Un atelier Lettres et Images Le projet permanent de patrimoine industriel du Canton de Genève www.letterpress.ch Association Lettres et Images 25 rue du Vuache 1201 Genève Suisse L'Association Lettres et Images (ALI) fondée en 1998 Un projet permanent de patrimoine industriel D a ns le cadre des manifestations «150 ans de l’Etat fédéral -150 ans de patrimoine industriel» l’Association pour le Patrimoine Industriel (API) et l’Association Lettres et Images (ALI) proposent aux écoliers, étudiants et au public genevois la visite d'un atelier typographique à l'ancienne. Nos portes ouvertes pour des visites d'atelier. Depuis l'invention de Gutenberg, le livre a connu un essor sans précédent. Support de la pensée, il a contribué aux échanges entre les cultures et les peuples. A l'heure du village planétaire, Internet redistribue les enjeux de la communication. Le livre et le papier comme supports sont concurrencés par l'écran et les mondes virtuels. Le langage commun désigne aujourd’hui déja l’affichage à l’écran sous le nom de page. Au cours de cette évolution des technologies et des mentalités, le livre ne perd aucune de ses qualités d'objet. En s'éloignant du support papier, le poids, le toucher, l'odeur, ne sont que quelques-unes des qualités qui se perdent aujourd'hui dans les rapports nouveaux à la communication. En préservant de la disparition les machines et savoir-faire de la typographie, notre association souhaite contribuer à préserver la culture de la Lettre. Sous la forme de visites, de démonstrations et avec le support de documents vidéo, nous présentons en 7 modules les grandes lignes de ce parcours historique. En donnant à voir et à toucher, cette démarche nous semble favorable à la découverte de ces mondes du passé. Nous espérons ainsi mettre à disposition des outils au service de la mémoire, qui favorisent et encouragent auprès d'un large public la prise de conscience de l'évolution de notre monde. L'ancienne roue d'inertie du laminoire de l'U.G.D.O. 1 L'Association pour le Patrimoine Industriel: Qui sommes-nous ? L 'Association pour le Patrimoine Industriel a été fondée en 1979; son siège est à Genève. Elle a pour but la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine industriel régional. Outils et travail font partie de notre culture, c'est pourquoi notre association: – – – – – Sauvegarde et met en valeur les témoins de l'activité régionale. Sauvegarde machines et documents de provenances et d'époques variées. Elabore des archives (écrites, orales et audio-visuelles) de notre patrimoine. Enrichit la mémoire industrielle de l'homme de demain. Tradition et innovation: notre mémoire industrielle constitue la base nécessaire aux développements futurs. – L'homme et l'entreprise: l'ethnologie et les témoignages documentant les conditions de travail de tous ceux qui ont fait l'industrie. La conjoncture économique actuelle et les restructurations nécessaires à la compétitivité de l'économie, forcent les entreprises à reconsidérer leurs moyens de production. En reconsidérant les moyens de production, c'est le travail qui est remis en question. Le chômage est donc la conséquence d'une situation économique qui laisse l'homme sans activités et sans ressources. Notre projet ART et INDUSTRIE s'articule autour de cette réflexion, au carrefour d'une perception économique et sociale, d'une interrogation sur les moyens de production, de l'évolution du travail et du patrimoine industriel comme véhicule culturel et formateur. 2 L'Association Lettres et Images: Qui sommes-nous ? L 'Association Lettres et Images, fondée en 1998 à l’occasion des manifestations «150 ans de l’Etat fédéral -150 ans de patrimoine industriel», représente le projet permanent de patrimoine industriel du Canton de Genève. Elle a pour mission la conservation à Genève des pratiques et des techniques qui ont fait la réputation de ce canton depuis 1478. L’Association Lettres et Images réunit des personnes qui oeuvrent activement pour ses buts. Elle est organisée en commissions techniques, qui développent à l’intérieur de leur groupe des secteurs d’activités autour de compétences pointues et spécifiques. Ces groupes constitués sont représentés au sein du comité élargi. L’Association Lettres et Images a pour vocation de promouvoir et de restaurer les techniques aujourd’hui délaissées, en les mettant au service de la création et de l’édition d’Art. Elle est active au niveau genevois et régional, et contribue au rayonnement international de la tradition genevoise de l’imprimerie, à travers Internet en particulier. L’Association Lettres et Images dispose, pour atteindre ses buts, d’une collection de machines et d’outils permettant les pratiques de divers procédés d’impression: •techniques d’impression en relief, telles que la typographie au plomb, la xylographie •techniques photographiques historiques, argentiques et numériques •techniques d’impression à plat, telles que la lithographie, la phototypie et la zincographie •techniques d’impression en creux, taille-douce et autres procédés issus de la gravure (clicherie) •techniques de mise en page typographique au plomb (mécanisée) •Publication Assistée par Ordinateur (P.A.O.) et mise en page web. Elle dispose d’ateliers qui favorisent l’usage de ces techniques à des fins de conservation des savoir-faire, de création et de recherche. 3 Sept modules pour un parcours historique Des grottes de Lascaux à Internet A fin de présenter notre parcours historique, nous proposons 7 modules qui vont permettre au public de prendre connaissance des étapes majeures de l'évolution de l'imprimerie. La tenue du burin et sa position pendant le travail Le premier module: traitera de la trace originale depuis l'origine de l'humanité. Le deuxième module: le papier, le multiple et la xyloglyphie, pour enfin arriver à l'invention de Gutenberg. Le troisième module: Gutenberg et le plomb; les aspects techniques et pratiques seront abordés dans l'atelier. Le quatrième module: de la lithographie à l'offset, nous aborderons les techniques d'impression qui ont remplacé la typographie au plomb. Le cinquième module: de l'importance de la photographie pour les clichés typographiques et des applications futures à la lithographie et à l'offset. Le sixième module: par les bouleversements de l'informatique, ces dernières années ont achevé de transformer radicalement le métier de typographe. Internet est l'outil de demain. Aperçu. Le septième module: traite de l'avenir de la typographie au plomb et des perspectives qu'elle offre au La Sainte-Face de Claude Mellan (1598-1688). Burin service de l'art et de la culture. 4 Premier module: La trace: des grottes de Lascaux à Internet U n petit pas pour moi, un grand pas pour l'humanité: s'est exclamé Neil Armstrong en 1969. Cette première trace humaine sur la surface de la Lune nous rappelle que ce geste quotidien et millénaire, pratiqué par tout un chacun, participe au progrès de l'humanité. La Lune: le premier livre interplanétaire. re trouve de nombreux supports, tels que la tablette d'argile, le papyrus, l'os, le métal, le bois. Supports transportables, que l'on peut conserver et transmettre, l'humanité passe ainsi de la Préhistoire à l'Histoire. Par le papier, le livre, les supports magnétiques et tous les progrès fulgurants qui se développent sous nos yeux ces dernières années, force est de constater que la conquête de la Lune restera ce symbole d'une humanité qui se déplace et qui cherche à communiquer. Renvoyé à sa propre image et à son propre reflet, dans un mouvement sans pareil, se dessine le besoin de communication planétaire. Internet est un des noms de notre village planétaire. De notre condition préhistorique à la modernité, les étapes vers le progrès se sont faites pas à pas. Dans un mouvement général et planétaire, avec le temps et les générations, l'humanité s'est appuyée sur la mémoire des traces de ce progrès. TINTIN par Hergé: "On a marché sur la Lune" Ainsi, dans notre grotte, par nos mains et nos pieds, nous avons pris conscience de nos traces dans la boue et sur la terre. Traces d'un passage et de l'existence, les grottes, nos abris deviennent le support de nos premières projections, de nos premières peintures. Les grottes de Lascaux sont les témoins de ces traces qui traversent les âges. Par le temps, nos dessins se transforment en signes, langages et écritures. Reflet de la diversité culturelle et géographique, l'écritu- 5 Deuxième module: Du papyrus au papier, une histoire des supports N os plus anciennes images se trouvent gravées sur les murs de cavernes préhistoriques. Mais celles-ci n'étant pas mobiles, on eut recours à l'écorce des arbres. Les civilisations anciennes cherchèrent une matière qui, tout en étant légère et durable, puisse recevoir, conserver et transporter l'écriture. Trace de main sur une grotte préhistorique Les origines du papier En Mésopotamie, quelques milliers d'années avant Jésus-Christ, on trouva les tablettes d'argile. On gravait les caractères au moyen d'un poinçon dans la tablette humide, puis après l'avoir séchée au soleil, on durcissait la tablette au feu. Les Egyptiens réussirent à préparer une matière au moyen d'une plante de marais connue sous le nom de papyrus. La moelle de la plante, de l'épaisseur d'un doigt, était coupée en longues bandes qu'on alignait les unes à côté des autres. Là-dessus, on plaçait une seconde couche en croisant les fibres; on pressait, on battait et on obtenait une couche d'une égale épaisseur. Le liquide qui en sortait contenait de l'amidon et servait d'agglutinant. La feuille ainsi obtenue était solide; on pourrait assez bien la comparer à un panneau de bois contre-plaqué. La nouvelle matière fut baptisée papyrus du nom de la plante, de là vient également l’origine du mot papier. Jusqu'au début du Moyen -Age, dans tout l'Empire romain, le papyrus livré par les fabriques royales d'Egypte a été la matière la plus importante employée pour écrire. La composition du papyrus ne permettait pas d'en faire des livres. C'est pourquoi, ils étaient conservés en rouleaux. Une autre matière, probablement plus ancienne que le papyrus, est faite de peaux de jeunes moutons ou de chèvres: le parchemin. C’est sur ce support que fut écrite l’histoire des rois de Perse. Tablette en argile, Babylone (détail) 6 Le papier, une bonne pâte L e papier était antérieurement au 15e siècle, un article recherché que les marchands se procuraient en Italie. Dans les villes et couvents du pays, on s'en servait pour remplacer le parchemin partout ou l'emploi de celui-ci aurait été trop coûteux. Jamais une matière ne fut aussi répandue et aussi bon marché que le papier. C'est aux Chinois que l'on attribue l'invention de la fabrication du papier. En l'an 105 avant Jésus-Christ, le chef des arsenaux de l'empereur, Tsai Lun, réussit à fabriquer une matière avec les rameaux à fibres dures des mûriers, du chanvre, de vieux chiffons et des filets de pêche. Il faisait tremper son matériel pendant très longtemps dans de l'eau claire, ensuite il le faisait cuire dans une solution d'eau et de chaux. Les fibres battues et soumises à une pression se dissolvaient et formaient une bouillie assez claire. Il y plongeait une natte de bambou; la matière filamenteuse s'y attachait et l'eau s'écoulait. Pour retenir la bouillie sur la natte, on disposait tout autour des baguettes qui surélevaient les bords. En secouant légèrement l'appareil, on facilitait l'écoulement de l'eau et une feuille se formait. On détachait cette dernière pour la faire sécher et pour la repasser. Il fallut dix siècles pour que la découverte de la fabrication du papier passe de la Chine dans les pays occidentaux. Les premiers moulins à papier apparurent au sud de l'Espagne, alors occupée par les Arabes. Au nord de l'Europe, l'industrie du papier apparaît au 15e siècle. La découverte de l'imprimerie en 1440 donna un essor considérable à la fabrication du papier. 7 La xyloglyphie: les origines de la lettre mobile L a xyloglyphie est une technique de gravure en relief, à la fois très ancienne et très répandue. La planche est ici une plaque de bois découpée dans le tronc dans le sens des fibres, travaillée au canif et à la gouge de manière à évider les parties qui resteront blanches sur les épreuves. Le motif apparaît donc en relief au-dessus de la surface de la planche et s'imprime sur le papier après l'encrage. La xyloglyphie dérive des impressions ornementales sur tissus (souvent polychromes) pratiquées par les Arabes et les habitants de l'Inde ancienne. Dans la Rome antique, les objets personnels étaient également marqués à l'aide de tampons de bois, les tesserae signatoria. Mais c'est surtout à l'Extrême-Orient que revient le mérite du développement de cette technique, notamment grâce à l'invention de la fabrication du papier à partir des résidus de production de la soie. Les plus anciens efforts d'utilisation de clichés de bois gravés pour l'impression ont pour origine la Corée (751 de notre ère). Ils ne tardèrent pas à être développés en Chine sous la dynastie des T'ang (618-906 de notre ère). Les débuts de la xyloglyphie orientale archaïque devancent donc de sept siècles l'apparition de cette technique en Europe. Dès ce moment, il ne s'agissait pas uniquement de reproduire un motif, mais aussi toutes sortes de textes d'accompagnement, taillés dans la planche même (impressions tabellaires). L'assemblage de ces xyloglyphies individuelles en plaquettes donne naissance aux premiers livres, dits livres-blocs. En 1050, la fabrication laborieuse des livres-blocs fut supplantée par la composition des textes à l'aide de signes individuels taillés en bois, ce qui eut pour conséquence une progression spectaculaire de l'érudition sous la dynastie Song (961-1279). En Europe, son apparition se situe à la charnière du 14e et 15e siècle. Là aussi, son développement fut fortement influencé par l'introduction de la fabrication du papier, dont les secrets furent rapportés d'Orient au retour des Croisades. La plus ancienne impression tabellaire européenne connue Différents burins 8 Troisième module: Gutenberg: une époque et son invention Le plomb, une alchimie nouvelle A ce stade, le désir d'affranchir l'un de l'autre le texte et l'image ne tarda pas à se manifester. On commence par tailler le texte entier dans une planche spéciale, que l'on place à côté de l'image seulement au moment de l'impression. Dans les années 1450 Johannes Gensfleisch (14001468), dit Gutenberg, a l'idée révolutionnaire de composer une page entière à l'aide de caractères mobiles (la plus ancienne impression de ce type date de 1454, le premier ouvrage authentique de 1457). La découverte du maître de Mayence est à la base de toute l'imprimerie et donc la contribution européenne à l'extension de la culture (une fois la technique perfectionnée par le coulage des caractères en métal, l'invention d'encres appropriées et la mise au point de presses adaptées à cette nouvelle technique). La presse de Gutenberg La plus belle oeuvre attribuée à Gutenberg est sans conteste la Bible latine en deux volumes, dite à 42 lignes, typographiquement anonyme, et imprimée entre 1454 et 1456. Cette époque où l'art de l'imprimerie n'avait guère quitté son berceau (d'où le terme d'incunable, employé pour désigner les premiers livres: en latin, incunabula signifie le berceau) se caractérise par une forte imitation du manuscrit par le livre imprimé, tant du point de vue des caractères que de celui de la conception de l'ouvrage. Tandis que le dessin, la gravure et le tirage lui-même étaient sous la responsabilité d'un artiste unique, le développement des imprimeries poussa les tailleurs d'images à se regrouper en de nouvelles corporations spécialisées. Un fondeur au travail 9 La composition manuelle D epuis le Livre des Sibylles, premier ouvrage imprimé par Gutenberg en 1454, la technique de transcription des textes utilisant des caractères mobiles en métal s'est considérablement perfectionnée. La composition des textes était principalement une activité manuelle. Détail du plan de casse De l'original au multiple Voici la description de la composition manuelle. Caractères mobiles en alliage de plomb disposés dans une boîte à compartiments appelée casse généralement séparée en deux parties principales : la partie supérieure contenant les majuscules ou capitales, la partie inférieure les minuscules ou bas de casse. Ces caractères sont alignés un par un, par un typographe dans un composteur, pour former des mots, lesquels forment des lignes puis des pages. Cadence horaire 1000/1500 signes environ suivant la grosseur du corps. La justification, c'est--à-dire la mise à la dimension des lignes, s'obtient en faisant varier la largeur des espaces entre les mots et éventuellement en opérant la coupure des mots en fin de ligne. Après l'impression, ces caractères sont redistribués (remis en place dans la casse). Essentiellement manuelle à l'origine, elle a profité tout naturellement des progrès de la mécanisation. Depuis un peu plus d'un siècle, la transcription n'a comporté qu'une seule opération manuelle: la composition. Sorte de frappe à partir de laquelle les caractères se trouvent automatiquement fondus. Ce principe est celui de la composition chaude. Un détail d'une planche de la Bible de Gutenberg 10 De la composition manuelle à la composition mécanique M onotype (composition chaude) inventée en 1892. C'est le premier mode de composition qui s'effectue par l'intermédiaire d'une bande perforée de papier. Il s'agit donc d'un système mécanique à clavier séparé, comportant deux opérations distinctes et successives: LA MONOTYPE a) le texte est enregistré, c'est-à-dire frappé manuellement sur un clavier qui ressemble un peu à celui d'une machine à écrire. Par l'intermédiaire d'un système de perforation pneumatique l'on obtient une bande de papier perforée à 31 trous. Chaque signe ou lettre correspond à une combinaison perforée; La fondeuse Monotype et la matrice du M b) la composition proprement dite s'obtient dans un deuxième temps par l'assemblage mécanique des lettres puis des lignes à partir de la bande perforée disposée sur la fondeuse. A chaque perforation rencontrée, le châssis porte-matrice présente en face du moule la matrice gravée en creux correspondante. Un piston envoi un jet de plomb dans le moule, la lettre ainsi fondue est éjectée sur un plateau approprié qui se déplace après chaque ligne. Cadence horaire de la fondeuse : 10 000 signes (production maximum pour petits corps). Pas de distribution: le plomb retourne à la fonte après impression. Un clavier Monotype 11 La Linotype L orsque Mergenthaler conçut l'idée première de remplacer le travail à la main par une machine, son esprit entrevoyait déjà la nécessité inéluctable de créer la composition mécanique afin de satisfaire aux besoins d'une époque déjà avide de rapidité. Ottmar Mergenthaler Ce mode de composition était le plus utilisé pour la composition des journaux. Les caractères sont fondus par lignes entières, dites lignes blocs. Le clavier comportant 90 touches est solidaire de l'unité fondeuse. Donc ici, une seule opération. Le texte est frappé manuellement sur un clavier. L'action sur les touches libère du magasin des matrices de cuivre, qui sont alors assemblées pour former une ligne justifiée prête à être clichée dans le moule. Cadence horaire de 8000 à 15 000 signes suivant la dextérité de l'opérateur. Les textes ainsi composés par ces divers procédés mécaniques utilisant le plomb, sont maintenus par serrage et se présentent sous forme d'assemblages métaliques plus ou moins homogènes selon qu'ils sont constitués par la réunion de caractères indépendants (procédé manuel ou Monotype) ou de lignes blocs (Linotype, Intertype). Les lettres et signes apparaissent en relief. Ces assemblages métaliques ainsi constitués sont alors prêts à l'impression. Le plomb est refondu après l’impression et retourne dans le creuset. La Linotype et une ligne bloc Une matrice Linotype 12 La lettre: reflet de la pensée d'une époque. Vers 1800, Giambattista Bodoni définissait l'écriture comme la plus belle, la plus ingénieuse et la plus profitable invention des hommes. Et il ajoutait: c'est au degré de ressemblance avec les plus beaux manuscrits qu'on mesure la perfection typographique. L'histoire de l'imprimerie est celle des presses. L'histoire de la composition typographique est celle des casses. Au départ il n’y en avait qu'une parce que le prix d'une police de caractères était celui d'une maison. Et qu'on écrivait un livre entier dans une seule dimension, dans un seul caractère. Leur nombre augmentera. On pourra utiliser plus de vingt dimensions d'un même caractère ou de plusieurs dans une même page. Les casses disparaîtront avec le plomb, ses blancs et ses garnitures. Reste donc à enseigner ce que les compagnons étaient seuls à savoir. Notamment: que les lettres et les signes ne sont qu'une moitié de la lisibilité. L'autre moitié ce sont les blancs : l'espacement, les interlignes et les marges. Aussi donc en des temps et des lieux différents furent créés des caractères différents. Dessinés, gravés, et jetés en moule; Cochin, Bodoni, Garamond, Baskerville et autres caractères sont bien aussi des hommes épris de l'architecture de la lettre. Les lettres sont différentes pour différentes situations de lectures. Comme on les écrivait, les taillait, ou les peignait jusque là! Aujourd'hui encore, on dessine des alphabets différents pour la lecture continue des livres, pour la lecture discontinue des dictionnaires, des journaux et des petites annonces. Pourquoi faut-il tant d'alphabets différents? Réponse: ils expriment un besoin de diversité et de changements qui est la vie même de l'écriture et de ses inscriptions. Illustration de Jean-Marie Antenen Chacun sait ce qui est lisible pour lui-même et ce qui ne l'est pas. Ce qu'il faut lui enseigner, c'est que ce qui est lisible pour lui, ne l'est pas forcément pour les autres. Il ne nous reste plus qu'à faire voir qu'il y a des différences dans tout ce qui passe pour être acceptable aujourd'hui, qui ne l'était pas hier et qui ne le sera plus demain. Il est permis d'espérer que le plus récalcitrant saura qu'on a tout fait pour le rendre autonome. Et que l'on n'a rien fait pour l'enfermer dans un système, une idéologie, une orthodoxie ou une technologie. Et que la morale elle-même est avant tout une affaire de goûts. 13 L’histoire de l’imprimerie, une histoire des presses Impression en relief Une presse à moulinet Impression en creux Une imprimante HP laserjet 5000 L'impression en creux Parler du texte et de l’image imprimée, nous force pour en saisir l’évolution, de nous pencher sur l’histoire des presses et des procédés. Avec Gutenberg et la xyloglyphie, nous avons abordé les impressions en relief. Notre vision ne serait pas complète si nous n’avons pas connaissance de deux autres modes d’impression qui ont joué leurs rôles soit pour le texte ou pour l’image. Impression à plat La taille-douce et l’eau-forte sont des techniques d’impression en creux. Le terme général de gravure sèche s’applique à l’ensemble des techniques qui aboutissent à un dessin en taille-douce par un procédé mécanique (action directe d’un instrument à graver). Le dessin creusé dans la surface lisse de la plaque, apparaît donc en dessous du niveau de la planche. Les différentes techniques sèches telles que le burin, la pointe sèche, la roulette, peuvent s’employer seules ou en combinaisons. Elles s’associent également aux techniques de gravure à l’acide. L’eau-forte est appelée technique humide, par opposition aux techniques sèches qui ne sont pas traitées par l’acide. Les techniques d’impression à plat font partie de la troisième grande famille des techniques d’impression qui ont marqué l’évolution de l’imprimerie. L’offset est aujourd’hui le procédé le plus utilisé, ses principes techniques trouvent leur origine dans la lithographie. Des pointes à graver 14 Quatrième module: La lithographie et l'offset : une révolution technique de la reproduction A l ois Senefelder (1771-1834) fut reconnu en 1799 comme auteur de l'invention de la lithographie. Il inventa le principe de la presse à râteau, de même que les accessoires et outils nécessaires à sa technique. C'est en cherchant le moyen de publier des pièces de théâtre qu'il avait écrites, qu'il découvrit, le hasard aidant, cette branche nouvelle. Une pierre lithographique Produire plus et plus vite Ce qui caractérise ces techniques, c'est le fait que les parties imprimantes se trouvent ici dans le plan de la planche, c'est-à-dire, au même niveau que les éléments non imprimants. Cela est possible grâce à l'utilisation du principe de la répulsion réciproque de l'eau et de la matière grasse. La planche est ici le plus souvent une pierre lithographique (un carbonate de calcium à grain fin), mais on peut également utiliser une tôle de zinc ou d'aluminium. La pierre lithographique retient le gras du dessin effectué à l'aide d'une craie ou d'une encre. Le dessin est fixé après avoir été traité par un mordant. Lorsqu'on tient ensuite la pierre humide, elle refuse l'encre d'impression grasse aux endroits intacts, tandis qu'elle la retient aux endroits dessinés. L'impression originale est réalisée sur une presse lithographique ou sur une presse offset. L'épreuve obtenue par ces méthodes a un caractère à la fois plat et mou, reposant légèrement à la surface du papier, sans apparaître en creux comme cela se produit dans l'impression en tailledouce. Certaines épreuves lithographiques présentent une cuvette due à la compression du papier par la pierre lithographique et rappellent l'empreinte laissée par les bords d'une planche taille-douce. Cette technique atteignit son heure de gloire à la fin du 19e siècle et au début de ce siècle. Ancêtre de l'impression offset, elle connut un développement rapide par des possibilités de reports de dessins, ce qui permettait d'imprimer sur une feuille plusieurs fois le même motif. Avec l’évolution constante des procédés et des machines, la lithographie a contribué à développer les principes aujourd’hui largement répandus de l’impression offset. 15 Cinquième module: La photographie et son apport à l'image typographique D epuis 1839, année de l’annonce de l’invention de la photographie par Jacques Mandé Daguerre, la photographie n’a cessé de se développer. L’image furtive et inversée de la camera obscura, connue depuis le Moyen Age, n’avait jusqu’à ce jour jamais pu être saisie et retenue. Une camera obscura avec les images de reproductions peintes ou gravées. Si bien que les peintres, graveurs et illustrateurs qui avaient rendu de si beaux services aux livres et aux ouvrages, se virent très vite dépossédés de leurs talents. En effet, les applications de la photographie au domaine de l’imprimerie ouvrirent les voies de l’illustration photographique imprimée. Par ces nouvelles techniques, la typographie et les techniques d’impression ont libéré l’image de l’interprétation et de l’exécution des dessinateurs, illustrateurs et graveurs. A l’aide de trames qui forment un réseau noirblanc à densité variable, des plaques de métal sont photosensibilisées et exposées à travers ce film restituant par densité l’image photographique. Ces plaques sont ensuite gravées à l’acide, les noirs préservés de l’attaque restituent par l‘impression en relief la reproduction imprimée de la photographie. Ce domaine de l’impression en relief se nomme la clicherie. Par cette première découverte et toutes celles qui ont suivi, la photographie explora déjà dès son invention, tous les modes d’expression qu’on lui connaît encore aujourd’hui: le portrait, le paysage, les photos aériennes, les reportages, etc. Par ce formidable moyen de reproduction du monde réel, l’apparition de la photographie bouleversa largement le rapport du public 16 Sixième module: La PAO ou la publication assistée par ordinateur Tous les livres que l’on peut avoir à éditer visuellement sont faits de colonnes de textes. Les lignes sont alignées ou non. A gauche ou à droite ou les deux. Elles sont longues ou courtes. C’est une décision à prendre. L’ordinateur ne décide rien du tout. Il attend vos instructions. Il faut donc les lui donner. Pas seulement pour la longueur des lignes, mais aussi pour l’espacement entre les mots. Il doit être proportionné à l’espace entre les lignes. Rien, ni personne, aucune règle ni machine ne dispense personne de bien regarder, d’exercer son jugement et de donner des instructions après mûre réflexion. Cela peut prendre plus ou moins de temps selon qu’il s’agit d’une étiquette ou d’une encyclopédie illustrée. Mais cela suppose toute une éducation. C’est-à-dire bien plus qu’un rattrapage, un recyclage, ou toute autre forme d’enseignement où les alphabets sont traités comme des pièces de rechange d’une machine. De ces instructions dépendent la lisibilité et l’acceptabilité d’un texte qui a coûté à rédiger des années d’éducation et de réflexion. A moi-même, à vousmême, et à beaucoup d’autres. L’exécution assistée par ordinateur est devenue tellement facile qu’il ne s’agit plus du tout de formation ou de conscience professionnelle, mais de bon sens et d’élégance morale. Or beaucoup trop d’exécutions assistées par ordinateur sont des exécutions capitales. Ces pièces détachées n’ont jamais contribué directement à l’écriture ni à ses inscriptions. En revanche, elles ont directement contribué à fragmenter l’exécution et son enseignement. C’est ce que Moxon dénonçait déjà en 1683 dans ses "Mécaniques exercices": Pour bien organiser leurs travaux typographiques, les chefs d’entreprise ont jugé utile de les fragmenter en plusieurs corps de métiers dont aucun n’avait plus rien à voir avec la typographie, pas plus que la charpenterie ou la maçonnerie n’ont à voir avec l’architecture. De même l’informatique n’a rien à voir avec l’écriture, son architecture et ses inscriptions. La gravure, la fonderie et l’imprimerie typographique sont intervenues pour en multiplier les exemplaires. L’électronique intervient pour les transmettre à la vitesse de la lumière. Dans l’un et l’autre cas, en bouleversant toutes les écologies socio-professionnelles de l’écriture et de l’enseignement, l’erreur à ne pas perpétuer consisterait à enseigner la typographie au plomb ou éléctronique comme si les alphabets étaient des pièces de rechange. L’informatique met déjà à la portée des enfants dont les parents ont un PC, plus d’alphabets qu’un imprimeur n’avait pu en acheter en une vie entière. Il ne nous reste plus qu'à leur donner le mode d’emploi. 17 Internet: son histoire L'histoire d'Internet a commencé à la fin des années 60 avec un projet appelé ARPANET. ARPANET était un projet de recherche mis sur pied en 1969 par l'« Advanced Research Project Agency » (ARPA), une agence du ministère de la Défense américaine. Ce projet avait pour but d'assurer les communications à travers le pays si un conflit nucléaire venait à éclater. (C'était le bon temps de la guerre froide !) Pour ce faire, il fallait créer un réseau d'ordinateurs non-centralisé qui s'étendrait de villes en villes et de bases militaires en bases militaires. Ce réseau ne devait pas posséder de noyau central, pour éviter d'être paralysé au cas où le noyau central serait détruit. Chaque ordinateur faisant partie du réseau devait pouvoir communiquer avec tous les autres ordinateurs. Le 21 novembre 1969, en Californie, l'armée américaine réalisa l'exploit de relier, à 500 kilomètres l'un de l'autre, deux ordinateurs supportant chacun son propre réseau de terminaux. On venait de créer «Internetwork». Ce sont des liens téléphoniques qui assuraient la liaison physique des ordinateurs. Avant la fin de l'année, quatre ordinateurs furent reliés à ce réseau à haute vitesse. Durant les années 70 et au début des années 80, ARPANET prit de l'expansion avec l'ajout au réseau des ordinateurs de plusieurs laboratoires et centres de recherche universitaires. La communication entre les ordinateurs du réseau se faisait au moyen d'une session Telnet. Pour établir le contact, il fallait d'abord composer un numéro de téléphone. Une fois le contact établi, l'usager devait taper son numéro d'identification et son mot de passe. Il avait alors accès aux informations contenues dans l'autre ordinateur. Des fichiers et des informations pouvaientégalement être transférés grâce au protocole de transfert de fichiers FTP (File Transfer Protocole). La création d'un protocole normalisé de communication était la seule façon de s'assurer que des ordinateurs de technologies et de manufacturiers différents puissent communiquer entre eux. Le besoin d'un protocole de communication standard se fit sentir au fur et à mesure qu'ARPANET se sophistiquait et prenait de l'expansion. Un tel protocole fut inventé en 1977 et fut appelé TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol). Grâce au protocole TCP/IP, il devenait possible de se brancher à ARPANET à partir de n'importe quel autre réseau. Au début des années 1980, l'arrivée de systèmes informatiques accessibles à un nombre sans cesse croissant d'usagers permit l'émergence de protocoles de courrier électronique (UUCP) et de groupes de discussion (USENET). Leur implantation facile dans le système d'exploitation Unix qui était à la mode à l'époque fit en sorte qu'ARPANET fut pris d'assaut par des usagers qui voulaient de plus en plus de services et d'informations (et pas toujours des plus sérieuses). En 1983, TCP/IP devenait un standard utilisé par tous les intervenants de l'époque. En 1985, le « National Science Foundation » (NSF) relia entre eux cinq superordinateurs desservant chacun plusieurs chercheurs puis se joignit au réseau ARPANET. L'arrivée de ces nouveaux usagers eut un effet d'entraînement qui poussa un nombre toujours croissant d'institutions, aux États-Unis et à travers le monde, à brancher leurs ordinateurs sur ce réseau de réseaux maintenant connu sous le nom d'Internet. 18 Internet: à quoi ça sert? Le Web Pourquoi y être ? Le mot Web désigne la toile d'araignée et World Wide Web désigne donc la toile d'araignée couvrant le monde entier. Les Web sont autant de points d'informations se recoupant par des liens et garantissant à l'internaute des informations toujours mises à jour, il y a quelques dizaines de millions de Web dans le monde à ce jour sans compter les Web personnels. Le web est un moyen de communication moderne, nouveau et efficace qui vous permet de communiquer. Votre adresse sur internet est devenue indispensable au même titre que votre téléphone ou votre fax. Exemple : HTTP://www.Nom entreprise.ch •d'être contacté : un client potentiel visitant votre site peut vous laisser ses coordonnées. •de communiquer : en présentant votre activité, vos produits, votre compétence. Exemple : documentations techniques, catalogue d'informations, fiches produits, etc... La promotion du site: Classique : Tous les supports papier de votre entreprise ( plaquette, papier à lettre, enveloppes, factures... ) ou publicité institutionnelle... Annuaires mondiaux: Il existe des Web spécialisés dans la recherche d'information sur l'Internet. Ces Webs sont couplés avec des bases de données textuelles alimentées en permanence par des robots, avec des bases de données hiérarchiques regroupant les informations par thème. Ils permettent de retrouver n'importe quel type d'information, que ces informations soient stockées sur un Web, sur un serveur ftp ou dans les News. L'adresse de votre site est insérée avec recherche par mots-clés. ( plusieurs mots-clés sont possibles ) Principaux sites: Mondiaux : Infoseek, Lycos, Alta Vista, Webcrawler, Yahoo... Français : Nomade, Ecila... Le Langage HTML: Le HTML ( HyperText Markup Language ) est un langage de description de pages codées normalisées, employées pour décrire la manière dont les pages WEB se présenteront à l'écran. Ce langage est générique et multi-plateformes, la création des pages est soumise au standard du langage qui permet une grande souplesse dans un cadre trés strict. Seuls les browsers WEB comme par exemple Netscape Navigator permettent d'interpréter et de décoder ce langage. 19 @ Internet: les outils et les accès Le courrier électronique Le courrier électronique est un des outils les plus répandus sur Internet. Il permet d'acheminer des notes courrier entre personnes éloignées. L'avantage du courrier électronique sur le téléphone ou le fax est qu'il permet de joindre un correspondant avec des informations écrites qui peuvent être recopiées dans un document en mode texte. Le logiciel le plus utilisé aujourd'hui pour le courrier électronique est Eudora, de la société Qualcomm. La plupart des browser intègrent aujourd’hui une messagerie. Chaque connecté à Internet possède une ou plusieurs adresses de courrier Internet. Ces adresses sont de la forme [email protected]. Lorsque vous interrogez votre boîte aux lettres électronique, vous rapatriez tous les courriers qui se trouvent sur votre serveur de courrier. Lorsque vous expédiez un courrier à quelqu'un, ce courrier sera envoyé dans la boîte aux lettres de votre destinataire, et y restera jusqu'à ce que celui-ci lise son courrier. Les fournisseurs d'accès Les fournisseurs d'accès Internet (appelés providers) firent leur apparition dès les années 90. Les communications sont payantes au tarif local. Connaissant le coût de vos communications Internet, vous pouvez choisir un fournisseur Internet en prenant en considération les aspects suivants: L'opérateur doit être localisé dans votre secteur de taxation. Vous devez évaluer l'utilisation que vous ferez d'Internet et savoir si vous serez connecté 3 heures par mois, pour simplement lire votre courrier, ou si vous désirez naviguer sur le Web, jouer ... Vous devez regarder si votre fournisseur dispose de sa propre interface (qui est en général très conviviale) ou s'il utilise les outils Internet les plus standards. Regardez si le fournisseur propose une aide téléphonique, surtout si vous êtes totalement novice dans le monde des télécommunications. Il faut savoir aussi que chacun des fournisseurs Internet offre des services de bonne qualité après 4 à 6 mois de service et que les débuts sont toujours balbutiants. Les outils et les accès se développent chaque jour. Un nombre croissant de personnes sont connectées à la toile. 20 De la mise en page au plomb à Internet Une page composée au plomb, et une page rédigée à l’écran pour le Web, n’ont que le support qui les différencie. La lisibilité, la mise en page, les styles, les polices de caractères leur sont communs. La tradition de la mise en page au plomb et la culture de la Lettre jouent, jour après jour, un rôle de plus en plus important pour ceux qui construisent des pages pour le Web. Les nouveaux venus à la typographie, l’art de la mise en page, découvrent la nécessité de chercher dans les racines d’une culture de la Lettre, les éléments et les règles qui ont régi cet art depuis plus de 5 siècles. L’Association Lettres et Images entend favorier le maintien des savoir-faire et leur diffusion auprès de ces typographes de l’ère numérique. Elle assure à travers son site www.letterpress.ch une base de connaissances de cette tradition. L’Association Lettres et Images repose sur des moyens de promotion et d’action résolument orientés vers les procédés contemporains de conception et de communication. Une coordination télé-informatique (développée et gérée au travers du réseau Internet) permettra d’offrir aux techniques sises en son Conservatoire un champ d’activités où elles pourront à nouveau s’exprimer. Tous les secteurs de la chaîne des arts graphiques œuvrant dans le domaine particulier de l’édition d’art - de la conception à la production - sont concernés par l’activité de l’Association Lettres et Images. Par ce biais, le rapprochement des derniers praticiens de l’imprimerie d’art encore actifs à l’échelle internationale instituera les bases dynamiques d’un «Conservatoire des conservatoires». 21 Septième module: La typographie d'art ou le livre-objet E n l'île de Lesbos, chassant dans un bois consacré aux Nymphes, je vis la plus belle chose que j'aie vue en ma vie, une image peinte, une histoire d'amour. Le parc, de soimême, était beau; fleurs n'y manquaient, arbres épais, fraîche fontaine qui nourrissait et les arbres et les fleurs... La typographie est un art, qu’elle soit au plomb ou à l’ordinateur, mais dans les rapports des réglages entre les noirs et les blancs, de la connaissance de la langue, de la grammaire, du vocabulaire, de la syntaxe, notre culture de la lettre disparaît dans notre règne du temps et de la quantité. Aussi nous parlerons ici de typographie d’art, qualificatif qui entend bien affirmer que la typographie est un art, mais qu’elle se voue à des ouvrages où l’artiste, le créateur, l’architecte du livre est au centre de la conception de l’ouvrage. Avec la volonté de confronter le texte et l’image dans un même élan, nous chercherons par les moyens d’impression en relief, en creux et à plat, à donner la profondeur de l’objet au livre. En privilégiant les sens qui nous sont donnés, le livre que l’on prend le temps de regarder et dont on s’imprègne, est aussi une respiration du lecteur qui répond à l’expiration de son créateur. Expiration et respiration par le livre sont les moyens de préserver la Culture de la Lettre. 22 Entre les mains des artistes pour les générations futures D ans son mouvement perpétuel, la roue de la vie engendre les cycles et les rotations des êtres vivants et des planètes. Avec le temps comme leitmotiv et nos yeux, nos oreilles, notre toucher, notre goût et les senteurs pour saisir la vie au vol. Jean Tinguely à Paris (1960) Les avancées technologiques de l'imprimerie ces dernières trente années ont sérieusement transformé les pratiques professionnelles. De la composition au plomb, il ne reste aujourd'hui que quelques rares imprimeries qui ont conservé quelques casses leur permettant de réaliser de petits travaux de ville. Depuis plus de dix ans nous avons, avec l'aide de passionnés, conservé une chaîne complète de typographie au plomb. Cet outil complet est un des rares ensembles visible en Suisse et en Europe. L'intérêt que suscitent ces machines est proportionnel à la disparition de ces techniques et savoir-faire. En conservant machines et savoir-faire, nous avons aussi poursuivi la réflexion sur le sens à donner à cette conservation. En effet, la typographie au plomb, comme la lithographie et la taille-douce, restent des techniques d'impression au service de l'expression. Sorties du cycle industriel et productif, il est remarquable de constater que les artistes restent attachés à ces techniques en voie de disparition. Cet intérêt pour la typographie mérite d'être soutenu, et c'est notre rôle que de mettre à disposition des artistes ces outils. La facture propre à la typographie, associée à l'image gravée par l'artiste, permet de réaliser des ouvrages qui allient texte et image. Ainsi est ouverte la voie vers laquelle tendent nos efforts: produire des imprimés originaux et limités par l'édition, où les préoccupations d'aujourd'hui sont traduites par des techniques du passé. Détail d'un linoléum gravé par Thierry Leclerc et imprimé à l’API sur les presses de l'Association Lettres et Images 23 Un public à sensibiliser, des savoir-faire à conserver C'est en 1478 que furent imprimés les premiers livres à Genève, soit environ 25 ans après l'invention de Gutenberg. Cela fait donc plus de 500 ans que l'on imprime dans ce canton. Que reste-t-il de cette tradition et de ce savoir-faire ?. Quelques rares ateliers d'imprimeurs possèdent encore quelques casses de plomb. Mais à l'heure de l'informatique de la PAO et d’Internet, comment nos enfants peuvent-ils évaluer cette évolution alors qu'aujourd'hui tout est dans la machine, qu’il suffit d’appuyer sur bouton ou de ballader une souris ? Intimement persuadés que la sauvegarde de ce dernier patrimoine de la culture typographique au plomb a un sens et une valeur, nous souhaitons sensibiliser les nouvelles générations issues du web à la beauté de la Lettres et à l’art de la mise en page. Nous ne faisons pas de différence entre une page web et une composition au plomb, elles exigent toutes deux un grand souci du détail et de la lisibilité. Par des visites de nos ateliers et des cours du soir, nous espérons offrir à la population genevoise la possibilité de voir et de pratiquer la typographie et les techniques d'impression ainsi que les plus récentes techniques de mise en page en ligne. @ 24 Ce document a été réalisé par Andréas Schweizer sur les machines de Macao, dans le cadre d'un cours de formation sur X-press. Composé en Futura, cette lettre de notre siècle marqua par son invention une ère typographique nouvelle. Proche du Bauhaus, la liberté d'expression qui lui était rattachée et son succès, furent durant l'Allemagne nazie de nature à effrayer le Führer. Aujourd'hui elle paraît commune, mais le nom qu'elle porte nous laisse espérer que la typographie au plomb aura encore de beaux jours devant elle. L'auteur ne se fait pas d'illusions sur la perfection de son document. Il appelle tous les lecteurs et typographes avertis à réagir et à lui communiquer les faiblesses qu'ils pourraient rencontrer sur le chemin de la lecture. Association Lettres et Images 25 rue du Vuache 1201 Genève Téléphone: (022) 340.44.10 e-mail: [email protected] www.letterpress.ch