
part
de
responsabilité.
Sans
vouloir
rentrer
ici
dans
la
caricature
simpliste,
l’architecte
et
l’urbaniste
se
sont
fondus
dans
un
système
qu’ils
n’ont
jamais
pu
ou
voulu
contester.
L’architecte
aspire
désormais
à
se
faire
reconnaître,
nous
l’avons
vu
dans
le
chapitre
antérieur,
plus
il
produit
un
objet
architectural
original
dans
la
continuité
de
la
mode,
plus
son
nom
sera
reconnu,
lui
ouvrant
ainsi
de
nouveaux
horizons
sur
un
marché
aujourd’hui
en
perte
de
vitesse.
Cependant,
même
si
certains
aspirent
à
une
architecture
de
qualité,
ils
ne
contrôlent
que
dans
de
très
rares
cas
l’intégralité
du
processus
de
production
d’un
bâtiment.
On
voit
alors
apparaître
un
certain
«
habillement
»
de
l’objet
architectural
qui
a
été
«
pensé,
décidé
et
réalisé
par
d’autres.
»68
Les
architectes
se
trouvent
alors
dans
une
situation
d’exécuteur
et
«
sont
souvent
incapables
de
décrire
leur
discipline
et
de
justifier
leur
production.»
Et
même
lorsque
l'architecture
peut
être
encore
considérée
comme
l'œuvre
des
architectes
à
travers
la
conception
«
d’objets
»
urbains
(bâtiments
ou
espaces
publics),
elle
ne
remplit
toujours
pas
pleinement
son
rôle
qui
est
de
donner
«
forme
à
l'activité
humaine
et
au
territoire
tout
entier,
aux
paysages,
aux
villes,
aux
villages,
aux
bidonvilles,
aux
habitats
64
LEFEBVRE
Henri,
Métamorphoses
planétaires,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
22
65
CLERC
Denis
et
VOUILLOT
Hervé
(ss
la
dir.),
Alternatives
économiques
:
La
ville
autrement,
Hors
série
N°
39,
juin
2009,
p
8
66
PAQUOT
Thierry,
L’architecte,
l’urbaniste
et
le
citoyen,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
26
67
PAQUOT
Thierry,
Op.
Cit.,
p
29
68
PAQUOT
Thierry,
Op.
Cit.,
p
26
28
et
aux
objets
de
l'habiter.
»69
Comment
ne
pas
alors
considérer
l'architecture
comme
la
«
grande
absente
du
développement
»70
?
Quant
à
l’urbaniste,
il
travaille
à
l’abri
des
regards,
impuissant
face
aux
pouvoirs
de
la
manne
rentière
et
appliquant
des
mesures
et
des
règles
imposées
par
l’administration
et
la
temporalité
des
élus
qui,
il
est
vrai,
n’incitent
pas
forcément
à
l’imagination
ou
à
l’émancipation
de
la
discipline.
Mais
bien
que
l’on
puisse
reprocher
à
certains
de
ne
pas
avoir
assez
défendu
leur
discipline,
ce
n’est
pas
l’urbanisme
et
l’architecture
qui
fond
réellement
défaut
mais
bien
une
époque
où
ces
disciplines
ne
trouvent
plus
leur
place
dans
les
modes
de
production
technocratiques
et/ou
néo‐libéraux
de
la
ville,
ce
dernier
ayant
récemment
pris
l’avantage
sur
son
prédécesseur.
Pour
exister,
les
disciplines
de
l’architecture
et
de
l’urbanisme
devront
(re)devenir
provocatrices
dans
leur
démarche
en
réfléchissant
aux
moyens
et
aux
outils
de
leur
production
mais
elles
devront
également
rallier
les
masses
d’habitants
à
leur
côté
afin
d’inciter
les
politiques
à
porter
un
autre
projet
de
ville.
Le
point
paradoxal
de
cette
situation
est
qu’elle
ne
semble
pas
encore
«
être
perçu
par
l’architecte
et
l’urbaniste
comme
une
menace
pour
la
spécificité
de
leur
travail.
»71
Et
même
si
cette
menace
est
perçue,
il
n’est
guère
facile
de
s’y
opposer
lorsqu’il
s’agit
de
laisser
emporter
des
parts
de
marché
à
ses
confrères.
Mais
cette
situation
n’est‐elle
pas
un
risque
de
voir
disparaître
ces
disciplines
qui
ont
porté
de
nombreux
espoirs
quant
à
l’amélioration
des
conditions
de
vie
humaine
?
On
laissera
ici
Felix
Guattari
conclure
:
«
La
complexité
de
la
position
de
l’architecte
et
de
l’urbaniste
est
extrême
mais
passionnante
dès
lors
qu’ils
prennent
en
compte
leurs
responsabilités
esthétiques,
éthiques
et
politiques.
Ou
l’humanité,
avec
leur
concours,
réinventera
son
devenir
urbain,
ou
elle
sera
condamnée
à
périr
sous
le
poids
de
son
propre
immobilisme
qui
menace
aujourd’hui
de
la
rendre
impotente
face
72
aux
extraordinaires
défis
auxquels
l’histoire
la
confronte.
» 69
GOSSE
Marc,
Le
bidonville
:
phénomène
naturel,
œuvre
ou
processus
?,
in
DE
FILIPPI,
Francesca
;
Slum[e]scape,
Alinea,
Firenze,
2009,
pp.
11‐13
70
GOSSE
Marc,
Op.
Cit.
71
PAQUOT
Thierry,
L’architecte,
l’urbaniste
et
le
citoyen,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
30
72
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
18
29
2.2
Les
limites
de
la
recherche
urbaine
actuelle
2.2.1
Une
«
crise
»
mal
cernée
par
les
chercheurs
de
l’urbain
Les
éléments
exposés
ci‐dessus
ne
représentent
qu’une
infime
partie
des
problématiques
de
la
ville
aujourd’hui
mais
il
serait
tout
simplement
impossible
de
toutes
les
traiter
ici.
La
«
crise
de
la
ville
»
évoquée
par
les
architectes,
urbanistes
est
littéralement
décortiquée
par
le
monde
de
la
recherche
urbaine
qui
tente
désespérément
d’apporter
des
réponses
à
ce
«
phénomène
»
comme
dans
l’ouvrage
collectif
de
Danièle
Voldman73
ou
celui
dirigé
par
Yannick
Marec74,
les
deux
portant
le
même
nom,
«
Villes
en
crise
?
».
Mais
l’on
s’aperçoit
qu’ils
n’arrivent
pas
à
dégager
de
grands
traits
explicatifs
d’une
telle
situation.
Ainsi,
tout
un
vocabulaire
est
utilisé
tel
que
«
maux,
pathologies,
problèmes
de
l’urbain
»
pour
tenter
d’en
esquisser
les
contours
mais
les
points
de
vue
des
chercheurs
divergent
largement
sur
les
facteurs
qui
amènent
à
cette
«
crise
»
généralisée.
Ce
qui
peut
être
mis
en
question
ici,
c’est
l’approche
qu’ont
ces
chercheurs
sur
«
l’objet
d’étude
ville
».
Ceux‐ci
tentent
en
général
de
trouver
une
porte
d’entrée
pour
aborder
la
crise.
Les
causes
évoquées
sont
souvent
politiques,
sociales
et
économiques
mais
la
complexité
de
la
ville
est
telle
qu’il
semble
difficilement
envisageable
de
la
raisonner
dans
une
approche
de
cause
à
effet.
Les
chercheurs
considèrent
en
effet
souvent
cette
«
crise
»
comme
la
conséquence
de
plusieurs
facteurs
qu’ils
séparent
afin
de
les
étudier
en
profondeur
alors
que
«
l’objet
d’étude
ville
»
demande
d’avoir
une
approche
globale,
systémique.
Ainsi,
le
choix
des
thèmes
de
recherche,
la
formulation
des
problématiques
et
des
hypothèses,
le
choix
des
terrains
d’observation
et
les
méthodes
d’investigation
reposent
souvent
sur
des
«
causes
»
qui
ne
peuvent
expliquer
à
elles
seules,
l’état
des
villes
dans
le
monde.
Comment
alors
peut‐on
espérer
trouver
les
bonnes
solutions
face
à
un
problème
qui
est
mal
posé
ou
dont
les
méthodes
d’approche
trop
rigides
n’offrent
pas
une
vision
globale
de
celui‐ci
?
D’un
autre
côté,
la
perception
de
la
ville
est
également
à
remettre
en
cause.
Yannick
Marec
se
demande
d’ailleurs
si
ce
ne
sont
pas
finalement
«
les
perceptions
de
la
ville
qui
sont
en
jeu
en
affirmant
qu’elles
peuvent
aller
à
l’encontre
des
réalités
démontrées.
»75
Il
tire
également
la
conclusion
qu’on
ne
peut
réduire
la
question
sociale
à
la
seule
question
urbaine
et
qu’il
faudrait
dépasser
le
seul
cadre
des
cités
pour
comprendre
cette
crise.76
De
cette
interprétation
découle
toute
une
série
d
‘orientation
visant
à
répondre
à
la
dite
«
crise
de
la
ville
».
Ainsi,
l’on
voit
souvent
des
réponses
dispersées
qui
ciblent
des
facteurs
différents
sur
lesquels
il
faut
agir
pour
répondre
à
la
«
crise
».
Mais
au
delà
de
la
multitude
des
réponses,
c’est
souvent
les
divergences
idéologiques
qui
montrent
que
le
débat
actuel
sur
la
«
crise
de
la
ville
»
est
au
plus
haut.
Si
l’on
prend
par
exemple
le
73
VOLDMAN
Danièle
(coord.),
Villes
en
crise
?,
N°64
de
Vingt
et
unième
siècle
MAREC
Yannick
(dir.),
Villes
en
crise
?,
Creaphis,
2008
75
MAREC
Yannick
(dir.),
Villes
en
crise
?,
Creaphis,
2008,
p
10
76
MAREC
Yannick,
Op.
Cit.
74
30
débat
sur
les
bidonvilles,
contrairement
à
la
vision
apocalyptique
de
Mike
Davis
sur
ceux‐ci,
d’autres
chercheurs
tel
que
Marc
Gossé
émettent
l’idée
que
le
bidonville
est
«
peut
être
la
seule
réponse
à
la
crise
de
l'habitat
urbain.
»77
Quand
aux
urbanistes
et
architectes,
ils
interprètent
la
«
crise
»
comme
«
une
défaillance
dans
la
maîtrise
de
la
croissance
et
de
la
gestion
urbaine,
en
bref,
une
crise
des
modèles
urbains.
»78
Mais
cette
«
crise
»
mondiale
qui
touche
désormais
un
bon
quart
de
l’humanité
peut‐elle
s’expliquer
par
l’unique
«
crise
»
des
modèles
urbains
?
La
«
crise
»
ne
serait‐elle
pas
plus
de
l’ordre
culturel
et
sociétal
puisque
le
système
mondialisé
arrache
désormais
les
Hommes
de
leur
territoire
à
travers
les
villes
?
Il
serait
vain
de
tenter
d’apporter
une
réponse
ici,
toujours
est‐il
que
les
débats
actuels
sur
la
«
crise
de
la
ville
»
ne
sont
pas
satisfaisants
car
ils
n’offrent
que
peu
de
perspectives
de
résolutions
d’ailleurs
souvent
traduites
par
la
seule
amélioration
des
équipements
matériels
pour
les
bidonvilles
ou
une
aide
au
logement
pour
les
ménages
les
plus
en
difficulté
dans
les
pays
aisés.
2.2.2
Le
difficile
couple
recherche‐politique
«
La
science
académique
place
l’objectivité
dans
le
principe
que
la
connaissance
est
produite
hors
du
contexte
d’étude,
le
chercheur
n’est
pas
impliqué
par
son
objet.
»79
Cette
phrase
exprime
toute
la
difficulté
pour
une
démarche
de
recherche
à
visée
transformatrice
de
s’établir
dans
un
cadre
académique.
Bien
que
tout
le
monde
s’accorde
à
dire
que
la
finalité
de
la
recherche
soit
de
produire
du
savoir,
il
ne
faut
pas
oublier
de
se
demander
«
quel
type
de
savoirs,
à
quelles
fins
et
au
profit
de
qui
nous
devons
le
produire
?
»80
Sur
ce
point
Jean
Pierre
Garnier
et
sa
lecture
critique
de
la
recherche
urbaine
est,
bien
que
virulente,
intéressante
et
montre
à
quel
point
le
cadre
imposé
aux
chercheurs
en
sciences
sociales
les
incite
à
pointer
certaines
dérives
ou
incohérences
d’un
système
de
production
de
la
ville
défaillant
au
lieu
de
le
remettre
en
question
dans
son
intégralité.
Il
reproche
en
effet
à
la
recherche
urbaine
et
aux
sciences
sociales
en
général
de
«
ne
plus
vouloir
comprendre
le
monde
pour
le
transformer
»81
et
d’avoir
préféré
instaurer
une
démarche
de
compréhension
et
de
description
de
la
situation
au
lieu
d’établir
un
processus
explicatif
et
prescriptif.
Ce
type
de
procédure
entrainant
par
la
même
la
perte
de
l’esprit
critique
de
l’ordre
établi.
Bernard
Jouve
allait
également
dans
ce
sens
lorsqu’il
critiquait
la
posture
du
77
GOSSE
Marc,
Le
bidonville
:
phénomène
naturel,
œuvre
ou
processus
?,
in
DE
FILIPPI,
Francesca
;
Slum[e]scape,
Alinea,
Firenze,
2009,
pp.
11‐13
78
GOSSE
Marc,
La
crise
mondiale
de
l’urbanisme,
quels
modèles
urbains
?,
Les
annales
de
la
recherche
urbaine,
N°
86,
Développement
et
coopération,
juin
2000,
p
89
79
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
8
80
GARNIER
Jean‐Pierre,
La
volonté
de
non‐savoir,
Agone
N°38‐39
:
Villes
&
résistances
sociales,
2008,
p
50
81
GARNIER
Jean‐Pierre,
Op.
Cit.
p
58
31
chercheur
se
contentant
de
décrire
avec
minutie
ce
qu’il
observe,
«
posture
qu’il
interprétait
comme
une
forme
de
démission
des
intellectuels
face
à
leur
responsabilité
d’offrir
un
autre
regard
sur
le
monde
social
et
des
armes
pour
le
transformer.
»82
La
recherche
française
avait
donc
pour
lui
progressivement
abandonné
l’espoir
d’utilité
pour
la
transformation
sociale.
Position
que
l’on
pourrait
extrapoler
à
la
recherche
urbaine
aujourd’hui.
Même
s’il
existe
quelques
auteurs
remettants
en
cause
l’urbanisation
capitaliste
responsable
en
grande
partie
des
phénomènes
ou
effets
exposés
plus
haut
dans
ce
mémoire,
il
est
vrai
que
la
majorité
des
chercheurs
de
l’urbain
ne
rompent
pas
de
manière
évidente
avec
la
pensée
dominante
de
la
ville
actuelle
(propriété,
attractivité,
compétitivité,
bonne
gouvernance,
habitabilité,
etc.)
bien
que
les
questionnements
et
débats
sur
celle‐ci
et
ses
effets
sont
nombreux.
D’un
autre
côté,
l’on
peut
émettre
l’hypothèse
que
la
condition
sociale
des
chercheurs
peut
déterminer
par
certains
aspects
le
trajet
intellectuel
de
ceux‐ci.
On
peut
en
effet
se
demander
comment
certains
chercheurs
proches
des
centres
de
décision
ou
visant
de
hauts
postes
dans
une
institution
publique
pourraient
émettre
de
vives
critiques
au
fonctionnement
actuel
des
choses
?
Même
si
cette
hypothèse
est
largement
repoussée
par
les
chercheurs
en
question
qui
se
défendent
de
porter
l’objectivité
au
cœur
de
leur
démarche,
il
n’en
reste
pas
moins
qu’un
individu
peut
affirmer
(ou
non)
son
souhait
de
changement
en
fonction
de
la
situation
qu’il
traverse
ou
des
objectifs
qu’il
souhaite
atteindre.
Bien
que
l’institution
publique
ait
ces
défauts,
elle
protège
en
partie
les
chercheurs
de
certaines
pressions
extérieurs.
Hors,
on
voit
apparaître
dans
le
champ
de
la
recherche
urbaine
française
des
laboratoires
directement
financés
par
de
grands
groupes
privés
comme
par
exemple
l’Institut
pour
la
Ville
en
Mouvement
financé
par
Peugeot‐PSA83
ou
l’observatoire
des
modes
de
vie
urbains
de
Veolia.84
Comment
doit‐on
interpréter
cela
?
Les
résultats
des
recherches
seront‐ils
réellement
objectifs
?
La
question
centrale
ici
est
finalement
celle
de
l’objectivité
de
la
recherche
qui
dépend
de
l’implication
du
chercheur
dans
son
objet
d’étude
ou
du
cadre
dans
lequel
la
recherche
s’inscrit.
Ne
peut‐on
pas
se
prétendre
chercheur
en
affirmant
ses
valeurs
progressistes
?
Le
monde
scientifique
est
en
général
hostile
à
toute
prise
de
parti
politique
en
affirmant
que
seul
l’indépendance
idéologique,
la
distance
et
82
BARDET
Fabrice
et
PURENNE
Anaïk,
Surveiller
et
classer
:
Deux
chantiers
pour
une
recherche
urbaine
critique,
Pôle
Sud,
2010/1,
N°
32,
p.
179‐190
83
http://www.ville‐en‐mouvement.com/
84
http://www.observatoire.veolia.com/fr/
32
le
recul
face
aux
faits
et
à
l’objet
d’étude
permettent
d’offrir
des
réponses
responsables
et
libres
de
toutes
influences
omettant
par
la
même
occasion
le
rôle
politique
de
la
recherche.
La
recherche
est
indispensable
dans
le
domaine
de
la
ville
si
l’on
souhaite
trouver
des
pistes
d’action
face
à
l’état
de
«
crise
»
actuel
des
villes
du
monde.
Mais
celle‐ci
doit
t‐elle
uniquement
produire
des
connaissances
sans
savoir
à
quelle
fin
elles
seront
utilisées?
Il
paraît
aujourd’hui
plus
que
nécessaire
de
s’assurer
que
ces
connaissances
puissent
être
à
la
porté
de
tous
et
profiter
à
tous,
c’est
à
dire,
qu’elles
soutiennent
une
démarche
de
transformation
des
modes
de
production
de
la
ville
qui
n’est
pour
le
moment,
nous
l’avons
vu
plus
haut
dans
ce
mémoire,
pas
accessible
à
la
majorité.
Mais
cette
réponse
est‐telle
suffisante
?
L’accepter
serait
tout
simplement
admettre
qu’il
y
a
le
savant
d’un
côté
et
le
profane
de
l’autre.
Les
connaissances
doivent
être
à
la
portée
de
tous
mais
ne
devraient‐elles
pas
être
aussi
produites
par
tous
?
2.2.3
Quand
la
recherche
oublie
l’action
et
vice
versa
Un
autre
point
semble
aujourd’hui
poser
problème
dans
le
domaine
de
la
recherche
urbaine,
c’est
son
lien
avec
le
monde
de
l’action
urbaine.
Nous
pouvons
constater
de
manière
générale
que
les
chercheurs
et
les
universités
se
situent
en
dehors
du
cadre
de
production
de
la
ville.
Les
chercheurs
s’attellent
en
effet
dans
la
majorité
des
cas
à
produire
des
documents
d’aide
à
la
prise
de
décision
et
ne
peuvent
que
rarement
intervenir
en
tant
qu’acteur
sur
la
scène
publique.
Lorsqu’un
chercheur
fait
du
terrain,
bien
qu’il
soit
dans
l’action,
il
le
fait
avant
tout
pour
récolter
une
information
et
non
pour
travailler
directement
avec
les
habitants
ou
les
acteurs
locaux.
Alain
Durand
Lasserve
reconnaît
qu’il
est
difficile,
en
particulier
dans
le
domaine
de
la
recherche
urbaine
–
de
ne
pas
tenir
compte
de
la
demande
des
professionnels
intervenant
sur
la
ville
ou
des
responsables
des
villes
mais
il
avoue
que
«
l’association
chercheurs‐professionnels
reste
rare
en
France.»85
Celle‐ci
est
également
reconnue
plus
facile
dans
les
sciences
de
l’ingénieur
que
dans
les
sciences
sociales
lorsque
le
«
coefficient
d’humanité
»
de
la
discipline
concernée
est
élevé.
Etant
donné
que
la
production
de
la
ville
n’a
pour
autre
objectif
que
de
construire
la
maison
de
l’Homme,
le
«
degré
d’humanité
»
est
ici
au
plus
fort.
L’institutionnalisation
de
la
recherche
a
également
ses
limites.
Le
dispositif
français
de
recherche
est
en
effet
caractérisé
par
l’existence
de
grands
établissements
employant
un
nombre
important
de
chercheurs
à
plein
temps,
fonctionnaires
de
l’Etat.
Cette
situation
tend
«
à
encourager
les
85
DURAND‐LASSERVE
Alain,
Les
relations
entre
chercheurs
et
professionnels,
revue
ville
en
développement,
N°
46,
1999
33
corporatismes
et
la
défense
des
avantages
acquis,
à
figer
certaines
disciplines
en
freinant
le
renouvellement
de
leur
cadre
conceptuel
;
elle
peut
nuire
à
l’innovation
et
contribue
à
décourager
les
collaborations
entre
chercheurs
et
professionnels.
»86
Cet
argument
qui
vient
renforcer
l’idée
émise
dans
la
partie
précédente
montre
également
à
quel
point
le
cloisonnement
des
acteurs
(chercheurs
inclus)
peut
être
un
frein
à
l’émergence
de
solutions
collectives
et
interdisciplinaires.
D’autres
raisons
peuvent
être
invoquées,
les
professionnels
et
chercheurs
n’ont
pas
les
mêmes
habitudes
et
les
mêmes
rythmes
de
travail.
Les
échéances
et
les
délais
ne
sont
pas
perçus
de
la
même
manière
par
les
uns
et
les
autres.
En
ce
qui
concerne
la
transmission
du
savoir
produit
par
les
chercheurs,
il
n’est
pas
toujours
rendu
accessible
à
tous.
Les
chercheurs
éprouvent
en
général
des
difficultés
à
s’adresser
à
un
autre
public
que
celui
de
leurs
étudiants
et
surtout
de
leurs
collègues
de
travail.
L’usage
de
la
langue
est
ici
essentiel,
les
écrits
sont
souvent
remplis
d’un
vocabulaire
spécifique
et
de
références
savantes
rendant
difficile
l’appropriation
de
ceux‐ci
par
la
majorité
de
la
population.
Ainsi,
une
part
importante
des
travaux
des
chercheurs
et
des
universitaires
français
sur
les
villes
est
perdue
chaque
année
car
n’ayant
pas
réussi
à
assurer
le
transfert
des
connaissances
vers
les
utilisateurs
potentiels
des
résultats
de
la
recherche.
Il
est
également
reconnu
que
la
culture
scientifique,
et
particulièrement
en
France,
est
plus
de
tradition
académique
que
pragmatique.
Les
scientifiques
ont
«
une
culture
très
littéraire
qui
confère
à
l’écrit
un
rôle
central.
De
même,
tout
homme
public
qui
aspire
à
une
légitimité
intellectuelle
pense
la
trouver
dans
la
reconnaissance
académique
en
écrivant
un
livre.
»87
D’ailleurs,
le
milieu
de
l’architecture,
et
notamment
les
écoles
d’architecture,
s’est
méfié
pendant
longtemps
des
livres
et
des
universitaires.88
Même
si
pour
ce
dernier
exemple,
la
situation
semble
s’être
améliorée,
il
est
aujourd’hui
encore
nécessaire
de
rapprocher
ces
deux
pôles
pour
inciter
à
conscientiser
l’acte
de
bâtir.
En
résumé,
pour
le
seul
cas
français,
nous
constatons
que
l’association
de
la
recherche
et
de
l’action
dans
le
milieu
de
l’urbain
est
loin
d’être
opérationnelle.
Elle
sera
pourtant
nécessaire
si
l’on
souhaite
décloisonner
les
professions
qui
travaillent
sur
le
domaine
de
la
ville.
Pourquoi
dépenser
tant
d’efforts
pour
si
peu
de
résultats
?
La
transversalité
semble
ici
indispensable
à
l’émergence
de
solutions
créatrices
mais
l’on
peut
toutefois
se
demander
si
le
cadre
imposé
par
les
institutions
permettra
d’esquisser
une
telle
transformation
?
86
DURAND‐LASSERVE
Alain,
Op.
Cit.
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
8
88
PAQUOT
Thierry,
L’architecte,
l’urbaniste
et
le
citoyen,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
26
87
34
On
a
pu
s’apercevoir
dans
ce
chapitre
que
les
acteurs
ou
les
chercheurs
de
l’urbain
sont
impuissants
face
à
l’ampleur
du
processus
d’urbanisation
et
ses
effets
négatifs
sur
la
ville
elle
même.
Les
réponses
apportées
reposent
souvent
sur
des
problèmes
qui
ne
sont
pas
toujours
bien
fondés
ou
ciblés.
Ainsi,
les
actions
portées
sont
dans
la
majorité
des
cas
dispersées
et
généralistes.
Pour
espérer
répondre
correctement
à
la
«
crise
de
la
ville
»,
il
est
donc
primordial
de
l’aborder
de
manière
différente.
Chapitre
3.
Face
à
cette
«
crise
»
:
Les
propositions
du
LIHP
Les
propositions
émises
s’appuient
sur
des
partis
pris
qui
constituent
les
fondements
du
LIHP.
Ceux‐ci
sont
issus
de
réflexions
fondées
sur
la
réalité
des
faits
exposées
de
manière
non
exhaustive
en
première
partie
de
ce
mémoire.
Il
est
important
de
souligner
ici
que
le
LIHP,
bien
que
persuadé
de
la
justesse
de
ces
partis
pris,
ne
prétend
pas
détenir
la
vérité
absolue
et
il
est
tout
à
fait
possible
que
la
mise
en
pratique
de
ceux‐ci
à
travers
les
territoires
d’action
échoue.
Cependant,
de
possibles
échecs
ne
les
invalideront
pas
pour
autant
car
ceux‐ci
ne
pourront
être
approfondis
et
rendus
pertinents
qu’après
plusieurs
essais
sur
différents
territoires
d’action
Ces
partis
pris
qui
font
toujours
objets
de
discussions
ne
peuvent
donc
pas
se
réduire
au
simple
statut
d’hypothèse.
Le
projet
du
LIHP
s’appuie
sur
«
deux
»
partis
pris,
à
savoir,
le
parti
pris
politique
de
l’habitat
populaire
et
celui
de
la
recherche‐action.
Cependant,
ces
deux
grands
axes
recouvrent
d’autres
fondamentaux
comme
l’importance
de
porter
une
réflexion
à
l’échelle
internationale,
la
volonté
de
replacer
l’habitant
au
cœur
du
processus
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville,
la
nécessité
d’avoir
une
vision
globale
de
ce
système
en
vue
de
le
transformer
dans
son
ensemble,
la
primauté
de
la
qualité
architecturale
et
urbaine
ou
encore
la
confrontation
de
la
réflexion
à
travers
les
territoires
d’action.
3.1
Une
action
nécessairement
portée
à
l’échelle
internationale
Face
à
une
«
crise
»
mondiale,
comment
ne
pas
vouloir
porter
une
action
à
l’échelle
internationale
?
Porter
une
action
uniquement
en
France
aurait
été
tout
à
fait
possible
mais
les
problématiques
ou
enjeux
ici
ne
sont
pas
celles
ou
ceux
d’un
autre
pays,
d’un
autre
territoire,
d’une
autre
culture.
Il
en
va
que
le
champ
de
réflexion
et
de
compréhension
de
la
situation
s’en
serait
trouvé
considérablement
limité.
Au
contraire,
le
LIHP
veut
se
donner
les
moyens
d’avoir
une
vision
globale
des
choses
car
la
complexité
et
la
diversité
de
la
ville
l’imposent.
L’échelle
internationale
permet
et
oblige
à
élargir
le
champ
de
vision
et
les
perspectives
d’expérimentation.
Face
à
la
globalisation
de
la
production
urbaine
et
à
la
standardisation
de
nos
villes,
il
est
nécessaire
de
faire
émerger
des
solutions
des
territoires
et
des
cultures
qui
sont
les
seules
à
pouvoir
offrir
un
habité
riche
et
diversifié.
Parvenir
à
cela
sur
les
cinq
35
continents
serait
bel
et
bien
la
preuve
que
le
processus
actuel
de
mondialisation
n’est
pas
une
fatalité
et
que
chaque
territoire
peut
offrir
à
ses
habitants
un
habitat
populaire
singulier.
3.2
Le
parti
pris
politique
de
l’habitat
populaire
Face
à
la
misère
et
aux
conditions
de
vie
indignes
d’une
majorité
de
la
population,
à
la
prédominance
d’un
système
capitaliste
qui
étouffe
nos
cités
et
les
auteurs
qui
la
font
vivre,
le
LIHP
souhaite
remettre
l’Homme
au
cœur
de
la
ville,
c’est
ce
qu’il
exprime
à
travers
la
notion
d’habitat
populaire.
3.2.1
«
Crise
de
la
ville
»
et
celle
de
l’habitat
populaire
Le
LIHP
est
persuadé
que
la
«
crise
de
la
ville
»
et
de
l’habitat
populaire
sont
intimement
liées.
Ce
dernier
étant
aujourd’hui
de
plus
en
plus
périphérisé
et
stigmatisé,
il
traverse
également
une
«
crise
»
profonde
et
ne
joue
plus
un
rôle
central
dans
la
production
de
la
ville.
Le
LIHP
pense
donc
que
c’est
uniquement
en
le
replaçant
au
centre
du
processus
de
production
de
la
ville
que
l’on
pourra
résoudre
la
«
crise
»
qu’elle
traverse.
Il
semble
ici
important
de
rappeler
comment
s’est
construite
cette
réflexion.
Le
LIHP
est
parti
du
constat
que
les
logements
sociaux
périphérisés
et
notamment
les
grands
ensembles
français
avaient
fait
l’objet
d’une
forte
volonté
politique
gouvernementale
il
y
a
trente
à
cinquante
ans.
Ces
politiques,
qui
devaient
résoudre
la
«
crise
»
traversée
par
ces
quartiers
ont
en
fait,
dans
la
grande
majorité
des
cas,
échouées.
Elles
ont
en
effet
entrainées
une
«
régression
urbaine
»
progressive
de
ces
quartiers
jusqu’aux
difficultés
connues
aujourd’hui
et
dont
sont
si
friands
les
médias
de
masse.
Suite
à
ce
constat,
le
LIHP
s’est
donc
attelé
à
étudier
l’origine
de
la
problématique
de
ces
quartiers.
Il
a
pu
s’apercevoir
que
parmi
les
très
nombreux
projets
de
construction
de
logements
sociaux
des
années
50,
60
et
70
dans
les
périphéries
des
grandes
villes
françaises,
seule
une
minorité
de
ces
réalisations
avaient
concouru
à
une
réelle
dynamique
urbaine
comme
par
exemple
à
Ivry
et
Givors.
Le
LIHP
en
a
donc
tiré
le
constat
(qui
reste
toujours
en
réflexion)
que
ces
échecs
relevaient
de
deux
points
concomitants,
à
savoir,
le
positionnement
périphérique
des
réalisations
et
le
fait
que
celles‐ci
ne
portaient
pas
en
elles
de
«
dimension
nécessairement
urbaine
».
Ces
réalisations
ne
s’étaient
pas
intégrées
à
la
ville
avec
toutes
les
conséquences
que
cela
a
pu
entrainer
pour
leurs
habitants.
La
ville
initiale
n’arrivant
pas
à
intégrer
le
logement
social,
les
deux
«
éléments»
sont
entrés
en
conflit
en
approfondissant
ainsi
leurs
«
crises
»
respectives.89
L’interaction
constatée
ici
a
amené
le
LIHP
à
penser
que
la
résolution
de
ce
problème
ne
pouvait
s’envisager
que
dans
l’appréhension
globale
du
«
problème
ville
et
logement
social
»
et
non
de
manière
différenciée.
On
ne
peut
donc
faire
du
89
Gérald
Souillac,
membre
du
comité
scientifique
36
logement
social
sans
y
intégrer
une
dimension
urbaine
qui
est
la
seule
porte
d’entrée
à
une
véritable
intégration
dans
la
ville.
Bien
que
ce
constat
constitue
le
cœur
de
la
réflexion
du
LIHP,
celui‐ci
n’omet
pas
le
fait
que
d’autres
facteurs
participent
également
à
la
«
crise
de
ville
»
telle
que
la
localisation
de
zones
de
production,
d’activité,
le
transport,
etc.
Il
n’en
reste
pas
moins
que
le
rôle
central
du
logement
social
n’était
pas
encore
suffisamment
justifié
pour
le
considérer
comme
un
cadre
référentiel.
En
étudiant
l’évolution
de
la
représentation
du
logement
social
depuis
la
fin
de
la
deuxième
guerre
mondiale
en
France,
le
LIHP
a
pu
observer
que
celui‐ci
suivait
une
dégradation
historique
quant
à
sa
représentation
dans
la
société
française.
Cette
dernière
considérait
au
départ
le
logement
social
comme
porteur
d’émancipation.
Aujourd’hui,
il
est
montré
du
doigt
comme
un
simple
objet
d’assistanat.
Par
conséquent,
le
caractère
limité
du
logement
social
que
ce
soit
historiquement
ou
géographiquement,
ainsi
que
l’isolement
idéologique
du
qualificatif
«
social
»
ont
conduit
le
LIHP
à
adopter
la
notion
d’
«
habitat
populaire
».
Celui‐ci
est
en
effet
plus
adapté
que
le
logement
social
pour
plusieurs
raisons.
L’habitat
populaire
possède
d’une
part
une
dimension
plus
générique
que
le
logement,
le
premier
intègre
le
second
alors
que
l’inverse
n’est
pas
vrai.
Il
offre
le
«
potentiel
d’universalité
»
nécessaire
à
la
dimension
internationale
souhaitée
par
le
LIHP.
Il
ne
peut
être
définit
clairement
car
c’est
un
processus
qui
permet
d’appréhender
la
ville
afin
de
la
conscientiser
mais
également
de
la
transformer.
D’autre
part,
l’habitat
populaire
a
une
dimension
prospective,
il
doit
être
conçu
à
partir
d’une
vision
de
l’avenir
et
ne
peut
être
qu’un
simple
produit
du
passé
s’appuyant
uniquement
sur
un
savoir
vernaculaire.
Pour
que
les
cultures
gardent
leur
identité
et
dépassent
leurs
difficultés,
elles
doivent
pouvoir
se
projeter
dans
l’avenir.
Enfin,
le
terme
«
populaire
»
est
apparu
plus
politique
et
moins
«
fragile
»
que
le
qualificatif
«
social
»
car
il
représente
une
question
d’importance
globale
dans
l’ensemble
de
la
société
et
n’est
plus
un
simple
objet
ou
une
question
catégorielle
et
sociale.
Il
s’agit
ici
d’en
faire
une
question
politique
à
part
entière
au
même
titre
que
le
salaire,
la
santé
ou
l’éducation.
3.2.2
L’indispensable
volonté
politique
Le
parti
pris
de
l’habitat
populaire
n’émane
pas
d’une
pensée
humaniste
mais
il
est
un
choix
réfléchi,
fondé
sur
une
analyse
de
la
société
et
notamment
du
constat
du
retrait
(ou
faillite)
des
pouvoirs
publics
dans
la
production
de
la
ville.
Le
LIHP
défend
donc
l’idée
qu’on
ne
peut
concevoir
la
ville
sans
projet
politique.
Cet
aspect
est
indispensable
car
dès
que
l’on
accepte
que
le
cadre
de
vie
devienne
37
une
problématique
politique,
les
perspectives
et
l’action
se
modifient
en
profondeur.90
Il
est
donc
essentiel
d’avoir
une
vision
politique
de
la
ville
et
de
produire
une
analyse
critique
du
cadre
imposé
par
l’action
politique
et
économique
afin
de
comprendre
ses
échecs
et
d’esquisser
sa
transformation.
Felix
Guattari
va
également
dans
ce
sens
en
reconnaissant
que
«
les
moyens
de
changer
la
vie
et
de
créer
un
nouveau
style
d’activité,
de
nouvelles
valeurs
sociales
sont
à
portée
de
la
main.
Seuls
font
défaut
le
désir
et
la
volonté
politique
d’assumer
de
telles
transformations.
»91
Il
n’est
donc
pas
question
ici
d’introduire
la
politique
dans
le
projet
mais
d’assumer
la
nature
politique
de
la
question
de
l’habitat
populaire.92
Cependant,
le
LIHP
ne
pourra
porter
seule
cette
volonté
et
devra
pour
cela
mobiliser
les
acteurs
politiques
afin
d’engager
une
action
à
visée
transformatrice.
3.3
Une
démarche
plus
qu'une
méthodologie,
la
recherche‐action
Cette
partie
aura
pour
objet
de
proposer
des
éléments
de
compréhension
sur
la
notion
de
«
recherche‐action
».
Il
sera
plus
question
ici
de
tirer
les
grands
traits
qui
caractérisent
et
différencient
la
recherche‐action
de
la
recherche
et
de
l’action
urbaine
ordinaire
que
de
projeter
un
panorama
exhaustif
sur
le
sujet.
Ces
quelques
éléments
ne
sont
pas
nécessairement
ceux
développés
par
le
LIHP,
mais
sont
essentiellement
issus
de
la
littérature
sur
le
sujet.
Cette
base
théorique
constituant
un
référentiel
pour
les
prochaines
parties,
il
a
semblé
ici
pertinent
de
s’affranchir
de
la
vision
du
LIHP
afin
de
porter
une
réflexion
«
objective
»
sur
la
démarche
de
celui‐ci
à
Usme.
D’une
manière
générale,
il
n’existe
pas
une
recherche‐action
mais
des
recherches‐actions
qui
varient
selon
les
disciplines
d’application,
l’implication
des
chercheurs
ou
des
acteurs,
les
techniques
employées,
etc.
D’ailleurs,
les
auteurs
qui
reconnaissent
mener
une
recherche‐action
ne
s’entendent
pas
sur
ce
qu’il
convient
ou
non
de
considérer
comme
recherche‐action.
Ils
ne
sont
ni
d’accord
sur
les
pratiques,
ni
sur
les
procédures
de
recherche,
ni
sur
les
typologies,
«
de
sorte
que
la
notion
de
recherche‐action
demeure
largement
polysémique.
»93
Si
l’on
part
du
principe
que
les
faits
humains
et
sociaux
sont
en
perpétuels
mouvements
(processus)
et
qu’ils
peuvent
accueillir
en
eux
une
certaine
incertitude,
comment
alors
ne
pas
considérer
la
recherche‐action
comme
unique
«
façon
»
de
cerner
ces
faits
sans
vouloir
les
encercler,
les
restreindre
à
des
éléments
figés
puisqu’il
faut
s’adapter
à
la
nature
de
l’objet
d’étude
pour
mieux
l’appréhender?
90
LEFEBVRE,
Métamorphoses
planétaires,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
23
91
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
14
Gérald
Souillac,
membre
du
comité
scientifique
93
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
9
92
38
De
la
même
manière,
le
LIHP
considérant
que
l’action
n’est
pas
suffisante
et
qu’il
est
indispensable
de
rendre
intelligible
l’action
que
l’on
mène,
la
recherche‐action
semble
être
la
seule
démarche
permettant
d’atteindre
ce
double
objectif
et
de
répondre
à
la
complexité
des
situations
contemporaines.
3.3.1
L’articulation
entre
recherche
et
action
La
recherche‐action
est
multiple
et
dépend
des
personnes
qui
y
concourent.
Dans
son
ouvrage
«
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation
»
94,
Marie
Renée
Vespieren
définit
trois
types
de
recherches‐actions.
Certains
vont
privilégier
l’action
pour
répondre
rapidement
et
de
manière
efficace
à
une
crise,
une
situation
problématique.
Les
chercheurs
se
transforment
alors
en
de
simples
conseillers
des
acteurs
et
institutions
qui
sont
à
l’origine
de
la
demande,
le
pôle
action
est
ici
dominant,
on
parlera
alors
de
recherche‐action
de
type
institutionnel.
Ce
type
de
recherche‐action,
comme
son
nom
l’indique,
ne
permet
pas
une
réelle
transformation
du
système
institutionnel
souvent
lui
même
porteur
de
problème.
D’autres
vont
se
servir
de
l’action
pour
approfondir
leurs
recherches
ou
vérifier
leurs
hypothèses
oubliant
ainsi
l’aboutissement
de
l’action,
le
pôle
recherche
domine
ici
la
démarche
et
les
chercheurs
partagent
peu
leurs
savoirs,
on
parlera
alors
de
recherche‐action
de
type
expérimental.
Enfin,
un
troisième
type,
dit
«
systémique
»,
repose
sur
l’équilibre
des
deux
pôles
en
passant
par
une
construction
collective
et
progressive
de
l’association
des
différents
«
partenaires
»,
chercheurs
et
praticiens.
A
ceci,
s’ajoute
la
volonté
de
penser
l’objet
d’étude
et
le
fonctionnement
du
groupe
de
manière
dynamique
et
évolutive.
Dans
ce
cas,
les
chercheurs
deviennent
acteurs
et
les
acteurs
deviennent
chercheurs,
ou
mieux
encore,
le
groupe
se
transforme
en
chercheur‐acteur
collectif.
La
recherche‐action
va
plus
loin
que
la
recherche
classique
car
elle
poursuit,
en
même
temps
qu’un
objectif
de
production
de
connaissances,
un
objectif
de
transformation
de
la
réalité.
«
Elle
réhabilite
donc
l’action
dans
le
champ
de
la
recherche,
modifiant
par
là
le
rapport
du
chercheur
à
la
recherche
et
à
l’action
ainsi
que
le
rapport
du
praticien
à
la
pratique
et
à
la
recherche.
»95
Seule
cette
réciprocité
dans
l’implication
du
chercheur
et
de
l’acteur
peut
résoudre
le
problème
de
la
division
du
travail
au
sein
de
la
recherche‐action.
C’est
ainsi
que
l’échange
de
savoir
entre
chercheur
et
praticien
peut
avoir
lieu.
94
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
396
p
95
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op.
Cit.,
p
70
39
La
recherche‐action
est
cependant
critiquée
pour
son
articulation
difficile
entre
les
deux
pôles,
les
acteurs
lui
reprochent
de
ne
pas
être
assez
opérationnelle,
les
chercheurs
de
ne
pas
être
assez
scientifique
notamment
du
fait
de
son
manque
d’objectivité.
Sur
ce
dernier
point,
Marie
Renée
Verspieren
défend
l’idée
qu’en
sciences
humaines,
«
tout
chercheur
–
quel
qu’il
soit,
et
sans
doute
encore
beaucoup
plus
le
spécialiste
de
l’action
social
–
ne
peut
manquer
de
garder
ses
aspirations,
ses
craintes,
ses
convictions.
»96
3.3.2
L’habitant,
l’acteur
et
le
chercheur
au
même
niveau
Le
LIHP
souhaitant
réintégrer
l’habitant
au
cœur
du
processus
de
production
de
la
ville,
il
n’a
ni
la
volonté
ni
la
légitimité
d’être
source
de
modèles
ou
de
solutions
pratiques
pensés
en
«
laboratoire
»
et
proposés
«
d’en
haut
».97
Seule
une
démarche
horizontale
est
pensable
dans
un
processus
construit
collectivement.
La
recherche‐action
va
dans
ce
sens
car
elle
«
s’oppose
à
la
parcellisation
des
actions
et
des
savoirs,
à
l’ordre
hiérarchique
des
compétences,
à
la
verticalité
des
programmes
et
à
la
linéarité
des
projets.
»98
L’horizontalité
du
processus
se
détermine
donc
au
rapport
entre
chercheurs,
praticiens
et
à
l’objet
de
la
recherche.
Si
ce
trio
trouve
un
équilibre
dans
la
répartition
des
rôles,
la
recherche
peut
être
rendue
accessible
à
la
population
tout
en
lui
rendant
service.
Elle
disposera
alors
des
moyens
d’agir
de
manière
responsable
sur
la
production
de
son
habitat.
Selon
Michel
Liu,
les
chercheurs
classiques
et
notamment
en
sciences
sociales
considèrent
les
individus
sous
recherche
(ISR)
uniquement
comme
de
simple
objet
d’étude.
Ce
procédé
incite
donc
ces
derniers
‐
que
l’on
peut
considérer
comme
les
acteurs
institutionnels
et
les
habitants
pour
notre
cas
‐
à
se
désintéresser
de
la
recherche
au
bout
d’un
certain
temps
lorsque
l’étude
ne
leur
demande
aucun
effort
particulier.
Sur
ce
point,
l’intérêt
des
différentes
personnalités
qui
constituent
le
groupe
de
recherche‐action
s’exprime
par
«
un
certain
nombre
de
valeurs
partagées
dont
une
volonté
commune
de
lutte
contre
les
divisions
sociales
du
travail
dissociant
recherche
et
action,
praticiens
et
chercheurs
».99
La
transformation
de
cette
division
passe
par
l’étude
de
«
l’instituant
et
l’institué
»100
et
la
remise
en
cause
des
rapports
hiérarchiques
au
sein
du
groupe
de
travail.
Cependant,
pour
arriver
à
remettre
en
cause
cette
verticalité,
il
faut
que
tous
les
professionnels
spécialisés
dans
un
champ
d’activité
accèdent
à
un
véritable
statut
de
chercheur
et
à
l’inverse,
les
chercheurs
accèdent
à
un
96
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
86
97
Recherche,
Recherche‐action,
quelle
place
et
quelle
forme
dans
le
LIHP
?,
2011,
p
2
98
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
3
99
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.,
p
13
100
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op.
Cit.,
p
97
40
statut
d’acteur
opérationnel
lors
des
situations
de
travail
collectif.
Mais
pour
arriver
à
cela,
ils
doivent
s'en
donner
les
moyens
en
changeant
de
posture
intellectuelle
et
pratique.101
3.3.3
Transformation
individuelle
et
institutionnelle
Le
LIHP
ne
souhaite
pas
être
un
simple
lieu
de
rencontre
et
d’échange
inter‐institutionnel
car
il
ne
pourrait
constituer
«le
cadre
organisationnel
permanent
que
requiert
la
production
de
cette
valeur
d’usage
singulière
et
utilisable
pour
tous
».102
Il
doit
pour
cela
être
autonome
et
doit
s’affranchir
des
idéologies
et
pratiques
des
institutions
qui
participeront
à
sa
démarche.
Lewis
Mumford
prévient
d’ailleurs
à
ce
sujet
que
«
les
fondateurs
de
la
cité
future,
devront
réparer
les
plus
fâcheuses
conséquences
des
cloisonnements
professionnels.
»103
Jean
Marc
Dollé
disait
que
«
faire
ville,
c’est
s’insurger
contre
l’état
des
choses
».
Si
l’on
s’accorde
sur
ce
principe,
la
recherche‐action
va
dans
ce
sens
car
sa
force
réside
dans
son
potentiel
de
développement
et
de
transformation.
Le
texte
fondateur
du
LIHP
reprend
cette
idée
en
affirmant
que
seule
une
analyse
renouvelée
car
engagée
des
contradictions
et
des
conditions
de
tous
ordres
qui
modèlent
l’acte
de
construire
peut
permettre
de
rechercher
et
de
mettre
en
œuvre
des
transformations
réellement
progressistes.
»104
Comme
nous
avons
pu
le
remarquer
précédemment,
le
savoir
de
type
académique
ne
reste
trop
souvent
accessible
qu’à
une
part
infime
de
la
société.
A
l’inverse,
en
sciences
sociales,
la
recherche‐
action
ne
souhaite
pas
produire
ce
type
de
savoir
mais
cherche
avant
tout
à
le
mettre
à
disposition
de
la
société.
La
recherche‐action
est
intéressante
sur
ce
point
car
«
elle
n’oblige
pas
les
acteurs
ou
chercheurs
à
quitter
leur
identité
socioprofessionnelle,
mais
elle
permet
au
contraire
de
l’enrichir.
»105
A
ce
titre,
le
LIHP
offre,
à
travers
la
recherche‐action
et
à
chaque
membre
qui
y
contribue,
la
possibilité
de
se
former
dans
un
espace
de
travail
collectif
et
horizontal.
En
intégrant
une
démarche
de
recherche‐action,
les
institutions
doivent
s’efforcer
de
sortir
de
leur
cadre
d’action
et
de
réflexion
habituel.
Bien
que
cet
effort
est
autant
indispensable
que
difficile,
il
n’est
pas
impossible
car
selon
René
Barbier,
«
les
institutions
sont
des
structures
objectives
qui
s’imposent
à
notre
esprit,
mais
leur
devenir
est
toujours
incertain
car
elles
sont
à
la
fois
reproduites
et
101
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
3
Gérald
Souillac,
membre
du
comité
scientifique
103
MUMFORD
Lewis,
La
cité
à
travers
l’histoire,
Seuil,
1961,
p
716
104
Texte
fondateur
du
LIHP,
2008
105
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.,
p
7
102
41
produites
par
l’action
humaine.
»106
«
Transformer
la
société
urbaine
constitue
une
tache
qui
dépasse
le
cadre
traditionnel
des
politiques
urbaines.
»107
Les
institutions
sont
en
effet
souvent
pointées
du
doigt
car
«
bien
souvent
toutes
les
ressources
sont
monopolisées
pour
résoudre
les
problèmes
générés
par
les
institutions
elles‐mêmes
plutôt
que
de
s’attacher
aux
réels
problèmes
que
nous
renvoient
les
situations
socioprofessionnelles.
»108
Henri
Lefebvre
partageait
la
même
idée
sur
la
ville,
selon
laquelle,
celles‐ci
étouffent
sous
la
technocratie
et
la
bureaucratie
qui
ne
sont
autre
que
l’institutionnel.
Or,
selon
lui,
«
l’institutionnel
est
l’ennemi
de
la
vie
urbaine,
dont
il
fige
le
devenir.
»109
La
recherche‐action
va
dans
ce
sens
car
elle
veut
offrir
à
l’institution
un
espace‐temps
où
peuvent
se
réfléchir
des
problèmes,
des
blocages,
des
tensions.
En
d’autres
termes,
la
démarche
de
recherche‐action
«
bouleverse
le
formalisme
institutionnel
et
permet
l’explicitation
d’un
non‐dit.
»110
Cette
transformation
des
institutions
ne
doit
pas
être
la
seule,
les
habitants
ou
acteurs
non
institutionnalisés
qui
intègrent
le
groupe
de
travail
doivent
aussi
s’efforcer
de
faire
évoluer
leur
vision,
leur
idéologie
et
pratiques
quotidiennes.
Ce
changement
de
point
de
vue
accompagne
l’idée
de
Felix
Guattari,
selon
laquelle,
on
ne
peut
espérer
«
recomposer
une
terre
humainement
habitable
sans
la
réinvention
des
finalités
économiques
et
productives,
des
agencements
urbains,
des
pratiques
sociales,
culturelles,
artistiques
et
mentales
»
sans
passer
«
par
l’évolution
des
mentalités
urbaines
».111
Cependant,
pour
arriver
à
cela,
il
faut
concevoir
son
rapport
aux
autres
et
au
monde
qui
commence
toujours
par
une
prise
de
conscience
de
sa
propre
situation
socioprofessionnelle,
en
cela
«
la
recherche‐action
demande
avant
tout
une
certaine
sensibilité
et
intelligence
des
situations,
une
envie
de
connaissance.
»112
3.3.4
Pluridisciplinarité,
démarche
collective
et
production
de
connaissances
Face
aux
cloisonnements
institutionnels
et
à
la
division
du
travail,
chaque
point
de
vue,
chaque
compétence
doit
participer
à
une
action
commune
responsable.
C’est
en
maintenant
la
diversité
des
rôles
et
des
statuts
des
personnes
qui
composent
le
groupe
de
recherche‐action
qu’il
est
possible
de
réduire
le
cloisonnement
entre
les
logiques
de
la
science.
Sur
ce
point,
la
recherche‐action
réunit
dans
106
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
96
107
SACHS
Ignacy
(ss
la
dir.),
Quelles
villes,
pour
quel
développement
?,
PUF,
1996,
p
321‐322
108
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
3
109
LEFEBVRE,
Métamorphoses
planétaires,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
22
110
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op.
Cit.,
p
79
111
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
3
112
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.,
p
4
42
la
majorité
des
cas
des
personnalités
différentes
quant
à
leurs
expériences,
leurs
disciplines
d’appartenance
et
leurs
statuts.
La
compréhension
d’une
situation
est
facilitée
par
le
croisement
des
points
de
vue
des
disciplines
et
des
spécialités.
Ainsi,
la
pluridisciplinarité
est
un
élément
majeur
pour
esquisser
la
transformation
d’une
situation.
Mais
il
n’est
pas
le
seul,
pour
que
cette
action
fonctionne,
l’intérêt
individuel
doit
rester
secondaire
pour
que
les
propositions
faites
soient
progressistes
et
favorisent
l’intérêt
général.
Ce
processus
ne
peut
s’engager
qu’à
travers
une
prise
de
conscience
de
la
démarche
qui
s’opère
à
travers
la
rencontre
et
les
échanges
avec
d’autres
personnes
partageant
les
mêmes
préoccupations
et
le
même
mode
d’implication.
Le
chercheur
collectif
se
constitue
lorsque
le
groupe
de
travail
«
prend
en
charge
totalement
ce
processus
de
conscientisation/problématisation
et
s’approprie
—
en
particulier
à
travers
l’écriture
—
les
moyens
de
production
de
la
connaissance
».113
En
recherche‐action,
la
connaissance
n’est
pas
le
produit
d’une
étude
sur
la
réalité,
mais
la
conséquence
d’une
transformation
de
la
réalité,
d’une
situation,
car
c’est
celle‐ci
qui
permet
de
«
mieux
comprendre
les
donnés,
les
ressorts
et
les
enjeux.
»114
Il
n’y
a
donc
pas
de
chercheur
qui
arrive
sur
le
«
terrain
»
pour
faire
une
étude
et
il
ne
s’agit
pas
non
plus
d’apporter
un
savoir
et
un
outillage
prédéterminés
comme
le
ferait
l’«
expert
»
ou
le
«
consultant
».
Elle
n’apporte
donc
pas
de
réponse
clef
en
main
et
n’offre
pas
de
solutions
opérationnelles
immédiates.
La
réponse
recherchée
se
trouve
avant
tout
dans
des
situations
à
construire
collectivement.
Ce
sont
«
tous
les
acteurs
en
situation
et
en
temps
réel
qui
sont
porteurs
de
la
recherche‐action
:
ils
posent
le
cadre
et
la
problématique
de
travail,
les
outils
d’expérimentation
et
de
vérification.
»115
Il
est
également
reconnu
que
les
acteurs
adhèrent
à
ce
processus
parce
qu’ils
sont
eux‐mêmes
dans
un
mouvement
réflexif
de
questionnement
et
pensent
que
ce
procédé
peut
améliorer
leurs
actions.
«
Les
chercheurs
sont
obligés
de
remettre
en
question
leurs
connaissances,
leurs
théories
et
pourquoi
pas,
leurs
aprioris,
alors
que
les
praticiens
prennent
du
recul
par
rapport
à
leur
quotidien
et
s’interrogent
sur
les
causes
de
leurs
actes.
»116
3.3.5
La
recherche‐action,
un
chemin
qui
se
trace
face
à
la
complexité
de
la
ville
Henri
Lefebvre
disait
que
«
la
société
urbaine
se
forme
en
se
cherchant.
»117
Le
LIHP,
en
choisissant
le
parti
pris
de
la
recherche‐action
va
dans
ce
sens
car
celle‐ci
est
considérée
comme
un
processus
en
perpétuelle
construction,
une
démarche
qui
n’est
encore
ni
classique,
ni
figée.
Il
est
d’ailleurs
admis
qu’elle
est
avant
tout
un
état
de
mouvement
avant
d’être
une
expérimentation.
Elle
n’est
pas
une
113
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.,
p
6
Recherche,
Recherche‐action,
quelle
place
et
quelle
forme
dans
le
LIHP
?,
2011,
p
4
115
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.,
p
3
116
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
103
117
LEFEBVRE
Henri,
Métamorphoses
planétaires,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011.
114
43
simple
méthodologie
(comme
un
outil
qui
se
transmet
de
génération
en
génération)
mais
un
processus
qui
forge
ses
propres
outils.
»118
Bien
que
la
recherche‐action
montre
un
chemin
un
peu
mystérieux,
elle
est
toujours
portée
par
un
but
stratégiquement
défini
et
précis.
De
même,
l’objectif
du
LIHP
est
clair,
produire
de
l’habitat
populaire
mais
le
chemin
pour
y
arriver
n’en
reste
pas
moins
énigmatique
et
se
trace
après
chaque
étape
réalisée.
Ce
qui
importe
par
conséquent,
c’est
plus
«
la
démarche
et
aux
éléments
qui
l’orientent
et
la
structurent
plutôt
qu’aux
étapes
à
franchir
et
aux
«
objets
»
à
produire.
»119
Mais
face
à
la
complexité
de
la
ville,
comment
ne
pas
envisager
une
approche
par
étapes
successives
?
Felix
Guattari
souligne
d’ailleurs
le
fait
que
«
l’on
assiste
trop
souvent
à
une
méconnaissance
de
l’aspect
global
des
problématiques
urbaines
et
les
politiques
ont
tendance
à
abandonner
ces
questions
aux
spécialistes.
»120
Il
en
va
que
la
non
prise
en
compte
de
cette
globalité
laisse
place
à
des
réponses
spécialisées
qui
reposent
souvent
sur
la
recherche
d’une
cause.
Le
LIHP
admet
l’impossibilité
d’effectuer
une
analyse
cartésienne
sur
la
ville
qui
écarte
la
prise
en
compte
des
interactions
entre
les
différents
éléments
qui
la
constituent.
L’enjeu
de
l’approche
globale
est
au
contraire
«
d’éviter
d’agir
sur
des
symptômes
en
laissant
masquées
les
causes
réelles
de
la
crise.
»121
Il
est
donc
essentiel
d’élargir
et
d’approfondir
le
champ
de
questionnements
durant
le
processus
de
recherche‐action.
À
la
différence
de
la
démarche
analytique
classique
qui
sépare
les
éléments
d’une
situation,
la
recherche‐action
estime
que
«
la
connaissance
des
situations
complexes
implique
une
compréhension
globale
qui
s’affine
progressivement
par
approximations
(série
d’évaluations
approchées)
et
expérimentations.
»122
Elle
va
donc
dans
le
même
sens
de
ce
que
prônait
Joël
de
Rosnay
en
1977
dans
son
livre
«
Le
macroscope,
vers
une
vision
globale
»
où
il
définit
la
ville
comme
un
système
complexe
qui
ne
peut
être
intelligibilisé
que
dans
son
ensemble123.
La
recherche‐action
est
également
reconnue
comme
pertinente
dans
«
les
moments
de
profondes
transformations
lorsque
les
repères
habituels
sont
bouleversés,
quand
le
monde
n’est
plus
pensable
et
que
les
modes
d’approche
classiques
ne
peuvent
résoudre
la
situation.
«
La
recherche‐action
apparaît
alors
comme
mode
intelligible
et
évident
de
le
penser
autrement.
»124
Elle
relève
d’une
attente,
d’un
désir
d’aller
plus
loin.
La
recherche‐action
peut
alors
être
considérée
comme
une
«
science
radicale
»
dans
le
sens
où
elle
reconnait
la
complexité
des
situations
humaines
et
exige
pour
cela
«
une
rupture
épistémologique
et
existentielle
dans
notre
118
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
2
Recherche,
recherches‐actions
:
quelle
place
et
quelles
formes
dans
la
démarche
du
LIHP
?,
p
2
120
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
11
121
Recherche,
recherches‐actions
:
quelle
place
et
quelles
formes
dans
la
démarche
du
LIHP
?,
p
3
122
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.,
p
3
123
DE
ROSNAY
JOEL,
1977,
Le
macroscope,
vers
une
vision
globale,
Seuil,
346
p.
124
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.
119
44
manière
de
penser
et
d’agir.
»125
La
recherche–action
est
séduisante
par
bien
des
aspects.
De
part
la
nature
et
l’ambition
du
projet
du
LIHP,
elle
s’impose
d’ailleurs
comme
le
seul
choix
possible.
Bien
qu’elle
ne
puisse
se
définir
par
des
règles
bien
établies,
nous
pouvons
résumer
cette
démarche
comme
un
processus
visant
à
transformer
la
réalité
en
la
rendant
intelligible
à
tous.
Le
projet
du
LIHP
prend
forme
dans
ce
processus
qui
ne
différencie
pas
l’action
de
la
recherche.
Par
conséquent,
ce
projet
ne
peut
prendre
forme
uniquement
dans
un
bureau,
le
LIHP
doit
donc
pour
cela
étendre
son
champs
de
travail.
C
‘est
ce
qu’il
a
choisi
de
faire
en
intégrant
des
territoires
d’action
dans
ce
processus.
3.4
Les
territoires
d’action
et
l’expérimentation
urbaine
Le
LIHP
ne
cherche
pas
à
être
un
laboratoire
déconnecté
des
réalités
du
terrain
mais
souhaite
être
au
contraire
un
acteur
à
part
entière
dans
la
transformation
du
système
de
production
de
la
ville.
Il
affirme
par
ailleurs
que
«
c’est
là
ou
les
problèmes
se
posent
(là
où
on
cherche
à
les
poser)
que
les
transformations
peuvent
être
recherchées.
»126
On
peut
donc
considérer
que
sans
territoire
d’action,
il
ne
peut
y
avoir
de
LIHP.
Pour
traduire
cette
volonté,
il
a
donc
choisi
de
travailler
de
manière
étroite
sur
plusieurs
territoires
d’action
sur
lesquels
il
sera
amené
à
mettre
en
place
des
projets
d’expérimentation
urbaine
locaux
avec
des
acteurs
locaux
qu’ils
soient
institutionnels
ou
civils.
Face
à
la
complexité
de
la
situation
et
aux
enjeux
de
la
ville
ébauchés
succinctement
en
première
partie
de
ce
mémoire,
l’expérimentation
urbaine
est
indispensable
pour
espérer
trouver
de
nouveaux
modes
d’élaboration
ou
de
conception
amenant
à
un
réel
habité.
Elaborée
par
des
architectes
et
urbanistes,
chercheurs
en
sciences
sociales
mais
aussi
avec
un
certain
nombre
de
futurs
habitants
et
d’utilisateurs
de
ces
constructions,
l’expérimentation
doit
permettre
«
d’étudier
ce
que
pourraient
être
de
nouveaux
modes
de
vie
domestiques,
de
nouvelles
pratiques
de
voisinage,
d’éducation,
de
culture,
de
sport,
des
personnes
âgées,
des
malades,
etc.
»
car
«
ce
n’est
que
dans
un
climat
de
liberté
et
d’émulation
que
pourront
être
expérimentées
les
voies
nouvelles
de
l’habitat
et
pas
à
coups
de
lois
et
de
circulaires
technocratiques.
»127
De
même,
l’expérimentation
urbaine,
doit
être
un
moyen
de
s’affranchir
de
la
mondialisation
des
formes
urbaines
et
architecturales
qui
entrainent
la
destruction
de
la
diversité
culturelle,
de
l'environnement
et
du
lien
social.
Face
à
cette
déterritorialisation,
l’expérimentation
doit
participer
à
la
«
re‐singularisation
»
des
villes
comme
le
définit
Felix
Guattari.
125
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.,
p
3
Recherche,
recherches‐actions
:
quelle
place
et
quelles
formes
dans
la
démarche
du
LIHP
?,
p
4
127
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
14‐15
126
45
Cependant,
«
la
simple
volonté
d’innover
ne
conduit
pas
nécessairement
à
des
transformations
progressistes
»,
l’expérimentation
court
par
conséquent
«
le
risque
de
la
marginalisation
et
de
l’assimilation
par
un
«
système
»
qu’elles
n’auraient
pas
pu
transformer
».128
Ainsi,
même
si
l’expérimentation
peut
être
contestataire
ou
créatrice
de
désordre,
elle
ne
suffit
pas
toujours
à
transformer
le
système
lui‐même.
Il
convient
donc
de
différencier
l’expérimentation
de
la
recherche‐
action.
Dans
cette
dernière,
si
les
chercheurs
veulent
vérifier
leurs
hypothèses
plus
que
participer
à
l’action,
cela
participe
plus
de
l’expérimentation
qui
satisfait
mieux
les
«
scientifiques
et
les
politiques
soucieux
de
contrôler
le
système.
Mais
elle
ne
parvient
pas,
la
plupart
du
temps,
à
se
répandre
une
fois
terminée
et
validée.
»129
On
l’aura
compris,
l’expérimentation
urbaine
doit
dépasser
la
technique
du
«
projet‐pilote
»
ou
de
la
best‐pratice,
expérimentale
et
isolée
dont
la
reproductibilité
n’est
pas
toujours
assurée.
Par
conséquent,
il
est
nécessaire
de
dépasser
le
seul
stade
de
l’expérimentation,
ce
dépassement
s’opérant
dans
la
subtilité
du
dosage
entre
scientificité
et
efficacité
de
la
démarche,
c’est
à
dire
dans
l’équilibre
entre
la
recherche
et
l’action.
C’est
à
travers
la
pratique
que
l’on
prend
conscience
de
la
démarche
entreprise.
Cette
démarche
ne
peut
évoluer
que
dans
la
confrontation
et
le
discontinu,
c'est
à
dire
l'action.
C'est
par
un
aller‐retour
incessant
entre
représentation
et
action
que
le
modèle
conceptuel
du
LIHP
pourra
évoluer
et
c’est
de
cette
confrontation
perpétuelle
à
la
réalité
du
terrain
que
le
LIHP
pourra
produire
des
connaissances
appropriables
par
tous.
La
recherche‐action
permet
d’opérer
une
rupture
avec
ce
qui
se
fait
actuellement
et
offre
donc
la
possibilité
d’innover
dans
l’expérimentation
urbaine.
Mais
nous
avons
vu
aussi
que
l’expérimentation
n’est
pas
suffisante
et
doit
dépasser
le
stade
de
l’isolement
créatif
afin
de
transformer
le
système
dans
son
ensemble.
128
Recherche,
recherches‐actions
:
quelle
place
et
quelles
formes
dans
la
démarche
du
LIHP
?,
p
4
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
92
129
46
Synthèse
de
la
première
partie
Les
villes
sont
nos
maisons
de
demain,
les
construire
sans
prendre
le
temps
de
réfléchir
à
notre
habité
est
un
risque
considérable
pour
le
bon
développement
de
l'humanité.
Les
architectes
et
urbanistes
ont
une
responsabilité
face
à
cela
et
doivent
s'impliquer
dans
ce
défi
majeur
avec
l’aide
des
habitants
mais
également
avec
l’appui
de
la
volonté
politique.
Nous
avons
pu
constater
dans
cette
partie
qu’il
y
a
beaucoup
de
raisons
d’initier
un
nouveau
mouvement
dans
les
champs
de
la
recherche
et
de
l’action
urbaine
qui
paraissent
aujourd’hui
dépassés
par
la
«
crise
de
la
ville
».
La
résolution
de
cette
«
crise
»
ne
pourra
se
faire
sans
se
poser
les
bonnes
questions.
Ainsi,
le
LIHP
pense
que
c’est
en
remettant
l’habitat
populaire
au
cœur
des
processus
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
que
l’on
pourra
sortir
de
celle‐ci.
L'expérimentation
urbaine
et
architecturale
dans
sa
finalité
mais
surtout
dans
son
processus
d'élaboration
est
indispensable.
Il
reste
cependant
à
savoir
comment
la
construire.
La
recherche‐action
est
un
moyen
sur
lequel
le
LIHP
peut
s’appuyer.
Néanmoins,
il
n’y
a
pas
une
recherche‐action
mais
des
recherches‐actions,
le
LIHP
doit
par
conséquent
construire
la
sienne,
chose
qui
ne
pourra
se
faire
sans
territoire
d’action.
47
Partie
II
–
Démarche
engagée
sur
le
territoire
d'action
Usme
L’objet
de
cette
partie
sera
d’exposer
comment
le
LIHP
a
transformé
le
territoire
d’Usme
en
territoire
d’action,
c’est
à
dire
comment
il
a
impulsé
un
processus
d’habitat
populaire
sur
ce
territoire.
Pour
cela,
un
premier
chapitre
exposera
les
particularités
du
territoire
d’Usme
et
la
situation
problématique
qu’il
traverse
(1).
Les
trois
chapitres
suivants
détailleront
de
manière
chronologique
les
différentes
étapes
constitutives
de
la
démarche,
à
savoir,
la
mise
en
place
de
la
démarche
(2),
la
mission
à
Bogotá
(3)
et
la
poursuite
de
la
démarche
après
la
mission
(4).
Cette
partie
aura
donc
un
aspect
très
concret
mais
dans
un
souci
de
ne
pas
tomber
dans
le
purement
descriptif,
ces
étapes
seront
analysées
à
travers
un
référentiel
théorique
porté
sur
la
recherche‐action.
C’est
à
dire
montrer
en
quoi
ces
étapes
ont
constitué
une
démarche
dite
de
recherche‐action
et
donc,
par
là
même,
de
mettre
en
avant
sa
singularité
dans
les
champs
de
la
recherche
et
de
l’action
urbaine.
Comme
cela
avait
été
évoqué
en
introduction,
il
faut
toutefois
relativiser
l’analyse
proposée
ici
car
elle
s’appuie
sur
une
démarche
qui
n’en
est
encore
qu’à
ses
débuts.
L’habitat
populaire
est
un
processus,
par
conséquent,
relater
précisément
la
démarche
réalisée
à
Usme
participe
à
ce
processus
car
elle
concoure
à
sa
compréhension,
favorise
son
évaluation
et
guide
son
orientation.
Chapitre
1.
Pourquoi
ce
territoire
d'action
?
La
plupart
des
éléments
présentés
dans
cette
partie
sont
issus
du
document
de
travail
réalisé
sur
le
territoire
d’action
Usme
mais
également
des
séances
de
travail
à
Bogotá
en
mai.
Le
document
présenté
en
annexe
de
ce
mémoire
n’est
malheureusement
pas
la
dernière
version
produite
car
celle‐
ci
a
été
réalisée
en
espagnol.
1.1
Usme
cristallise
tous
les
grands
enjeux
contemporains
Le
territoire
rural
d’Usme,
situé
à
l’extrême
sud
de
la
métropole
de
Bogotá
est
un
lieu
où
se
concentrent
tous
les
grands
enjeux
contemporains
liés
au
développement
des
villes.
Nous
pouvons
ici
en
nommer
quatre
:
Usme
est
tout
d’abord
la
zone
de
développement
urbain
de
Bogotá
pour
ces
20
à
30
prochaines
années.
Bogotá
croit
de
jour
en
jour,
d’une
métropole
de
plus
de
8
millions
d’habitants
aujourd’hui,
elle
en
accueillera
près
de
10
millions
à
l’horizon
2050.130
Pour
des
raisons
politique
et
géographique,
le
Plan
d’aménagement
territorial131
de
Bogotá
fait
d’Usme
le
premier
lieu
de
développement
urbain
130
Voir
l’annexe
4,
p
4
et
5
du
document
Plan
de
Ordenamiento
Territorial
(POT)
131
48
de
Bogotá.132
Le
gouvernement
du
District
Capital
de
Bogotá,
à
travers
son
entreprise
Metrovivienda
y
prévoit
un
projet
urbain
de
938
hectares
sur
lesquels
53
000
logements
seront
construits
afin
d’accueillir
près
de
180
000
nouveaux
habitants.
C’est
donc
un
territoire
stratégique
pour
le
développement
urbain
de
Bogotá.133
De
plus,
étant
donné
que
l’urbanisation
informelle
du
nord
de
la
localité
s’étend
rapidement
vers
le
centre
historique
plus
au
sud,
le
devenir
de
ce
territoire
sera
assurément
urbain.
Par
conséquent,
trois
options
s’offrent
aujourd’hui
à
lui
:
‐
Attendre
que
l’urbanisation
informelle
s’étende
jusqu’au
centre
historique.
‐
Attendre
que
l’entreprise
Metrovivienda
et
les
promoteurs
immobiliers
construisent
les
53
000
logements.
‐
Proposer
dès
maintenant
une
alternative
de
développement
urbain
de
la
localité.
Figure
5
:
Expansion
urbaine
d’Usme
(350
000
habitants)
Au
fond,
en
haut
à
gauche,
le
centre
historique
d’Usme.
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
Le
deuxième
élément
qui
se
dégage
d’Usme
est
qu’il
s’agit
d’un
site
regroupant
des
données
géographiques
et
écologiques
exceptionnelles,
de
par
son
climat,
la
prégnance
de
l’eau
et
la
présence
de
sites
écologiques
particulièrement
fragiles
tel
que
le
Páramo
de
Sumapaz.134
Ce
territoire
oblige
donc
nécessairement
de
penser
au
rapport
de
la
population
à
son
environnement
et
à
l’impact
qu’un
tel
projet
urbain
peut
avoir
sur
un
territoire
si
fragile.
La
troisième
grande
particularité
de
ce
territoire
est
qu’il
fut
un
haut
lieu
de
culte
pour
la
population
préhispanique
Muisca.
Lors
de
récents
travaux
de
voirie
(fin
2007),
un
site
archéologique
de
grande
ampleur
émerge
au
cœur
du
plus
important
projet
urbain
de
Colombie.
Ce
territoire
pose
donc
la
question
du
rapport
entre
l’urbanisation
et
l’archéologie
mais
aussi
celle
de
la
réappropriation
du
patrimoine
culturel
Muisca
par
la
population
locale
car
bien
avant
la
découverte
du
site
archéologique,
132
Voir
l’annexe
4,
p
7
du
document
Voir
l’annexe
4,
p
8,
9
et
10
du
document
134
Voir
l’annexe
4,
p
13,
14
et
15
du
document
133
49
celle‐ci
connaissait
l’importance
du
lieu
pour
les
Muiscas
et
entretenait
cette
mémoire
autour
de
légendes
et
de
mythes.135
Enfin,
Usme
est
un
territoire
périphérique
de
Bogotá
et
la
majorité
de
sa
population
dispose
de
revenus
faibles
n’ayant,
pour
une
part
importante
d’entre
eux,
pas
accès
à
un
emploi
formel.136
L’habitat
est
également
très
majoritairement
d’origine
informel
ce
qui
n’évite
pas
pour
autant
aux
habitants
de
payer
le
terrain
sur
lequel
ils
souhaitent
construire
ou
louer
un
logement
à
des
prix
élevés
comparativement
à
leurs
entrées
financières.137
La
ségrégation
sociale
et
spatiale
que
subit
la
population
d’Usme
oblige
de
réfléchir
au
rôle
émancipateur
de
l’habitat
dans
sa
globalité,
c’est
à
dire
dans
la
qualité
de
ses
logements
mais
aussi
à
l’indépendance
de
ce
territoire
face
à
la
ville
de
Bogotá
en
terme
d’activités.
De
par
ces
différentes
caractéristiques,
Usme
représente
donc
une
opportunité
unique
pour
une
démarche
collective
de
recherche‐action
souhaitée
par
le
LIHP.
D’autant
plus
que
ce
territoire
a
des
difficultés
à
se
projeter
dans
le
futur.
De
même,
de
nombreuses
interrogations
restent
en
suspend
quant
à
son
devenir,
mais
la
première
qui
vient
à
l’esprit
est
celle‐ci
:
Que
faire
d’un
territoire
cristallisant
tant
d’enjeux,
tous
plus
importants
les
uns
que
les
autres
?
1.2
Un
territoire
en
«
crise
»
La
«
crise
de
la
ville
»
que
nous
avons
évoqué
en
première
partie
de
ce
mémoire
prend
toute
sa
dimension
sur
le
territoire
d’Usme.
Bien
que
celui‐ci
concentre
tous
les
grands
enjeux
contemporains,
il
réunit
également
une
bonne
partie
des
tensions
contemporaines.
Le
développement
urbain
rapide
de
la
localité
pose
en
effet
un
certain
nombre
de
problèmes
qui
amènent
à
penser
que
ce
territoire
traverse
actuellement
une
situation
de
«
crise
».
Tout
d’abord
une
crise
politique
liée
à
la
non‐prise
en
compte
des
habitants
dans
le
processus
d’élaboration
du
projet
urbain.
Il
y
a
eu
en
effet
une
forte
mobilisation
des
communautés
d’Usme
face
au
projet
mené
par
l’entreprise
Metrovivienda.
Bien
que
celle‐ci
ait
organisé
des
tables
de
concertation
à
partir
de
l’année
2000,
l’entreprise
n’a
pas
tenu
compte
de
leurs
propositions.
Les
communautés
n’ont
donc
pas
signé
le
document
actant
le
projet
bien
que
l’entreprise
affiche
une
concertation
réussie.138
Cet
exemple
montre
encore
une
fois
les
limites
de
certaines
démarches
dites
participatives
évoquées
en
première
partie.
La
situation
est
aujourd’hui
très
tendue
entre
les
135
Voir
l’annexe
4,
p
11
et
12
du
document
Voir
l’annexe
4,
p
16,
17
et
18
du
document
137
Adriana
Parias,
journée
de
travail
du
vendredi
6
mai
138
Voir
à
ce
sujet
le
bulletin
d’information
N°
1
de
Metrovivienda
136
50
communautés
rurales
d’Usme
et
Metrovivienda.
De
plus,
les
petits
et
grands
propriétaires
terriens
(agriculteurs
et
spéculateurs)
rejettent
en
grande
majorité
les
offres
d’achat
de
Metrovivienda
qui
se
voit
dans
l’obligation,
en
tant
que
représentant
de
la
puissance
publique,
d’exproprier
afin
de
développer
son
projet
dit
d’intérêt
général.
Il
en
va
que
l’acquisition
des
terrains
est
très
lente
et
le
projet
prend
énormément
de
retard.
Une
crise
architecturale
et
plus
largement
urbaine.
Comme
nous
avons
pu
le
voir
en
première
partie,
Bogotá
à
travers
son
entreprise
Metrovivienda
étant
confrontée
à
un
déficit
considérable
de
logement
‐
le
chiffre
de
300
000
est
communément
admis
‐
construit
à
la
chaine
des
milliers
de
logements
sur
le
modèle
mexicain
afin
de
limiter
les
coûts
de
construction
et
de
permettre
ainsi
l’accès
à
la
propriété
pour
les
classes
les
moins
aisées.
Ceci
étant,
cette
production
rapide
voir
urgente
et
peu
coûteuse
pose
la
question
de
la
qualité
urbaine.
Lors
d’une
réunion
avec
certains
membres
des
communautés
rurales
d’Usme,
une
habitante
de
la
«
Ciudadela
Nuevo
Usme
»,
a
évoqué
les
raisons
de
sa
venue
à
Usme.
Elle
cherchait
un
cadre
de
vie
agréable
avec
un
espace
pour
ses
enfants.
Elle
avoue
avoir
été
déçue
après
avoir
emménagé
dans
les
nouvelles
constructions.
Selon
elle,
sa
maison
a
été
mal
conçue
et
de
nombreux
problèmes
se
développent
(infiltration
d’eau,
accès
difficile
pour
les
personnes
âgées,
etc.).
Elle
dit
clairement
que
l’entreprise
favorise
la
production
d’un
habitat
de
faible
qualité.
«
Metrovivienda
pose
des
maisons
les
unes
après
les
autres
sans
implanter
d’espaces
verts,
d’équipements,
d’activités.
»
Mais
de
toute
façon,
«
c’est
soit
ça,
soit
un
logement
d’estrato
uno139
en
haut
d’une
colline.
»140
Bien
sûr,
ceci
n’est
en
rien
une
critique
gratuite
et
délibérée,
il
faut
comprendre
que
le
contexte
est
particulièrement
complexe
pour
les
autorités
de
Bogotá
puisque
le
besoin
en
logement
est
considérable
et
urgent
pour
la
cinquième
métropole
d’Amérique
du
Sud.
Mais
cette
production
est‐elle
la
seule
envisageable
?
Figure
6:
Quartier
Ciudadela
Nuevo
Usme.
Source
:
LIHP,
2009
139
Strate
une,
l’habitat
le
plus
précaire
à
Bogotá
qui
peut
être
considéré
comme
«
bidonville
»
Réunion
du
mardi
3
mai,
résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
140
51
Une
crise
culturelle
liée
au
passage
radical
d’un
territoire
majoritairement
rural
à
une
extension
urbaine
de
la
métropole
de
Bogotá.
Les
habitants
d’Usme
revendiquent
clairement
être
des
campesinos
(paysans)
et
perçoivent
de
manière
très
négative
l’arrivée
du
projet
de
Metrovivienda.
Cette
transformation
radicale
de
l’environnement
a
un
impact
psychologique
considérable
sur
la
population
rurale
d’Usme
qui
refuse
catégoriquement
de
voir
leur
territoire
rural
se
transformer
en
une
extension
urbaine
de
Bogotá.141
De
plus,
la
construction
de
ces
logements
standardisés
proposés
par
Metrovivienda
et
les
promoteurs
immobiliers
laisse
prévoir
la
déterritorialisation
de
ses
habitants.
Figure
7
:
Deux
campesinos
d’Usme
contre
le
projet
de
Metrovivienda
et
paysage
d’Usme
vue
du
centre
historique.
Source
:
http://www.flickr.com/photos/comun‐unidad/sets/72157625960964230/
et
réalisation
personnelle,
2011
«
La
fertilité
de
ces
terres
alimente
la
ville,
dehors
Metrovivienda
!
»
Enfin,
ce
territoire
traverse
une
crise
sociale.
Ce
«
méga
»
projet
urbain
est
prévu
pour
les
classes
sociales
les
plus
pauvres
de
Bogotá
(les
classes
1
et
2142).
Ce
sont
donc
des
dizaines
de
milliers
de
personnes
dans
une
situation
financière
et
sociale
difficile
qui
vont
être
concentrées
dans
un
même
lieu.
Comment
ne
pas
y
voir
un
risque
de
ghettoïsation
?
De
plus,
les
personnes
déplacées
par
la
violence
qui
sévit
toujours
dans
les
campagnes
colombiennes
vont
être
logées
dans
le
même
quartier.
Le
leader
des
communautés
rurales
d’Usme
craint
d’ailleurs
l’arrivée
massive
de
ces
personnes
provenant
de
régions
différentes
(cultures
différentes)
et
ayant
des
positions
politiques
parfois
extrêmement
opposées
(ex‐militaires,
ex‐paramilitaires,
ex‐guérilléros).
Selon
lui,
la
concentration
de
ces
différents
«
types
»
de
population
est
une
véritable
«
bombe
à
retardement.
»
La
«
crise
de
la
ville
»
est
bien
présente
sur
ce
territoire.
Mais
bien
que
le
contexte
soit
très
difficile,
le
LIHP
arrive
à
un
moment
charnière
pour
ce
territoire
en
conflit
qu’il
peut
s’approprier
et
tourner
à
son
141
Réunion
du
mardi
3
mai,
résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
Voir
l’annexe
4,
p
18
du
document
142
52
avantage.143
C’est
d’ailleurs
pour
toutes
ces
raisons
que
le
LIHP
porte
un
grand
intérêt
à
travailler
sur
ce
territoire
et
c’est
à
travers
ces
problèmes
complexes
et
ces
contradictions
nombreuses
qu’il
sera
possible
de
faire
émerger
des
solutions
adaptées
et
intelligibles.
Chapitre
2.
Première
approche
du
LIHP
vers
le
territoire
d'action
Usme
2.1
Montage
de
la
coopération
franco‐colombienne
Cette
partie
permet
de
comprendre
comment
le
travail
a
été
initié.
Les
premiers
contacts
ont
été
établis
en
2009
avec
l’archéologue
en
charge
du
site
archéologique
d’Usme
qui
est
également
professeur
à
l’Université
Nationale
de
Colombie
(Unal).
Le
LIHP
a
donc
commencé
par
travailler
de
manière
étroite
avec
cette
institution.
Parallèlement
au
LIHP
côté
français,
un
étudiant
en
anthropologie
urbaine
de
l’Unal
s’est
vu
attribué
un
contrat
à
mi‐temps
avec
l’université
qui
lui
conférait
le
rôle
de
coordinateur
du
LIHP
à
Bogotá.
C’est
donc
à
travers
lui
que
nous
avons
pu
mettre
en
place
les
relations
entre
les
deux
pays
et
préparer
les
deux
semaines
de
travail
collectif
à
Bogotá.
Nous
constatons
ici,
qu’il
ne
s’agit
pas
d’une
commande
d’une
institution
colombienne
au
LIHP
ou
de
la
volonté
de
deux
structures
d’initier
une
coopération
binationale.
Cette
initiative
émane
avant
tout
de
la
volonté
de
quelques
individus
qui,
à
un
moment
donné,
ont
trouvé
des
intérêts
communs
à
travailler
ensemble.
2.2
Elaboration
d’un
document
de
travail
collectif
sur
le
territoire
d’Usme
Afin
d’engager
le
travail
sur
le
territoire
d’action,
un
premier
document
a
été
réalisé
sur
l’état
actuel
du
territoire.
Il
ne
s’agissait
pas
d’élaborer
un
diagnostic
territorial
avec
la
définition
d’enjeux,
de
problématiques,
d’objectifs
et
de
pistes
d’action
mais
de
présenter
ce
que
le
LIHP
a
pu
observer
du
territoire
à
travers
les
données
récoltées
via
l’outil
internet
et
la
documentation
envoyée
par
les
partenaires
colombiens.
Il
se
rapprochait
donc
plus
d’un
état
des
lieux
du
territoire
d’Usme.
Ce
document
ne
constituait
en
rien
une
finalité
mais
devait
servir
avant
tout
de
socle
commun
pour
les
discussions
et
réflexions
autour
du
territoire
d'Usme
avec
les
acteurs
colombiens.
Ce
document
doit
donc
rester
en
perpétuelle
construction.
L’idée
étant
de
le
co‐réaliser
avec
tous
les
partenaires
du
LIHP,
à
savoir,
le
comité
scientifique
français,
les
professeurs
et
étudiants
de
l’Université
Nationale
de
Colombie
et
de
l’Université
Santo
Tomas,
ainsi
que
les
communautés
d’Usme
(associations
et
habitants).
143
ère
Analyse
critique
de
la
1 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
53
Les
recherches
menées
pour
élaborer
ce
document
nous
ont
permis
de
soulever
des
interrogations
sur
ce
territoire
qui
ont
été
intégrées
dans
le
document.
Dans
un
dispositif
de
recherche‐action,
il
est
essentiel
d’approfondir
et
d’élargir
le
champ
de
questionnements
car
cela
permet
de
faire
face
à
la
complexité
de
la
situation.
Ces
interrogations
faites
sur
le
territoire
avaient
donc
pour
objectif
de
faire
apparaître
de
nouveaux
facteurs
indispensables
à
la
compréhension
globale
de
celui‐ci.
Bien
que
le
LIHP
affiche
un
engagement
politique
dans
son
action,
le
document
produit
ne
devait
pas
avoir
une
vision
critique
de
la
situation
actuelle
d’Usme
et
plus
largement
de
Bogotá.
Nous
avons
donc
adopté
un
point
de
vue
neutre
pour
ne
froisser
aucun
parti
avec
lesquels
nous
serions
amenés
à
travailler.
Ainsi
nous
n’avons
pas
porté
de
regard
critique
sur
le
projet
urbain
mené
par
Metrovivienda.
Nous
constatons
que
le
document
réalisé
n’était
pas
une
réponse
à
une
commande
précise
pour
répondre
à
un
problème
particulier.
Il
ne
s’agissait
donc
pas
ici
de
donner
un
avis
d’expert
à
travers
un
document
finit
qui
émet
des
recommandations.
Nous
avons
constitué
ce
document
comme
support
d’un
travail
de
réflexion
et
d’échange
sur
le
territoire
d’Usme
car
il
serait
tout
simplement
impossible
de
répondre
à
la
«
crise
»
que
traverse
ce
territoire
par
un
avis
extérieur
qui
n’a
que
peu
de
connaissances
des
problématiques
et
des
spécificités
de
celui‐ci.
Chapitre
3.
Mission
en
Colombie,
au
cœur
de
la
recherche‐action
3.1
Constitution
du
groupe
de
travail
Pour
que
des
personnes
se
regroupent
un
moment
donné
dans
un
espace
donné,
sachant
qu’il
n’y
a
pas
nécessairement
au
début
de
liens
affinitaires
sinon
la
volonté
commune
de
se
réunir,
«
il
faut
que
l’intérêt
de
ce
regroupement
dépasse
la
somme
des
intérêts
individuels
(non
pas
par
ce
qu’il
est
«
supérieur
»
mais
parce
qu’il
est
autre).
»144
Bien
que
chaque
partenaire
ait
ses
propres
intérêts
à
participer
à
la
démarche
proposée
par
le
LIHP
‐
les
professeurs
de
l’Unal
et
de
l’Université
de
Santo
Tomas
peuvent
y
voir
une
opportunité
d’étudier
un
territoire
dans
toutes
ses
dimensions,
offrant
par
la
même
occasion
à
leurs
étudiants
la
possibilité
de
faire
un
travail
de
terrain
important
;
les
communautés
d’Usme
peuvent
quant
à
elles,
y
voir
un
soutient
face
à
l’entreprise
Metrovivienda
même
si
celle‐ci
sera
intégrée
au
processus
par
la
suite
–
il
y
a
bel
et
bien
eu
une
volonté
d’échanger
et
de
réfléchir
collectivement
autour
du
devenir
d’un
territoire.
L’originalité
de
la
démarche
ici
est
qu’elle
n’émane
pas
d’une
demande
de
recherche
sur
un
objet
d’étude
précis.
Elle
n’est
pas
non
plus
une
volonté
d’agir
dans
l’immédiat
sur
une
situation
144
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
5
54
problématique
mais
elle
constitue
avant
tout
une
volonté
de
provoquer
une
situation.
C’est
à
dire
de
rassembler
différents
acteurs
autour
d’une
situation
commune
dont
ils
définissent
la
problématique
et
les
modalités
collectives
de
travail.
Sur
ce
point,
le
processus
engagé
se
différencie
d’une
démarche
de
recherche
classique
car
celle‐ci
passe
par
la
«
négociation
d’un
accès
au
«
terrain
»
qui
se
fait
par
la
rencontre
individuelle
ou
collective
des
acteurs
à
partir
d’enquêtes
ou
groupe
de
travail
méthodologique.
»
145
3.1.1
Formation
d’une
équipe
pluridisciplinaire
Pour
répondre
à
l’échec
des
villes
que
l’on
connaît
aujourd’hui,
Felix
Guattari
souligne
l’importance
qu’une
«
transdisciplinarité146
soit
instaurée
entre
les
urbanistes,
les
architectes
et
les
autres
disciplines
des
sciences
sociales,
des
sciences
humaines
et
des
sciences
écologiques.»147
En
effet,
la
pluridisciplinarité
permet
d’aborder
la
ville
selon
différents
points
de
vue
de
spécialistes.
Le
croisement
des
regards
et
des
compétences
opéré
favorise
l’émergence
des
bonnes
problématiques
et
de
leurs
résolutions.148
Sans
pluridisciplinarité,
il
ne
pourrait
y
avoir
de
recherche‐action.
Le
groupe
de
travail
constitué
à
Bogotá
répond
donc
à
cette
exigence
car
il
est
constitué
d’un
archéologue,
d’un
anthropologue,
d’une
économiste
et
urbaniste,
d’un
géographe,
d’une
sociologue,
de
trois
architectes‐urbanistes,
d’un
leader
des
communautés
rurales
d’Usme,
d’une
habitante
d’Usme,
ainsi
que
de
représentants
d’association,
un
spécialiste
de
l’environnement
et
des
mouvements
politiques
à
Usme
de
l’association
Asamblea
Sur
et
un
spécialiste
de
l’environnement
de
la
culture
Muisca
des
associations
Casa
Asdoas
et
Territorio
Sur.149
3.1.2
Constitution
d’une
équipe
d’étudiants
A
ce
groupe
de
travail,
est
venu
se
greffer
une
équipe
d’étudiant.
Le
LIHP
souhaitant
intervenir
sur
le
long
terme
à
Usme,
la
mobilisation
de
jeunes
étudiants
dans
le
projet
est
un
point
essentiel
de
la
démarche.
Ainsi
une
équipe
de
six
étudiants
a
vue
le
jour
avec
une
politologue
et
urbaniste,
un
anthropologue
spécialisé
dans
l’urbain,
un
géographe
spécialisé
dans
la
pauvreté
urbaine
de
la
région
sud
de
Bogotá,
une
sociologue
et
un
anthropologue.
Pour
parfaire
la
pluridisciplinarité
de
l’équipe,
un
architecte,
un
urbaniste
et
un
archéologue
devront
y
être
intégrés.
145
Voir
le
tableau
comparatif
entre
recherche‐action
et
recherche
classique,
annexe
3,
p
106
On
préférera
ici
le
terme
de
pluridisciplinarité
147
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
9
148
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
3
149
Voir
l’organigramme,
annexe
2,
p
105
146
55
3.2
Temps
de
travail
collectif
3.2.1
Réunions
et
journées
de
travail
Rencontre
des
communautés
d’Usme
du
mardi
3
mai
:
Nous
avons
rencontré
en
premier
les
communautés
d’Usme
afin
de
l'informer
rapidement
de
notre
démarche.
En
effet,
sans
l’adhésion
de
celles‐ci
à
la
démarche
engagée,
il
serait
tout
simplement
impossible
d’engager
un
processus
d’habitat
populaire
à
Usme.150
Les
communautés
d’Usme
ont
montré
un
fort
intérêt
à
participer
à
la
démarche
du
LIHP.
Cette
première
approche
était
indispensable
afin
de
connaître
leur
point
de
vue
avant
de
réaliser
les
deux
journées
de
travail
avec
les
autres
membres
du
groupe
de
travail.
Les
deux
journées
de
travail
du
jeudi
5
et
vendredi
6
mai
:
L’objectif
de
ces
deux
journées
de
travail
était
de
poser
le
cadre
de
la
démarche
du
LIHP,
d’échanger
sur
le
territoire
d’Usme
à
partir
du
document
réalisé
en
amont
mais
aussi
d’établir
une
stratégie
d’action
pour
la
suite
de
la
démarche.
Nous
avons
donc
commencé
par
présenter
le
LIHP,
ses
raisons
d’être,
ses
fondamentaux,
son
intérêt
pour
Usme
et
ses
territoires
d’action
afin
d’offrir
aux
futurs
partenaires
du
groupe
de
travail
un
socle
minimum
de
compréhension
afin
d’initier
les
échanges.
Ces
deux
journées
ont
été
l’occasion
de
constituer
un
espace
de
travail
qui
a
donné
la
possibilité
aux
différents
partenaires
de
coopérer,
quels
que
soient
leurs
qualités
et
leurs
statuts.
Figure
8
:
Séances
de
travail
à
l’Université
National
de
Colombie,
jeudi
5
et
vendredi
6
mai
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
Les
professeurs
de
l’Université
Nationale
de
Colombie
ont
également
réalisé
des
présentations,
sur
l’importance
du
site
archéologique
pour
Usme
et
la
Colombie,
l’histoire
du
développement
urbain
à
Bogotá,
la
géographie
du
territoire
d’Usme
ainsi
que
les
politiques
urbaines
du
district
de
Bogotá
face
150
ère
Analyse
critique
de
la
1 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
56
à
l’urbanisation
informelle.
Trois
membres
des
communautés
d’Usme
ont
également
présenté
leurs
points
de
vue
sur
le
devenir
de
leur
territoire,
à
savoir,
la
volonté
d’instaurer
une
limite
entre
les
zones
urbaines
et
rurales,
l’importance
de
la
prise
en
compte
de
l’environnement
et
de
l’agriculture
ainsi
que
l’amélioration
des
conditions
de
vie
pour
les
habitants
des
quartiers
conçus
par
Metrovivienda
et
les
promoteurs
immobiliers.
Ces
présentations
ont
été
suivies
par
des
discussions
qui
ont
permis
de
cibler
les
caractéristiques
essentielles
du
territoire
en
confortant
ou
infirmant
certains
points
du
document
réalisé.
Elles
ont
également
permis
d’élargir
le
champ
de
questionnements
notamment
dans
les
domaines
social
et
politique.
Le
fait
de
travailler
avec
un
groupe
restreint
(une
vingtaine
de
personnes)
a
permis
de
repérer
plus
facilement
les
problématiques
du
territoire.
Ce
groupe
restreint
associé
à
l’horizontalité
de
la
démarche
a
permis
de
placer
les
habitants
(membres
des
communautés)
au
cœur
du
dispositif
de
réflexion
sur
la
«
crise
»
du
territoire
d’Usme
mais
aussi
sur
son
devenir.
Les
personnes
souhaitant
s’exprimer
le
faisaient
en
toute
liberté.
Aussi,
les
différents
points
de
vue
(différentes
professions
et
disciplines)
se
croisaient
continuellement
enrichissant
ainsi
les
échanges.
Cette
«
relation
symétrique
de
collaboration
»
montre
que
le
«
groupe‐sujet
»
comme
le
définit
la
recherche‐action
s’est
bel
et
bien
constitué.151
Lors
de
ces
échanges,
nous
avons
pu
constater
que
les
acteurs
en
présence
étaient
impliqués.
La
plus
part
des
personnes
se
sont
accordées
à
dire
que
le
projet
de
Metrovivienda
n’était
pas
viable.
Il
y
a
donc
eu
tout
de
suite
un
parti
pris
collectif,
celui
du
dépassement
de
la
situation
actuelle.
Ce
point
différencie
la
démarche
réalisée
d’une
recherche
classique
car
celle‐ci
aurait
attendu
d’avoir
tous
les
éléments
en
main
avant
d’affirmer
l’invalidité
du
projet
de
Metrovivienda.
Aussi,
les
relations
horizontales
et
égalitaires
observées
ici
se
différencient
des
relations
verticales
et
hiérarchiques
d’une
recherche
classique,
expliquées
en
partie
par
l’extériorité
du
chercheur
qui
«
représente
un
pouvoir
scientifique
et
institutionnel
(il
sait
des
choses
que
ne
connaît
pas
le
profane,
il
travaille
avec
les
décideurs).
»152
Bien
qu’un
équilibre
entre
chercheurs,
praticiens
et
usagers
s’affirmait
lors
de
ces
échanges,
un
des
membres
des
communautés
d’Usme
a
exprimé
son
inquiétude
sur
l’engagement
d’une
démarche
de
recherche
et
notamment
sur
le
rôle
des
communautés
dans
la
construction
du
document
d’Usme.
Il
imaginait
difficilement
un
habitant
des
communautés
co‐rédiger
le
document
avec
un
universitaire.
151
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
100
152
Voir
le
tableau
comparatif
entre
recherche‐action
et
recherche
classique,
annexe
3,
p
106
57
Nous
leur
avons
donc
rappelé
que
tous
les
partenaires
doivent
devenir
autant
acteurs
que
chercheurs
du
territoire
d’action
Usme.
Echanges
extérieurs
aux
séances
de
travail
En
dehors
des
séances
de
travail
avec
le
groupe,
j’ai
souvent
eu
des
échanges
sur
l’action
réalisée
avec
les
étudiants
participants
à
la
démarche.
Cela
m’a
permis
d’avoir
d’autres
points
de
vue
sur
le
travail
réalisé,
d’affiner
mon
sens
critique
sur
la
démarche
entreprise.
J’ai
donc
pu
sortir
de
mes
propres
interprétations
qui
n’étaient
pas
toujours
fondées
en
gagnant
une
certaine
objectivité
de
la
situation.
Cette
objectivité
est
essentielle
car
du
fait
de
l’engagement
personnel
dans
une
démarche
de
recherche‐action,
notre
vision
est
parfois
trop
orientée.
Il
faut
donc
faire
un
effort
constant
pour
tenter
d’y
parvenir
même
si
«
l’objectivité
pure
»
est
impossible
à
atteindre
en
sciences
sociales.
3.2.2
Visites
de
terrain
En
suivant
la
logique
de
la
recherche‐action,
la
problématique
ou
les
problématiques
du
territoire
ne
peuvent
émerger
uniquement
lors
des
réunions
et
des
échanges
du
groupe
de
travail.
Il
est
donc
indispensable
d’observer
les
réalités
du
terrain
collectivement.
C’est
ce
qui
a
été
fait
durant
toute
une
journée
avec
le
groupe
de
travail.
Nous
avons
pu
observer
la
singularité
du
territoire
dans
toutes
ses
dimensions
(agriculture,
urbanisation
informelle,
bassin
hydrographique,
site
archéologique,
quartiers
construits
par
les
promoteurs
et
Metrovivienda),
avec
des
échanges
entre
géographe,
archéologue,
architecte,
anthropologue
et
habitants
d’Usme.
L’objectif
de
ce
travail
de
terrain
interdisciplinaire
n’est
pas
seulement
d’apprendre
du
territoire
et
d’accumuler
des
connaissances
mais
également
que
tous
les
membres
du
groupe
se
rendent
compte
que
chaque
membre
ne
perçoit
pas
le
territoire
et
ses
problématiques
de
la
même
manière
en
fonction
de
sa
profession
ou
de
sa
discipline.
Cette
procédure
participe
donc
à
la
transformation
des
différentes
personnalités
du
groupe
qui
doivent
saisir
le
langage
de
chacun
en
se
formant
par
la
même
occasion.
Figure
9
:
Visite
de
terrain
à
Usme
avec
les
professeurs
de
l’Université
Nationale
de
Colombie
et
les
habitants
(à
gauche).
Visite
avec
l’ambassade
de
France,
l’ambassadeur
et
le
leader
des
communautés
rurales
(à
droite).
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
58
3.3
Les
techniques
réalisées
Comme
toute
recherche
en
sciences
sociales,
il
était
essentiel
d’employer
des
techniques
rigoureuses
et
biens
définies.
Bien
que
la
démarche
de
recherche‐action
puisse
emprunter
toutes
les
techniques
mises
au
point
par
les
sciences
humaines,
il
existe
une
préférence
marquée
«
pour
les
techniques
qualitatives
et
pour
l’observation
participante
accompagnée
d’un
journal
de
bord.
»153
3.3.1
Le
journal
de
bord
Afin
de
retenir
toutes
les
informations
essentielles
à
l’avancée
de
la
démarche,
il
était
indispensable
de
tenir
quotidiennement
un
journal
de
bord.
Dans
celui‐ci,
tous
les
points
importants
qui
ressortaient
des
réunions
et
échanges
étaient
notés.
Ainsi,
les
avancées
et
difficultés
quotidiennes
pouvaient
être
constatées.
En
fin
de
semaine,
un
bilan
était
établit
en
analysant
et
interprétant
tous
ces
différents
points.
Ce
qui
permettait
de
faire
émerger
l’évolution
du
processus,
le
changement
des
points
de
vue
des
personnalités
constituant
le
groupe
de
travail
et
la
ou
les
problématique(s).
Le
journal
de
bord
permet
donc
de
conserver
la
mémoire
du
processus
de
recherche‐action
d’autant
plus
que
celle‐ci
s’opère
sur
un
temps
long
(3
à
5
ans
minimum).
A
la
fin
de
la
mission,
le
journal
de
bord
a
été
repris
pour
rédiger
le
résumé
des
cinq
semaines
passées
à
Bogotá.
Ce
résumé
devait
être
objectif
et
donc
pour
cela,
les
analyses
et
interprétations
faites
dans
le
journal
n’ont
pas
été
reprises.
L’objectivité
était
ici
nécessaire
car
les
éléments
de
ce
résumé
devaient
être
réintégrés
dans
le
document
de
travail
d’Usme.
L’objectif
ici
était
de
rendre
ré‐appropriable
le
travail
réalisé
collectivement
à
tous
les
membres
du
groupe.
Pour
cela,
il
est
essentiel
de
conserver
tous
les
écrits
et
les
enregistrements
sonores
réalisés
lors
des
séances
de
travail
même
si
ceux‐ci
ne
semblent
pas
toujours
indispensables.
Cette
mémoire
doit
permettre
de
répondre
à
des
interrogations
sur
l’évolution
de
la
démarche
:
«
Que
s’est
t‐il
passé
à
tel
moment
qui
expliquerait
tel
ou
tel
changement
dans
la
conduite
de
l’action
?
Comment,
pourquoi
les
chercheurs
et
acteurs
ont
pensé
que
telle
action
était
plus
bénéfique
que
telle
autre
?
»154
Si
les
journaux
de
bord
sont
tenus
régulièrement,
il
est
possible
d’y
trouver
la
réponse
à
ces
questions.
Le
deuxième
avantage
du
journal
de
bord
est
qu’à
travers
son
écriture,
«
il
peut
aider
à
objectiver,
à
comprendre
le
monde
social
dans
lequel
on
est
inséré.
»155
En
d’autres
termes,
l’écriture
permet
aux
partenaires
de
cerner
la
situation
vis
à
vis
de
leur
profession
mais
également
au
sein
de
la
démarche
collective
de
recherche‐action,
on
parle
alors
de
conscientisation.
Sur
ce
point,
bien
que
de
153
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989p
144
154
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op.
Cit.,
p
146
155
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op
cit.
59
nombreuses
personnes
aient
prise
des
notes
lors
des
séances
de
travail,
il
est
difficile
de
savoir
si
elles
les
ont
bien
conservées
car
nous
n’avions
pas
évoqué
cette
«
règle
»
avant
le
début
des
séances
de
travail.
3.3.2
L’observation
Aucun
entretien
semi‐directif
ni
de
questionnaire
n’a
été
réalisé
car
cela
différencie
trop
le
chercheur
qui
récolte
l’information
de
l’habitant
ou
de
l’acteur
qui
émet
l’information
sans
en
recevoir.
Ces
techniques
vont
par
conséquent
à
l’encontre
de
l’horizontalité
souhaitée
dans
une
démarche
de
recherche‐action
au
sein
du
groupe
de
travail.
Nous
nous
sommes
donc
attelé
à
observer
le
processus
lors
des
séances
de
travail.
L’idéal
dans
l’observation
est
d’être
intégré
pleinement
au
groupe
tout
en
participant
à
l’action,
c’est
à
dire
être
force
de
proposition.
On
parle
à
ce
moment
d’observation
participante.
Mais,
bien
que
celle‐
ci
permette
de
comprendre
la
situation,
elle
n’est
pas
suffisante
lorsque
qu’il
s’agit
également
de
transformer
cette
situation.
Pour
cela,
il
existe
une
autre
forme
d’observation
dite
stratégique.
C’est
ce
qui
a
été
fait
lors
de
certaines
réunions.
Nous
essayions
de
«
provoquer
»
les
institutions
présentes
(représentées),
l’Université
Nationale
de
Colombie,
l’Université
de
Santo
Tomas
et
les
communautés
d’Usme
(considérées
comme
une
«
institution
»),
qui
possèdent
leurs
propres
cadres
d’action
et
de
réflexion.
L’idée
était
de
faire
ressortir
leurs
points
de
vue
différents
en
essayant
de
leur
faire
prendre
le
point
de
vue
des
autres
partenaires.
Par
exemple,
nous
avons
demandé
aux
communautés
d’Usme
de
se
mettre
à
la
place
des
autorités
de
Bogotá
en
envisagent
le
développement
urbain
de
la
métropole
face
au
déficit
des
300
000
logements
énoncé
en
première
partie.
Ils
nous
ont
répondu
qu’ils
densifieraient
la
ville.156
Nous
leur
avons
répliqué
que
Bogotá
était
déjà
une
ville
très
dense
et
qu’il
nous
semblait
difficile
pour
les
autorités
de
la
ville
de
construire
des
centaines
de
milliers
de
logements
en
plus
sur
du
bâti
déjà
existant.
Nous
nous
sommes
donc
aperçu
que
les
communautés
avaient
du
mal
à
considérer
l’enjeu
considérable
qu’attend
la
ville
de
Bogotá
dans
les
années
à
venir.
Cette
réaction
semble
d’ailleurs
assez
logique
mais
elle
est
bien
la
preuve
qu’une
transformation
est
nécessaire
si
l’on
souhaite
parvenir
à
un
échange
constructif
avec
Metrovivienda
et
le
district
de
Bogotá.
Bien
sur,
une
transformation
sera
également
à
opérer
dans
l’autre
sens.
Sur
ce
point,
chaque
partenaire
devra
faire
plus
que
participer
à
une
action
et
y
réfléchir
car
«
s’il
n’y
a
pas
en
même
temps
un
travail
sur
soi
»157,
il
ne
peut
y
avoir
de
recherche‐action
et
donc
de
transformation.
Chaque
partenaire
du
groupe
portant
une
action
sur
le
territoire
d’Usme
devra
donc
la
transformer
à
travers
le
LIHP,
c’est
à
dire
sortir
de
son
cadre
actuel
de
réflexion
et
d’action.
Les
communautés
d’Usme
devront
156
Mardi
3
mai,
résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
3
157
60
sortir
de
leur
«
militantisme
rural
»,
les
universitaires
devront
réfléchir
aux
modes
de
transmission
du
savoir
académique
au
sein
de
la
démarche
et
Metrovivienda
devra
s’efforcer
de
mieux
saisir
les
spécificités
du
territoire
d’Usme.158
3.3.3
Le
feed‐back
Une
dernière
technique
couramment
utilisée
en
recherche‐action
est
le
feed‐back
qui
consiste
à
restituer
le
travail
réalisé
au
groupe
de
travail.
Nous
avons
donc
présenté
le
document
de
travail
d’Usme
réalisé
préalablement
devant
les
partenaires
du
groupe
de
travail.
Nous
avons
insisté
sur
le
fait
que
le
document
présentait
assurément
des
erreurs
ou
approximations
en
précisant
bien
que
le
document
devait
évoluer
avec
leur
participation.
Le
but
ici
était
de
rendre
appropriable
le
document
que
nous
avions
réalisé
tout
en
faisant
réagir
les
personnes
sur
son
fond.
Bien
que
ce
ne
fut
pas
un
véritable
feed‐back
puisque
que
les
partenaires
colombiens
n’y
avaient
que
très
peu
contribué,
cette
restitution
a
toute
fois
permis
d’approfondir
ou
de
réajuster
certains
points
du
document
avec
les
échanges
qui
ont
suivi
la
présentation.
Ce
procédé
«
d’aller‐retour
»
est
intéressant
car
il
assure
«
une
fonction
de
réactivation
du
processus
d’intervention
en
stimulant
une
analyse
critique
des
résultats
déjà
obtenus
ainsi
qu’une
évaluation
de
ceux‐ci.
»159
Ce
mode
a
été
essentiel
dans
la
démarche
opérée
jusqu’à
maintenant
car
il
est
garant
de
la
transparence
de
celle‐ci.
Les
résultats
du
travail
sont
discutés
et
cela
permet
d’offrir
à
toutes
les
personnes
du
groupe
de
travail
la
même
compréhension
de
la
situation
tout
en
ouvrant
sur
de
possibles
recommandations
voir
réorientations
de
la
démarche.
A
chaque
fin
de
réunions,
une
des
personnes
du
groupe
se
proposait
de
rédiger
une
synthèse
à
soumettre
à
tout
le
groupe
pour
d’éventuelles
critiques
et
propositions.
Le
risque
principal
du
feed‐back
est
de
restituer
l’information
sans
tenter
d’associer
au
projet
les
personnes
concernées.
Cette
technique
est
essentielle
car
«
c’est
à
ce
moment
que
les
personnes
du
groupe
se
fixent
des
objectifs
et
se
donnent
un
plan
d’action
pour
modifier
la
situation
perçue
comme
insatisfaisante.
»160
Le
simple
fait
qu’il
n’y
ait
pas
d’hypothèses
ou
de
méthodologies
préalables
mais
un
aller‐retour
permanent
entre
le
travail
effectué
et
l’évaluation
collective
permet
d’échanger
les
avis
et
ainsi
d’objectiver
la
recherche
réalisée.
Ce
procédé
évite
donc
de
passer
nécessairement
par
l’objectivation
rendue
possible
par
«
la
séparation
chercheur/objet
de
recherche,
l’application
d’une
grille
d’analyse
158
ème
Analyse
critique
de
la
2 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
150
160
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op.
Cit.,
p
152
159
61
pré‐établie
et
une
méthodologie
qualitative
ou
quantitative
vérifiant
les
hypothèses
initiales.
»161
De
plus,
cette
«
auto‐évaluation
»
et
«
auto‐formation
»
collective
qui,
bien
que
parfois
longue
et
fastidieuse,
permet
de
sortir
de
l’évaluation,
plus
rapide
il
est
vrai,
d’un
seul
spécialiste
sur
le
travail
réalisé.
Elle
permet
donc
d’éviter
l’analyse
et
l’interprétation
unique
de
celui‐ci.
Les
«
outils
»
utilisés
ici
ont
plus
une
dimension
qualitative
et
interactive
que
purement
quantitative.
Ceux‐ci
nous
ont
apporté
une
approche
beaucoup
plus
sensible
du
territoire.
Etant
donné
que
l’objet
de
la
recherche‐action
est
d’échanger
des
connaissances
et
informations,
le
questionnaire
et
l’entretien
semi‐directif,
n’ont
pas
été
utilisés
car
ils
induisent
un
transfert
de
données
dans
un
seul
sens,
de
l’acteur
vers
le
chercheur,
les
premiers
étant
ainsi
«
dépossédés
de
leur
savoir
»
et
par
la
même,
exclus
du
processus
de
recherche.162
Avec
ces
différentes
techniques,
il
a
donc
été
possible
de
passer
au
delà
de
l’avis
de
l’expert
qui
aurait
préconisé
ses
propres
recommandations.
De
même,
les
communautés
d’Usme
et
les
chercheurs
universitaires
se
sont
constitués
en
tant
que
groupe
chercheurs‐acteurs
collectif
du
territoire
d’action
Usme.
3.4
Définition
des
objectifs
et
d’une
stratégie
d’action
collective
Une
stratégie
pour
la
démarche
du
LIHP
à
Usme
a
également
été
mise
en
place.
Dans
un
premier
temps,
suite
aux
présentations
réalisées
lors
des
deux
journées
et
des
discussions
qui
ont
suivit,
le
document
de
travail
Usme
a
été
refondé
en
six
grands
thèmes
que
sont
l’habitat
populaire,
population,
histoire
et
patrimoine,
relation
à
l’environnement,
politiques
urbaines
et
planification
territoriale
et
travail
et
ville.
Ces
thématiques
relativement
larges,
nous
ont
paru
les
plus
importantes
à
traiter.
Une
fois
les
thèmes
fixés,
nous
nous
sommes
répartis
en
six
groupes
avec
un
responsable
par
groupe.
Pour
répondre
aux
inquiétudes
des
membres
des
communautés
citées
plus
haut,
ceux‐ci
ont
été
répartis
dans
chaque
sous
groupe
de
travail,
ce
qui
a
permis
de
partager
équitablement
les
compétences
en
favorisant
l’échange
de
connaissances
au
sein
de
chaque
sous
groupe.
Chaque
groupe
de
travail
pouvait
ainsi
se
réunir
indépendamment
du
groupe
principal
pour
avancer
sur
son
thème
et
commencer
à
réfléchir
à
la
poursuite
du
travail
sur
le
territoire
d’action.
Dans
un
deuxième
temps,
le
groupe
de
travail
s’est
mis
d’accord
sur
le
fait
qu’un
document
fondateur
du
processus
d’habitat
populaire
à
Usme
devait
être
réalisé
et
signé
par
tous
les
partenaires
engagés
dans
la
démarche.
Ce
document
devra
comporter
la
stratégie
générale,
les
grands
objectifs
ainsi
que
le
descriptif
des
moyens
pour
y
parvenir.
Nous
avons
également
traité
des
questions
de
financement
pour
commencer
les
études
par
thématique
sur
le
territoire
d’action.
161
Voir
le
tableau
comparatif
entre
recherche‐action
et
recherché
classique,
annexe
3,
p
106
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
76
162
62
Bien
que
des
thématiques
aient
été
ciblées
et
que
les
grands
problèmes
du
territoire
aient
émergé
lors
des
échanges
durant
ces
deux
semaines
de
travail,
la
phase
de
problématisation
n’a
pas
encore
été
atteinte
et
les
hypothèses
à
construire
n’ont
pas
encore
été
abordées
pleinement.
La
problématisation
est
pourtant
essentielle
dans
une
démarche
de
recherche‐action
car
elle
permet
d’énoncer
clairement
«
les
préoccupations
de
chacun
sous
une
unique
forme
compréhensible
de
tous.
»163
Celle‐ci
peut
cependant
prendre
un
certain
temps
avant
d’émerger,
ce
qui
ne
pourra
être
le
cas
tant
que
la
pleine
conscientisation
de
la
démarche
de
recherche‐action
n’aura
pas
eu
lieu.
C’est
uniquement
à
travers
cette
problématique
qu’il
sera
possible
d’énoncer
une
stratégie
avec
des
objectifs
plus
ciblés.
3.5
Rencontres
d’autres
acteurs
à
intégrer
à
la
démarche
Parallèlement
au
groupe
de
travail
constitué
avec
les
professeurs
des
deux
universités,
les
étudiants
et
la
communauté
d’Usme,
d’autres
acteurs
ont
été
rencontrés
mais
ceux‐ci
n’ont
pour
le
moment
pas
été
intégrés
à
la
démarche
de
recherche‐action.
Nous
avons
en
effet
considéré
qu’il
était
prématuré
de
mettre
par
exemple
face
à
face
les
communautés
d’Usme
et
les
représentants
de
l’entreprise
Metrovivienda
étant
donné
la
situation
tendue
que
nous
avons
pu
constater
antérieurement.
3.5.1
L’entreprise
Metrovivienda
Le
directeur
général
de
Metrovivienda
nous
a
confirmé
que
l’entreprise
était
en
conflit
avec
les
communautés
d’Usme
et
les
propriétaires
terriens.
De
même,
peu
de
promoteurs
immobiliers
répondent
aux
appels
d’offre
de
l’entreprise
qui,
nous
le
rappelons
ici,
se
charge
d’acheter
les
terrains
aux
propriétaires
privés
pour
les
viabiliser
avant
de
les
revendre
à
un
promoteur
qui
se
charge
de
la
construction
des
logements
sous
l’autorité
d’un
cahier
des
charges.
Les
bénéfices
engrangés
pour
ce
type
de
construction
à
bas
coût
n’excèdent
en
effet
pas
les
4
ou
5%.164
Etant
donné
la
situation,
le
directeur
s’est
dit
favorable
à
toute
coopération
avec
le
LIHP.
Sans
l’adhésion
de
Metrovivienda
à
la
démarche,
il
serait
tout
simplement
impossible
de
réaliser
un
projet
d’habitat
populaire
à
Usme.
Mais
étant
donné
que
l’entreprise
n’a
pas
encore
été
intégrée
au
processus
de
recherche‐action,
on
ne
peut
malheureusement
pas
prédire
si
elle
participera
pleinement
à
une
démarche
de
transformation
de
la
situation.
Cependant,
cette
dernière
étant
aujourd’hui
problématique
pour
l’entreprise,
quel
intérêt
aurait‐elle
à
ne
pas
engager
un
travail
avec
le
groupe
constitué
?
3.5.2
L’ambassade
de
France
en
Colombie
Une
visite
d’Usme
a
été
réalisée
avec
l’ambassadeur
de
France
afin
de
lui
présenter
la
démarche
du
LIHP
et
les
grandes
problématiques
du
territoire.
Intéressé
par
le
processus
engagé,
l’ambassade
a
163
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
5
Réunion
du
mardi
10
mai,
résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
164
63
décidé
de
soutenir
la
démarche
du
LIHP
à
Usme.
Celle‐ci
est
un
appui
stratégique
pour
le
LIHP
en
termes
de
représentation
auprès
des
institutions
mais
aussi
concernant
son
soutien
financier.
Bien
que
l’ambassade
de
France
ne
semble
pas
indispensable
à
la
démarche
‐
on
pourrait
d’ailleurs
exprimer
une
certaine
méfiance
vis
à
vis
de
l’institution
représentant
les
intérêts
de
la
France
en
Colombie
‐
cet
appui
n’en
reste
pas
moins
très
utile
à
condition
qu’il
ne
dévie
pas
les
objectifs
de
la
démarche.
3.5.3
L’Agence
Française
de
Développement
Une
autre
rencontre
importante
a
été
faite
avec
la
cellule
de
l’Agence
Française
de
Développement
(AFD)
de
Colombie
présente
à
Bogotá.
Ici,
il
s’agit
principalement
d’appuyer
le
processus
financièrement,
la
construction
d’un
projet
d’habitat
expérimental
nécessitant
un
investissement
conséquent.
L’AFD
a
là
aussi
approuvé
la
démarche
engagée
en
se
portant
garante
de
débloquer
les
fonds
nécessaires
sous
conditions
des
accords
passés
avec
la
mairie
de
Bogotá
via
le
Secrétariat
de
l’Habitat165.
L’AFD
porte
en
effet
la
Colombie
comme
un
pays
prioritaire
pour
le
développement
de
ses
activités
et
dispose
d’un
budget
important
pour
cela.
On
pourrait
cependant
émettre
les
mêmes
craintes
que
pour
l’ambassade
de
France.
L’intégration
de
ces
acteurs
dans
la
démarche
du
LIHP
ne
pose
pas
de
réel
problème,
à
condition
qu’ils
acceptent
de
transformer
leur
manière
de
voir,
leur
méthode
d’action,
leur
positionnement
idéologique.
Bien
sûr,
ce
type
de
transformation
est
plus
facile
à
dire
qu’à
faire
et
il
est
difficile
de
savoir
à
l’heure
actuelle
si
cela
est
réellement
possible.
Figure
10
:
Tableau
récapitulatif
des
acteurs
intégrés
ou
à
intégrer
dans
la
démarche
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
Asamblea
Sur
:
Association
de
défense
du
territoire
d’Usme
Territorio
Sur
:
Association
de
défense
du
patrimoine
naturel
et
culturel
d’Usme
Casa
Asdoas
:
Association
de
défense
du
patrimoine
naturel
et
culturel
d’Usme
Leader
de
la
communauté
rurale
d’Usme
Habitants
d’Usme
Metrovivienda
:
Aménageur
urbain
du
District
Capital
de
Bogotá
Université
Nationale
de
Colombie
(Unal)
:
Facultés
des
sciences
humaines
et
d’art
Université
Santo
Tomas
Institut
d’Etudes
Urbaines
de
l’Unal
Ambassade
de
France
Agence
Française
de
Développement
(AFD)
165
L’entreprise
Metrovivienda
est
sous
l’autorité
du
Secrétariat
de
l’Habitat
64
Chapitre
4.
Poursuite
du
travail
après
la
mission
Une
démarche
de
recherche‐action
réussie
et
efficace
«
exige
confiance,
estime
et
exigences
réciproques
:
conditions
qui
ne
peuvent
qu’être
fondées
sur
la
durée
et
des
formes
de
contractualisation
claires.
»166
Etant
donné
que
le
processus
engagé
n’a
pas
encore
été
totalement
repris
par
les
partenaires
colombiens,
il
est
essentiel
de
définir
rapidement
la
poursuite
du
travail
et
de
trouver
les
conditions
nécessaires
à
la
formalisation
de
la
démarche
engagée.
4.1
Séances
de
travail
et
colloque
du
mois
de
novembre
Après
notre
départ,
le
groupe
de
travail
s’est
réuni
plusieurs
fois
afin
de
poursuivre
le
travail
engagé
au
mois
de
mai.
L’objectif
de
ces
séances
était
d’approfondir
les
points
abordés
afin
de
préparer
la
semaine
de
travail
qui
va
être
organisée
à
Bogotá
en
novembre
2011.
Ce
séjour
à
pour
objectif
de
poursuivre
le
travail
réalisé
jusqu’à
maintenant.
Il
est
également
prévu
qu’une
charte
soit
signée
par
tous
les
partenaires
impliqués
dans
la
démarche
lors
d’une
journée
de
colloque.
4.2
Adhésion
des
partenaires
au
LIHP
Il
est
essentiel
de
rappeler
ici
que
le
LIHP
lors
de
son
arrivée
à
Bogotá
n’était
constitué
que
de
français
et
d’un
colombien.
Après
la
mission,
les
14
personnes
du
groupe
de
travail
ainsi
que
les
institutions
(Université
Nationale
de
Colombie
et
Université
Santo
Tomas)
ont
adhéré
au
LIHP.
Cette
mobilisation
montre
bien
l’engouement
pour
le
processus
engagé,
qui,
au
début
de
la
mission
était
loin
d’être
garanti.
En
adhérant
au
LIHP,
les
partenaires
ont
accepté
de
devenir
des
chercheurs‐acteurs
du
territoire
d’action
d’Usme.
4.3
La
pérennisation
de
la
démarche
à
travers
les
conventions
Afin
de
pérenniser
l’action
du
LIHP
à
Usme,
une
série
de
conventions
vont
être
signées
avec
les
différents
partenaires
institutionnels
(Université
Nationale
de
Colombie,
Université
Santo
Tomas,
l’entreprise
Metrovivienda,
l’ambassade
de
France
et
l’Agence
Française
de
Développement).
Ces
conventions
devront
définir
les
objectifs,
le
nombre
de
personnes
impliquées,
le
calendrier,
etc.
En
ce
qui
concerne
les
conventions
avec
les
universités,
le
LIHP
ne
peut
pas
devenir
un
simple
support
d’échange
entre
deux
universités
que
ce
soit
pour
les
professeurs
ou
les
étudiants.
L’un
des
objectifs
étant
de
sortir
de
l’institutionnalisation,
ces
échanges
devront
se
faire
impérativement
à
travers
le
processus
engagé
au
sein
du
territoire
d’action
Usme.
Enfin,
pour
éviter
de
dévier
des
objectifs
fixés,
le
groupe
de
travail
s’est
accordé
sur
le
fait
de
valider
le
contenu
de
chaque
convention
avec
l’accord
de
tous
les
partenaires.
166
Recherche,
Recherche‐action,
quelle
place
et
quelle
forme
dans
le
LIHP
?,
2011,
p
5
65
Synthèse
de
la
deuxième
partie
Nous
constatons
dans
cette
partie
que
la
démarche
opérée,
bien
qu’encore
à
ses
débuts,
marque
une
série
de
différences
avec
les
recherches
et
actions
portées
dans
le
champ
de
l’urbain.
Bien
que
le
contexte
paraissait
difficile,
on
s’aperçoit
que
le
LIHP
a
réussi
à
mobiliser
un
certain
nombre
d’acteurs
dans
un
processus
d’habitat
populaire
à
Usme.
«
Paradoxalement
»,
c’est
ce
contexte
à
la
fois
complexe
et
conflictuel
qui
a
permis
de
concrétiser
cette
mobilisation.
Un
autre
constat
s’impose,
la
situation
de
«
crise
»
du
territoire
d’action
et
sa
complexité
oblige
à
y
porter
un
regard
global
et
à
la
fois
d’y
travailler
par
tâtonnement.
Comment
pourrait‐on
arriver
à
Usme
en
prétendant
disposer
d’une
solution
miracle
?
Si
une
solution
est
envisageable,
elle
se
construira
de
manière
collective
dans
le
cadre
du
territoire
d’action
Usme,
avec
un
grand
nombre
de
professions
et
de
disciplines
différentes.
Pour
parvenir
à
cela,
le
LIHP
pense
que
la
recherche‐action
est
l’unique
approche
permettant
d’esquisser
une
solution
à
long
terme
mais
apportera
t‐elle
pour
autant
des
réponses
concrètes
?
66
Partie
III
–
Retour
sur
la
démarche
et
mise
en
perspective
«
L’évaluation
des
connaissances
produites
et
des
actions
engagées
constitue
un
élément
central
de
toute
recherche‐action.
»167
Ce
sera
l’objet
de
cette
partie
qui
tentera
de
retranscrire
une
réflexion
autocritique
sur
la
démarche
engagée
sur
le
territoire
d’action
Usme.
Ce
qui
sera
présenté
ici
ne
correspond
pas
à
une
évaluation
mais
plus
à
un
retour
sur
expérience.
Bien
qu’il
soit
encore
trop
tôt
pour
affirmer
que
la
démarche
réalisée
répond
aux
problèmes
énoncés
en
première
partie
de
ce
mémoire,
cette
partie
s’attachera
à
montrer
en
quoi
l’originalité
de
la
démarche
examinée
en
deuxième
partie
est
porteuse
de
solutions
à
long
terme
pour
le
territoire
d’Usme.
Elle
doit
donc
mettre
en
évidence
les
avancées
réalisées
(1)
mais
aussi
les
difficultés
rencontrées
(2).
Enfin,
elle
exposera
certaines
propositions
pour
l'amélioration
de
la
démarche
entreprise
et
des
pistes
de
réflexion
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme
(3).
Chapitre
1.
Bilan
de
la
démarche
entreprise
Une
démarche
de
recherche‐action
ne
peut
être
évaluée
comme
un
projet.
Il
s’agit
d’apprendre
quelque
chose
à
travers
la
mise
en
œuvre
d’un
processus,
en
l’occurrence,
le
processus
d’habitat
populaire.
Ce
processus
est
«
bien
réel
car
il
modifie
en
profondeur
les
manières
de
raisonner,
percevoir,
agir,
se
positionner
dans
les
rapports
sociaux,
gérer
son
rapport
au
monde,
etc.
»168
Mais
nous
constaterons
ici
que
la
démarche
réalisée
n’apporte
pas
dans
l’immédiat
de
changement
radical,
celui‐ci
ne
pouvant
s’inscrire
que
dans
la
durée.
Bien
que
le
bilan
proposé
ici
s’efforcera
d’être
objectif,
il
repose
toutefois
sur
une
seule
interprétation
de
la
démarche
réalisée
et
ne
peut
donc
pas
constituer
une
évaluation.
1.1 Les
avancées
réalisées
Une
démarche
de
recherche‐action
peut
être
considérée
comme
réussie
dès
lors
qu’il
y
a
«
transformation
de
situations
individuelles
ou
sociales,
production
de
connaissance,
capacité
à
analyser
un
contexte
et
poser
des
enjeux
»169,
c’est
à
dire
lorsque
le
«
dysfonctionnement
»
d’une
situation
a
cessé
et
que
la
réalité
a
été
transformée.
Bien
qu’il
soit
impossible
de
prévoir
si
la
démarche
engagée
à
Usme
fonctionnera
sur
le
long
terme
car
«
la
recherche‐action
occupe
un
temps
long
(3
à
5
ans
minimum),
cela
ne
veut
pas
dire
qu’il
faut
attendre
tout
ce
temps
pour
tirer
bénéfice
de
167
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
83
168
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
6
169
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.
67
la
recherche‐action.
»170
Lors
de
la
démarche,
certaines
avancées
ont
été
réalisées
et
peuvent
d’ores
et
déjà
être
soulignées.
1.1.1
Echanges
et
transformation
des
points
de
vue
L’une
des
principales
difficultés
a
résidé
dans
les
attentes
parfois
différentes
des
acteurs
ayant
des
histoires
culturelles
et
des
habitudes
professionnelles
divergentes.
Cependant,
la
pluridisciplinarité
du
groupe
de
travail
et
la
variété
des
sujets
abordés
n’ont
pas
paru
déranger
les
personnes
présentes.
Ce
qui
a
permis
d’échanger
les
points
de
vue
de
chaque
partenaire
et
d’ouvrir
des
débats
riches
par
leur
contenu
même
si
de
prime
abord,
il
était
difficile
de
percevoir
un
ensemble
cohérent.
Lors
de
la
démarche,
on
a
pu
s’apercevoir
que
l’horizontalité
du
processus
était
également
respectée
ainsi
que
la
dimension
collective.
L’intégration
des
habitants
au
cœur
de
la
démarche
a
largement
participé
à
centrer
les
échanges
sur
le
territoire.
Ils
ont
apporté
une
approche
très
qualitative
qui
venait
compléter
l’approche
«
objet
d’étude
»
des
chercheurs
des
deux
universités.
Comme
cela
a
été
signalé
plus
haut,
il
y
a
eu
une
réelle
mobilisation
de
différents
acteurs
autour
d'un
projet
d’intérêt
général
alors
qu’au
début
de
la
démarche,
il
y
avait
des
contradictions
apparentes.
En
effet,
dès
la
première
séance
de
travail,
les
communautés
d’Usme
percevaient
une
contradiction
entre
la
vision
portée
par
le
LIHP,
à
savoir
un
développement
urbain
d’Usme
et
la
leur
qui
est
d’éviter
à
tout
prix
l’urbanisation
de
leur
territoire
rural.
Mais
au
bout
de
deux
journées
de
travail,
nous
avons
réussi
à
dépasser
cette
contradiction
pour
nous
mettre
d’accord
sur
le
fait
qu’Usme
ne
pourrait
résister
à
l’urbanisation
et
qu’il
fallait
pour
cela
trouver
une
alternative
commune,
celle
de
construire
un
habitat
populaire
à
partir
des
différentes
dimensions
du
territoire
(social,
culturel,
politique,
écologique,
etc.).171
Même
s’il
existe
encore
de
nombreux
points
en
discussion,
il
y
a
eu
une
réelle
conscientisation
des
différents
partenaires
à
ce
sujet
qui
se
sont
efforcés
de
comprendre
la
vision
de
chacun
sur
le
territoire.
En
résumé,
la
démarche
réalisée
jusqu’à
maintenant
fait
du
LIHP
un
espace
de
réflexion
collectif
non
délimité
où
la
pluridisciplinarité
(croisement
des
points
de
vue)
constitue
le
fer
de
lance
de
la
conscientisation
de
chaque
acteur
qui
le
constitue.172
La
conscientisation
des
points
de
vue
et
des
situations
étant
à
l’origine
de
la
production
de
connaissances.
1.1.2
Les
connaissances
produites
Dans
une
démarche
de
recherche‐action,
les
acteurs
impliqués
doivent
apprendre
ce
qu’est
la
recherche.
A
l’inverse,
les
chercheurs
doivent
assimiler
le
langage
des
acteurs
afin
de
cerner
la
170
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
4
Réunion
du
jeudi
5
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
172
ère
Analyse
critique
de
la
1 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
171
68
dimension
opérationnelle
de
la
démarche.
Sur
ce
point,
nous
pouvons
constater
que
le
trio
opéré
‐
communautés
d’Usme
(associations
et
habitants),
les
praticiens
du
LIHP
français
(on
rappelle
ici
que
Metrovivienda
n’a
pas
encore
participé
au
groupe
de
travail)
et
les
chercheurs
des
deux
universités
‐
a
permis
de
mettre
en
place
un
triple
échange
de
connaissance.
Chaque
partie
ayant
un
double
gain
de
connaissances.
Les
communautés
d’Usme,
d’un
côté,
ont
appris
du
langage
et
de
l’exigence
scientifique,
de
l’autre,
elles
ont
appris
de
notre
point
de
vue
d’architecte
et
d’urbaniste
sur
leur
territoire.
De
même,
nous
avons
appris
du
savoir
culturel
et
territorial
des
communautés
et
du
savoir
des
chercheurs,
enfin
les
chercheurs
ont
appris
des
savoirs
des
deux
autres
parties.
L’effort
produit
par
chaque
partenaire
lors
des
réunions
de
travail
à
Bogotá,
notamment
en
terme
de
langage,
a
permis
d’accentuer
les
échanges
de
connaissances.
Cependant,
même
si
un
échange
de
connaissances
s’est
opéré,
il
est
difficile
d’affirmer
qu’il
y
ait
eu
une
production
de
connaissances
complète
car
celle‐ci
est
intimement
liée
à
la
transformation
individuelle
et
sociale
des
acteurs
intégrés
à
la
démarche
qui
ne
s’est
pas
faite
en
totalité.
Nous
avons
pu
constater
néanmoins
que
les
acteurs
ayant
participé
à
la
démarche
ont
accédé
directement
au
savoir
qui
s’est
échangé
lors
des
séances
de
travail.
Le
savoir
apporté
par
les
communautés
n’est
pas
passé
par
des
entretiens
ou
un
questionnaire
réalisé(s)
par
les
chercheurs
et
à
l’inverse,
le
savoir
des
chercheurs
n’a
pas
eu
besoin
de
passer
par
un
produit
fini
tel
qu’un
livre
ou
un
rapport
dont
le
«
décryptage
»
nécessite
parfois
un
opérateur
ou
un
technicien.
De
même,
dans
une
recherche
classique,
les
acteurs
ou
habitants
n’ont
pas
toujours
accès
à
la
méthodologie
et
au
positionnement
politique
de
la
recherche
(enjeux
sous‐jacents
non
dits,
partenariat
géo‐institutionnel,
fonctionnement
de
structure,
etc.)173,
alors
que
tous
ces
points
ont
été
évoqués
lors
des
séances
de
travail.
L’un
des
risques
ici
est
de
vouloir
rendre
la
démarche
trop
opérationnelle,
ce
qui
laisse
place
à
une
production
de
connaissances
limitée.
On
échange
et
produit
des
connaissances
pour
l’action
en
omettant
la
rigueur
scientifique
nécessaire
à
la
démarche.
Les
auteurs
traitant
de
la
recherche‐action
s’accordent
d’ailleurs
à
dire
que
toute
la
subtilité
se
situe
dans
ce
dosage,
entre
scientificité
et
efficacité
de
la
démarche.
1.1.3
Dépassement
de
l’approche
urgentiste
L’urgence
ne
peut
constituer
un
référentiel
pour
l’action
car
celle‐ci
réduit
notre
capacité
à
considérer
un
grand
nombre
de
facteurs
indispensables
à
la
constitution
d’un
réel
habité.
La
«
crise
»
traversée
par
le
territoire
d’Usme
ne
doit
pas
inciter
à
la
prise
de
décision
dans
l’urgence
si
l’on
souhaite
173
Voir
le
tableau
comparatif
entre
recherche‐action
et
recherche
classique,
annexe
3,
p
106
69
s’abstraire
des
solutions
«
clés
en
main
»
et
trouver
des
solutions
pérennes
pour
ce
territoire.
Il
faut
se
donner
le
temps
de
réfléchir
et
d’agir
face
aux
logements
construits
à
la
chaîne
par
Metrovivienda
et
les
promoteurs
immobiliers
qui
répondent
clairement
à
un
besoin
urgent
pour
une
population
pauvre.
La
recherche‐action
est
en
ce
sens
un
bon
moyen
de
sortir
de
ce
cadre
en
refondant
les
priorités
collectivement.
Elle
n’émane
pas
d’une
décision
uniquement
politique
qui
ordonne
la
construction
d’un
certain
nombre
de
logements
en
un
temps
limité.
Bien
que
la
volonté
politique
soit
indispensable,
le
temps
politique
lui,
doit
être
dépassé.
En
ce
sens,
la
recherche‐action
n’est
pas
le
meilleur
moyen
d’accélérer
le
processus
de
prise
de
décision
mais
elle
offre
à
tous
les
partenaires
la
possibilité
de
s’insérer
dans
le
processus
d’élaboration
d’un
habitat
populaire
qui
évolue
au
cours
de
la
démarche
en
fonction
des
besoins
ressentis
et
des
facteurs
à
prendre
en
compte.
L’urgence
de
la
création
de
logements
à
Bogotá
est
bien
présente
mais
il
est
aussi
urgent
de
repenser
le
processus
de
production
de
la
ville,
chose
qui
ne
peut
s’inscrire
que
dans
la
durée.
Avant
d’espérer
transformer
ce
mode
de
production,
il
faut
donc
pouvoir
observer
longuement
les
pratiques,
mais
aussi
les
comprendre
en
interrogeant
les
acteurs
sur
le
sens
de
leur
conduite.
De
toute
évidence,
la
création
d’un
habitat
populaire
à
Usme
nécessite
plus
de
temps
que
ce
qui
est
fait
actuellement.
La
démarche
réalisée
nous
apporte
le
temps
de
réflexion
et
d’action
nécessaire.
Elle
permet
de
conscientiser
les
partenaires
sur
le
fait
que
le
territoire
d’Usme
a
droit
à
un
habitat
de
meilleure
qualité.
Il
est
toutefois
difficile
de
ne
pas
être
pris
par
l’urgence
pour
le
territoire
d’Usme.
Le
représentant
de
l’association
Territorio
Sur
a
insisté
pour
que
le
LIHP
agisse
rapidement
car
le
territoire
est
sous
tension
et
les
habitants
d’Usme
ont
besoin
de
soutien
face
aux
préemptions
de
Metrovivienda.
Le
LIHP
ne
peut
cependant
pas
prendre
la
défense
de
la
population
face
à
Metrovivienda
sans
réfléchir
aux
conséquences
que
cela
entrainerait
pour
la
suite
de
la
démarche.
Cette
forte
attente
des
communautés
d’Usme
oblige
donc
paradoxalement
le
LIHP
à
accélérer
le
processus
car
la
dynamique
populaire
qui
s’opère
actuellement
doit
devenir
le
moteur
de
la
démarche
engagée
à
Usme.
Même
s’il
semble
essentiel
de
faire
face
à
la
demande,
la
démarche
doit
continuer
à
se
définir
par
étapes
successives
et
doit
s’efforcer
de
sortir
de
l’urgence.
1.1.4
Adaptation
de
la
démarche
à
la
complexité
du
territoire
La
démarche
engagée
à
Usme
semble
prendre
une
bonne
direction
en
ce
qui
concerne
l’approche
de
la
complexité
de
la
situation.
Il
y
a
en
effet
un
objectif
général
(construction
d’un
habitat
populaire)
mais
pas
de
méthodologie
fixe,
ce
qui
permet
d’adapter
l’approche
aux
situations
rencontrées.
Au
fur
et
à
mesure
des
rencontres
avec
les
acteurs,
la
stratégie
employée
s’adapte
en
fonction
des
apports
et
des
points
de
vue
de
ceux‐ci,
elle
peut
donc
être
amenée
à
évoluer
rapidement.
Une
méthodologie
d’approche
et
de
recherche
trop
rigide
n’aurait
pas
permis
cette
fluctuation
de
jour
en
jour
et
de
ce
70
fait,
la
démarche
réalisée
a
fait
preuve
jusqu’à
maintenant
d’adaptation
face
à
la
complexité
de
la
situation
du
territoire
d’Usme.
Cette
adaptation
au
schéma
d’acteur
Bogotain
a
également
permis
de
cerner
le
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá.
La
compréhension
de
celui‐ci
est
indispensable
afin
d’esquisser
sa
possible
transformation.
1.1.5
Transformation
du
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
L’arrivée
du
LIHP
dans
le
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
a
modifié
à
très
petite
échelle
l’organisation
de
celui‐ci.
Le
système
actuel
est
représenté
sur
ce
schéma
simplifié
qui
montre
en
partie
les
points
évoqués
en
début
de
ce
mémoire,
à
savoir
la
distance
du
chercheur
avec
l’acte
de
construire
et
la
population.
Le
territoire
n’est
qu’un
simple
objet
d’étude
ou
un
support
à
la
construction
à
la
chaine
de
logements
standardisés.
De
même,
nous
voyons
que
les
acteurs
n’incluent
pas
les
communautés
d’Usme
dans
leurs
actions.
Figure
11
:
Schéma
du
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
avant
l’arrivée
du
LIHP.
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
District
Capital
de
Bogotá,
Metrovivienda
et
promoteurs
immobiliers
Données
Aide
à
la
prise
de
décision
(rapports,
etc.)
Chercheurs
de
l’Université
Nationale
de
Colombie
et
Santo
Tomas
(Réflexion
et
production
de
connaissances)
Actions
(Décisions,
constructions)
Données
Données
Territoire
d’Usme
Rapports
social
et
culturel
Communautés
d’Usme
(associations
et
habitants)
Sur
le
schéma
ci‐dessous,
l’on
s’aperçoit
que
l’arrivée
du
LIHP
et
la
mise
en
place
de
la
démarche
de
recherche‐action
vient
modifier
en
partie
ce
système
à
très
petite
échelle.
Le
territoire
d’action
(ses
problématiques,
ses
spécificités,
son
devenir)
devient
le
centre
des
préoccupations.
Les
communautés
d’Usme
gardent
leur
rapport
social
et
culturel
tout
en
travaillant
et
échangeant
des
connaissances
avec
les
chercheurs
universitaires
de
l’Unal
et
de
la
Santo
Tomas.
Les
chercheurs
universitaires,
habitants
et
associations
intègrent
le
LIHP
et
engagent
un
processus
d’habitat
populaire
à
Usme.
Cependant,
les
chercheurs
universitaires
ne
se
sont
pas
encore
transformés
en
acteur‐chercheur
du
processus
d’habitat
populaire.
De
même,
les
communautés
d’Usme
ne
peuvent
être
encore
71
considérées
comme
chercheur
à
part
entière.
Enfin,
nous
remarquons
qu’il
manque
toujours
le
portage
politique
du
projet
à
savoir
le
District
Capital
de
Bogotá
et
avec
lui
Metrovivienda.
Figure
12
:
Schéma
du
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
après
l’arrivée
du
LIHP.
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
District
Capital
de
Bogotá,
Metrovivienda
et
promoteurs
immobiliers
Action
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire
‐
Usme
Territoire
d’action
Usme
et
construction
d’un
habitat
populaire
Rapports
social
et
culturel
Chercheurs
(Université
Nationale
de
Colombie
et
Santo
Tomas)
Echange
de
connaissances
Communauté
d’Usme
(associations
et
habitants)
Etant
donné
que
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme
passe
nécessairement
par
la
transformation
du
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá,
nous
pouvons
dire
que
le
résultat
constaté
est
encourageant
pour
la
suite
de
la
démarche.
1.1.6
Les
apports
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme
Parallèlement
à
la
transformation
en
cours,
la
démarche
engagée
a
permis
d’approfondir
certaines
caractéristiques
du
territoire
d’Usme
tout
en
en
définissant
de
nouvelles,
ce
qui
nous
oriente
pour
la
suite
du
travail
à
réaliser.
Le
croisement
des
points
de
vue
a
permis
de
mieux
cerner
les
problématiques
et
les
grands
enjeux
du
territoire
bien
que
le
travail
soit
encore
en
cours.
D’autre
part,
même
si
de
grandes
thématiques
ont
été
établies,
le
groupe
de
travail
a
conservé
une
approche
globale
sur
le
territoire.
Cette
approche
nous
a
aidé
à
cerner
la
complexité
du
territoire
et
élargir
le
champ
de
questionnements.
Nous
pouvons
donc
affirmer
qu’une
démarche
de
recherche‐action
peut
contribuer
à
comprendre
un
territoire
et
à
en
tirer
certaines
grandes
caractéristiques
pour
continuer
l’action
engagée.
Nous
détaillerons
en
fin
de
ce
mémoire
les
éléments
qui
ont
émergé
de
ces
séances
de
travail
et
sur
lesquels
nous
devrons
nous
appuyer
pour
construire
un
habitat
populaire
à
Usme.
72
Bien
qu’elle
soit
encore
à
ses
débuts,
nous
avons
pu
observer
dans
cette
partie
que
la
démarche
réalisée
affiche
déjà
certaines
avancées
même
si
celles‐ci
sont
à
relativiser
car
il
est
difficile
de
savoir
si
elles
s’inscriront
dans
la
durée.
D’autre
part,
ces
avancées
sont
parfois
mitigées
et
montrent
des
difficultés
à
passer
certains
obstacles.
1.2
Difficultés,
limites
et
risques
de
la
démarche
1.2.1
L’importance
du
contexte
Le
contexte
fait
partie
intégrante
de
la
construction
d’un
processus
d’habitat
populaire
au
sein
d’un
territoire
d’action.
Pour
le
cas
d’Usme,
le
LIHP
arrive
à
un
moment
stratégique
pour
le
devenir
de
ce
territoire.
Il
ne
suffit
pas
d’arriver
et
de
rencontrer
les
bons
acteurs,
il
faut
arriver
à
un
moment
précis
où
les
acteurs
ont
un
intérêt
concret
à
intégrer
le
LIHP.
Par
exemple,
hormis
un
éventuel
intérêt
financier
vis
à
vis
d’une
organisation
étrangère,
si
l’entreprise
Metrovivienda
n’avait
pas
été
en
conflit
avec
les
communautés
d’Usme
et
certains
propriétaires,
pourquoi
aurait‐elle
été
intéressée
par
le
LIHP
?
De
même
pour
les
communautés
d’Usme.
Cela
vient
renforcer
l’idée
qu’une
démarche
de
recherche‐action
nécessite
une
situation
problématique
pour
pouvoir
fonctionner.
On
pourrait
donc
émettre
l’hypothèse
que
la
démarche
proposée
par
le
LIHP
n’est
valable
qu’au
sein
d’un
territoire
d’action
dont
la
situation
est
problématique
et
où
un
certain
nombre
d’acteurs
ont
intérêt
à
participer
à
une
telle
démarche
qui
demande
une
forte
implication
de
tous
les
partenaires.174
Bien
qu’il
ne
s’agisse
pas
ici
d’une
réelle
difficulté,
il
est
essentiel
de
connaitre
le
contexte
des
différents
territoires
d’action
avant
de
se
lancer
dans
un
processus
d’habitat
populaire.
S’il
n’y
a
pas
préalablement
une
forte
volonté
de
plusieurs
acteurs
à
transformer
une
situation
problématique,
mettre
en
place
un
tel
processus
s’avérera
très
compliqué
voir
impossible.
1.2.2
Le
document
de
travail
d’Usme
Suite
à
la
mission
de
Bogotá,
nous
nous
sommes
aperçu
que
le
document
de
travail
réalisé
en
amont
avait
des
éléments
approximatifs
et
paradoxalement
il
est
apparu
trop
rigoureux
ou
pas
assez
souple
en
termes
d’arguments
chiffrés.
Il
se
rapprochait
trop
d’un
pré‐diagnostic
et
n’offrait
pas
assez
d’ouverture
pour
la
poursuite
du
travail
comme
cela
était
prévu
initialement.
Nous
avons
cherché
à
être
trop
précis
en
essayant
de
trouver
réponse
à
toutes
les
questions
que
nous
nous
posions.
De
même,
l’approche
était
trop
centrée
sur
la
géographie
et
l’urbanisme
et
il
manquait
surtout
des
données
d’ordre
qualitatif,
notamment
sur
les
rapports
social
et
culturel
de
la
population
à
son
territoire.
Cela
peut
s’expliquer
par
le
simple
fait
qu’aucun
travail
de
terrain
n’avait
encore
été
réalisé.
L’approche
qualitative
du
territoire
est
pourtant
essentielle
car
en
deux
semaines
à
Bogotá,
nous
174
Analyse
critique
de
la
2
ème
semaine
de
la
mission
à
Bogotá
73
avons
appris
beaucoup
plus
sur
Usme
qu’en
3
mois
d’étude
à
Saint
Denis.175
La
co‐élaboration
du
document
pendant
la
mission
de
Bogotá
a
également
posé
quelques
problèmes
de
coordination
et
de
perception
(changement
de
point
de
vue),
notamment
entre
les
chercheurs
universitaires
et
les
communautés
d’Usme.
1.2.3
Intégration
de
la
démarche
de
recherche‐action
Comme
nous
l’avons
évoqué
en
première
partie,
la
recherche‐action
n’est
pas
un
processus
facile
à
aborder
et
nécessite
du
temps
afin
d’être
pleinement
assimilée.
Ce
n’est
d’ailleurs
qu’à
partir
de
la
mission
à
Bogotá
que
j’ai
saisi
plus
précisément
ce
qu’était
une
démarche
de
recherche‐action.
Cette
assimilation
est
d’ailleurs
l’une
des
principales
difficultés
constatées
lors
de
la
démarche.
L’intégration
du
processus
de
recherche‐action
au
sein
des
membres
du
groupe
de
travail
a
été
difficile.
Il
s’est
avéré
que
les
personnes
du
groupe
ne
comprenaient
pas
forcément
où
souhaitait
en
venir
le
LIHP
et
proposaient
d’appliquer
leur
propre
méthodologie
comme
par
exemple
le
représentant
de
l’association
Asamblea
Sur176
ou
encore
une
professeure
en
sociologie
de
l’université
Santo
Tomas.
Ils
ont
plusieurs
fois
insisté
sur
le
fait
qu’il
manquait
une
méthodologie
claire
pour
avancer.
Une
des
étudiantes
a
également
exprimé
son
inquiétude
à
la
fin
de
la
mission
car
elle
ne
comprenait
pas
pourquoi
le
LIHP
intervenait
en
Colombie
car
les
colombiens
avaient
déjà
leurs
propres
solutions.
Cette
interrogation
montre
bien
que
la
démarche
est
encore
trop
floue
et
questionne
à
la
fois
la
légitimité
du
LIHP
de
travailler
à
Usme.
Il
est
essentiel
que
tous
les
partenaires
connaissent
«
les
fondements
théoriques
de
la
problématique
«
recherche‐action
»
et
ses
implications
au
niveau
méthodologique
afin
de
pouvoir
juger
du
bien‐fondé
de
la
décision
d’entreprendre
une
telle
démarche
de
préférence
à
une
autre
»177,
chose
qui
n’a
pas
été
faite
à
Bogotá.
Si
les
membres
français
du
LIHP
ne
prennent
pas
le
temps
d’exposer
très
clairement
la
démarche
de
recherche‐action
aux
personnes
souhaitant
intégrer
le
processus,
il
sera
difficile
de
travailler
sur
une
base
commune
et
d’énoncer
les
bons
problèmes.
Afin
d’intégrer
pleinement
la
démarche
de
recherche‐action,
«
tous
les
acteurs
impliqués
doivent
être
associés
dès
le
départ,
à
la
recherche,
coproduire
les
hypothèses,
participer
et
maîtriser
les
diverses
phases
du
processus.
»178
Ce
qui
n’a
pas
été
fait
avec
l’entreprise
Metrovivienda
et
d’autres
acteurs
qui
devront
prochainement
être
intégrés
à
la
démarche.
Ce
décalage
ne
posera
t‐il
pas
des
problèmes
de
compréhension
de
l’action
menée,
des
incompréhensions
dans
l’appréhension
des
problématiques
et
des
sujets
de
discussion
?
175
ème
Analyse
critique
de
la
2 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
Réunion
du
lundi
16
mai,
résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
177
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
99
178
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op.
Cit.,
p
106
176
74
1.2.4
Difficulté
de
gérer
l’articulation
entre
recherche
et
action
Bien
que
l’articulation
entre
recherche
et
action
se
soit
réalisée
de
manière
relativement
équilibrée,
elle
reste
cependant
difficile
à
gérer.
Le
risque
ici
est
de
tomber
d’un
côté
vers
un
espace
de
travail
où
les
discussions
n’arrivent
pas
à
dépasser
le
stade
théorique,
c’est
à
dire
de
se
servir
de
l’action
pour
produire
des
connaissances,
mais
celles‐ci
n’auraient
que
peu
d’impact
sur
la
réalité.
De
l’autre,
c’est
de
chercher
à
rendre
la
démarche
plus
efficace
ou
plus
«
pratique
»
en
voulant
vouloir
agir
dans
l’urgence
face
à
la
situation
problématique
du
territoire
d’Usme.
Cependant,
il
n’est
pas
souhaitable
de
résoudre
les
problèmes
de
ce
territoire
de
façons
dispersées
et
momentanées
car
cela
produirait
peu
de
connaissances
nouvelles
ou
alors
difficilement
transférables.
Il
y
a
également
le
risque
que
Metrovivienda
ne
parvienne
pas
à
intégrer
la
démarche
engagée
car
elle
n’est
pas
aussi
concrète
qu’un
outil
ou
un
dispositif.
De
même,
les
chercheurs
des
deux
universités
peuvent
s’y
désintéresser
à
cause
de
leur
attachement
«
au
résultat
final,
à
ce
qui
est
visible,
à
ce
qui
valorise
leur
position.
»
179
Le
risque
est
donc
de
ne
pas
articuler
action
et
recherche
dans
un
seul
mouvement.
Pour
ces
raisons,
il
est
important
que
«
tous
les
acteurs
et
chercheurs
en
présence
participent
à
l’ensemble
des
phases
de
travail
et
s’approprient
au
fur
et
à
mesure
les
éléments
de
connaissance
produits.
»180
L’articulation
entre
recherche
et
action
dépend
donc
en
partie
de
la
«
nature
»
des
acteurs
qui
constituent
le
groupe
de
travail.
Par
exemple,
les
«
pôles
»
communautés
d’Usme
(associations
et
habitants)
et
Metrovivienda
se
situent
sur
des
plans
différents
et
ont
des
projets
distincts.
L’un
revendique
les
dimensions
paysanne,
ancestrale
et
écologique
de
son
territoire
;
l’autre
a
pour
objectif
de
répondre
quantitativement
dans
les
meilleurs
délais
à
des
besoins
particuliers
à
l’échelle
de
Bogotá.
Rassembler
ces
deux
pôles
autour
d’un
même
projet
est
donc
très
complexe
car
«
ils
ne
constituent
pas,
immédiatement,
des
unités
cohérentes
et
fonctionnelles.
»181
Mais
le
processus
d’habitat
populaire
ne
pourra
être
efficient
que
lorsque
les
communautés
d’Usme
et
l’entreprise
Metrovivienda
se
seront
transformées
en
acteur‐chercheur
du
territoire
d’action
Usme.
De
même
pour
les
chercheurs
universitaires
qui
doivent
devenir
autant
chercheur
qu’acteur.
Lors
de
la
démarche
engagée
à
Usme,
six
groupes
de
travail
ont
été
mis
en
place
par
thématique.
L’objectif
de
ces
groupes
était
de
chercher
les
pistes
de
réflexions
sur
le
territoire
à
travers
leur
thématique.
Mais
n’y
a
t‐il
pas
ici
un
risque
de
voir
cette
action
se
transformer
en
recherche
classique,
179
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
7
BAZIN
Hugues,
Op.
Cit.
181
Recherche,
Recherche‐action,
quelle
place
et
quelle
forme
dans
le
LIHP
?,
2011,
p
6
180
75
avec
les
membres
du
groupe
de
travail
d’un
côté
et
l’objet
d’étude
(le
territoire
d’action)
de
l’autre
?
Il
reste
donc
à
définir
les
moyens
de
«
poursuivre
un
engagement
sur
le
terrain
et
entamer
en
même
temps
des
études
relativement
lourdes»182
qui
est
l’une
des
principales
difficultés
d’une
démarche
de
recherche‐action.
On
risque
en
effet
de
(re)tomber
dans
une
approche
analytique
du
territoire
en
étudiant
les
éléments
qui
constituent
le
territoire
séparément,
il
y
a
ici
une
relation
linéaire
de
cause
à
effet.
Le
fait
de
séparer
les
thématiques
nous
éloigne
de
l’approche
globale
du
territoire
qui
se
résume
à
le
considérer
comme
«
un
système
d’interactions
et
d’événements
plus
que
l’addition
des
éléments
qui
le
composent.
»183
1.2.5
Désinstitutionalisation
des
institutions
et
transformation
des
points
de
vue
Le
LIHP
a
pris
le
point
de
vue
de
l’habitat
populaire,
que
ce
soit
dans
son
sens
politique
ou
à
travers
la
démarche
de
recherche‐action.
Mais
pour
conserver
ce
point
de
vue,
il
est
indispensable
que
les
partenaires
qui
adhèrent
au
LIHP
le
partagent
également,
ce
qui
implique
qu’ils
sortent
de
leur
cadre
de
réflexion
et
d’action
actuel.
On
peut
alors
parler
de
désinstitutionalisation.
Dans
ces
premiers
ouvrages,
Ivan
Illich
a
«
démontré
que
les
«
outils
»
(entendre
par
là
les
«
institutions
»
[…],
passé
un
certain
seuil,
deviennent
contre‐productifs
‐
d’une
«
contre‐productivité
paradoxale
»,
précise‐t‐il,
car
non
voulue
par
leurs
concepteurs.
»184
Bien
qu’il
ne
s’agisse
pas
de
montrer
ici
que
les
institutions
soient
l’unique
problème,
nous
avons
pu
remarquer
au
bout
des
deux
semaines
de
travail
collectif,
que
le
plus
difficile
était
de
faire
sortir
les
acteurs
et
chercheurs
de
leur
cadre
institutionnel.185
Ce
qui
constitue
un
obstacle
important
à
la
transformation
de
la
situation
à
Usme.
Bien
que
des
efforts
aient
été
faits
du
côté
des
chercheurs
comme
du
côté
des
communautés
d’Usme,
il
semble
difficile
d’affirmer
qu’il
y
ait
eu
véritablement
une
transformation
des
points
de
vue.
Si
nous
prenons
l’exemple
de
l’Université
Nationale
de
Colombie,
les
chercheurs
qui
ont
participé
à
la
démarche
ont
toujours
cherché
et
cherchent
toujours
à
établir
une
méthodologie
propre
au
projet
d’habitat
populaire
à
Usme
alors
qu’une
démarche
de
recherche‐action
ne
peut
se
réduire
à
une
«
simple
»
méthodologie.
En
cherchant
à
trouver
le
moyen
de
faire
rentrer
la
démarche
dans
le
cadre
imposé
par
leur
institution,
les
chercheurs
montrent
qu’ils
ont
plus
de
mal
à
sortir
de
leur
cadre
d’action
et
de
réflexion
que
les
communautés
d’Usme
(associations
ou
habitants).186
Mais
bien
que
les
membres
des
communautés
aient
fait
preuve
de
plus
de
volonté,
ils
éprouvent
encore
des
difficultés
à
sortir
de
leur
cadre
idéologique.
A
la
fin
de
la
mission,
les
deux
représentants
des
associations
182
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
5
Voir
le
tableau
comparatif
entre
recherché‐action
et
recherche
classique,
annexe
3,
p
106
184
PAQUOT
Thierry,
La
résistance
selon
Ivan
Illich,
Monde
diplomatique,
janvier
2003
185
Réunion
du
mardi
10
mai,
résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
186
ère
Analyse
critique
de
la
1 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
183
76
Territorio
Sur
et
Asamblea
Sur
considéraient
encore
le
LIHP
comme
un
moyen
de
s’opposer
à
l’urbanisation
d’Usme.
Il
faudra
beaucoup
plus
de
temps
de
travail
collectif
avant
que
s’opère
une
réelle
transformation
des
points
de
vue
qui
passera
nécessairement
par
la
production
de
connaissances.
Cette
dernière
a
commencé
à
se
mettre
en
place
mais
il
semblerait
que
les
partenaires
n’aient
pas
encore
eu
le
temps
d’intégrer
ces
connaissances
dans
leur
cadre
professionnel.
Cette
partie
nous
amène
à
questionner
l’importance
de
la
dés‐institutionnalisation
de
tous
les
partenaires.
Celle‐ci
semble
indispensable
afin
de
dépasser
certains
cloisonnements
ou
problématiques
exposés
en
première
partie
de
ce
mémoire.
En
revanche,
on
ne
peut
la
concevoir
sans
imaginer
un
autre
cadre
d’action
et
de
réflexion
qui
est
celui
du
processus
d’habitat
populaire.
Nous
étudierons
donc
dans
une
prochaine
partie,
la
possibilité
de
s’affranchir
du
cadre
d’action
et
de
réflexion
des
institutions
pour
concentrer
ce
cadre
autours
du
processus
d’habitat
populaire.
1.2.6
Réponse
à
l’ampleur
du
système
de
production
urbain
de
Bogotá
La
recherche‐action
est
le
plus
souvent
appliquée
à
l’éducation,
l’éducation
populaire,
à
la
démocratie
participative,
à
la
santé,
à
l’action
culturelle,
à
la
communication,
c’est
à
dire
avec
des
groupes
de
personnes
et
d’acteurs
relativement
réduits.
En
effet,
Marie
Renée
Verspieren
reconnaît
«
qu’une
recherche‐action
ne
concerne
jamais
le
système
globale
mais
porte
le
plus
souvent
sur
des
micro‐
systèmes.
»187
Cela
nous
oblige
donc
à
nous
demander
si
le
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
peut‐il
être
considéré
comme
un
«
micro‐système
»
ou
un
«
sous‐système
»
?
«
La
recherche‐action
peut
choisir
entre
rester
dans
le
cadre
où
se
posent
les
problèmes
ou
chercher
à
sortir
de
ce
cadre
»188
pour
le
transformer.
En
ce
qui
concerne
le
système
de
production
urbaine
de
Bogotá,
c’est
le
cadre
lui
même
qui
pose
problème,
le
LIHP
est
donc
dans
l’obligation
de
participer
à
la
transformation
de
celui‐ci
dans
l’objectif
de
produire
un
habitat
populaire
à
Usme.
Ce
point
nous
amène
donc
à
penser
les
limites
d’une
telle
démarche
:
Peut‐elle
réellement
s’appliquer
sur
des
projets
de
construction
d’une
ville
comme
pour
le
cas
d’Usme
?
La
démarche
réalisée
jusqu’à
maintenant
s’est
faite
avec
peu
de
personnes,
une
vingtaine
environ,
qu’en
sera
t‐il
lorsque
le
projet
d’Usme
prendra
une
autre
ampleur
?
Lorsque
des
dizaines
d’acteurs
et
institutions
seront
concernées
par
le
projet
?
La
démarche
de
recherche‐action
pourra
t‐elle
concentrer
tous
ces
acteurs
en
les
incitant
à
transformer
leurs
modes
d’action
et
de
réflexion
?
Il
est
pour
le
moment
impossible
de
savoir
jusqu’où
la
démarche
réalisée
pourra
nous
amener.
187
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
97
188
Recherche,
Recherche‐action,
quelle
place
et
quelle
forme
dans
le
LIHP
?,
2011,
p
5
77
La
démarche
engagée
doit
encore
faire
face
à
de
nombreuses
difficultés
mais
il
est
encore
difficile
de
prévoir
comment
la
démarche
va
évoluer
face
à
celles‐ci.
Cependant,
certaines
améliorations
peuvent
être
réalisées,
ce
sera
l’objet
de
la
prochaine
partie.
Chapitre
2.
Perspectives
et
propositions
pour
la
démarche
du
LIHP
à
Usme
Il
est
essentiel
de
se
projeter
dans
l’avenir
afin
de
dépasser
les
difficultés
rencontrées
lors
de
la
démarche.
Ce
chapitre
exposera
donc
dans
un
premier
temps
de
possibles
améliorations
de
la
démarche
et
dans
un
deuxième
temps,
nous
montrerons
certaines
pistes
de
réflexion
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme.
2.1
Comment
poursuivre
le
travail
?
2.1.1
Mise
en
place
d’un
lieu
de
travail
Parallèlement
au
processus
engagé,
il
est
également
important
que
le
LIHP
se
donne
des
moyens
logistiques
pour
développer
la
démarche.
Sur
ce
point,
il
est
indispensable
de
mettre
en
place
un
lieu
de
travail
afin
de
mettre
à
disposition
de
tous
les
membres
du
groupe
de
travail,
les
documents
produits
ou
récoltés,
les
enregistrements
sonores
réalisés
lors
des
séances
de
travail,
etc.
Par
exemple,
les
associations
Asamblea
Sur
et
Territorio
Sur
disposent
de
nombreux
documents
sur
le
projet
de
Metrovivienda
et
sur
Usme
qu’ils
aimeraient
regrouper
et
archiver.189
La
création
d’un
tel
lieu
permettrait
de
faciliter
l’échange
d’informations
entre
les
partenaires
et
constituerait
également
la
mémoire
collective
de
la
démarche
nécessaire
à
toute
analyse
postérieure.
En
plus
d’être
le
«
disque
dur
»
de
la
démarche,
ce
lieu
constituerait
également
l’espace
de
travail
du
groupe
qui
pourrait
s’y
réunir
régulièrement.
En
plus
d’un
lieu
commun
de
travail
à
Bogotá
ou
Usme,
un
réseau
de
communication
devra
être
mis
en
place
afin
de
diffuser
et
d’échanger
les
archives
et
documents.
Sur
ce
point,
le
site
du
LIHP
doit
devenir
une
plate‐forme
numérique
ouverte
à
tous
les
membres
du
groupe
de
travail.
2.1.2
Le
financement
du
projet
Pour
faire
face
à
ce
territoire
d’action
qui
demande
un
travail
considérable,
le
LIHP
devra
nécessairement
renforcer
ses
moyens
humains
et
consolider
sa
situation
financière.
Lors
de
la
mission,
il
a
été
demandé
à
chaque
partenaire
(universités
et
communautés
d’Usme)
d’établir
un
budget
avec
ses
détails
(ressources
humaines,
matérielles,
etc.)
et
un
calendrier
pour
initier
le
travail.
Chaque
partenaire
doit
rechercher
des
financements
pour
débuter
le
projet,
ainsi
l’Université
Nationale
de
189
Réunion
du
lundi
16
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
78
Colombie
dispose
de
bourses
de
recherche
qui
pourraient
permettre
de
financer
au
minimum
une
personne
à
plein
temps
pour
coordonner
le
LIHP
côté
colombien
et
poursuivre
les
pistes
de
recherches.
L’université
Santo
Tomas
s’est
quant
à
elle
proposée
d’apporter
du
matériel,
enfin,
les
communautés
d’Usme
cherchent
également
de
possibles
financements.
Mais
ces
financements
ne
suffiront
pas
à
construire
un
projet
d’habitat
à
Usme.
L’idée
de
créer
un
consortium
a
été
émise
avec
de
possibles
financements
de
l’Agence
Française
de
Développement
(AFD)
et
de
l’Union
Européenne.
Mais
fonder
un
tel
groupement
financier
avec
d’un
côté
le
District
Capital
de
Bogotá
et
de
l’autre
des
financements
étrangers
est‐il
réellement
pertinent
en
vue
de
la
démarche
proposée
?
N’y
a
t‐il
pas
un
risque
de
se
rapprocher
du
partenariat
public
privé
(PPP)
dont
on
connaît
ses
limites
?190
Si
le
processus
est
financé
en
partie
par
ce
type
d’institutions,
la
démarche
du
LIHP
ne
sera
t‐elle
pas
obligée
de
s’aligner
sur
les
principes
de
ces
institutions
qui
ne
correspondent
pas
toujours
aux
exigences
du
LIHP
?
Comme
nous
l’avons
évoqué
précédemment,
il
est
envisageable
que
ces
institutions
changent
leur
point
de
vue
en
prenant
celui
de
l’habitat
populaire
mais
quelle
serait
alors
la
crédibilité
du
LIHP
si
les
«
surcoûts
»
du
projet
induits
par
l’expérimentation
sont
financés
par
l'Union
Européenne
ou
l'Agence
Française
de
Développement
(AFD)
?
Si
l’on
considère
que
la
solution
doit
émerger
du
territoire,
des
financements
extérieurs
permettraient‐ils
de
rendre
l’expérimentation
réalisée
pérenne
?
De
même
pour
la
démarche
du
LIHP,
devra
t‐elle
se
faire
financer
par
ces
institutions
sur
chaque
territoire
d’action
?
Un
financement
local
ne
serait‐il
pas
plus
en
concordance
avec
l’idée
que
le
processus
d’habitat
populaire
doit
être
autonome
et
indépendant
?
La
Colombie
est
un
pays
riche
et
le
District
Capital
de
Bogotá
est
le
moteur
de
cette
richesse
car
il
représente
environ
le
quart
du
PIB
du
pays
soit
plus
de
trois
fois
le
PIB
de
la
Bolivie
ou
de
la
République
Démocratique
du
Congo.
Avec
une
forte
volonté
politique,
le
District
Capital
Bogotá
disposerait
donc
des
moyens
de
porter
une
autre
politique
d’habitat,
de
l’achat
des
terrains
à
leur
viabilisation
jusqu’à
la
construction
qui
est
pour
le
moment
laissée
aux
seuls
promoteurs
immobiliers.
De
même,
pourquoi
ne
serait‐il
pas
envisageable
de
sortir
de
l’accès
à
la
propriété
en
offrant
des
logements
à
la
location
gérés
par
le
District
Capital
?
2.1.3
L'indispensable
intégration
du
District
Capital
de
Bogotá
à
la
démarche
Pour
espérer
trouver
ce
type
de
financement,
il
faut
déjà
intégrer
le
District
Capital
de
Bogotá
dans
le
processus.
Nous
avons
pu
voir
que
le
groupe
de
recherche‐action
constitué
introduit
des
chercheurs,
des
patriciens,
des
usagers
mais
il
manque
désormais
les
décideurs
car
le
LIHP
ne
pourra
porter
seul
la
190
Lire
à
ce
sujet,
HAMEL
Jean
Pierre,
Les
mirages
du
partenariat
public‐privé.
Le
cas
des
municipalités
au
Québec,
Agone
N°38‐39
:
Villes
&
résistances
sociales,
2008
79
volonté
politique
de
ce
projet.
Si
Metrovivienda
et
le
District
Capital
de
Bogotá
n’intègrent
pas
la
démarche,
il
sera
impossible
d’esquisser
la
transformation
du
système
de
production
urbaine
actuel
et
donc
de
construire
un
habitat
populaire
à
Usme.
Mais
pour
cela,
il
faudra
que
l’institution
District
Capital
de
Bogotá
transforme
son
point
de
vue
et
accepte
de
modifier
son
action
à
travers
Metrovivienda.
Le
fait
que
la
population
s’approprie
le
processus
d’habitat
populaire
légitime
en
partie
l’action
menée
par
le
LIHP,
mais
si
les
pouvoirs
publics
de
Bogotá
n’intègrent
pas
la
démarche,
cette
dernière
sera
t‐elle
réellement
légitime
?
En
dehors
du
District
Capital
de
Bogotá,
beaucoup
d’autres
acteurs
devront
être
intégrés
dans
la
démarche
même
s’il
est
encore
trop
tôt
pour
les
définir
précisément.
Il
est
essentiel
de
construire
le
processus
d’habitat
populaire
avec
la
population
déjà
présente
mais
il
est
aussi
indispensable
de
savoir
à
quels
«
types
»
de
populations
les
constructions
seront
destinées.
Sur
ce
point,
rien
n’a
encore
été
évoqué
mais
l’élaboration
d’un
habitat
populaire
à
Usme
ne
pourra
se
faire
uniquement
avec
les
communautés
rurales
d’Usme.
Il
serait
intéressant
d’avoir
le
point
de
vue
d’habitants
des
zones
d’habitat
informel
car
leurs
besoins
sont
peut‐être
différents
de
ceux
évoqués
par
les
communautés
rurales.
2.1.4
Définition
d’une
stratégie
et
clarification
du
projet
général
Il
est
important
de
rappeler
ici
que
le
groupe
de
travail
constitué
à
Bogotá
forme
désormais
le
LIHP
d’Usme
et
bien
que
celui‐ci
intègre
également
des
membres
du
comité
scientifique
français,
il
est
constitué
très
majoritairement
de
partenaires
colombiens.
Ces
partenaires
doivent
donc
devenir
membres
du
LIHP
et
intégrer
le
comité
scientifique
afin
de
participer
à
la
définition
d’une
stratégie
générale
et
d’objectifs.
La
construction
d’une
stratégie
générale
est
indispensable
pour
le
LIHP
afin
de
se
projeter
dans
l’avenir,
s'organiser
et
maîtriser
son
positionnement
stratégique
par
rapport
à
son
domaine
d'action
et
le
système
sur
lequel
il
souhaite
agir.
Le
LIHP
a
une
«
utilité
sociale,
c'est
à
dire
un
rôle
d’agent
de
transformation
de
la
société,
ce
qui
lui
confère
une
responsabilité
publique.
»191
Cependant,
pour
être
agent
de
transformation,
il
doit
garder
une
certaine
autonomie
en
ce
sens
qu’il
doit
disposer
de
la
capacité
de
poursuivre
un
projet
«
en
adaptant
en
permanence
les
moyens
dont
il
dispose
à
la
réalisation
des
objectifs
en
tenant
compte
des
différentes
contraintes,
et
de
leur
importance
à
un
moment
donné.
»192
Mais
cette
autonomie
ne
doit
pas
le
transformer
en
un
«
dispositif
d’expertise
labélisant
les
actions
ou
un
groupement
corporatiste
191
DE
ROSNAY
Joël,
Le
macroscope,
vers
une
vision
globale,
Seuil,
1977,
p
64
DE
ROSNAY
Joël,
Op.
Cit.
192
80
s’interposant
entre
les
pouvoirs
publics
et
les
populations.
»193
Afin
d’éviter
ce
piège,
il
est
nécessaire
de
posséder
un
cadre
de
travail
clair
pour
permettre
à
chaque
membre
du
groupe
de
travail
de
garder
les
objectifs
de
la
démarche
en
tête.
Il
est
donc
essentiel
que
les
membres
français
du
LIHP
tiennent
un
discours
cohérent
et
éclaircissent
le
projet
d’habitat
populaire
à
Usme
afin
que
les
partenaires
colombiens
saisissent
le
sens
de
la
démarche
et
le
but
à
atteindre.
Une
démarche
de
recherche‐action
nécessite
un
objectif
final,
qui
est
déjà
connu
pour
le
cas
d’Usme,
mais
également
des
sous
objectifs
qui
doivent
s’inscrire
dans
une
stratégie
générale.
Bien
que
celle‐ci
soit
en
cours
d’élaboration
comme
nous
avons
pu
le
voir,
elle
reste
pour
le
moment
limitée.
Comme
cela
a
été
évoqué,
bien
que
ce
soit
le
comité
scientifique
du
LIHP
qui
ait
lancé
la
démarche,
il
ne
peut
rester
le
moteur
de
celle‐ci.
La
légitimité
du
LIHP
réside
dans
le
fait
que
c’est
aux
habitants
de
s’approprier
le
processus.
Le
LIHP
d’Usme
et
le
comité
scientifique
sont
à
distinguer
et
il
faut
désormais
réfléchir
aux
possibilités
d’articulation
entre
les
deux
entités.
Le
LIHP
d’Usme
(le
territoire
d’action)
est
le
moteur
du
processus
d’habitat
populaire
mais
les
membres
du
comité
scientifique
français
peuvent
cependant
s’assurer
que
la
démarche
en
cour
correspond
bien
aux
partis
pris
du
LIHP
et
au
respect
du
processus
de
recherche‐action.
Du
fait
de
la
distance,
il
est
de
toute
façon
impossible
que
celui‐ci
soit
le
moteur
de
la
démarche.
Mais
pour
maintenir
une
cohérence
dans
la
démarche,
il
est
essentiel
d’imposer
un
rythme
de
rencontre
soutenu
entre
les
membres
du
comité
scientifique
français
et
le
LIHP
d’Usme,
cela
pourrait
être
tous
les
trois
mois
par
exemple.
A
terme,
le
comité
scientifique
devra
nécessairement
intégrer
des
colombiens
car
il
ne
peut
rester
uniquement
une
entité
franco‐française.
Une
fois
le
District
Capital
de
Bogotá
et
Metrovivienda
intégrés
dans
la
démarche,
il
faudra
expliciter
clairement
aux
partenaires
le
rôle
de
chacun
dans
la
démarche
entreprise.
L’objectif
n’étant
pas
que
tout
se
fasse
dans
le
groupe
de
travail
car
cela
semble
difficilement
envisageable.
Si
un
projet
de
construction
doit
prendre
jour,
pour
un
souci
d’efficacité,
toutes
les
phases
opérationnelles
ne
pourront
être
échangées
et
débattues
au
sein
de
ce
groupe.
Il
n’en
reste
pas
moins
que
celles‐ci
doivent
rester
maitrisées
de
manière
générale
par
le
groupe
de
partenaire.
Si
le
LIHP
souhaite
garder
tous
les
partenaires
mobilisés
depuis
le
mois
de
janvier,
il
devra
s’interroger
sur
le
type
de
plus‐values
qui
puisse
être
attendu
par
ses
partenaires
et
donc
pour
cela,
il
devra
connaître
les
intérêts
et
les
questionnements
de
ses
partenaires
pour
la
démarche
engagée
à
Usme.
Tous
ces
points
devront
être
intégrés
dans
une
charte
ou
une
sorte
de
contrat
d’engagement
collectif
193
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
6
81
lors
de
la
semaine
de
travail
en
novembre
afin
de
pérenniser
le
groupe
de
travail.
Ce
document
devra
également
préciser
les
partenaires
concernés,
les
moyens
humains
et
financiers
nécessaires
à
la
poursuite
de
la
démarche
engagée
et
à
son
développement.
Ce
cadre
est
indispensable
car
avant
que
«
la
base
soit
suffisamment
sûre
et
le
processus
solidement
ancré,
il
est
nécessaire
de
construire
un
cadre
de
travail
en
rédigeant
une
charte
(valeurs)
et
un
protocole
(procédure)
pour
garantir
la
stabilité
du
groupe
et
le
suivi
de
sa
progression.
Il
risque
sinon
de
se
disloquer
sous
les
pressions
extérieures
(économiques,
institutionnelles,
idéologiques,
etc.)
dont
les
logiques
sont
souvent
contraires
au
principe
de
la
recherche‐action
(réciprocité,
coopération,
non‐utilitarisme,
disponibilité,
etc.).
»194
2.1.5
Institutionnaliser
le
territoire
d’action
Usme
Comme
nous
l’avons
vu
précédemment,
le
territoire
d’action
ne
peut
être
qu’un
simple
objet
d’étude
ou
le
support
de
la
construction
d’un
habitat
populaire.
Le
processus
d’habitat
populaire
et
les
différents
partenaires
qui
le
constituent
ne
peuvent
s’articuler
qu’autour
du
territoire
d’action
mais
doivent
au
contraire
travailler
dans
le
cadre
imposé
par
le
territoire
d’action.
Le
Laboratoire
pour
l’Habitat
Populaire
d’Usme
(LHPU)
s’institutionnalisera
seulement
lorsque
tous
les
partenaires
auront
intégré
cette
dimension.
Cela
signifie
que
le
cadre
imposé
est
celui
du
territoire
culturel
et
social
dans
lequel
viendrait
s’inscrire
l’habitat
populaire.
Le
processus
serait
donc
au
plus
prêt
de
la
population
qui
le
guiderait.
Mais
comment
porter
le
territoire
au
cœur
du
processus
de
production
d’un
habitat
populaire
?
Il
faudra
pour
cela
un
engagement
collectif
porté
par
une
volonté
politique
et
notamment
celle
du
District
Capital
de
Bogotá,
qui
devra
s’efforcer
de
penser
et
d’agir
à
travers
un
territoire
culturel
présent
dans
son
territoire
administratif.
Pour
ce
cas
précis,
il
faudra
par
conséquent
tendre
à
la
dés‐institutionnalisation
du
District
et
de
Metrovivienda
afin
d’institutionnaliser
le
LHPU.
2.1.6
Le
nécessaire
dépassement
de
l’expérimentation
La
démarche
de
recherche‐action
engagée
à
Usme
ne
doit
pas
se
transformer
en
«
simple
»
expérimentation,
car
dans
ce
type
de
démarche,
les
connaissances
produites
sont
plus
souvent
bénéfiques
aux
seuls
chercheurs
qu’aux
praticiens
et
l’on
constate
souvent
le
maintient
de
la
distance
des
acteurs
par
rapport
à
la
recherche.
Les
expérimentations
urbaines,
souvent
considérées
à
travers
l’innovation
d’un
objet
architectural
ou
urbain
(une
tour,
un
bloc
de
bâtiments,
etc.),
sont
d’ailleurs
souvent
impulsées
par
certaines
politiques
de
la
ville
qui
n’ont
pas
forcément
intérêt
à
voir
le
système
de
production
de
la
ville
évoluer
radicalement
dans
son
ensemble.
Elles
récupèrent
généralement
ces
expérimentations
en
les
réintégrant
dans
le
système
existant
ce
qui
en
limite
largement
leur
puissance
transformatrice
et
émancipatrice,
l’exemple
du
quartier
de
la
Villeneuve
à
Grenoble
en
est
un
très
bel
194
BAZIN
Hugues,
Questions
fréquentes
sur
la
recherche‐action,
2003‐2007,
p
6
82
exemple.
Felix
Guattari
défend
l’idée
que
«
quelques
expériences
réussies
de
nouvel
habitat
auraient
des
conséquences
considérables
pour
stimuler
une
volonté
générale
de
changement.
»195
Mais
bien
que
l’expérimentation
soit
essentielle
pour
esquisser
de
nouvelles
pistes
de
réflexions
et
d’action,
il
est
indispensable
de
prévoir
les
liens,
et
donc
rapports
de
force,
entre
celle‐ci
et
le
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
dans
son
ensemble.
L’objectif
du
LIHP
n’est
pas
de
produire
des
«
objets
»
expérimentaux
mais
de
transformer
le
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá.
Par
conséquent,
il
ne
sert
à
rien
de
faire
de
l’expérimentation
urbaine
(«
objet
»
architectural
ou
urbain
expérimental)
s’il
s’agit
uniquement
de
penser
comment
celui‐ci
va
s’intégrer
dans
le
système
actuel.
L’expérimentation
urbaine
doit
être
plus
que
révélatrice
des
disfonctionnement
du
système
actuel,
elle
doit
tendre
vers
la
transformation
de
celui‐ci
afin
que
le
système
de
production
urbaine
devienne
lui
même
expérimentation.
C’est
en
partie
pour
cela
qu’on
ne
peut
considérer
l’habitat
populaire
uniquement
dans
son
sens
politique
ou
comme
un
«
objet
»
urbain,
c’est
aussi
un
processus
en
expérimentation.
2.1.7
Théorisation
de
la
transformation
d’un
«
sous‐système
»
Sur
ce
schéma,
nous
voyons
vers
quoi
le
processus
d’habitat
populaire
peut
tendre
bien
que
cela
reste
théorique.
Les
institutions
ont
pleinement
intégré
la
démarche
du
LIHP
et
ont,
au
centre
de
leur
préoccupation,
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme.
Ils
s’opèrent
un
triple
échange
de
connaissances
et
tous
les
partenaires
participent
à
l’action.
Les
chercheurs
universitaires,
les
communautés
d’Usme
et
les
acteurs
de
la
construction
se
transforment
en
chercheurs‐acteurs
du
territoire
d’action.
Chaque
acteur
impliqué
dans
la
démarche
devient
membre
du
LIHP,
le
territoire
d’action
avec
les
différents
partenaires
devient
le
Laboratoire
pour
l’Habitat
Populaire
d’Usme
(LHPU).
Une
partie
du
LIHP
se
mue
en
une
entité
locale,
le
LHPU,
un
processus
populaire
intrinsèquement
lié
au
territoire
qui
concourt
à
la
transformation
du
«
sous
système
»
de
production
et
de
réflexion
urbaine
de
Bogotá.
195
GUATTARI
Felix,
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
16
83
Figure
13
:
Schéma
du
système
de
production
et
de
réflexion
d’un
habitat
populaire
souhaité.
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
Laboratoire
pour
l’Habitat
Populaire
d’Usme
=
Territoire
d’action
District
Capital
de
Bogotá,
Metrovivienda
et
promoteurs
immobiliers
Chercheurs
(Université
Nationale
de
Colombie
et
Santo
Tomas)
Echange
de
connaissances
Processus
d’habitat
populaire
à
Usme
Echange
de
connaissances
Rapport
social
et
culturel
Echange
de
connaissances
Communauté
d’Usme
(associations
et
habitants)
Comme
nous
l’avons
vu
précédemment,
le
recherche‐action
réalisée
a
pour
le
moment
fonctionné
sur
la
transformation
de
«
micro‐systèmes
»,
mais
une
telle
démarche
pourra
t‐elle
transformer
le
système
de
production
de
la
ville
de
Bogotá
?
Si
le
LIHP
parvient
à
transformer
ce
système
à
travers
le
territoire
d’action
Usme,
il
aura
réussi
à
modifier
un
«
sous‐système
»
local
de
production
qui
dépend
de
référentiels
globaux
(urgence,
standardisation,
etc.).
Mais
quelles
conséquences
cela
aurait
t‐il
par
la
suite?
Si
tel
est
le
cas,
on
peut
émettre
l’hypothèse
que
si
cela
est
possible
à
Bogotá
(situation
très
complexe),
cela
peut
fonctionner
dans
la
majorité
des
villes
du
monde
avec
leurs
différents
contextes
et
difficultés.
Et
imaginons
que
la
transformation
de
«
sous‐systèmes
»
sur
plusieurs
continents
se
réalise,
permettra
t‐elle
d’esquisser
la
transformation
d’un
système
porté
aujourd’hui
par
la
mondialisation
et
le
capitalisme
?
La
transformation
souhaitée
par
le
LIHP
ne
passera
t‐elle
pas
nécessairement
par
la
transformation
de
ceux‐ci
?
Sur
ce
point,
Felix
Guattari
considère
que
«
la
société,
la
politique,
l’économie
ne
peuvent
évoluer
sans
une
mutation
des
mentalités,
mais,
d’un
autre
côté,
les
mentalités
ne
peuvent
vraiment
se
modifier
que
si
la
société
globale
suit
un
mouvement
de
transformation.
»196
Toutefois,
les
enjeux
et
les
intérêts
de
certains
viendront
surement
s’opposer
à
une
telle
transformation.
Comment
alors
les
contrer
?
N’est‐ce
pas
là
les
prémices
d’une
lutte
urbaine
?
196
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
15
84
2.1.8
Vers
une
science
de
l’habitat
populaire
?
Dans
sa
thèse
«
la
recherche‐action
dans
les
sciences
de
l’homme
:
portée,
limites
et
perspectives
»197,
Michel
Liu
affirme
que
dans
les
sciences
de
l’homme,
les
méthodes
de
recherche
sont
fortement
conditionnées
par
la
nature
de
l’objet
à
étudier
et
il
en
vient
à
conclure
que
la
rupture
entre
disciplines
est
une
rupture
dans
les
méthodes
d’études.
Si
l’on
considère
«
l’objet
de
l’étude
»,
la
ville
et
plus
précisément
l’habitat
populaire,
sa
complexité
est
telle
qu’il
semble
difficilement
envisageable
d’appliquer
une
méthodologie
rigide
à
celui‐ci.
Il
paraît
donc
essentiel
de
considérer
une
autre
approche
qui
est
celle
de
la
recherche‐action.
Néanmoins,
comme
nous
l’avons
vu
précédemment,
il
n’existe
pas
une
recherche‐action
mais
des
recherches‐actions.
Cela
signifie
qu’une
recherche‐action
doit
être
définie
et
développée
pour
le
seul
processus
d’habitat
populaire.
«
La
configuration
d’une
recherche‐action
varie
selon
la
proximité
de
la
relation
au
terrain,
le
nombre
d’acteurs
impliqués,
l’origine
et
la
nature
des
transformations
engagées.
»198
Lorsque
l’on
observe
l’objectif
du
LIHP,
à
savoir,
engager
un
processus
d’habitat
populaire
à
Usme
pour
plusieurs
centaines
ou
milliers
de
personnes,
cette
recherche‐action
ne
peut
être
que
singulière
de
par
son
ampleur,
son
objectif,
sa
diversité
d’acteurs
et
la
transformation
souhaitée.
Maintenant,
si
nous
prenons
les
conditions
nécessaires
à
l’émergence
d’une
science,
on
observe
«
qu’il
y
aurait,
semble‐t‐il,
deux
conditions
à
remplir
pour
prétendre
à
ce
statut
:
‐
L’existence
d’un
champ,
d’un
objet.
‐
L’existence
d’une
méthodologie
propre.
»199
L’on
ne
pourrait
séparer
ici
«
l’objet
d’étude
»
(habitat
populaire)
de
la
«
méthodologie
»
(recherche‐
action)
car
nous
avons
vu
tout
au
long
de
ce
mémoire
que
l’habitat
populaire
est
lui
même
un
processus
dont
fait
partie
la
recherche‐action.
Il
ne
s’agit
donc
pas
d’un
objet
et
d’une
méthodologie
mais
d’un
seul
processus,
celui
de
l’habitat
populaire.
Cependant,
même
si
ces
deux
conditions
sont
réunies
au
sein
d’un
même
processus,
ne
permettraient‐elles
au
LIHP
d’inventer
sa
propre
science
de
l’habitat
populaire
?
La
création
d’une
discipline
de
l’habitat
populaire
qui
s’affranchirait
de
certaines
structures
de
pensée
et
serait
capable
de
rendre
compte
des
mutations
des
villes
des
sociétés
et
à
travers
le
monde.
197
M.
LIU,
La
recherche‐action
dans
les
sciences
de
l'homme
:
portée,
limites
et
perspectives,
Thèse
de
doctorat
d'Etat
ès
lettres,
septembre
1986,
Institut
d'études
Politiques
de
Paris
198
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Recherche‐action
de
type
stratégique
et
science(s)
de
l’éducation,
Coédition
Contradictions/L’harmattan,
1989,
p
97
199
VERSPIEREN
Marie‐Renée,
Op.
Cit.,
p
6
85
2.2
Vers
quel
habitat
populaire
à
Usme
?
Cette
partie
a
pour
objet
de
retranscrire
de
manière
synthétique
les
différents
éléments
qui
sont
ressortis
lors
des
deux
semaines
de
travail
réalisées
à
Bogotá
mais
également
du
document
d’Usme.
Les
différents
points
évoqués
ici
sont
donc
issus
de
propositions
des
communautés
d’Usme,
des
chercheurs
et
étudiants
des
deux
universités
ainsi
que
des
membres
français
du
LIHP.
2.2.1
Situation
actuelle
du
territoire
d’action
Aujourd’hui,
la
situation
du
territoire
d'action
est
problématique.
Bien
que
la
zone
du
projet
urbain
de
Metrovivienda
s’étende
sur
938
hectares,
un
terrain
de
trente
hectares
se
dégage
par
sa
situation
puisqu’il
se
trouve
proche
du
centre
historique
d’Usme
et
qu’il
couvre
le
site
archéologique.200
Construire
un
habitat
populaire
sur
un
tel
site
rend
l’expérimentation
d’autant
plus
intéressante.
Elle
offre
en
effet
la
possibilité
de
repenser
le
lien
entre
ancêtre
Muisca
et
générations
actuelles
et
futures
d’Usme
à
travers
l’architecture.
De
même,
nous
devons
réfléchir
au
rapport
entre
l’archéologie
et
l’urbanisation,
rapport
qui
a
trop
souvent
tourné
à
l’avantage
de
l’urbanisation
pour
le
cas
de
Bogotá.
Cependant,
ce
terrain
a
déjà
été
racheté
par
Metrovivienda
qui
souhaite
y
construire
3000
logements
sur
22
hectares,
les
8
autres
étant
réservés
à
la
création
d’un
parc
archéologique.
Le
problème
étant
que
l’entreprise
a
déjà
lancé
un
appel
d’offre
dont
la
réponse
était
attendue
à
la
mi‐juillet
2011.
Mais
il
semblerait
qu’aucun
promoteur
n’ait
encore
répondu
à
l’offre.
Cela
peut
s’expliquer
par
la
complexité
du
terrain
car
le
promoteur
est
dans
l’obligation
de
participer
financièrement
à
l’excavation
des
richesses
archéologiques
si
trouvaille
il
y
a.
Un
autre
facteur
semble
être
déterminant,
ces
logements
devant
être
principalement
des
VIS
et
VIP,
les
bénéfices
réalisés
par
les
promoteurs
n’excèdent
généralement
pas
les
4
ou
5%
ce
qui
ne
les
incite
pas
à
s’engager.
Cependant,
s’il
s’avérait
qu’un
promoteur
immobilier
achète
les
terrains,
le
LIHP
ne
pourrait
plus
intervenir
sur
ce
site
et
se
retrouverait
donc
dans
l’obligation
de
travailler
sur
une
autre
zone
des
938
hectares
omettant
ainsi
l’enjeu
du
rapport
entre
l’histoire
ancienne
et
l’urbanisation
contemporaine.
Un
autre
point
important
est
à
souligner
ici,
sur
les
938
hectares
du
projet,
Metrovivienda
n’en
a
acquis
qu’une
centaine,
le
projet
aura
donc
bien
du
mal
à
sortir
de
terre
d’ici
20
ans
comme
cela
était
prévu
initialement.
2.2.2
Sortir
de
la
standardisation
et
de
l’amélioration
par
étape
de
l’habitat
informel
L’échec
et
l’impuissance
des
politiques
publiques
face
au
processus
anarchique
d’urbanisation
du
monde
invoqué
par
l’ONU‐Habitat
ne
doivent
pas
être
généralisés
à
tous
les
pays.
Bien
qu’un
certain
nombre
d’Etats
n’ont
pas
ou
non
plus
la
capacité
de
porter
des
politiques
publiques
fortes
en
matière
de
logement
suite
aux
politiques
d’ajustement
structurel
imposées
par
le
Fond
Monétaire
200
Voir
l’annexe
4,
p
10
et
11
du
document
86
International
(FMI)
dans
les
années
70
et
80,
nous
avons
pu
voir
ici
que
la
Colombie
et
le
District
Capital
de
Bogotá
disposent
des
moyens
de
financer
une
autre
politique
de
l’habitat.
L’on
peut
envisager
une
autre
solution
que
celle
de
l’accession
à
la
propriété.
Bien
que
la
propriété
soit
parfois
perçue
comme
facteur
d’émancipation
ou
de
libéralisation
face
à
la
précarité,
c’est
aussi
pour
le
cas
de
Bogotá,
un
moyen
de
figer
les
classes
sociales
pauvres
loin
du
centre
en
espérant
que
cette
«
liberté
»
leur
enlève
toute
espérance
d’accéder
à
une
vie
meilleure,
car
comme
le
disait
Alexandre
Ribot
en
1908,
«
faire
des
citoyens,
des
propriétaires,
c’est
aussi
faire
des
conservateurs.
»201
Face
à
la
propriété
standardisée
et
à
l’amélioration
de
l’habitat
informel
par
étape
successive,
proposés
par
le
District
Capital
de
Bogotá,
des
alternatives
doivent
être
explorées.
Cela
ne
signifie
par
pour
autant
qu’il
faille
oublier
l’attachement
des
populations
à
leur
habitat
bien
qu’il
soit
par
certains
points
insalubre
afin
d’intégrer
non
l’insalubrité
mais
les
éléments
d’attachement
à
la
définition
d’un
habitat
populaire.
La
construction
d'un
habitat
populaire
à
Usme
peut
s’appuyer
sur
cinq
«
types
d’habitat
»
présents
sur
le
territoire
d’Usme.
Figure
14
:
Tableau
des
différents
types
d’habitat
présents
à
Usme
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
Habitat
informel
ou
récemment
formalisé
du
Construit
historiquement
sur
un
processus
nord
de
la
localité
d’Usme
(Photographie
1)
d’urbanisation
illégale
et
en
auto‐construction
Habitat
rural
Fermes
agricoles
et/ou
d’élevage
Centre
historique
d’Usme
(Photographie
2)
Fondé
sur
un
modèle
urbain
hispanique
Ciudadela
Nuevo
Usme
Architecture
Muisca
(Photographie
3)
Quartiers
construits
par
Metrovivienda
et
les
promoteurs
immobiliers
Possibilité
d’intégrer
certains
éléments
de
l’architecture
Muisca
201
GUERRAND
Roger‐Henri,
La
conquête
inachevée
du
droit
au
logement,
Manière
de
voir,
Monde
Diplomatique,
L’urbanisation
du
monde,
N°
114,
Décembre
2010
–
janvier
2011,
p
69
87
Figure
15
:
Photographies
et
représentation
des
différents
types
d’habitat
à
Usme.
De
gauche
à
droite,
(1),
(2)
et
(3).
Source
:
LIHP
et
Musée
National
de
Colombie,
2011
Comme
cela
a
déjà
été
évoqué,
la
construction
d’un
habitat
populaire
ne
peut
s’appuyer
uniquement
sur
le
passé
à
partir
d’un
savoir
vernaculaire.
Marc
Gossé
souligne
le
fait
que
«
les
cultures
se
livrent
une
lutte
d'identités
permanente
qui
s'exprime
non
seulement
par
des
références
au
passé,
mais
surtout
par
des
processus
récurrents
d'autodétermination
et
de
projection
dans
l'avenir,
à
partir
d'un
présent,
d'une
«
contemporanéité
»
où
coexistent
traces
du
passé
et
projets
potentiels
de
modernité.
»202
La
dimension
prospective
de
l'habitat
populaire
est
donc
aussi
importante.
L’habitat
populaire
se
pense
aussi
et
surtout
à
travers
son
avenir,
ce
que
l’on
veut
construire
afin
de
dépasser
une
situation
problématique.
La
démarche
moderniste
est
dans
ce
sens
intéressante
car
bien
qu’elle
réfute
le
recours
à
la
tradition
et
à
la
référence
historique,
son
rapport
«
à
la
recherche
et
à
l’innovation
par
le
biais
de
l’imagination
et
de
la
raison
pure
»203
est
intéressant.
Il
faudra
donc
également
s’appuyer
sur
certains
modèles
d’habitat
progressistes
qui
existent
à
travers
le
monde.
Le
LIHP
a
d’ailleurs
prévu
d’établir
une
cartographie
mondiale
des
politiques
publiques
en
matière
de
logement
social
qui
ont
réussi
afin
de
disposer
d’un
argumentaire
sur
lequel
appuyer
sa
démarche
sur
ses
territoires
d’action.
Enfin,
le
LIHP
ne
pourra
évidemment
pas
prévoir
de
construire
un
projet
d’habitat
populaire
sur
les
938
hectares
du
projet
de
Bogotá.
Il
faudra
donc
définir
la
taille
du
projet
d’habitat
populaire
pour
qu’il
ait
une
valeur
significative
aux
yeux
du
District
Capital
de
Bogotá
afin
de
montrer
que
la
transformation
opérée
peut
se
faire
à
une
échelle
plus
importante.
Mais
on
peut
également
s’interroger
sur
l’impact
du
projet
s’il
ne
concerne
que
le
site
archéologique
(environ
20
hectares).
Si
le
projet
réussit
et
atteint
ses
«
objectifs
»,
alors
que
les
nouvelles
zones
urbaines
aux
alentours
restent
sur
les
principes
de
développement
urbain
portés
par
Metrovivienda,
quel
est
l’intérêt
aux
yeux
des
communautés
d’Usme
?
Quelle
sera
l’articulation
avec
le
reste
du
projet
?
Le
reste
de
la
ville
?204
202
GOSSE
Marc,
Le
bidonville
:
phénomène
naturel,
œuvre
ou
processus
?,
in
DE
FILIPPI,
Francesca
;
Slum[e]scape,
Alinea,
Firenze,
2009,
pp.
11‐13
203
GOSSE
Marc,
La
crise
mondiale
de
l’urbanisme,
quels
modèles
urbains
?,
Les
annales
de
la
recherche
urbaine,
N°
86,
Développement
et
coopération,
juin
2000,
p
89
204
ère
Analyse
critique
de
la
1 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
88
2.2.3
L’architecture
comme
révélateur
de
la
culture
d’Usme
Nous
avons
vu
que
le
territoire
d’action
devient
le
LHPU
avec
tous
les
partenaires
engagés
dans
le
processus
d’habitat
populaire.
Cela
montre
clairement
que
le
LIHP
s’approprie
la
situation
problématique
du
territoire.
C’est
de
toute
façon
de
cette
situation
et
du
territoire
qu’un
habitat
populaire
émergera.
Par
conséquent,
imposer
un
modèle
urbain
n’intégrant
pas
la
dimension
culturelle
du
territoire
serait
voué
à
l’échec.
Sur
ce
point,
dans
son
ouvrage
«
Le
détour,
pouvoir
et
modernité
»,
Guy
Ballandier
affirme
que
«
toute
pensée
nouvelle
naît
dans
les
formes
anciennes,
déjà
là,
disponibles
;
même
celle
qui
se
veut
initiatrice
de
rupture.
»205
L’architecture
doit
exprimer
les
rapports
de
l’Homme
à
son
environnement.
A
travers
l’architecture,
«
une
population
inscrit
concrètement
ses
valeurs
culturelles
et
ses
pratiques
sociales
dans
son
cadre
bâti.
»206
Pour
élaborer
un
habitat
populaire
à
Usme,
il
faudra
par
conséquent
intégrer
la
complexité
et
les
particularités
culturelles
d’Usme
dans
le
projet
architectural.
Il
faut
réussir
à
montrer
à
travers
le
développement
urbain
d’Usme,
que
celui‐ci
ne
marque
pas
la
fin
d’un
territoire
culturel
mais
qu’au
contraire,
ce
développement
peut
permettre
à
la
population
de
s'approprier
ou
de
se
réapproprier
le
territoire
d’Usme,
et
ce
malgré
une
certaine
transition
du
rural
à
l'urbain.
Felix
Guattari
affirme
que
«
l’être
humain
contemporain
est
fondamentalement
déterritorialisé.
»207
Les
être
humains
n’ont
plus
d’ancêtre
et
il
s’interroge
sur
la
perte
de
la
stabilité
des
repères
portés
par
les
ancêtres
et
les
territoires.
Cette
question
est
essentielle
à
Usme
avec
la
présence
du
site
archéologique
Muisca.
L’archéologue
de
l’Université
Nationale
de
Colombie
a
évoqué
l’importance
que
chaque
pays
ou
chaque
culture
ait
un
lieu
de
mémoire.
Usme
est
pour
lui
un
lieu
essentiel
dans
l’histoire
de
la
Colombie
car
de
nombreuses
cultures
pré‐colombiennes
ont
échangé
leurs
savoir
être
et
savoir
faire
dans
cette
région.
Selon
lui,
le
site
archéologique
doit
se
développer
de
manière
étroite
avec
la
population
d’Usme
car
il
offre
un
potentiel
conséquent
en
matière
d’éducation
et
de
transmissions
des
savoirs.
Le
site
peut
participer
largement
à
la
(re)construction
culturelle
de
ce
territoire
en
faisant
rejaillir
la
culture
Muisca.208
Le
représentant
de
l’association
Casa
Asdoas
nous
a
également
alerté
sur
le
fait
que
le
rapport
entre
une
communauté
et
son
environnement
est
plus
compliqué
que
ce
que
pensent
les
universitaires.
C’est
notamment
vrai
à
Usme
pour
le
rapport
qu’entretiennent
certaines
communautés
avec
l’eau.
205
BALLANDIER,
Guy,
Le
détour,
pouvoir
et
modernité,
Paris,
Fayard,
1985,
266
p
GOSSE
Marc,
La
crise
mondiale
de
l’urbanisme,
quels
modèles
urbains
?,
Les
annales
de
la
recherche
urbaine,
N°
86,
Développement
et
coopération,
juin
2000,
p
88
207
GUATTARI
Felix
:
Pratiques
écosophiques
et
restauration
de
la
Cité
subjective,
Revue
Chimères,
N°
17,
1992,
p
1
208
Voir
l’annexe
4,
p
12
du
document
206
89
Comment
alors
intégrer
cette
dimension
dans
l’architecture
?
Faut‐il
pour
autant
s’inspirer
de
l’architecture
Muisca
?
C’est
à
travers
la
culture
du
territoire
d’Usme
que
l’on
pourra
bâtir
un
habitat
populaire
singulier.
C’est
celui‐ci
qui
permettra
à
la
population
d’Usme
de
penser
et
de
vivre
différemment
son
rapport
au
monde
et
de
ne
pas
se
transformer
en
une
«
simple
»
expansion
urbaine
de
Bogotá.
2.2.4
Conservation
des
terres
agricoles
?
Bien
que
le
territoire
d’Usme
soit
majoritairement
rural,
il
comporte
également
une
zone
urbaine
où
vivent
plus
de
350
000
habitants
au
nord
de
la
localité.209
Le
leader
des
communautés
rurales
d’Usme
défini
d’ailleurs
les
paysans
d’Usme
comme
des
paysans
de
la
ville.
La
compréhension
de
ce
territoire
passe
donc
nécessairement
par
une
réflexion
sur
la
complémentarité
ville‐campagne
de
ce
territoire.
Le
sol
d’Usme
est
très
fertile
et
produit
une
nourriture
de
qualité.
Les
communautés
rurales
souhaitent
absolument
préserver
l’agriculture
à
Usme
et
propose
pour
cela
d’élaborer
une
plateforme
agricole
(agropolis)
pour
Bogotá
qui
pourrait
constituer
un
pôle
d’activité
important
à
Usme.210
La
mise
en
place
de
cette
agropolis
permettrait
éventuellement
d’augmenter
la
productivité
des
surfaces
cultivables
sans
pour
autant
les
étendre,
réduire
la
main
d’œuvre
ou
utiliser
plus
d’intrants
chimiques.
Bien
que
cette
dimension
soit
importante
pour
les
communautés
rurales
d’Usme,
elle
a
ses
limites
car
selon
leur
leader,
tous
les
paysans
veulent
une
maison
avec
un
terrain
pour
cultiver.
Mais,
est‐il
envisageable
d’offrir
à
des
centaines,
voir
des
milliers
de
personnes
cette
possibilité
alors
que
près
d’un
million
de
logements
devra
être
construit
dans
le
district
de
Bogotá
d’ici
40
à
50
ans
?
L’articulation
entre
l’agriculture
et
l’urbanisation
est
véritablement
un
enjeu
de
première
importance
pour
ce
territoire
mais
il
est
difficile
de
dire
s’il
est
possible
d’y
répondre.
2.2.5
Prise
en
compte
de
l’environnement
La
présence
de
systèmes
écologiques
exceptionnels
tel
que
le
páramo
de
Sumapaz
–
le
plus
grand
du
monde
‐
est
un
paramètre
indispensable
à
prendre
en
compte.
Si
le
développement
urbain
d’Usme
s’opère
très
rapidement,
cela
incitera
les
agriculteurs
à
déplacer
leurs
cultures
vers
les
hauteurs
d’Usme,
c’est
à
dire
vers
le
páramo
de
Sumapaz
qui
est
un
parc
naturel
national.
Cette
situation
est
paradoxale
car
les
agriculteurs
vont
être
amenés
à
détruire
les
parties
les
plus
basses
du
páramo
malgré
leur
attachement
à
leur
environnement.
Faut‐il
alors
garder
des
surfaces
agricoles
importantes
209
Voir
l’annexe
4,
p
14
du
document
Réunions
du
mardi
3
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
210
90
à
Usme
?
Cela
obligerait
à
construire
de
manière
très
dense
sur
le
reste
du
territoire
pour
pouvoir
accueillir
une
importante
population.
Selon
un
géographe
de
l’Université
Nationale
de
Colombie,
la
région
sud
de
Bogotá
(localité
d’Usme
et
de
Sumapaz)
dispose
d’énormes
réserves
hydriques
qui
ne
représentent
aujourd’hui
que
4%
de
l’approvisionnement
en
eau
potable
de
Bogotá
mais
qui
pourraient
représenter
jusqu’à
40%
de
celui‐ci
en
2050.211
Ces
réserves
suscitent
donc
de
forts
intérêts
de
la
part
de
la
ville
de
Bogotá
mais
aussi
de
grands
groupes
privés.
La
population
d’Usme
n’a
donc
pas
uniquement
un
rapport
culturel
à
l’eau
mais
aussi
un
rapport
politique
à
celle‐ci.
Enfin,
cette
ressource
est
à
prendre
en
considération
dans
sa
dimension
écologique.
Beaucoup
de
cours
d’eau
de
Bogotá
ont
été
modifiés
par
l’urbanisation
(terrassement)
et
ils
sont
aujourd’hui
très
pollués.
L’eau
du
Rio
Tunjuelo
par
exemple,
est
de
très
bonne
qualité
lorsqu’elle
travers
le
territoire
d’Usme
mais
très
polluée
lorsqu’elle
arrive
dans
la
plaine
de
Bogotá.212
Cela
est
en
partie
dû
à
l’infiltration
de
produits
chimiques
dans
les
sols
du
bassin
Tunjuelo.213
Ceux‐ci
proviennent
de
la
décharge
de
Bogotá
située
à
proximité
du
cours
d’eau
sur
la
localité
de
Simon
Bolivar.
Le
rejet
d’eaux
usées
dans
le
cours
d’eau,
qui
s’explique
par
la
faiblesse
du
réseau
d’assainissement
à
Usme,
participe
également
à
sa
pollution.
De
plus,
les
nombreuses
quebradas
(ruisseaux
encaissés)
présentes
sur
le
territoire
doivent
être
intégrées
dans
le
projet
et
ne
peuvent
être
uniquement
considérées
comme
un
risque
d’inondation.
D’autres
problèmes
environnementaux
sont
également
à
prendre
en
compte.
Le
territoire
d’Usme
est
semé
de
petits
parcs
miniers
destinés
à
la
production
de
matériaux
de
construction
(chircales).
Leur
exploitation
illégale
entraine
la
déforestation
de
la
localité
mais
également
l’accélération
de
l’érosion
des
sols.
Ce
point
est
très
sensible
car
les
chircales
représentent
également
une
source
de
revenu
pour
les
populations
d’Usme
les
plus
vulnérables
économiquement.
De
même,
la
topographie
est
très
marquée,
ce
qui
oblige
à
intégrer
les
constructions
au
paysage
avec
des
hauteurs
de
bâtiments
réduites
(2
à
3
étages).214
Enfin,
les
sols
d’Usme
sont
très
meubles
ce
qui
pose
des
problèmes
d’ingénierie.
Tous
ces
points
conditionnent
déjà
largement
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme.
2.2.6
Que
faire
face
à
la
stratification
des
classes
sociales
de
Bogotá
?
Bogotá
est
une
ville
riche
mais
la
majorité
de
sa
population
dispose
de
revenus
modestes
voir
très
réduits.
Le
district
s’appui
d’ailleurs
sur
une
stratification
sociale
qui
va
de
la
classe
1
à
la
classe
6.
211
Journée
de
travail
du
vendredi
6
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
Journée
de
travail
du
jeudi
5
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
213
Journée
de
travail
du
vendredi
6
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
214
ème
Analyse
critique
de
la
2 semaine
de
la
mission
à
Bogotá
212
91
Celle‐ci
s’appui
majoritairement
sur
la
qualité
physique
de
l’habitat.
Les
plus
pauvres
(habitat
précaires,
bidonvilles)
constituent
les
classes
1
et
2
(très
majoritairement
situées
au
sud
de
Bogotá)
et
les
riches
(villa,
appartements
luxueux)
forment
les
classes
5
et
6
(principalement
situées
au
nord
de
Bogotá).
Usme
étant
constitué
à
99%
des
classes
1
et
2.215
Ce
facteur
nous
oblige
à
penser
quels
«
types
»
de
population
seront
amenés
à
y
vivre.
Comme
cela
a
été
évoqué,
un
habitat
populaire
ne
peut
être
considéré
comme
celui
du
«
pauvre
».
Dans
son
essai
situation
III
de
1949,
Jean
Paul
Sartre
écrivait,
«
en
France,
le
quartier
riche
protège
les
riches
contre
les
pauvres
;
le
quartier
pauvre
nous
met
à
l’abri
du
dédain
des
riches.
»216
Comment
doit‐on
interpréter
cela
?
Cette
simple
phrase
met
en
avant
tout
le
paradoxe
de
la
mixité
sociale.
Faut‐il
imposer
de
la
mixité
sociale
à
Usme,
est‐ce
tout
simplement
envisageable
?
Si
l’on
écoute
une
habitante
d’un
quartier
conçu
par
Metrovivienda,
cela
semble
nécessaire
car
la
concentration
d’une
population
socialement
fragile
dans
ces
quartiers
fait
que
de
nombreux
problèmes
sociaux
s’y
développent.217
Sur
ce
point,
l’entreprise
Metrovivienda
est
impuissante218
car
son
directeur
nous
a
affirmé
que
les
classes
moyennes
de
Bogotá
(strates
3
et
4)
ne
veulent
pas
vivre
dans
un
quartier
de
logements
d’intérêt
prioritaire
ou
social
(VIS
et
VIP219).
Dans
tous
les
cas,
si
le
LIHP
construit
un
habitat
populaire
uniquement
pour
les
classes
pauvres
de
Bogotá,
il
perdra
sa
dimension
d’habitat
pour
tous.
Il
faudra
donc
nécessairement
réfléchir
aux
moyens
de
lutter
contre
la
ségrégation
socio‐spatiale
que
connaît
ce
territoire.
2.2.7
La
question
du
travail
à
Usme
Un
habitat
populaire
ne
peut
être
conçu
sans
penser
aux
activités
qui
le
feront
vivre.
Il
est
donc
essentiel
de
réfléchir
aux
types
de
travails
qui
pourraient
être
développés
à
Usme.
La
très
grande
majorité
des
activités
présentes
à
Usme
sont
des
petites
entreprises
de
moins
de
10
employés
et
un
grand
nombre
d’emplois
est
informel.
Il
n’y
a
pas
de
grands
secteurs
d’emplois
sur
ce
territoire
pourtant
enclavé
géographiquement
par
rapport
à
Bogotá.
Une
part
importante
de
la
population
est
donc
obligée
d’aller
travailler
dans
le
centre
ou
le
nord
de
Bogotá
en
tant
que
femme
de
ménage
ou
dans
le
secteur
de
la
construction
pour
les
hommes.
Ce
qui
induit
des
temps
de
transport
quotidiens
de
deux
à
trois
heures.220
Cet
isolement
doit
nous
amener
à
réfléchir
sur
la
possible
indépendance
que
peut
avoir
ce
territoire
vis
à
vis
de
Bogotá
en
termes
d’activité.
La
mise
en
place
d’une
agropolis
permettrait
d’exploiter
de
manière
plus
intensive
un
sol
très
fertile
en
développant
une
filière
de
vente
avec
les
marchés
de
Bogotá.
L’activité
des
chircales
peut
éventuellement
être
repensée
et
mieux
contrôlée
afin
de
produire
localement
les
matériaux
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
215
Voir
l’annexe
4,
p
18
du
document
SARTRE
Jean
Paul,
Situations
III,
La
ville
américaine,
1949,
p
116
217
Journée
de
travail
du
vendredi
6
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
218
Réunions
du
mardi
10
mai,
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
219
Vivienda
de
Interes
Social,
logement
d’intérêt
social
et
Vivienda
de
Interes
Prioritario,
logement
d’intérêt
prioritaire
220
Voir
l’annexe
4,
p
17
et
18
du
document
216
92
Usme.
La
production
d’eau
potable
provenant
du
páramo
de
Sumapaz
serait
également
un
point
à
approfondir.
De
nombreuses
activités
sont
envisageables
et
il
faudra
de
toute
manière
en
prévoir
suffisamment
pour
les
dizaines
de
milliers
de
futurs
habitants
d’Usme.
Une
ville
populaire
ne
peut
se
construire
sans
penser
son
rapport
à
la
production
et
au
travail.
Synthèse
de
la
troisième
partie
Il
reste
encore
beaucoup
de
travail
avant
que
le
processus
d’habitat
populaire
engagé
porte
véritablement
ses
fruits.
Mais
la
démarche
réalisée
a
apporté
quelques
avancées
qui
nous
ont
permis
d’approfondir
certains
partis
pris
du
LIHP.
Parallèlement
à
cela,
nous
constatons
que
beaucoup
d’éléments
du
territoire
sont
ressortis
lors
de
la
démarche.
Ceux‐ci
constituent
d’ores
et
déjà
des
pistes
de
réflexions
sur
lesquelles
le
processus
d’habitat
populaire
doit
s’orienter
afin
de
construire
un
habitat
singulier
pour
la
population
d’Usme.
93
Conclusion
Mon
apprentissage
se
termine
mais
le
LIHP
continue
d’avancer,
d’explorer.
Il
me
faudra
donc
transmettre
les
connaissances
acquises
lors
de
cette
expérience
à
l’étudiant
qui
viendra
me
remplacer.
Car
l’objectif
du
LIHP
est
aussi
celui
d’offrir
une
autre
vision
de
la
ville.
Plus
les
visions
sur
celle‐ci
seront
ouvertes
et
diverses,
plus
les
possibilités
d’appréhender
la
«
crise
»
de
la
ville
seront
nombreuses.
Si
cette
ouverture
pouvait
être
apportée
à
chaque
étudiant
en
urbanisme
ou
en
architecture,
ceux‐ci
essaieraient
peut‐être
de
construire
différemment
la
ville
à
côté
des
habitants
et
des
élus.
Face
à
l’arrivée
de
deux
milliards
d’êtres
humains
dans
nos
villes
d’ici
30
à
40
ans,
il
est
indispensable
de
multiplier
les
expériences
dans
les
domaines
de
l’action
et
de
la
recherche
urbaine.
Le
processus
d’habitat
populaire
qui
s’appuie
sur
un
parti
pris
politique
fort
et
une
démarche
de
recherche‐action
peu
courante
dans
le
domaine
de
l’urbain
constituent
l’une
de
ces
expériences.
Néanmoins,
ce
n’est
pas
l’option
la
plus
simple
car
elle
demande
un
certain
nombre
d’exigences
idéologiques
et
pratiques.
Le
LIHP
n’a
pas
de
solution
miracle
mais
il
s’efforce
de
considérer
le
problème
de
la
ville
différemment,
de
construire
des
solutions
sur
d’autres
«
référentiels
»
que
ceux
existants
en
définissant
l’habitat
populaire
comme
un
processus.
Nous
avons
pu
constater
que
la
démarche
engagée
à
Usme
a
offert
quelques
éléments
de
réponse.
Une
transformation
à
petite
échelle
a
bel
et
bien
été
opérée
dans
le
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
même
si
celle‐ci
reste
à
conforter
et
à
approfondir.
A
travers
cette
transformation,
le
LIHP
a
montré
qu’il
était
possible
de
répondre
collectivement
à
la
«
crise
»
traversée
par
le
territoire
d’Usme
bien
qu’il
soit
encore
trop
tôt
pour
affirmer
si
cette
«
crise
»
pourra
être
dépassée.
Il
est
encore
plus
difficile
de
percevoir
quel
pourrait
être
l’impact
de
cette
démarche
à
une
échelle
plus
importante.
Si
la
démarche
était
amenée
à
réussir
à
Usme,
cela
ne
signifie
en
rien
qu’elle
parviendra
à
construire
un
habitat
populaire
au
sein
d’un
autre
territoire
d’action.
De
même,
si
elle
ne
fonctionne
pas
à
Usme,
ce
type
de
démarche
évolutive
doit
être
essayée
et
réessayée
au
sein
d’autres
territoires
d’action
car
le
processus
d’habitat
populaire
ne
pourra
être
que
différent
selon
les
contextes
et
les
spécificités
des
territoires.
Dernièrement,
la
population
d’Usme
s’est
engagée
plus
profondément
dans
la
démarche
et
elle
semble
s’approprier
le
processus
d’habitat
populaire
à
Usme.
Cet
engouement
laisse
penser
que
la
démarche
devient
un
processus
populaire
car
elle
n’est
pas
guidée
par
le
District
Capital
de
Bogotá
ou
une
institution
particulière.
Ce
point
est
essentiel,
car
le
LIHP
n’a
de
légitimité
qu’à
travers
la
94
population
qui
le
constitue.
Une
partie
du
LIHP
doit
d’ailleurs
se
muer
en
Laboratoire
pour
l’Habitat
Populaire
d’Usme
(LHPU)
car
le
territoire
d’action
constitue
désormais
le
laboratoire.
Bien
que
le
territoire
d’action
ait
été
«
activé
»
depuis
peu
de
temps,
il
a
permis
au
LIHP
d’approfondir
certains
partis
pris.
Nous
pouvons
remarquer
qu’entre
le
parti
pris
politique
de
l’habitat
populaire
exposé
en
première
partie
de
ce
mémoire
et
ce
qui
a
été
présenté
par
la
suite,
une
évolution
s’est
opérée.
L’habitat
populaire
n’est
plus
un
«
simple
»
parti
pris
politique
mais
il
est
devenu
un
processus.
Par
conséquent,
il
ne
peut
avoir
de
définition
à
proprement
parler
car
chaque
territoire
selon
ses
spécificités
et
son
mode
d’élaboration
construira
un
habitat
populaire
singulier.
C’est
en
avançant
par
étape
successive
que
l’on
voit
un
chemin
se
tracer.
L’émergence
d’un
nouvel
acteur
comme
le
LIHP
n’est
pertinente
que
si
ce
chemin
est
différent
de
ceux
qui
existent
déjà.
Dans
ce
sens,
le
LIHP
cherche
à
bouger
les
lignes
ou
frontières
qui
existent
dans
les
champs
de
la
production
et
de
la
réflexion
urbaine
qui
n’offrent
aujourd’hui
que
peu
de
solutions
face
à
la
«
crise
»
de
la
ville.
Une
démarche
de
recherche‐action
est
insaisissable
et
pourtant
elle
construit
de
manière
très
concrète
un
chemin
qui
mène
à
des
objectifs
importants
comme
l’on
peut
l’apercevoir
pour
le
cas
d’Usme.
Bien
sûr,
le
chemin
laissé
ne
pourra
être
intelligible
que
dans
quelques
temps.
Le
LIHP
ne
peut
donc
pas
être
considéré
comme
une
dynamique.
C’est
un
mouvement
en
perpétuelle
construction
qui
ne
se
revendique
d'aucune
mouvance
ou
courant
dans
les
domaines
de
l’action
et
de
la
recherche
urbaine.
En
ce
sens,
le
discours
du
LIHP
peut
émettre
un
certain
trouble
car
il
est
toujours
en
construction,
et
seul
les
territoires
d’action
pourront
venir
l’éclaircir.
Enfin,
le
LIHP,
en
plus
d’être
en
mouvement,
doit
devenir
un
espace
propice
à
la
pensée
politique
et
à
l’action,
un
espace
dans
lequel
il
est
possible
de
concevoir
et
de
poursuivre
des
alternatives
en
vue
de
transformer
une
situation.
La
démarche
engagée
à
Usme
laisse
cependant
nombre
d’interrogations.
L’ampleur
du
projet
demande
énormément
de
moyens
humains,
financiers,
politiques,
etc.
Tout
reste
à
définir
et
notamment
l’engagement
de
tous
les
partenaires
dans
le
processus
d’habitat
populaire
d’Usme.
Si
la
démarche
menée
à
Usme
reste
sur
cette
dynamique,
la
transformation
d’une
partie
du
cadre
de
production
et
de
réflexion
urbain
de
Bogotá
devrait
s’accélérer.
Cela
permettrait
d’approfondir
certains
partis
pris
du
LIHP,
comme
par
exemple,
le
fait
qu’un
territoire
d’action
se
transforme
en
Laboratoire
pour
l’Habitat
Populaire
dès
lors
qu’un
chercheur‐acteur
collectif
travaille
à
sa
transformation.
Permettons
nous
d’imaginer
que
le
LIHP
devienne
un
mouvement
populaire
sur
plusieurs
territoires
d’action
‐
un
par
continent
par
exemple
‐,
dont
le
processus
d’habitat
populaire
qui
y
serait
engagé
serait
porté
par
la
population.
95
Pour
le
LIHP,
la
résolution
de
la
«
crise
»
de
la
ville
passera
nécessairement
par
la
résolution
de
la
«
crise
»
de
l’habitat
populaire.
Celui‐ci
ne
peut
être
considéré
comme
un
«
simple
»
objet
urbain,
il
est
au
contraire
un
processus
qui
se
construit
dans
la
durée.
Accepter
le
fait
que
la
résolution
de
la
«
crise
»
de
la
ville
ne
pourra
se
faire
à
travers
des
actions
ciblées
et
limitées
dans
le
temps
est
déjà
un
élément
fort.
Mais
affirmer
que
celle‐ci
ne
pourra
se
résoudre
qu’au
travers
d’un
processus
populaire
qui
construira
son
propre
habitat
est
fondamental.
Emettre
cette
idée,
c’est
accepter
que
seule
la
population
peut
répondre
à
cette
«
crise
»,
bien
sûr
avec
l’appui
des
architectes,
urbanistes,
élus,
etc.
L’habitat
populaire
énoncé
comme
processus,
c’est
également
accepter
que
le
processus
de
construction
d’une
ville
est
la
ville
elle
même.
Cela
va
dans
le
sens
de
Martin
Heidegger
qui
affirmait
dans
son
ouvrage
«
Bâtir,
Habiter,
Penser
»,
qu’«
habiter
et
bâtir
sont
l’un
à
l’autre
dans
la
relation
de
fin
et
de
moyen.
Seulement,
aussi
longtemps
que
notre
pensée
ne
va
pas
plus
loin,
nous
comprenons
habiter
et
bâtir
comme
activités
séparées,
ce
qui
exprime
sans
doute
quelque
chose
d’exact
;
mais
en
même
temps,
par
ce
schéma
fin‐moyen,
nous
nous
fermons
l’accès
des
rapports
essentiels.
Bâtir,
voulons‐nous
dire,
n’est
pas
seulement
un
moyen
d’habitation,
une
voie
qui
y
conduit,
bâtir
est
déjà,
de
lui‐même,
habiter.
»221
Cela
voudrait
donc
dire
que
ce
n’est
pas
la
ville
en
tant
«
qu’objet
finit
»
qui
est
en
«
crise
»
mais
la
manière
dont
nous
la
pensons
et
la
construisons.
C’est
donc
dans
la
capacité
qu’auront
les
Hommes
à
comprendre
le
passé
de
leurs
villes
pour
agir
sur
leur
avenir
que
la
«
crise
»
de
la
ville
pourra
être
résolue.
De
la
même
manière,
faire
bâtir
la
ville
par
l’ensemble
de
ses
concitoyens
est
la
condition
sine
qua
non
pour
que
les
êtres
humains
vivant
dans
ces
immenses
et
si
nombreuses
zones
urbaines
réductrices
de
quotidiens
redeviennent
habitants.
Espérons
que
le
processus
d’habitat
populaire,
en
interrogeant
ce
chemin,
puisse
trouver
des
éléments
de
réponses
intéressants.
221
HEIDEGGER,
Martin
;
Bâtir,
Habiter,
Penser,
in
Essais
et
conférences,
Paris,
Gallimard,
1958
96
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Ouvrages
DAVIS
Mike,
Le
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des
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2006,
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Jean‐Pierre,
Une
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contemporaine,
Essais
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la
ville,
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‐
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l’effacement
des
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Marseille,
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2010,
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pour
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323
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ROSNAY
Joël,
Le
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http://atheles.org/agone/revueagone/agone38et39/index.html
Villes
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http://ville‐developpement.org/centre‐documentation/bulletins‐et‐lettres/201‐villes‐en‐developpement‐
nd046‐villes‐du‐nord‐villes‐du‐sud‐quelle‐formation‐quelle‐recherche‐francis‐godard‐direction‐de‐laction‐
incitative‐ville
Les
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la
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N°
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Développement
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juin
2000
Urbanisme,
Le
centre
commercial
contre
la
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?,
N°
377,
mars‐avril
2011
Articles
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BAZIN
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la
recherche‐action,
2003‐2007,
16
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Document
disponible
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recherche‐action.fr/doc/Questions‐en‐recherche‐action.pdf
GUATTARI
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Cité
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N°
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1992,
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GARNIER
Jean‐Pierre,
La
volonté
de
non‐savoir,
Agone
N°38‐39
:
Villes
&
résistances
sociales,
2008
CRIEKINGEN
Mathieu,
Comment
la
gentrification
est
devenue,
de
phénomène
marginal,
un
projet
politique
global,
Agone
N°38‐39
:
Villes
&
résistances
sociales,
2008
97
HAMEL
Jean
Pierre,
Les
mirages
du
partenariat
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Le
cas
des
municipalités
au
Québec,
Agone
N°38‐39
:
Villes
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2008
TALERCIO
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Un
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exemplaire
à
Ouaga
(Burkina
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Agone
N°38‐39
:
Villes
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2008
GOSSE
Marc,
Le
bidonville
:
phénomène
naturel,
œuvre
ou
processus
?,
in
DE
FILIPPI,
Francesca
;
Slum[e]scape,
Alinea,
Firenze,
2009,
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GOSSE
Marc,
La
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mondiale
de
l’urbanisme,
quels
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Les
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la
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86,
Développement
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2000,
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PAULAIS
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Document
disponible
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internet,
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l’AFD.
http://www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/PORTAILS/SECTEURS/DEVELOPPEMENT_URBAIN/doc/Recherche/le‐defi‐
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DURAND‐LASSERVE
Alain,
Les
relations
entre
chercheurs
et
professionnels,
revue
ville
en
développement,
N°
46,
1999
MOYA
Luis,
Vitesse
et
lenteur
dans
la
construction
de
la
ville,
Urbanisme,
N°
377,
mars‐avril
2011
Rapports
UN‐HABITAT
:
The
challenge
of
slums:
global
report
on
human
settlements,
Nairobi,
2003
UN‐HABITAT
:
World
urbanization
prospects.
The
2007
revision
population
data
base,
New
York,
2008
Productions
du
LIHP
Document
de
travail
Usme,
2011
Recherche,
recherche‐action,
quelle
place
et
quelle
forme
dans
le
LIHP
?,
2011
Penser
la
ville,
2009
Adopter
un
point
de
vue
politique
sur
l’habitat
populaire
afin
de
dynamiser
radicalement
sa
production,
2009
Texte
fondateur
du
LIHP,
2008
Comment
s’introduit
le
«
politique
»
dans
mon
travail,
2009
Un
spectre
hante
la
planète
:
Le
logement
social,
2009
98
Productions
personnelles
Analyse
critique
de
la
1ère
semaine
de
la
mission
à
Bogotá
Analyse
critique
de
la
2ème
semaine
de
la
mission
à
Bogotá
Résumé
des
cinq
semaines
de
la
mission
(tiré
du
journal
de
bord)
Ressources
internet
Le
cahier
des
dynamiques
sociales
et
de
la
recherche‐action
:
http://www.cedrea.net/
Portail
de
la
recherche‐action
:
http://recherche‐action.fr/
Centre
de
documentation
électronique
pour
la
recherche‐action
:
http://biblio.recherche‐
action.fr/index.php
Laboratoire
d’innovation
sociale
par
la
recherche‐action
:
http://labo.recherche‐action.fr/
Site
de
l’aménageur
urbain
du
District
Capital
de
Bogotá,
Metrovivienda
:
http://www.metrovivienda.gov.co/
99
Table
des
matières
Avant
propos
6
Sommaire
8
Introduction
9
Partie
I
–
Pourquoi
le
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire
?
12
Chapitre
1.
Quelques
aspects
de
«
la
crise
de
la
ville
»
12
1.1
Un
fait,
la
ville
concentre
l’avenir
de
la
civilisation
humaine
12
1.1.1
Une
croissance
démographique
toujours
au
rendez‐vous
12
1.1.2
L’urbanisation
du
monde
13
1.2
Une
«
crise
»
mondiale
14
1.2.1
Le
bidonville,
expression
totale
d’une
faillite
humaine
14
1.2.2
Du
phénomène
de
gentrification
à
la
périphérisation
des
classes
populaires
16
1.2.3
Des
habitants
toujours
oubliés
17
1.3
Une
production
urbaine
en
difficulté
18
1.3.1
L’approche
urgentiste
et
quantitative
de
l’urbanisation
18
1.3.3
Standardisation
de
la
production
urbaine
et
faillite
architecturale
21
Chapitre
2.
Quand
la
réponse
pose
problème
23
2.1
Les
«
faiseurs
de
ville
»
aux
abois
23
2.1.1
L’impuissance
de
la
communauté
internationale
23
2.1.2
L’échec
de
l’urbanisme
et
de
l’architecture
25
2.2
Les
limites
de
la
recherche
urbaine
actuelle
29
2.2.1
Une
«
crise
»
mal
cernée
par
les
chercheurs
de
l’urbain
29
2.2.2
Le
difficile
couple
recherche
et
politique
30
2.2.3
Quand
la
recherche
oublie
l’action
et
vice
versa
32
Chapitre
3.
Face
à
cette
«
crise
»
:
Les
propositions
du
LIHP
34
3.1
Une
action
nécessairement
portée
à
l’échelle
internationale
34
3.2
Le
parti
pris
politique
de
l’habitat
populaire
35
3.2.1
La
«
crise
de
la
ville
»
est
celle
de
l’habitat
populaire
35
3.2.2
L’indispensable
volonté
politique
36
3.3
Une
démarche
plus
qu'une
méthodologie,
la
recherche‐action
37
3.3.1
L’articulation
entre
recherche
et
action
38
3.3.2
L’habitant,
l’acteur
et
le
chercheur
au
même
niveau
39
3.3.3
Transformation
individuelle
et
institutionnelle
40
3.3.4
Pluridisciplinarité,
démarche
collective
et
production
de
connaissances
41
3.3.5
La
recherche‐action,
un
chemin
qui
se
trace
face
à
la
complexité
de
la
ville
42
100
3.4
Les
territoires
d’action
et
l’expérimentation
urbaine
Partie
II
–
Démarche
engagée
sur
le
territoire
d'action
Usme
Chapitre
1.
Pourquoi
ce
territoire
d'action
?
1.1
Usme
cristallise
tous
les
grands
enjeux
contemporains
1.2
Un
territoire
en
«
crise
»
Chapitre
2.
Première
approche
du
territoire
d'action
2.1
Montage
de
la
coopération
franco‐colombienne
2.2
Elaboration
d’un
document
de
travail
collectif
sur
le
territoire
d’Usme
Chapitre
3.
Mission
en
Colombie,
au
cœur
de
la
recherche‐action
3.1
Constitution
du
groupe
de
travail
3.1.1
Formation
d’une
équipe
pluridisciplinaire
3.1.2
Constitution
d’une
équipe
d’étudiants
3.2
Temps
de
travail
collectif
3.2.1
Réunions
et
journées
de
travail
3.2.2
Visites
de
terrain
3.3
Les
techniques
réalisées
3.3.1
Le
journal
de
bord
3.3.2
L’observation
3.3.3
Le
feed‐back
3.4
Définition
des
objectifs
et
d’une
stratégie
d’action
collective
3.5
Rencontres
d’autres
acteurs
à
intégrer
à
la
démarche
3.5.1
L’entreprise
Metrovivienda
3.5.2
L’ambassade
de
France
en
Colombie
3.5.3
L’Agence
Française
de
Développement
Chapitre
4.
Poursuite
du
travail
après
la
mission
4.1
Séance
de
travail
et
colloque
du
mois
de
novembre
4.2
Adhésion
des
partenaires
au
LIHP
4.3
Pérennisation
du
projet
à
travers
les
conventions
44
47
47
47
49
52
52
52
53
53
54
54
55
55
57
58
58
59
60
61
62
62
63
63
64
64
65
65
101
Partie
III
–
Retour
sur
la
démarche
et
mise
en
perspective
66
Chapitre
1.
Bilan
de
la
démarche
entreprise
66
1.1
Les
avancées
réalisées
66
1.1.1
Echange
et
transformation
des
points
de
vue
67
1.1.2
Les
connaissances
produites
67
1.1.3
Dépassement
de
l’approche
urgentiste
68
1.1.4
Adaptation
de
la
démarche
à
la
complexité
du
territoire
69
1.1.5
Transformation
du
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
70
1.1.6
Les
apports
pour
la
construction
d’un
habitat
populaire
à
Usme
71
1.2
Difficultés,
limites
et
risques
de
la
démarche
72
1.2.1
L’importance
du
contexte
72
1.2.2
Le
document
de
travail
d’Usme
72
1.2.3
Intégration
de
la
démarche
de
recherche‐action
73
1.2.4
Difficulté
de
gérer
l’articulation
entre
recherche
et
action
74
1.2.5
Désinstitutionalisation
des
institutions
et
transformation
des
points
de
vue
75
1.2.6
Réponse
à
l’ampleur
du
système
de
production
urbain
de
Bogotá
76
Chapitre
2.
Perspectives
et
propositions
pour
la
démarche
du
LIHP
à
Usme
77
2.1
Comment
poursuivre
le
travail
?
77
2.1.1
Mise
en
place
d’un
lieu
de
travail
77
2.1.2
Le
financement
du
projet
77
2.1.3
L’indispensable
intégration
du
District
Capital
de
Bogotá
à
la
démarche
78
2.1.4
Définition
d’une
stratégie
et
clarification
du
projet
général
79
2.1.5
Institutionnaliser
le
territoire
d’action
Usme
81
2.1.6
Le
nécessaire
dépassement
de
l’expérimentation
81
2.1.7
Théorisation
de
la
transformation
d’un
«
sous‐système
»
82
2.1.8
Vers
une
science
de
l’habitat
populaire
?
84
2.2
Vers
quel
habitat
populaire
à
Usme
?
85
2.2.1
Situation
actuelle
du
territoire
d’action
85
2.2.2
Sortir
de
la
standardisation
et
de
l’amélioration
par
étape
de
l’habitat
informel
85
2.2.3
L’architecture
comme
révélateur
de
la
culture
d’Usme
87
2.2.4
Conservation
des
terres
agricoles
?
89
2.2.5
Prise
en
compte
de
l’environnement
89
2.2.6
Que
faire
face
à
la
stratification
des
classes
sociales
de
Bogotá?
90
2.2.7
La
question
du
travail
à
Usme
91
Conclusion
93
Références
documentaires
96
Table
des
matières
99
Liste
des
figures
102
Liste
des
sigles
et
abréviations
102
Lexique
103
Annexes
104
102
Liste
des
figures
Figure
1
:
«
Bidonville
»
d’Usme
au
sud
de
Bogotá,
Colombie
14
Figure
2
:
Colonias
à
Tijuana,
Mexique
19
Figure
3
:
Ciudadela
El
Recreo
à
Bogotá,
Colombie
20
Figure
4
:
Comparaison
d’éco‐quartiers
européens
22
Figure
5
:
Expansion
urbaine
d’Usme
(350
000
habitants)
sur
les
terres
agricoles
48
Figure
6
:
Quartier
Ciudadela
Nuevo
Usme
50
Figure
7
:
Deux
campesinos
d’Usme
contre
le
projet
de
Metrovivienda
et
paysage
d’Usme
51
Figure
8
:
Séances
de
travail
à
l’Université
Nationale
de
Colombie,
jeudi
5
et
vendredi
6
mai
55
Figure
9
:
Visite
de
terrain
à
Usme
avec
les
professeurs
de
l’Université
Nationale
de
Colombie
et
les
habitants
d’Usme
et
visite
avec
l’ambassade
de
France
57
Figure
10
:
Tableau
récapitulatif
des
acteurs
intégrés
ou
à
intégrer
dans
la
démarche
63
Figure
11
:
Schéma
du
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
actuel
70
Figure
12
:
Schéma
du
système
de
production
et
de
réflexion
de
la
ville
de
Bogotá
après
l’arrivée
du
LIHP
71
Figure
13
:
Schéma
du
système
de
production
et
de
réflexion
d’un
habitat
populaire
souhaité
83
Figure
14
:
Tableau
des
différents
types
d’habitat
présents
à
Usme
86
Figure
15
:
Représentation
des
différents
types
d’habitat
à
Usme
86
Liste
des
sigles
et
abréviations
DC:
Distrito
Capital.
District
Capital
de
Bogotá
LIHP:
Laboratoire
International
pour
l’Habitat
Populaire
ONU
:
Organisation
des
Nations
Unies
POT:
Plan
de
Ordenamiento
Territorial.
Plan
d'Aménagement
du
Territoire
UNAL:
Universidad
Nacional.
Université
Nationale
de
Colombie
VIP:
Vivienda
de
Interes
Prioritario.
Logement
d'Intérêt
Prioritaire
VIS
:
Vivienda
de
Interes
Social.
Logement
d'Intérêt
Social
103
Lexique
Ce
lexique
ne
constitue
en
rien
un
objet
fini
ou
assuré,
chaque
terme
présenté
ici
peut
faire
l’objet
d’interprétations
différentes
et
donc
de
discussions.
Bidonville
:
Les
bidonvilles
peuvent
être
considérés
comme
des
parties
de
villes
négligées
où
le
logement
et
les
conditions
de
vie
sont
résolument
pauvres.
Les
bidonvilles
concernent
un
éventail
de
possibilité
allant
des
bâtiments
sordides,
délabrés
et
surpeuplés
des
centres‐villes
jusqu’aux
installations
spontanées
de
squats
illégaux
qui
se
répandent
aux
périphéries
des
villes.
Les
bidonvilles
possèdent
différents
noms
mais
partagent
néanmoins
les
mêmes
conditions
de
vie
misérables.
Définition
de
l’ONU‐HABITAT
;
The
challenge
of
slums
:
global
report
on
human
settlements,
Nairobi,
2003.
«
Crise
»
:
Situation
problématique
à
dépasser
Expérimentation
urbaine
:
Action
de
soumettre
une
zone
urbaine
ou
un
objet
urbain
à
des
expériences
Gentrification
:
Dynamique
internationale
de
colonisation
des
centres‐villes
par
les
classes
moyennes
et
supérieures
Habitat
populaire
:
Processus
d’élaboration
d’un
habitat
de
qualité
pour
tous
Habiter
:
Manière
de
construire
et
de
penser
son
rapport
au
monde
à
travers
son
habitat
Laboratoire
:
Le
processus
d’habitat
populaire
engagé
sur
un
territoire
constitue
le
laboratoire.
Le
laboratoire
est
le
territoire
d’action
Recherche‐action
:
Processus
visant
à
transformer
la
réalité
en
la
rendant
intelligible
de
tous
Territoire
:
Un
espace
animé
par
l’action
humaine,
dans
ses
dimensions
culturelles,
sociales,
économiques
et
politiques.
Territoire
d’action
:
Territoire
sur
lequel
un
processus
d’habitat
populaire
est
en
cours
104
Annexes
Annexe
1
:
Exemple
du
processus
de
gentrification
à
Paris.
Source
:
Anne
Clerval,
«
Les
dynamiques
spatiales
de
la
gentrification
à
Paris
»,
Cybergeo
:
European
Journal
of
Geography,
Espace,
Société,
Territoire.
http://cybergeo.revues.org/23231,
2010
105
Annexe
2
:
Organigramme
des
partenaires
du
processus
d’habitat
populaire
à
Usme
Source
:
Réalisation
personnelle,
2011
106
Annexe
3
:
Tableau
comparatif
entre
recherche‐action
et
recherche
classique
Source
:
http://biblio.recherche‐action.fr/document.php?id=137
107

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